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Full text of "Paris sous Napoléon"

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Lâ-n-^^Q^ c/-e ^b.h6r\€> i 

1 



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Z. DE LANZAC DE LABORIi 



PARIS SOUS NAPOLÉON 



La Religion 



Deuxième édition 



LIBRAIRIE PLOl 



PARIS SOUS NAPOLÉON 



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L. DE LANZAC DE LABORIE 



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1907 



THE NEW YORI I 

pïïblk; ubrary 
8±53iHi 



e rsproducUon tt ie traduction 



AVERTISSEMENT 



Le plan de mes travaux sur le Paris napoléonien 
comportait nécessairement Tétude de l'organisation 
et de la vie religieuses : mais c'est la crise actuelle 
des rapports de l'Église et de l'État qui m'a porté à 
ne point différer cette étude. Il m'a semblé que pour 
parier de l'établissement à Paris du régime concor- 
dataire (1), le moment était propice, où ce régime 
vient de prendre fin. Les matériaux se sont présentés 
en si grand nombre, et le sujet m'a paru si impor- 
tant, qu'il remplit à lui seul le présent volume, sans 
que j'aie pu, selon mon dessein primitif, y joindre 
les questions d'instruction et d'assistance. 

Si les événements d'hier et d'aujourd'hui ont hâté 
la publication de ce livre, je crois pouvoir affirmer, 
en toute sincérité, qu'ils n'en ont à aucun degré 
influencé la rédaction, et que je me suis efforcé de 
faire uniquement œuvre d'historien, en m'interdi- 



(1) J'ai esquissé dans mon premier volume le tableau de la vie 
religieuse depuis le début du Consulat jusqu'à la promulgation 
du Concordat. — Cf. Paris sous Napoléon, 1. 1, p. 257-374. 

IT. a 



^ 



M AVERTISSEMENT 

sant avec soin ooa seulement les allusions, te 
blés tout au plus à titre d'expédient dans les t 
où la presse politique n'est pas libre, mais les 
prochements, qui sont souvent superficiels e 
quent toujours de faire tort à l'impartiatit* 
comme on dit à présent, à l'objecticitê du récit. 
Même sur le terrain purement historiqui 
déclare volontiers cette impartialité impossi! 
réaliser pour l'écrivain qui demeure attaché : 
croyance confessionnelle. Il serait aisé, trop ai 
répondre que l'absolue indifférence n'existant 
ainsi dire point en pareille matière, l'hostilité 
point une meilleure garantie d'impartialité, el 
faudrait donc proscrire toute étude d'histoire 
gieuse. Il vaut mieux sans doute déclarer un 
de plus que des convictions dogmatiques très i 
n'apparaissent nullement comme inconciliables 
la scrupuleuse recherche de la vérité historiqi 
que celui qui les professe n'est à aucun degré t 
de se cantonner dans l'histoire dite k édiGante 
ce qui me concerne, je ne me suis permis de 
dissimuler des misères, des faiblesses ou des lai 
que les documents m'ont révélées chez les i 
sentants de l'Église catholique au début du 
neuvième siècle. Je demande seulement à me 
teurs de juger la conduite et le langage d 
personnages d'après le milieu où ils vivaient, t 
d'après les habitudes d'esprit qu'ont créées 
nous la licence de la presse, !a disparition du 



AVERTISSEMENT m 

de Tautorité, la violence habituelle de nos manifes- 
tations verbales. 

Dans ce volume plus encore que dans les précé- 
dents, parce qu^il s'agissait de sujets plus délicats, 
je me suis astreint à multiplier les citations, au 
risque d^alourdir le récit, a Le grand malheur de 
rhomme qui ne veut pas dépasser les textes, » 
écrivait Taine à Gaston Paris, « c^est ^obligation 
de n'être pas littéraire (1). » J'ai vérifié pour ma 
modeste part la justesse de cet attristant apho- 
risme : plus d'une fois, en rapprochant des docu- 
ments un développement de portée plus générale, 
un jugement sur les hommes ou sur les événements, 
la conscience m'a fait un devoir de le sacrifier, 
parce que je me suis aperçu que je tombais dans l'am- 
plification conventionnelle, et que, selon l'expres- 
sion de Taine, je a dépassais » les textes sous 
couleur de les commenter. Je me suis donc le plus 
possible effacé derrière eux. 

J'ai tâché de mettre à profit les très nombreuses 
publications qui se rapportaient à mon sujet. En 
fait de documents inédits, à défaut des archives 
encore inaccessibles de l'ancienne direction des 
Cultes, j^ai compulsé, aux Archives nationales, bien 
des cartons où liasses des séries AF.IV, F7 et 



(1) 17 mai 1881 : H. Tatne, sa vie et ta correspondance, t. IV, 
U 117. 



PARIS SOCS NAPOLÉON 



2 PREMIÈRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

Restera fidèle. — Grand âge. — » Deux attaques d'apo- 
plexie (4). » 

Ce dernier détail était sans doute controuvé, car la 
vigueur de santé du prélat nonagénaire faisait l'admira- 
tion de tous ceux qui l'approchaient : mais ses facultés 
morales et intellectuelles ne laissaient point que de se 
ressentir des atteintes de l'flge (2). Si son attitude était 
demeurée aussi correcte que digne son langage, sa 
modération natiu'elle devenait par moments de la débi- 
lité^ et sa prudence de la timidité. Après la suppression 
de son siège épiscopal, il n'avait point émigré, et s'étaiit 
fixé chez une de ses nièces, dans l'Oise, entretenant avec 
le clergé et les fidèles de Marseille de rares et mystérieuses 
conmiunications par l'intermédiaire d'un habitant de la 
Ciotat (3), et ne rompant officiellement le silence qu'une 
seule fois, sous le Directoire, pour autoriser le serment 
de haine à la royauté (4). Comme s'il avait eu regret de 
cette manifestation^ il ne se décidait points au début du 
Consulat, à répondre à l'abbé Émery, qui l'avait consulté 
au sujet de la promesse de fidélité (5) ; par contre, dix 
mois plus tard, malgré de signalés et courageux services, 
il révoquait le plus en vue de ses vicaires généraux, qui 
s'était autorisé de son nom pour combattre ladite pro- 
messe (6). Lors de la signature du Concordat, sa démis- 
sion était en effet une des premières qu'eût reçues Spina : 

(1) AF. IV, 1044. 

(2) Rappelons que J.-B. de Belloy, né le 17 octobre 1709, avait 
quatre-vingt-douze ans et demi lors de sa nomination à Paris. 

(3) M. de Chauvigny, arrière-petit-neveu du cardinal de Belloy 
et possesseur de ses papiers, a bien voulu me certifier Texis- 
tence des commimications en question, qu'on a parfois mises en 

doute. 

(4) SiCARD, Ancien clergé de France, t. III, p. 457. 

(5) Ëmery à Bausset, 9 mars 1800 : Papiers Emery. 

(6) 4 novembre 1800 : De Chauvignt, la Mère de Belloy et U 
Visitation de Rouen, p. S27, 



JEAN-BAPTISTE DE BELLOY 8 

elle exprimait à Pégard du Saint-Siège la plus prévenante 
et confiante docilité (i). 

Portalis, qui avait un faible pour les Provençaux de 
naissance ou d'adoption, était décidé à faire une place 
dans répiscopat concordataire à ce Nestor de l'Église 
gallicane. Pour tout concilier, il proposait de lui donner 
l'archevêché d'Aix^ qui comprenait son ancien diocèse 
de Marseille, et de lui adjoindre comme coadjuteur 
révéque démissionnaire de Vaison dans le Comtat, Fallot 
de Beaumont, celui qui devint effectivement évêque de 
Gand(2). Une décision imprévue, suggérée peut-être par 
un calcul d'ambition de Dernier, appela au dernier 
moment Belloy, sans coadjuteur, au siège de Paris, où il 
devait se trouver bien autrement dépaysé et accablé de 
responsabilité qu'à Aix (3). 

Si le vieillard eut des hésitations avant d'accepter, 
elles furent de courte durée, et il n'en est point resté 
trace. Dès son installation, qui eut lieu le dimanche des 
Rameaux (11 avril 1802), il adopta ou plutôt il prit 
naturellement une attitude qui lui valut une sérieuse et 
durable popularité. Pour la majorité des Parisiens de ce 
temps-là, même pour ceux qui applaudissaient un réta- 
blissement du culte, l'évêque modèle était beaucoup 
moins un docteur, un apôtre, un conducteur d'àmes, un 
Athanase ou un Ambroise, qu'un a ministre de paix >, un 
« officier de morale » , comme Mirabeau l'avait dit à la 
tribune de la Constituante, f respectable » et « vénérable * 

(1) « Plein de vénération et d'obéissance pour ses décrets, et 
voulant toujours lui être uni de cœur et d*esprit, je n'hésite pas 
à remettre, entre les mains de Sa Sainteté, ma démission de 
l'évôché de Marseille. »(21 septembre 1801 : Boulât de la Meurthr, 
Documents tur le ConeordcU, t. IV, p. 109.) 

(2) Ibidem, t. V, p. 208. 

(3) Paris $otu Napoléon, t. I, p. 364-366. 



i PREMIÈRE ORGANISATION CONCORDAT 



gang doute, mais à la manière d'un patriarche. 
âge, par son tempérament, par son aspect extér 
par la bonhomie souriante de son laQgage, Bell 
merveilleusement adapté à ce ràle de prélat bé 
qui nous parait aujourd'hui singulièrement 
mais que les circonstances exigeaient peut-être d 
certaine mesure. Comme beaucoup de vieillards 
tachait davantage à la vie à mesure que les 
normales s'en reculaient pour lui : il laissa écha 
marques d'une joie naïve le jour où on lui prés 
ancien soldat plus que centenaire (2) . Avec cela, i 
à parler de son âge, et s'en autorisait non sans 
pour employer deg formes de langage toutes pat* 
qu'on n'eût peut-être point passées à un évôq 
jeune. Qu'en présentant son clergé à Pie VII, il 
parât au vieillard Siraéon (3), l'image était classii: 
une réunion de ce genre; mais un an plus tard, 
vant à Notre-Dame la députation qui apportait ui 
des trophées d'Austerlitz, il reprenait avec si 
même thème devant un auditoire tout différent 
novembre 1807, lors de la clôture du collège élec 
département de la Seine, dont il avait présidé 
sonne toutes les séances, il se faisait applaud: 
assemblée où foisonnaient les voltairiens et 
défroqués ne faisaient pas défaut en déclarant, h 
aux lèvres: • Je suis votre père à tous (5). > Ses! 



(1) L'impression imposajite et presque majestueuee c 
la statue de Notre-Dame doit être eontrûlée et corrigée 
toile de Dabos. dons l'attique sud du musOe de Versail 
ici le • bon vieillard > du dix-huitième siècle, un persi 
Berquin en soutanelle rouge. 

(2) Mme ue Chastenav. Mémoires, t. Il, p. Si 

(3) i décembre 1804 : Journaux. 
(*) 10 janvier 1806 : Ibidem. 

(S) Ibidem. 



JEAN-BAPTISTE DE BELLOY 5 

pastorales s'inspiraient volontiers de l'idée qui lui était 
chère; en ce même automne de 1807, comme il s'était 
rendu au Calvaire du Mont-Valérien pour la fête de 
l'Exaltation de la Croix, avant de donner sa bénédiction 
aux pèlerins, il leur dit : «Mes enfants, j'ai bientôt cent 
ans ; je le sens au dépérissement de mes forces ; mais je ne 
m'en aperçois pas à la tendresse paternelle que j'éprouve 
pour vous. Priez Dieu pour votre évêque, qui, malgré sa 
vieillesse, le prie tous les jours pour vous. » Ce langage 
eût paru touchant à toutes les époques : en 1807, il fit 
inévitablement couler les larmes (1). 

Il courait dans les cercles royalistes des anecdotes 
très suspectes, d'après lesquelles le Premier Consul 
aurait eu avec le prélat des façons de sultan capricieux, 
le mandant par exemple à l'improviste pour dire la 
messe aux Tuileries, et le laissant à jeun jusqu'à une 
heure et demie de l'après-midi (2). Ceci est fort invrai- 
semblable (3) : si impérieux^ si brutal même que le 
maître se montrât souvent, il se connaissait en hommes, 
et dès la première entrevue la déférence empressée de 
l'archevêque lui avait révélé que le gouvernement 
obtiendrait tout de lui par des attentions et des égards. 
Le fait est qu'à peine installé, Belloy était comblé d'hon- 
neurs, de présents, de paroles obligeantes. Le chef de 
l'État, qui considérait l'archevêque de Paris comme un 

(1) Journal de VEmpire, 20 septembre 1807. 

(â) Remacle, Relations secrètes des agents de Louis XVIII, p. 70. 

(3) Ce qui est exact, c'est que de loin en loin Belloy officiait 
dans la chapelle des Tuileries (il y dit pour la première fois la 
messe le dimanche 9 mai 1802 : Journal des Débats^ 21 floréal 
an X) : mais ce soin incombait d'ordinaire, sous le Consulat, à l'.un 
des vicaires généraux, Tabbé de Mons, à qui une décision de Bona- 
parte attribua de ce chef la rondelette indemnité de 8,000 francs, en 
même temps que 1,000 francs à chacun des deux prêtres qui l'as- 
sistaient à l'autel (3 frimaire an XII : AF. IV, plaq. 619). 



ORGANISATION CONCORDATAIRE 

laire, et qui ne lui aurait pas permis de 
mplicité apostolique, prenait un détour 
faire cadeau d'un carrosse tout attelé (1). 
: l'été de 1802, les occasions de lui pro- 
pliments gracieux, mais empreints d'un 
, monarchique : t Je serai toujours fort 
rarchevëque, de faire quelque chose 
la religion et d'agréable à votre per- 
désire, monsieur l'archevêque, que voua 
us bien porter, car vos vertus et votre 
na personne me sont nécessaires (3). • 
poque, le prélat était nommé membre du 
des hospices de Paris, non point par un 
u ministre de l'intérieur, comme c'était 
ar un arrêté consulaire précédé des con- 
tins élogieux (4); le jour où il venait 
, Pastoret, qui tout enfant l'avait connu 
)pelait aimablement ce souvenir, après 
un mode plus pompeux : < L'association 
e bien est un encouragement nouveau 
s la vertu (5). • — Quand, usant du privi- 



nglait en France, p, 1G4-16S. 

n X (SS juin lSt>i) : Corrttpandanet, 6li8. 

28 août) : Ibidem, S2T4. 

I de la République, voulant témoigner à M, de 
3 de Paris, leur haute estime pour sa personne 
manifeste dans l'exercice de ses Tonctions... • 
it) : F. IS, 1(, Seine, 1817.) 

iébati, SD Iructidoi' an X. Fidèle à son système 
.ucune fonction comme purement honorifique, 
Hts plus tord, enjoignit au prélat de faire < par 
iquète à l'hospice des vieillards ds Montrouge, 
les plaintes lui ût^ent parvenues; malgré ser 
e ans, Belloy alla dans les trois jours goûte 
(Toger les pensionnaires. (Napoléon à Belloy 

II (13 août ISDt) : Correipondance, HÎS; Belloj 
frraidor (17 août) : AF. IV, 10*B.) 



JEAN-BAPTISTE DE BELLOY 7 

lège que lui accordait la revision constitutionnelle de 
l'an X, le Premier Consul commençait à nommer direc- 
tement des sénateurs, l'archevêque de Paris faisait partie 
de cette promotion de début (28 fructidor an X-15 sep- 
tembre 1802), avec deux ministres dépossédés de leur 
portefeuille, Fouché et Abrial, un conseiller d'État jugé 
trop encombrant, Rœderer, et le vieux général d'Abo- 
ville; pour lui seul cette nomination ne déguisait point 
une retraite ou une disgrâce. « Le citoyen de Belloy, » 
disait le message consulaire, c a été pendant cinquante 
ans d'épiscopat le modèle de l'Église gallicane. Placé à la 
tête du premier diocèse de France, il y donne l'exemple 
de toutes les vertus apostoliques et civiques. » Au Sénat 
comme au conseil des hospices, le prélat fut accueilli 
c avec beaucoup d'empressement et de considération » 
par les vieux révolutionnaires qui formaient l'immense 
majorité de ses nouveaux collègues : mais comme il se 
mettait en devoir de débiter un petit discours de remer- 
ciement, Lebrun, bourru à son ordinaire, l'interrompit 
en l'invitant à prêter serment sans plus de phrases (i). 
Quelques jours plus tard, un arrêté consulaire autorisa 
exceptionnellement Belloy à cumuler les deux traite- 
ments de sénateur et d'archevêque (2). 

Dans ces conditions, nul ne dut s'étonner de voir le 
prélat compris dans une autre promotion, celle des cinq 
cardinaux français qui furent proclamés au consistoire 
du 17 janvier 1803. Il partagea cet honneur avec 
Bayanne, auditeur de rote, nommé en vertu d'une an- 
cienne tradition; Fesch et Cambacérès, choisis pour leur 
illustre parenté; Boisgelin, pour qui le chapeau était à 
la fois une récompense et un dédommagement. Dès le 

(1) Remaclb, Relationt secrète» des ctgenis de Louis XVIIl, 
p. 130. 

(2) 17 vendémiaire an XI (9 octobre 1802) : AF. IV, plaq. 416. 



8 PBEM1ËRE ORGAIflSATlOIT CONCORDAT: 

1" février, selon l'étigaelte, im garde-nobte, le 
GiuBtiDÎani, se présentait à rarchevëché de Paris 
avoir fait halte à Lyon (1). Le prëlat Doria, i 
comme ablégat, apporta ud peu plus tard les ba 
qui furent BoleDuellemeot remises le 27 mars 
Belloy qui dans cette occasion harangua le I 
Consul au nom des quatre cardinaux-arcbeTèque 
Fîotervalle {7 Tentdse-26 février), un arrêté cor 
avait attribué à chaque cardinal français une inc 
de 45,000 francs pour frais d'installation, plus i 
plément de traitement annuel de 30^000 francs 
pression fut d'autant plus vive dans le menu peu 
depuis la mort du cardinal de Noailles (1729), 
archevêque de Paris n'avait porté la pourpre. 

Quelques mois enfin avant sa mort, le cardi 
Belloy fut, comme on l'a vu, l'objet d'une demi 
tinction. A l'automne de 1807, Napoléon l'appeh 
sider le collège électoral du département de la Sei 
présidences, partout confiées à des personnages 
dérables, étaient dans les départements les plus 
tants le lot des grands dignitaires, à qui Belloy i 
vait ainsi assimilé. La session précédente^ celle de 
n'avait eu pour président rien moins qu'un pr 
expectative, Lucien Bonaparte. 

A côté des honneurs officiels, l'autorité avait 
prélat de ces menues attention.-;, Faites pour eha 
creur d'un vieux prêtre. Ainsi la police, très e 
empêcher à Paris, aux termes des Organiques, 
qui aurait ressemblé à une procession propreme 
tolérait pourtant de temps à autre, les jours de 

I XI (1" févrie: 



JEAN-BAPTISTE DE BELLOY 9 

mation, qu'un cortège solennel reconduisît l'archevêque 
de l'église au presbytère de la paroisse; si, comme à 
Popincourt, les « exclusifs » s'avisaient de murmurer, 
ils étaient énergiquement rappelés à l'ordre (1). — Mais 
ces politesses sans grande portée n'empêchaient point 
le gouvernement ou ses agents de multiplier les exi- 
gences (2), devant lesquelles Belloy s'inclinait presque 
toujours, ni de tenir pour non avenues les réclamations 
du prélat, dont le souriant et déférent optimisme ne se 
démentait point. Lors de la démolition du séminaire 
Saint-Sulpice, exécutée d'iu'gence en dépit des bonnes 
paroles données au nouveau cardinal, Émery, person- 
nellement atteint dans ses souvenirs et ses espérances, 
trahissait quelque impatience : « On s'est visiblement 
moqué de notre archevêque, qui ne s'en aperçoit et ne 
s'en émeut pas... Ce n'est pas assurément la bonne 
volonté qui manque, mais avec un caractère naturelle- 
ment si doux, avec tant de respect pour tout ce qui tient 
au gouvernement, avec un âge si avancé , etc . (sic) ... (3) . » 
Le tempérament personnel de Belloy le portait en effet 
à outrer les traditions gallicanes, dans lesquelles il avait 
mûri et vieilli, et qui, au précepte évangélique de la 
déférence envers le pouvoir civil, substituaient une sorte 
de culte. Par gratitude autant que par conviction, le 
prélat avait transporté cette soumission prosternée des 
descendants de saint Louis au restaurateur des autels : 
« M. l'Archevêque, » pouvait-on écrire, « a sans cesse 
à la bouche l'éloge du Premier Consul, et ses discours 
font beaucoup d'impression sur les prêtres de son dio- 
cèse, auxquels il ne cesse de recommander le plus pro- 

(1) Rapports du préfet de police, 21 prairial et 12 messidor 
an XI : F. 7, 3831. 

(2) Il en sera question dans un chapitre ultérieur. 

(3) A Bausset, 13 février 1803 : Papiers Emery, 



>RGAN]6AT10N CONCORDATAIRE 

1 plus vive reconnaissance pour le gou- 
Ce n'étaient pas seulement les prfitres 
le la sorte ; dans sa première visite au 
que les élèves avaient militairement 
il leur présentait en ces termes leur 
chers enf&uts, voilà le digne ecclésias- 
largé du soin de vous diriger dans le 
: écoutez sa voix; il vous apprendra la 
le qui consiste à aimer Dieu et à honorer 
) sur la terre pour nous gouverner (2). > 
:ur eut résolu de faire annuler par les 
liocésaine et métropolitaine le mariage 
•ôrae, non seulement l'archevêque ne 
bjection, mais il se prêta docilement à 
istions de Portails, qui écrivait cette 
it significative : ■ J'ai pris ce matin, 
jénéraus, les mesures convenables (3). > 
tre tradition de l'Église gallicane que 
ent des subsides au Trésor public, en 
éril extérieur. Malgré la différence des 
enus, le prélat n'hésita point, lors de 
paix d'Amiens, à suivre l'exemple de 
iges haut placés et à contribuer aux 
ture descente en Angleterre par un don 
400 francs (100 < louis » d'autrefois) : 
rede Notre-Dame, ■ pour témoignerau 
n attachement et sa reconnaissance >, 
a côté, offrir (iOO - livres • (4). — Il était 

réfet de police, 30 messidor on X (B juiUel 

-.1 tom U Contutal. t. 111, p. 14S. 

laii, i" messidor aa X. 

. a. {n« septembre ou début octobre 18M) 



JEAN-BAPTISTE DE BELLOY il 

moins conforme aux précédents de mettre l'autorité reli- 
gieuse au service des agents du recrutement : ici encore 
Belloy s'inclina; après léna, quand le fardeau de la 
conscription commençait à s'alourdir, il envoya à ses 
curés et desservants une lettre pastorale « sur les ins- 
tructions à donner aux peuples relativement à la 
guerre (1). » (C'est justice d'ajouter qu'il insistait, en 
termes vraiment apostoliques, ,sur les recommandations 
morales et religieuses à adresser aux conscrits.) 

L'archevêque aila-t-il plus loin dans la voie des bons 
offices? Prenant à la lettre la formule de son serment, 
se crut- il obligé de participer à des besognes policières? 
Ceux qui l'en ont accusé ont travesti la signification de 
ses visites fort peu machiavéliques quai Malaquais; s'il 
y fréquentait davantage que dans les autres ministères^ 
c'est que Mme Fouché, très flattée, lui faisait un accueil 
particulièrement gracieux, et lui redemandait souvent, 
quand le temps en serait venu^ de donner la bénédiction 
nuptiale à sa fille (2). On a également abusé d'une 
démarche au fond très innocente. Lors de la dramatique 
arrestation de Cadoudal, le cardinal passait en voiture 
près du carrefour de l'Odéon : il eut l'idée d'aller incon- 
tinent oifrir ses félicitations au Premier Consul, à qui il 
se trouva apporter la nouvelle, car les agents perdirent 
du temps à chercher le préfet de police, qui dînait en 
ville. Quand Dubois, essoufflé et rayonnant, se présenta 
aux Tuileries, Bonaparte lui apprit que l'arrestation du 
chef chouan était déjà pour lui de l'histoire ancienne, et 
ajouta d'un ton goguenard : « Vous voyez, sans reproche, 



congrue, prouve, sinon ses moyens, au moins son zèle. C'est le 
denier de la veuve, qui est apprécié par le sentiment qui le fait 
offrir. » (A Bonaparte, 27 prairial an XI (16 juin) • AF. IV, 1044.) 

(1) 23 décembre 1806. 

(2) Mme de Chastbnây, Mémoires, t. Il, p. 51. 



13 PREHIÈRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

qne la religion est aussi une bonne police (1). > Le mot 
était ici d'uQe justesse très relative, ce qui ne l'empêcha 
point de faire fortune. Fouchë devait le développer en 
termes particulièrement impertinents après sa rentrée au 
ministère (2), et Maurj fut assez dépourvu de tact pour 
le prendre à son compte le jour de sa nomination à l'ar- 
chevêché de Paris (3). Appliqué à Belloy, il est tout à 
fait immérité : ce prélat, qui eut ses faiblesses de cour- 
tisan et de vieillard, ne compromit jamais sa dignité 
dans des collaborations policières, comme Bernier et 
Pancemont, pu comme Rousseau, successeur de Bernier 
à Orléans, qui rendait compte à Fouché de ses recherches 
pour découvrir chez ses prêtres des pamphlets d'oppo- 
sition, et qui terminait sur cette phrase : • Monseigneur 
conclura de l'harmonie qui règne entre M. le préfet et 
moi tout le bien qu'elle peut produire sans secousse et 
sans éclat. Nous avons l'un et l'autre le même dévoue- 
ment pour le gouvernement et toujours le même empres- 
sement à le servir (4). * 

La destinée, clémente jusqu'au bout pour le cardinal 



(1) Bibliothé(]ue nationale, uouv. aci{uis. fr,, 3856, fol. 114. 

(2) • II y » plus d'un rapport, monsieur, entre mes fonctions 
et les vAtres... Notre but commun est de faire naître la sécuriti- 
de l'Empire du sein de l'ordre et des vertus. • (Circulaire de 
Fouché aux Ovôques, 5 fructidor an XII (23 août 180*). 

(3) Il répétait à PasquicF, noTomr. en même temps préfet de 
police (14 octobre 1810) : « L'empereur vient de satisfaire auï 
deux plus grands besoins de sa, capitale. Avec une bonne police 
et un bon clergé, il peut toujours être sûr de la tranquillité 
publique, car un archevêque est auppi un prt'^fot de police. • 
(Pasqcibh, Mimoirei, t. I, p. ilS.) 

(i) H novembre 1809 : F. 7, 6531. C'est ce personnage qui, 
nommé évéque de Coutances au Concordat, répondEût à une 
dame lui demandant comment il fallait l'appeler : < En public, 
MontienT, mais entre amis on peut m'appeler HoTueignevr, • 
(Behaclb, Eelaliom secriUi des agenti de Louii XVIII, p. 44.) 



-f- ^-^ 



JEAN-BAPTISTE DE BELLOY 13 

de Belloy, le fit disparaître avant la crise violente de la 
politique religieuse, et le dispensa de prendre parti 
entre les deux pouvoirs entre's en conflit. 11 put^ sans 
manquer à ses devoirs essentiels, continuer à prodiguer 
à Napoléon des louanges dont l'hyperbole nous effa- 
rouche ou nous amuse aujourd'hui, mais qui ne déto- 
naient point dans l'ensemble de la littérature épiscopale 
d'il y a cent ans (1). 

Dans ses mandements^ la partie proprement reli- 
gieuse, celle qui était plus particulièrement son œuvre^ 
était inspirée, non sans à-propos ni sans onction, des 
prédications de l'Évangile; on y retrouvait cette man- 
suétude apostolique qui, à Marseille, avait triomphé de 
dissensions invétérées. Au lendemain de la crise révolu- 
tionnaire, qui avait laissé après elle tant de désastres et 
de rancunes, il y avait une vraie noblesse à résumer 
ainsi l'enseignement du Christ : « La religion que nous 
professons est une religion d'amour, de concorde et de 
charité. Elle ne permet de se souvenir du mal que pour 
rendre le bien (2). » 

Les commentaires consacrés aux grands événements 
politiques comportent plus de réserves : mais il con- 
vient d'ajouter immédiatement que le prélat et son 



(1) Il convient d'ailleurs, tout en critiquant la servilité du lan- 
gage de l'épiscopat nap'oléonien, de tenir compte de cette remarque 
de l'un de ses membres : « Quelque chose qu'ait dit le clergé 
moderne, aucun de ses discours n'est descendu aussi bas que les 
épltres dédicatoires de Corneille et de Boileau, et quelles qu'aient 
été les phrases de mauvais goût et de mauvais sens qui soient 
échappées à des membres du clergé, ce n'est point à un ecclésias- 
tique, mais à im préfet gentilhomme qu'appartient ce mot, qui 
est sûrement le nec plus ultra du sot bel esprit flatteur : Dieu fit 
Bonaparte et se reposa! » (De Pradt, les Quatre Concordats, t. II, 
p. 280.) 

(2) Lettre pastorale pour la Fête-Dieu de 1802 : Journal des 
Débats y 3 messidor an X. 



14 PREMIÈRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

entourage ecclésiastique n'en avaient point l'exclusive 
responsabilité. Lorsqu'il s'était agi pour Belloy de lancer 
un premier mandement, antidaté du jour de Pâques 1802, 
Bonaparte avait demandé communication du manuscrit 
et l'avait renvoyé à Portalis avec une critique détaillée, 
curieux mélange d'infatuation, de préjugés vulgaires 
et d'observations judicieuses énoncées en un style volon- 
tairement cavalier : « Ce mandement, » déclarait-il de 
prime abord, « ne me paraît pas d'un style assez élevé 
ni assez correct pour Paris. Les mots latins sont trop 
répétés dans la première page et ne disent rien. » Il 
reprochait au prélat de s'être étendu sur le bienfait de 
la paix religieuse, quand il eût fallu insister sur l'œuvre 
réparatrice d'un gouvernement fort; sans s'embarrasser 
des scrupules d'une fausse modestie, le chef de l'État se 
déclarait mal satisfait des éloges qui lui étaient décernés 
à lui-même : « Le Premier Consul doit être nommé en 
termes plus élevés et surtout moins trivials : ce doit être 
à la manière de Bossuet, dans VHistoire universelle, et 
non à celle d'un discours improvisé dans une assemblée 
politique. » En revanche, le maître réclamait la sup- 
pression des compliments accordés au cardinal-légat : 
f L'archevêque de Paris, dès sa naissance (sic), doit 
prendre le caractère de fierté qui doit lui convenir. » Il 
ne fallait point non plus s'attarder au souvenir importun 
de Pie VI, mais célébrer seulement Pie VII, en sa qualité 
de pape régnant. La conclusion mérite d'être intégrale- 
ment reproduite : « Comme j'attache une grande impor- 
tance à ce que le mandement de l'archevêque de Paris 
soit comme il doit être, je ne crois pas que celui-ci rem- 
plisse le but. Faites-moi connaître celui que vous avez 
rédigé ou fait rédiger. Il faut qu'il soit tel, que les phi- 
losophes et les gens du monde soient obligés de con- 
venir qu'il est bien fait, et qu'il est l'expression de la 



^ 



JEÂN-BAPTISTE DE BELLOY 15 

volonté de la nation. Les citations latines et le pathos 
évangélique doivent porter sur des choses saillantes et 
des préceptes éternels, qu'aucun honnête homme, quelle 
que soit son opinion, n'oserait nier (1). » 

Portalis, l'homme courtois et affable par excellence, 
traduisit sans doute le message, et n'eut garde de le 
rendre textuellement au prélat. Mais ce précédent fut 
désormais suivi, et il devint de règle qu'en raison de la 
situation exceptionnelle de l'archevêque de Paris, ceu^ 
de ses mandements « dont l'objet n'était pas purement 
spirituel » fussent soumis à la censure préalable du chef 
de l'État, « qui indiquait les changements dont ils lui 
paraissaient susceptibles (2). » Le témoin très renseigné 
qui nous a transmis ces détails affirme, avec preuves à 
l'appui, que le maître biffa plus d'une fois des passages 
trop adulateurs : s'il voulait être loué, il entendait l'être 
avec mesure et dignité, « à la manière de Bossuet >, 
comme il disait non sans candeur. 

Parmi les tirades dithyrambiques qu'il laissa passer, 
beaucoup, surtout au début du régime, exprimaient 
avec emphase un sentiment de gratitude et d'attache- 
ment qui existait en réalité dans les milieux catholiques. 
Ainsi^ lors du Consulat à vie et des solennités du 15 août 
en 1802 et 1803 : € ... Nous vous y appelons pour 
former des vœux ardents pour la conservation des jours 
précieux de notre Premier Consul, pour que vous vous 
écriiez, en face du Saint des Saints, comme autrefois les 
Hébreux : Vivat Scdomont.,. Que la France reconnaissante 
proclame l'instrument de vos miracles le pacificateur de 
la terre, qu'elle le nomme Consul à vie (3), que toutes 

(i) 3 floréal an X (23 avril 1802) : Boulât de la Mburthb, Doeu- 
fMuU sur le Concordat, t. V, p. 557-558. 

(2) Jauffhbt, Mémoires hittoriques, 1. 1, p. 212 et note. 

(3) Un des membres les plus respectables de répiscopat, Noé, 



16 PREMIÈRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

les voix publient sa gloire, nous applaudissons* à ces 
transports; mais la religion nous inspire des sentiments 
plus sublimes, nous l'appellerons l'homme de Dieu. » 

A la proclamation de l'Empire, Belloy osa mêler à ses 
adulations le souvenir de Henri IV et tirer de la céré- 
nionie du sacre une leçon édifiante : « Le vicaire de 
Jésus-Christ en prêtant son ministère, Napoléon en le 
réclamant, nous prouvent que tout est grand lorsque la 
religion le commande, qu'il n'y a de grand que ce qu'elle 
consacre. » Aussi dut-il insérer, dans le mandement qui 
prescrivait un Te Deum final, une sorte d'anathème 
contre les royalistes obstinés : « ... Loin du Dieu qui 
veut qu'on rende à César ce qui est à César, ces hommes 
inquiets et turbulents^ qui...... pour avoir un spécieux 

prétexte de se plaindre de la puissance à laquelle la Pro- 
vidence les force d'obéir, afi'ectent de regretter celle 
dont elle a brisé le sceptre î » 

Quand la guerre continentale se fut rallumée, l'arche- 
vêque célébra les victoires napoléoniennes; mettant à 
profit la critique que Portails lui avait transmise en 1802, 
il saupoudra de citations de Bossuet l'analyse des bulle* 
tins de la Grande- Armée, et trouva un ingénieux pré- 
texte pour s'excuser de faire entrer tant de stratégie 
dans une lettre pastorale : « Si nous vous avons entre- 
tenus de plans de campagne, de marches d'armées, de 
généraux prisonniers, c'est pour exciter votre recon- 
naissance envers le Seigneur notre Dieu, premier auteur 
de tous ces succès, et parce que le récit des œuvres du 
Seigneur est le plus bel hymne que l'on puisse chanter 
à sa gloire. » 

ancien évoque de Lescar, devenu évoque de Troyes, disait dan 
son mandement sur le Consulat à. vie : « Les sénatus-consultes 
qui n*ont pu rendre le Premier Consul immortel, nous assuren 
du moins tous les instants de sa vie. » 



r^ 



JEAN-BAPTISTE DE BELLOY 17 

Le vieillard n'en était pas moins obligé de forcer son 
tempérament, et sans doute d'emprunter l'aide d'autrui, 
pour emboucher ainsi la trompette guerrière. On le 
retrouve mieux lui-même dans la harangue dont il salua 
Napoléon au seuil de Notre-Dame, en cette fête du 
15 août 1807 qui marqua l'apogée sinon de la puissance 
impériale^ du moins de l'enthousiasme et de la con- 
flance populaires. Le petit discours où le cardinal de 
Belloy exprima avec chaleur le sentiment général fut 
son chant du cygne : < Sire^ les vœux du clergé et de 
tous vos fidèles sujets sont remplis. Quels sentiments 
d'amour, de reconnaissance et de consolation nos cœurs 
n'éprouvent-ils pas en ce jour, en voyant Votre Majesté 
dans la première églil^e de son Empire, dans laquelle 
Elle a reçu l'onction sainte des mains du successeur de 
saint Pierre, y porter le rameau d'olivier et donner à 
son peuple la paix, cette paix si chérie et depuis long- 
temps si désirée! Sire, plusieurs fois les voûtes de ce 
temple ont retenti des cris d'allégresse pour célébrer 
vos éclatantes victoires. Aujourd'hui Votre Majesté y 
vient Elle-même rendre des actions de grâces à TÉter 
nel. Sire, nous unissons tous nos prières aux vôtres, 
en remerciant la divine Providence, et nous ne cesse- 
rons de la prier poiir le bonheur de vos jours, de 
votre auguste famille et pour la prospérité de votre 
Empire. » 

Napoléon avait résolu ce jour-là de parler en succes- 
seur des rois très chrétiens; sa réponse fut littéralement 
édifiante : c Monsieur l'archevêque, tout vient de Dieu. 
Il m'a donné de grandes victoires. Je viens dans la pre- 
mière métropole de mon Empire rendre grâce à la Pro- 
vidence de ses bienfaits, me recommander à vos prières 
et à celles du clergé. » A la sortie, le ton fut surtout 
gracieux : c Monsieur l'archevêque, assurez le clergé de 
IV, 2 



HIËRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

de de ma protection; dites-lui que dans toutes 
iioDsje lui en ferai sentir les effets (I). > 



ut de prime abord invraisemblable qu'un arche- 
looagénaire, de caractère faible et de volonté 
, pût gouverner elïectivement un diocèse popu- 
i presque tout était à créer, à réorganiser au 
)ans les débuts de l'épiscopat de Belloy, le public, 
lésiestique que laïque, s'ingénia à chercher qui 
erait de sa confiance et régirait les affaires sous 



emier auquel on pensa fut Bemier. Les contem- 
ignoraientle détail de sa participation aux négo- 

du Concordat, où, à côté d'un merveilleux 
e rédaction, il avait montré < une docilité inal- 
qui seconda des exigences déraisonnables et 
des besognes louches (2) >. Mais ce qui frappait 
yeux, c'était le crédit croissant aux Tuileries de 
aumAnier des chouans : on s'accordait à lui pré- 
i grande situation dans le futur épiscopat con- 
re. 

3T fut desservi au dernier moment, soit par la 
é de son physique (3), qui ne répondait en rien 
traditionnel de l'ecclésiastique parisien, soit par 
:a en très grande partie calomnieux que les irré- 

«nntff inidiil. 

tinal HitTHiEn, le Coneordat de 1801, p. S3. 

lurt, trapu, l'œil louche, le visage rouge et plein, le poil 

irépu. » (Thibbaclt, Mémoire», t. III, p. 3i8.) 



INFLUENCES RÉPUTÉES PRÉDOMINANTES 19 

conciliables de droite et de gauche faisaient courir sur 
sa conduite en Vendée. Sa nomination au très impor- 
tant ëvôché d'Orléans^ qui comprenait alors les deux dé- 
partements du Loiret et de Loir-et-Cher, fut pour l'opi- 
nion une surprise et pour lui-même une incontestable 
déception. Le charitable et prudent Émery ne pouvait 
s'empêcher d'écrire : « Je crois B. très attrapé : il atten- 
dait Versailles ou Tours (1). » On rapportait avec persis- 
tance qu'un prochain dédommagement avait été promis 
à Dernier^ et qu'il n'allait point tarder à être nommé 
coadjuteur de Paris (2). 

Il y avait une part de vérité dans ces racontars. Le 
29 avril 1802^ en vertu des pouvoirs exceptionnels qui 
lui avaient été conférés, le légat Caprara investit Bernier, 
non point de la coadjutorerie proprement dite, mais du 
droit peut-être plus exorbitant, tout en demeurant 
évêque d'Orléans, de participer à l'administration épis- 
copale de Paris. La décision était censée prise sur la 
demande de Belloy, qui, en termes singulièrement 
humbles, aurait déclaré le fardeau écrasant pour ses 
forces amoindries (3). 

Bernier en profita très légitimement pour collaborer au 
travail de délimitation des nouvelles paroisses pari- 
siennes, ainsi qu'aux nominations du personnel. Comme 
on pouvait s'y attendre, cette double opération souleva 
des mécontentements, dont l'évêque d'Orléans porta la 



(1) A Bausset, 11 avril 1802 : Boulât de la Meurthb, Docu- 
ments sur le Concordat^ t. V, p. 462, note. 

(2) Rapports du préfet de police, 18 germinal (8 avril), et 8 flo- 
réal (28 avril) : Adlard, Paris sous le Contulat, t. II, p. 822, et 
t. III, p. 18. 

(3) « Quum R. D. J.-B. de Belloy, parisiensis archiepiscopus, ob 
nimium provectam aetatem viriumque debilitatem ad onus regi- 
minis ecclesiae sibi commissae sustinendum se minus idoneum 
reputaverit... » (Copie dans les Papiers Emery). 



20 PREMIÈRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

responsabilité : il fut accusé d'avoir moins consulté 
< l'avantage des fidèles que celui des sujets qu'il avait 
le désir de placer »^ et notamment d'avoir subordonné 
à des questions de personnes la distinction entre cures 
et succursales dans certains arrondissements (1). Sur 
ces entrefaites, une polémique s'éleva au sujet de la soi- 
disant rétractation des évéques constitutionnels nom- 
més à des sièges concordataires, rétractation dont Der- 
nier et Pancemont avaient été les témoins officiels, plus 
complaisants que scrupuleux (2). Mis en cause, les deux 
prélats publièrent une déclaration dont le pape et le 
Premier Consul leur surent également mauvais gré, 
Pie VII parce qu'elle n'était pas assez nette, et Bona- 
parte parce qu'il lui déplaisait qu'on reparlât d'une affaire 
qu'il avait déclarée close (3). Les vicaires généraux de 
Paris en profitèrent pour revendiquer leur droit à gérer 
les affaires avec leur chef; la décision de Caprara, qui 
n'avait pas reçu de publicité, fut tenue pour non avenue, 
et Bernier eut ordre de se fixer dans son diocèse, d'où il 
ne put désormais s'absenter sans l'autorisation du Pre- 
mier Consul (4), conformément au régime de stricte rési- 
dence auquel les articles organiques, littéralement exé- 
cutés, assujettissaient alors l'épiscopat (5). 



(1) Jàuffret, Mémoiret historiques, t. I, p. 85 et note. 

(2) Dans le t. V de ses Documents, M. le comte Boulât de la 
Meurthe a publié les pièces essentielles de cette affaire. 

(3) Jàufpret, Mémoires historiques, t. I, p. 75. 

(4) Ibidem, t. I, p. 85, note. 

(5) Combien le gouvernement était méticuleux ou plutôt scru* 
puleux sur ce point, combien il s'appliquait à, prévenir tout rap- 
prochement dans l'opinion publique avec les prélats peu résidents 
de l'ancien régime, c'est ce que montre notamment un rapport 
de Portails, concluant à autoriser l'évoque de Coutances à venir 
à Paris : « J'ai différé dé présenter sa demande à Votre Majesté 
jusqu'au départ de quelques évéques qui étaient à Paris par 
congé, afin que la présence d'un trop grand nombre d*évôques 



INFLUENCES RÉPUTÉES PRÉDOMINANTES il 

Ce séjour à Orléans fut pour le prélat une suite de 
déboires. Une des accusations qui se colportaient contre 
lui était précisément d'avoir fait massacrer en Vendée un 
bataillon de volontaires du Loiret : non contents de raviver 
un grief qui n'était rien moins que prouvé, et de déposer 
un seau plein de sang à la porte de Tévéché, les « exal- 
tés > projetèrent d'assassiner Bernier lors de son entrée 
solennelle dans sa cathédrale. Le complot fut déjoué, et 
Pévéque désarma en partie les préventions par l'onction 
de son éloquence en chaire, par le charme de sa conver- 
sation dans le monde; mais son activité se dépensa dans 
les querelles déjà traditionnelles entre hauts fonction- 
naires. Il ne put ignorer que Pie VU Pavait créé cardi- 
nal in petto (1) et que c'était le gouvernement consulaire^ 
oublieux des services reçus, qui mettait obstacle à la 
publication (2). Son zèle politique n'en fut point refroidi : 
considérant sans doute qu'il avait brûlé ses vaissaux^ il 
s'empressa à des tâches qui n'avaient rien d'épiscopal; 
c'est lui, par exemple^ qui procura à la police ses meil- 
leur « indicateurs > dans les provinces de l'Ouest; à 
diverses reprises, il reçut par l'intermédiaire de Portails 
des listes d'anciens chouans, avec mission d'inscrire en 
regard de chaque nom des renseignements confiden- 
tiels (3). Dans les deux départements que comprenait 

dans la capitale ne fût pas d*un mauvais exemple pour les 
fidèles. » (27 août 1806 : AF. IV, plaq. 1444.) 

(1) Trois jours après la mort de Bernier, Portails écrivait à Napo- 
léon : « Par une sin^arité assez piquante, M. l*évôque d'Orléans 
laisse vacante, par son décès, une place dans le Sacré-Collège qu'il 
n'a jamais pu remplir lui«méme. » (4 octobre 1806 : ÀF. IV, 1046.) 

(2) Fescb, alors ambassadeur à Rome, disait en propres termes 
à Consalvi : « Cet évéque est mal vu de tous les partis et sa pro« 
motion ferait très mauvais effet en France. » (Caprara À Consalvi, 
7 octobre 1802; Consalvi é, Caprara, 6 juillet 1808 : Cardinal 
Mathieu, IrConconloi de iâOi, p.. 55*S6)« 

(3) AF. IV, 1044, pàstm. 



ÎANISATION CONCORDATAIRE 

ernier traquait âprement les prêtres 
;ordat : il prenait la peiae de dénon- 
Premier Consul la faiblesse du pré- 
qui avait volontairement manqué 
[ques partisans de la Petite Église (1). 
I l'année 1806, une hydropisie se 
5rent les déceptions et les contra- 
ient la permission de venir consulter 
it brusquement le lendemain de son 
i). La légende s'établit qu'il avait 
.nt une partie du sang dont il s'était 
ire doit se contenter de noter l'orai- 
uissait le bénin Portalis : « On par- 
e ce prélat. 11 avait peu d'amis et 
i. Je dois lui rendre la justice qu'il 
son diocèscj mais sa vie politique 
e (3). . 



ce s'exerça incontestablement sur les 
3ns ecclésiastiques faites à Paris : ce 
vêque de Vannes, MaynauddePance- 
! cmé insermenté de Saint-Sulpice, 
re que Bernier au point de vue phy- 
ait jadis amusé la lourde jovialité de 
imme son collègue d'Orléans un cou- 
B l'orthodoxie passionnément rallié à 
entale : ses instances avaient seules 
ver enfm la démission de l'hésitant 
cceptë, lui aussi, d'attester la problé- 
1 des évêques constitutionnels. Mais 
;uré de Saint-Laud d'Angers, Pance- 

(15 nitirs ISOi) : AF. IV, lOiS. 
ire», t. m. p. 3S0. 
tobre 1806 : AF. IV, 10*6. 



INFLUENCES RÉPUTÉES PRÉDOMINANTES 2S 

mont, Parisien d'adoption, connaissait à fond le person- 
nel : s'il casa beaucoup d'entre ses amis, ceux-ci étaient 
pour la plupart des hommes de mérite, qui fournirent 
une carrière très honorable (i). 

Cette action très efficace ne fut que momentanée. Une 
fois installé dans son diocèse, Pancemont y fut bientôt 
trop absorbé pour avoir le temps de s'immiscer dans les 
nominations parisiennes. A partir surtout de la rupture 
du traité d'Amiens, il ne se lassa point de dénoncer ceux 
de ses diocésains qui participaient aux suprêmes com- 
plots de la chouannerie ou qui servaient d'intermédiaires 
avec la flotte anglaise : il croyait mettre sa conscience à 
l'abri en sollicitant invariablement la grâce de ceux qu'il 
avait ainsi signalés à des foudres qui n'avaient rien de 
métaphorique (2). Il y gagna d'être très impopulaire 
dans le Morbihan, et de devenir la victime d'un bizarre 
enlèvement, qui paraît avoir tenu autant de la mystifica- 
tion que de l'attentat. Mais, plus heureux que Bernier, 
sa faveur ne se démentit point, et quand il succomba 
prématurément, l'empereur ordonna qu'un somptueux 
monument perpétuât sa mémoire dans sa cathédrale. 

Dernier et Pancemont relégués ou cantonnés dans leurs 

(1) Dubois exagérait tout au moins quand il prétendait que le 
travail des propositions pour les cures et succursales, préparé 
par Pancemont, avait été refait de fond en comble dans une 
entrevue entre Belloy et Portails (rapport du 1" floréal an X 
(21 avril 1802) : Aularo, Parts toui le Consulat, t. II, p. 847.) 

(2) Cf. ses nombreuses lettres reproduites ou analysées dans la 
correspondance confidentielle de Portails : AF. IV 1043 et s. Une 
fois pourtant, le 1" avril 1806, comme il s'agissait d'un complice 
contumace de Cadoudal, Pancemont demanda à Portails s'il serait 
séant d'implorer la grâce d'un si grand coupable: le ministre, 
aussi timide pour le moins que Tévêque, transmit la lettre à 
Napoléon avec ce commentaire : « J'avoue qu'il me serait impos- 
sible de prendre sur moi de donner un conseil en pareille occa- 
sion. » (Sans date : AF. IV, 1045.) 



24 PREMIÈRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

évêchés de province, il était assez logique qu'une part 
d'action demeurât aux membres de l'ancien conseil archié- 
piscopal, qui avaient été si longtemps les chefs effectifs 
du clergé non-jureur ou rétracté. C'est en partie pour 
prévenir cet état de choses que le plus en vue des vicaires 
généraux de Juigné, l'abbé de Dampierre, avait été pourvu 
de révêché deClermont; c'est pour cela aussi qu'Émery 
avait été nommé évêque d'Arras, peut-être à l'instigation 
de Dernier, dont il avait été jadis le supérieur au sémi- 
naire d'Angers et qui ne tenait point à le retrouver 
comme collaborateur (1). Mais Émery, dont les instances 
déterminèrent à accepter l'épiscopat deux ou trois hési- 
tants, entre autres Duvoisin (2), refusa obstinément pour 
son compte, en invoquant les traditions d'humilité de la 
compagnie de Saint-Sulpice. Le Premier Consul^ d'abord 
froissé de ce qu'il prenait pour une marque d'hostilité 
envers son gouvernement ou sa personne, se radoucit 
après avoir entendu les explications de Portails : mais 
fidèle à son système de toujours tirer parti des* hommes 
de valeur, et ignorant ou dédaigneux des petites intrigues 
de Dernier, il déclara à Delloy qu'il fallait faire appel au 
concours du supérieur de Saint-Sulpice (3). Docile en 
apparence, Delloy délivra immédiatement à Émery des 

(1) Vie de M. Emery, t. II, p. 78-79. 

(2) C'est ce qu'il écrivait formellement à Bausset, le 13 juillet 
1802, mais Duvoisin, une fois évoque de Nantes, fut médiocre- 
ment fidèle aux exhortations qu'Ëmery résumait ainsi : « Je leur 
ai dit d'accepter en prenant la précaution de déclarer qu'ils porte- 
ront l'indulgence aussi loin qu'elle peut aller, mais que sur tout 
ce qui intéresse la foi et la discipline universelle de TËglise, ils 
seraient inébranlables, et qu'ils agiraient en évéques. » (Papiers 
Emei^). 

(3) « Le Premier Consul a dit samedi à M. Tarcbevéque dé Paris 
que j'avais refusé, qu'il en était fâché, mais qu'il se réconcilierait 
avec TpLoi si J'aidais rarchevéque dans le gouvernement du dio- 
cèse. » (EmeYy 4 Bausset, sans date [fin avril 1802] : Vie de 
M. Emery, t. II, p. 88.) 



INFLUENCES RÉPUTÉES PRÉDOMINANTES 25 

lettres de grand-vicaire et le fit membre du conseil 
archiépiscopal avec un autre sulpicien, Duclaux (i). Mais 
en fait, cette collaboration se réduisit à fort peu de chose 
tant que vécut l'archevêque, et Émery pouvait écrire 
quelques mois plus tard : < Je me mêle fort peu du gou- 
vernement du diocèse. Je vais une fois la semaine au con- 
seil, et souvent il n'y en a pas (2). » 

Entre autres suppositions suggérées par le grand âge 
de Belloy, on raconta que son prédécesseur, l'archevêque 
démissionnaire Leclerc de Juigné, était destiné à lui suc- 
céder, et que c'était pour préparer ce retour que l'abbé de 
Malaret avait consenti à conserver les fonctions de grand- 
vicaire (3). Les éditeurs de cette nouvelle connaissaient 
aussi mal les principes de gouvernement du Premier 
Consul que le caractère de Juigné. La démission de ce 
dernier avait pu être retardée par des scrupules religieux 
ou monarchiques : son parti une fois pris, son attitude 
fut un modèle de correction et de désintéressement. 
Rentré à l'automne de 1802, il eut soin d'abord de se 
fixer à la campagne, et de ne venir à Paris que pour 
rendre visite à Portails (4). Quand quelques mois plus 
tard il se réinstalla dans la capitale, le souvenir de sa 
charité était demeuré si vivace que' les quémandeurs 
affluèrent à sa porte : l'ancien bénéficier leur expliqua, 
sans aigreur comme sans embarras, que sa situation de 
fortune ne lui permettait plus les largesses d'autrefois (5) . 
Napoléon, touché de sympathie, le nomma chanoine de 

(1) Vie de M. Emery, t. II, p. 90. 

(2) A Bausset, 13 février 1803 : Papiers Emery, 

(3) Rapport du préfet de police, i% prairial an X (!•' juin 1802) : 
▲uLARP, Parh sou$ U Consulat, t. III» p. 86-87 (il faut lire replacer 
et non remplacer). 

(4) Êmery à Bausset, s. d. (septembre 1802) : Papiers Emery. 

(5) LAMBERT, Vie de M. de Juigné, p. 92-91. 



LHISATION CONCORDATAIRE 

i prélat objectait que ses infirmités 
ire acte de présence au chœur, on 
vait répliqué : « Je vous dispense 
ne ces quinze mille livres de rente, 
î chapitre et reconnaître vos ver- 
sera le plus clair de son traitement 
[u'il avait contractées en exil (2). Il 
de courtoisie avec le nouveau cha- 
qui lui demanda son portrait (3), 
aeuses avec le cardinal de Belloy, 
abnégation plus méritoire encore. 
lit une allusion au passé, en termes 

autant d'honneur à la résignation 
ritdu gentilhomme; à l'issue d'une 

son ancien archevêché, comme le 
sconduire. Juigné protesta en sou- 
Lr, je connais le chemin. (A) > Il 
tnce jusqu'à assister, dans ce même 
ler d'apparat que donna Maury. 

loy fut souvent vacillante, s'il s'in- 
88 ou les désirs du gouvernement 

excessive même pour l'époque, 
lésiastique ne s'exerça d'une façon 
sions. Ses vicaires généraux ne 

lui que des auxiliaires; contraire- 
:'est à lui d'ahord, à lui presque 
r la responsabilité et le mérite de 



, li avril 1S08. 

iiiaXie de Motre-Dame le 3 avril ISll pai 

t, dans l'oraison funèbre de JuignC (bro 



VICAIRES GÉNÉRAUX ET CHANOINES 27 



[II 



Les sujets étaient à Paris en nombre à peu près suffi- 
sant pour remplir les cadres du nouveau personnel 
ecclésiastique, cadres bien réduits par rapport à Teffectif 
de l'ancien régime. Mais l'archevêque se heurtait à de 
nombreuses difficultés : manque d'homogénéité morale, 
car les uns pendant la tourmente s'étaient montrés aussi 
fermes que vaillants, tandis que d'autres avaient été 
vacillants ou avaient mis à chercher refuge à l'étranger 
une hâte qui donnait à leur émigration une couleur de 
désertion; inexpérience du ministère actif chez beaucoup 
d'anciens religieux ou chanoines^ qui avaient vécu 
jusqu'à la Révolution dans la retraite ou le loisir; baLi- 
tudes d'indépendance qui résultaient nécessairement 
d'une période de crise, mais qui prédisposaient à l'in- 
discipline; disette enfin de jeunes prêtres pour occuper 
les emplois subalternes, car les ordinations avaient été 
forcément rares depuis dix ans, et on comptait les ecclé- 
siastiques âgés de moins de quarante ans (1). 

Une ordonnance archiépiscopale du 9 floréal an X 
(29 avril 1802), remaniée le 17 floréal (7 mai), pourvut 
à la fois à la composition du chapitre, à l'institution 

(1) Tout ceci a été développé de la façon la plus intéressante 
par M. le chanoine Pisani, dans un article de la Revue du clergé 
français du 1<*^ mai 1904. Disons une fois pour toutes qu'en ce 
qui concerne le personnel ecclésiastique, les renseignements indi- 
viduels non accompagnés de références proviennent des indica- 
tions si patiemment recueillies et si obligeamment communiquées 
par M. Pisani. Pour les personnages appelés dans la suite de 
leur carrière aux fonctions épiscopales, j'ai consulté aussi les no- 
tices du recueil VEpûcopat français de 1802 à i 9 00, récemment 
publié par la Société bibliographique. 



HIËRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

» et succursales, à la désignation des premiers 
s de ces emplois. 

lapitre métropolitain comprenait • provisoire- 
jouze membres, dont les trois premiers étaient 
généraux. Dans te choix de ces trois vicaires 
X, Belloy fit la part de la tradition, de la politique 
mitié. L'abbé de Ualaret, après avoir exercé les 
'onctions auprès de Juignë, avait été membre du 
préposé au gouvernement du diocèse pendant la 
ion. L'abbé Barthélémy Abrial était oncle du 
: de la justice; ancien prêtre du diocèse d'Angers, 
sentait l'élément constitutionnel, pour lequel le 
ement exigeait au début une place dans chaque 
tration épiscopale (1). Quant à l'abbé de Mnmlols. 

t un petit problÈiue lnstorii|iie, l'I un ijrubii^ini; pus^a- 
ibscur, que le passé de l'abbé Abrial, Des documents 
ar M. l'at)bé Uzureau dans la 6* série de eea Andega- 
de ceux qu'il a bien voulu me communiquer, il résulte : 
rthélemy Abrial était en 1791 simple prilrt kabitui de la 
de Seiches, en Anjou, dont son Trère, décédé en 1787, 
curé; >• qu'en 1792 il fut comme réfractaire interné A 
uis déporté en Espagne; 3* que de 1800 6 ISOt il aierf« 
iro à Seicbes en communion avec le vicaire général de 
égitime. Il n'est pas moins constant, d'autre part : 1> qua 
mement exigeait en ISOt qu'un graiid- vicaire duu 
ocèse fût ancien constitutionnel, et que cette qualité ne 
)liquer ni h Halaret ni à Mandoli; 3° qu'en 1801 Bernier 
s ont Taire figurer le nom d'Abri&l sur les listes de 
constitutionnels du second ordre • susceptibles d'être 
l'épiscopat (BoDLAY de la Midktub, Documenti tur le 
, t- II, p. M8, et t. V. p. 203. Jadffb»!, Mimoira hùlo- 
I, p. iS). II faut donc conclure, soit avec H. Uzureau 
er et Portails ont altéré la vérité en présentant Abrial 
icien constitutionnel, sait avec M. Piaani, qui a hien 
iCrire plusieurs lettres t ce si^et, qu' Abrial prêta, le ser- 
rsi, par entraînement ou par ambition fil âtatt aumônier 
le nationale de son caatoa), le rétracta k temps pour 
né et déporté, puis, mandé à Paris en 1802 sar son 
ministre, < rebvuva au fmd de sa malle sOQ ceïtiflcal 



VICAIRES GÉNÉRAUX ET CHANOINES 2» 

c'était un Provençal, qui avait déjà été à Marseille 
vicaire général de Belloy, et qui avait passé en Italie les 
années les plus dures de la Révolution. 

Le corps des vicaires généraux n'allait point tarder à 
être entièrement renouvelé. Abrial mourut dès le 14 jan- 
vier 1803. Le 2 février suivant, Belloy donnait la consé- 
cration épiscopale à son ami de Mandolx, appelé au 
siège de La Rochelle sur la démission ou le refus de 
Lorry (il fut à la fin de 1804 transféré à Amiens). Le 
13 août 1805 enfin, Malaret succombait à l'âge de 
soixante-quinze ans, pleuré de tous ceux qui l'avaient 
vu à l'œuvre pendant la crise révolutionnaire et qui pri- 
saient son expérience des hommes et des choses (1). 

Pour combler ces vides, l'archevêque fit successive- 
ment et exclusivement appel à des chanoines de sa 
cathédrale. £n 1803, il désigna Maurel de Mons, ancien 
vicaire général à Viviers d'un de ses oncles, puis du 
déséquilibré Savine, qu'il n'avait point suivi dans son 
adhésion à la constitution civile; Abrial fut remplacé 
par l'ancien cistercien bourguignon Lejeas-Charpentier, 
jureur comme lui^ comme lui bien apparenté, puisqu'il 
était oncle de Mme Maret (2). Avec l'autorisation au 

de prestation de serment », oublié et répudié depuis dix ans 
quand il s'a^t de devenir vicaire général de Belloy. Je dois dire 
que cette seconde hypothèse me parait la plus vraisemblable. 

(1) « Combien je regrette Tabbé de Malaret, et combien sa perte 
e8t*«lle irréparable! » (Emery à Bausset, 15 août [1805] : Papiers 
Emery). Cet éloge est corroboré par les critiques de Dubois, qui 
accusait Malaret d'aimihiler ses collègues et Tarchevêque. (Rapport 
du 12 prairial an X (1*^ juin 1802) : Aulard, Paris sous le Consulat, 
t. III, p. 87.) 

(â) Mlle de Franclieu a bien voulu me faire savoir, par l'amical 
intermédiaire de M. Delachônal, qu'il n'y avait point identité de 
personne, mais tout au plus parenté de famille et de profession 
religieuse, entre le Lejeas qui nous occupe et dom Lejas-Char- 
pentier, cistercien, aumônier de Tabbaye des Hayes, dont elle a 
vanté le zèle pour maintenir le culte catholique dans l'Oisans pen- 



REHTËRE ORGANISATION CONCORDJ 

8 tacite du gouvernement, Belloy s'adji: 
un quatrième vicaire général, l'abbé de 
, ancien vicaire génëral de Carcassonne 
lutîon, insermenté et émigré; la Re: 
it en faire un ëvêque du Mans. 
5 septembre 180S, la place laissée vaca 
de Malaret fut attribuée à un très jeune 
'avait pas trente-trois ans), Paul-Thër 
r08 (i). Ordonné prêtre au cours de la Ri 
oine de Notre-Uame dès la création du c 
it ce brillant début de carrière d'abord s 
qualité de neveu et de secrétaire de PorI 
1 habitait, mais aussi à sa réelle valeu 
Justice lui était rendue à cet égard non : 
on oncle, qui mettait une hâte quelque 
à le comprendre dans les listes de prési 
copat, mais par des juges plus dési 
ne par exemple le cardinal Fesch, qui é 
[lencement de celte même année 4805 : 
ros est jeune, a beaucoup de piété; il es 
très utile à l'archevêque de Paris en atten 
'me pour l'administration d'un diocèse; i 
1 sera un excellent sujet (2J. > En dépit d 
es et de ces promesses, c'est seulemeni 
; de l'Empire que d'Astros devait deven 
lyonne, puis archevêque de Toulouse et 
là, il allait être le héros d'un retentissa 
|ue épisode ; son nom reviendra fréquemr 
récit. 

a Terreur (la Persécution religieuse dan) le dép 
, t. 1, p. 414). Le cistercien du Dauphiné fut au 
ine de Grenoble. 
)n écrivwt souvent Daitroi : j'unifierai l'orthogr; 



L. NapoUon, sa pluviôse au XIII (IS février ISOS) : A 



VICAIRES GÉNÉRAUX ET CHANOINES 31 

Toujours en i805, Maurel de Mons fut nommé à 
Pévêché de Mende^ d'où la Restauration devait le trans- 
férer à l'archevêché d'Avignon. Son successeur, Tabbé 
Jalabert, était appelé à fournir dans l'administration 
diocésaine de Paris, sous plusieurs archevêques et 
divers régîmes politiques, une longue et importante 
carrière; Toulousain d'origine, ancien supérieur de 
petit séminaire, il avait refusé le serment, et avait vécu 
caché à Paris pendant la Terreur; à l'instigation peut- 
être de son ami Émery, il avait publié en 1800 un écrit 
en faveur de la promesse de fidélité. 

La désignation des neuf premiers chanoines nommés 
en même temps que les vicaires généraux fut le résultat 
d'un savant et, à tout prendre, judicieux dosage. En 
tête figuraient Delaunay et Leblanc, deux vétérans, 
membres l'un depuis 1764 et l'autre depuis 1769 de ce 
chapitre métropolitain d'autrefois, qui avait fait jus- 
qu'en 1790 si imposante et en somme si digne figure (1). 
A leur suite, et par manière de compensation, l'ordon- 
nance appelait à faire partie du chapitre deux digni- 
taires de l'Église constitutionnelle, rétractés il est vrai, 
Gorpet, curé de Saint-Germain-l'Auxerrois, et Girard, 
curé de Saint-Landry en i 790, ancien vicaire épiscopal 
de Gobel. Les cinq derniers, d'origine méridionale, 
étaient plus directement ou du moins plus complète- 
ment les élus de Belloy : avec d'Astros et Maurel de 
Mons, dont nous venons de parler, c'étaient SynchoUe 
d'Espinasse, jésuite jusqu'à la suppression de la com- 
pagnie, puis vicaire général de Mende, chanoine de 
Notre-Dame en 1782 et investi de la confiance de Juigné 



(1) Cf. abbé Meuret, le Chapitre de Notre-Dame de Paris en 
1790. 



lE ORGANISATION CONCOBDATAIBE 

lévoluUoii;Arnavon, ancien prieur de Vau- 
I, ex-oratorien de Marseille, qui par la suite 
talle de Notre-Dame avec les fooctions de 
lycée de Marseille et d'inspecteur général 

té(i). 

chanoines désignés au cours de l'épiscopat 
ent, outre Lejeas, la Myre-Mory et Jalabert, 
ite Richard; Dupont de Compiègne, jadis 
tre-Dame de Provins; Raillon, ancien pro- 
ré poitevin, ancien précepteur surtout du 
is; Buée le Jeune, chanoine de Saint-Benoit 
régime, secrétaire de l'archevêque depuis 
se de Lyonne, jadis aumônier du comte de 

inations. l'une collective et l'autre indivi- 
nt être mentionnées à part. Le décret du 
36, qui restituait au Panthéon sa primitive 
'église Sainte-Geneviève, statuait que cette 

les rares occasions où le culte y serait 
t desservie par le chapitre de Notre-Dame, 

membres nouveaux (2). La promotion de 
i en résulta s'ouvrit (et c'était là un acte de 
t que de bon goût) par le nom du dernier 
ovéfiains, Claude Rousselet, &gé de plus de 
ize ans; après et avec lui, Belloy appela au 
sien chanoine Camiaille, les ahbés Portai et 
dernier curé des Blancs-Manteaux et jadis 

Sorbonne; l'inévitable contingent des Pro- 
-eprésenté par le Marseillais Achard, secré- 
hevêché, et par l'abbé de Coriolis, succes- 

iris de scrupules tardif» ou de nostalgie surugué, 
; un chanoine de la cathédrale d'Aix. (Cf. Parit tout 
, p. iSi, note.) 
: Napoléon, t. III, p. aSl-3S2. 



VICAIRES GÉNÉRAUX ET CHANOINES 33 

sivement jésuite, vicaire général de Vienne, conseiller- 
clerc au parlement d'Aix, depuis 1802 aumônier en chef 
des Invalides. 

L'organisation de i802 avait établi à Notre-Dame un 
clergé paroissial totalement indépendant du chapitre. 
Cette juxtaposition, sans précédents dans l'ancien régime 
ecclésiastique^ où les cathédrales n'étaient point des 
paroisses, devait fatalement provoquer des conflits. Un 
mois à peine s'était écoulé, que déjà l'on jasait non seu- 
lement dans les sacristies^ mais dans les cafés, des con- 
testations survenues à propos de la célébration des 
offices et de la répartition du casuel (1). Le temps ne fit 
que multiplier et aigrir les conflits, à Paris comme dans 
la plupart des cathédrales de province (2). Au bout de 
cinq années, les autorités se décidèrent à couper le mal 
dans sa racine^ en supprimant le dualisme. Après con- 
sultation du chapitre (3), le cardinal de Belloy rendit le 
27 janvier 4807 une ordonnance^ approuvée par décret 
du 10 mars, aux termes de laquelle le titre curial de 
Notre-Dame était désormais attaché < au chapitre en 
corps » , dont un membre^ avec la qualité d'archiprôtre, 
serait plus particulièrement délégué au ministère parois- 
sial (4) ; le nombre des chanoines devait en conséquence 



(1) Rapport du préfet de police, 7 prairial an X (27 mai 1802) ; 
F. 7, 3830. 

(2) « Les prétentions et même les droits se heurtent chaque 
jour, et même les curés les moins exigeants se trouvent souvent 
dans des cas de discussions avec les chapitres. » (Rapport de 
Portails, 11 février 1807 : AF. IV, plaq. 1626.) 

(3) Cette consultation eut lieu le 9 janvier 1807 (DocumenU 
inédits), 

(4) « Cette réunion, » écrivait Cambacérès, « a déjà été faite 
dans plusieurs cathédrales ; elle a produit partout un bon effet, 
et il serait à désirer que le décret présenté pour Paris devint 
l'objet d'une disposition générale. » (Observations préparatoires 
au décret du 10 mars 1807 : AF. IV, plaq. 1626.) En effet, Portails 

IV. 3 



lE ORGAMSATION CONCORDATAIRK 

.6 d'une unité. Pour sceller d(!finitiveraenl 
omma chanoine-archi prêtre le curé même 
fonctions depuis 1802, l'abbt! Delaroue : 
iptuagênaire, ancien curti insermenté et 
petite paroisse Saint-Côme {!); en 1791, un 
lit proclamé < le plus beau prêtre du clergé 



118 venons d'en indiquer la composition, le 
litre de Notre-Dame comprenait des admî- 
e mérite, dont quelques-uns lirent bonne 
2S rangs de l'épiscopat, et de respectables 
acerdoce : d'Astros mis à part, il n'y avait 
cune figure un peu saillante. Jamais peut- 
cation traditionnelle des chanoines, • vé- 
scrète personne », ne fut plus justement 
liant qu'aux initiatives individuelles, leur 
çnait aux manifestations collectives, à celles 
avaient quelque portée (3); pour les faire 
fameuse adresse de 1811, il fallut les ins- 
ry et les ordres conmiinatoires de Napoléon. 



;uJaire à lous les évêques de l'empire pour leur 
impie la réunion qui veDait de s'opérer à Paris. 
oRTALis. Discours, rapport! et travaux inédits lur 

3St.) 

is8e av^t i;ti5 supprimée lors de la Constitution 

juo Delaroue n'avait pas eu à refuser le serment, 

encore en 1803 le tiert contotidé d'une pension 
aoit S33 fr. 33 (F. 19, 1183). 
Vie privée rfe* eectéaiaatiguei, prilati..., qui n'ont 



premières semaines de 1806, ils signèrent une 
mander que l'épée portée par Napoléon à Auster- 
la garde du chapitre avec les insignes impértaui 
talie, 18 février 1806 : AF. IV, 9*S.) Mais ce n'étai 
'adulation sans conséquence, comme on les mul 



l 



VICAIRES GÉNÉRAUX ET CHANOINES 35 

Entre eux et le chapitre d'avant la Révolution, corps 
nombreux, opulent et influent, qui imposait à chaque 
nouvel archevêque le serment de respecter ses privi- i 

lègeSj il n'y avait guère que le nom de commun. On 
jugea pourtant à propos de se prémunir contre la magie 
de ces souvenirs; les statuts capitulaires « approuvés », 
c'est-à-dire en fait imposés par le Premier Consul et par 
Belloy, et mis en vigueur le 22 mai 1803^ comprenaient 
notamment cette disposition : t Les chanoines ne for- 
ment point un corps particulier, et ne s'assemblent 
jamais pour délibérer sans la permission de M. l'arche- 
vêque (1). » 

A défaut de privilèges réels, le chapitre se passionna 
pour des hochets (2) : il autorisait gravement un cha- 
noine honoraire à porter le camail hors du chœur de la 
cathédrale (3), ce qui est devenu aujourd'hui une pra- 
tique absolument courante. 

Plus encore que d'assister l'évêque de leurs conseils, 
la fonction primitive et essentielle des chanoines est de 
quotidiennement chanter ou réciter en commun l'office. 
A Paris comme ailleurs, cet usage fut assez long à se 
rétablir après le Concordat, soit manque de ressources 



(1) Documents inédits. 

(2) Dans une lettre très postérieure, mais évoquant des souve- 
nirs de ces débuts du Concordat, Rauzan disait d'un prédicateur 
concurremment avec qui il avait prêché une station : « H montait 
toujours en chaire avec la soutane violette, que portaient encore 
les chanoines de Paris. » (Delaporte, Vie du T. R. P. Rauzan, 
p. 36-37). M. le chanoine Pisani,à qui j*ai communiqué cette allé- 
gation, a bien voulu m'informer que dans les procès-verbaux et 
documents officiels il n'avait trouvé aucune mention de la sou- 
tane violette portée par les chanoines. Rauzan, qui, d'ailleurs, ne 
nemme point le personnage auquel il fait allusion, a sans doute 
été victime de quelque confusion ou défaillance de mémoire. 

(3) Délibération dû 4 juin 1311 : Documents inéditSé 



RE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

soit parce que des prêtres âgés et peu nom- 
ïient devant une sujétion dont ils étMent 
lés. Pie VII en reçut une fâcheuse impres- 
sa venue, et ce grief figurait au nombre de 
transmit confidentiellement à l'empereur; 
fit point difficulté d'en reconnaître le bien 
'ofBce quotidien doit Être célébré dans les 
: c'est aux évêques à le rétablir, et Votre 
[ y inviter les évêques (i). » A Paris tout an 
itation impériale se flt attendre ou demeura 
;ore sans efTet. Par scrupule de gallicanisme, 
parla point aux évéques de l'initiative de 
ittribua à Napoléon, comme s'il se fût agi 
ouis ou d'un Joseph II, tout le mérite de ce 
régularité liturgique; pendant la campagne 
il écrivait au quartier général : • Ce prélat 
[ui j'avais fait connaître que l'intention de 
té était que l'office canonial fût exactement 
i les jours, dans son église métropolitaine, 
mner cette célébration, et, depuis samedi 
[Ice canonial est entièrement rétabli, comme 
ait dans les plus beaux temps du christia- 
si, sous la puissante influence du génie de 
té, toutes choses, dans l'Église comme dans 
prennent leur état légitime (2). • 

rdat {on le sait de reste par les misérables 

dgétaires qui ont signalé les vingt dernières 
ix-neuvième siècle), tout en autorisant l'éta- 
lés chapitres cathédraux, dispensait expres- 

à NspolËon, 21 ventâsa an XIII (et non an XI 
>) : pDRTALis, DUcouri, rapport» et (ratioua; inéd 
■aï, p. 294. 
r 1S07 : Ibidem, p. SS3. 



VICAIRES GÉNÉRAUX £T CHANOINES 37 

sèment le gouvernement de l'obligation de salarier les 
chanoines. Bonaparte et ses auxiliaires jugèrent pour- 
tant qu'il y avait là un devoir de convenance autant que 
de charité : l'arrêté du 14 ventôse an XI attribua aux 
chanoines de Paris un traitement de 4,000 francs, que le 
conseil général fut invité à doubler par une allocation 
d'égale importance sur les fonds départementaux. Ce 
maigre subside n'était même point ponctuellement 
acquitté; la lettre collective que le chapitre adressait à 
Portalis au printemps de 1807 est un document instruc- 
tif à bien des égards, puisqu'elle atteste à la fois les 
fâcheuses pratiques financières du régime, la détresse 
matérielle des chanoines et l'humilité de leur attitude 
à l'égard du pouvoir : t Monseigneur, notre traitement 
se compose de 1,000 francs que nous donne le gouver- 
nement, et de 1,000 francs que le département nous 
accorde; il se paye par trimestre sur deux mandats dis- 
tincts, mais ordinairement du même jour. — Nous 
avons reçu pour le premier trimestre de 1807 les 
250 francs du gouvernement; nous attendons encore les 
250 francs du département. Ce retard, dont nous igno- 
rons et respectons la cause, est un sujet d'inquiétude 
pour tout le chapitre et une source d'embarras pour plu- 
sieurs de ses membres; ils n'ont pu faire des réserves 
sur un revenu qui ne suffit pas à leurs besoins. Nous 
déposons dans le cœur de Votre Excellence nos craintes 
et nos peines. Condamnés à solliciter une partie d'un 
traitement reconnu trop modique, après des promesses 
souvent réitérées de recevoir enfin une augmentation, 
avec les espérances que nous donnait celle qui a été 
accordée à plusieurs chapitres, nous n'avons pas à nous 
reprocher au moins d'avoir mis obstacle à cette faveur 
par un défaut de zèle, puisque nos fonctions absorbent 
tout notre temps et qu'il nous est impossible de cher- 



PREMIÈRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

r daos d'autres occupations un supplément à. ce qui 
is manque (i)- ' 

la dehors de leur traitement, les membres du cha- 
■e profitaient de temps à autre d'aubaines eiception- 
les : quand le souverain s'était rendu solennellement 
*Jotre-Dame, il avait pour habitude d'envoyer une 
tification très importante (â) aux chanoines qui 
ient porté son dais. En vertu d'un usage fort équi- 
le, cette somme était partagée entre tous les vicaires 
lëraux et chanoines présents à la cérémonie. 

l'est seulement le i" octobre 1806 que le cardinal de 
loy institua les deux officialités diocésaine et métro- 
itaine, qui devaient être appelées à annuler le mariage 
Jérôme et d'Elisabeth l'atterson, puis plus tard celui 
Napoléon et de Joséphine. La première avait pour 
cial et promoteur les abbés Boilesve et Rudemare, et 
ir greffier un laïque; à l'ofiicialité métropolitaine, 
■ficial était Lejeas, le promoteur Gorpet, et le secrè- 
te un vicaire du chapitre (3), 



\tnsi quHl a été indiqué plus hailt, la même ordon- 
née épiscopale qui nommait les vicaires généraux et 
chanoines instituait les nouvelles paroisses et les 
urvoyait de titulaires. • 11 ne nous reste plus, > avait 



1) 4 mai ISOT : Doi^mmts inédits. 

t) Pour le baptême du roi de Rome, celte gratification fut di 

00 francs. (Ibidem.) 

i) Renseignement fourni par M. te chanoine PiBMii, d'après le 

ihives de rarchevèché de Paris. 



CURÉS ET DESSERVANTS 39 

soin de dire le prélat, « qu'à donner à ce plan, solennel- 
lement agréé par le héros qui a daigné nous rendre, avec 
la paix temporelle, la paix plus précieuse encore des 
cœurs et des consciences,, les formes canoniques exigées 
par l'Église. » Rour déférent que fût un tel langage, Bona- 
parte né s'en montra point satisfait : il se plaignit que 
Belloy n'eût pas transcrit textuellement l'arrêté consu- 
laire d'approbation (1). 

ConformémenI à une distinction qui n'était point dans 
les traditions canoniques, mais . qui devait subsister en 
France aussi* longtemps que le régime concordataire, 
les paroisses se divisaient désormais en cures propre- 
ment dites, à raison d'une par justice dé paix (c'est-à- 
dire par canton dans le reste du territoire et par arron- 
dissement municipal à Paris), et en succursales. L'ordon- 
nance primitive de Belloy, conformément aux articles 
organiques, statuait que les succursalistes ou desser- 
vants exerceraient leur ministère « subsidiairement, et 
sous la surveillance et la direction des curés »; l'inno- 
vation ici était si contraire aux usages ecclésiastiques 
que par une ordonnance rectificative du 13 août 1802, 
revêtue de l'approbation de Portalis (30 thermidor an X- 
18 août 1802), l'archevêque réduisit cette surveillance 
des curés sur les succursales à une visite annuelle un 
jour non férié (2). Bientôt appointés par le gouverne- 
ment, couramment traités de • curés » dans la société 
laïque et dans le monde ecclésiastique (3), les desser- 
vants ne se distinguèrent plus que par la privation d'un 
privilège et l'affranchissement d'une sujétion î ils ne 

(1) Note à Portalis au nom « des Consuls », 5 prairial an X 
(25 mai 1802) : Correspondance de Napoléon, 6100. 

(2) Grente, le Culte catholique à Paris de la Terreur au Con- 
cordait p* 193. 

(8) Nous ferons comme les contemporains, et nous appellerons 
indistinctement « curés » tous les chefs de paroisses. 



lEMlÈRE ORGANISATION CONCORDATAIR 

talent point de rinamovibilité, mais leur nomi 
l'avait pas besoin d'être soumise à l'agirément 
le l'État. 

: douze cures primaires, choisies parmi les égli 
ua importantes, furent dans l'ordre numérique 
dissements Sainte-Madeleine (ou plutôt la Ha 
comme on disait alors même dans les documc 
iastiques), Saint-Roch, Saint-Eustache, Saint-f 
-l'Auxerrois, Saint - Laurent, Saint- Nicolas -( 
ps, Saint-Merry, Sainte-Marguerite, Notre-Dai 
Thomas-d'Aquin, Saint-Sulpice et Saint-Étlen 
)nt. Quant aux succursales, dont la complète é 
ion serait fastidieuse, on avait peut-être pensé, 
r de la symétrie, en cre'er uniformément trois 
dissement (I); en fait, on en Subordonna la die 
1 aux besoins pratiques, aux groupements religi 
étaient déjà opérés. Tandis que deux arrondii 
I, le IV* et le V", ne recevaient chacun qu'une i 
le, on en instituait quatre dans le X<. Le nom 
en était de trente-deux; mais certaines d'ei 
n'eurent qu'une existence éphémère, ou m* 
lent nominale. 

tst pareillement superflu de donner ici tous 
des curés et desservants que Belloy désigna 

le la première institution, soit pendant le n 

n épiscopat (2). Ce qu'on se propose d'indiqi 
préciser par quelques exemples, c'est la di' 

'origines et d'antécédents des nouveaux curés 



ûuriial dei DèbaU, 15 llon'al m X. 

jes premières nominationa ayant été Mtes avec que 

talion, plusieurs des élus se récusèrent, et il f&Ûiit 



CURÉS ET DESSERVANTS 41 

Tandis que s'élaboraient les articles organiques, le 
Premier Consul avait un instant émis la prétention de 
rendre obligatoire le maintien dans sa paroisse de tout 
curé demeuré sans interruption à son poste pendant le 
cours de la Révolution (1). Sous une apparence d'équité, 
cette disposition aurait favorisé les curés de village 
qui s'étaient successivement prêtés à toutes les injonc- 
tions de l'autorité dvile, depuis le serment constitu- 
tionnel jusqu'à la remise des lettres de prêtrise : elle 
eût été sans application à Paris, où vers la fin de la Ter- 
reur le culte paroissial avait été absolument suspendu. 
Bonaparte d'ailleurs n'insista point. 

Parmi les curés de l'ancien régime, bien peu conser- 
vèrent leur église. Marduel, successeur à Saint-Roch en 
4787 de son oncle (qui était resté lui-même trente-huit 
ans en fonctions), non jureur, émigré en Suisse pendant 
la période la plus critique de la persécution, était une 
des personnalités remarquables du clergé parisien. Aux 
ouvertures qui venaient de lui être faites pour un 
évêché, il avait répondu qu'il tenait à garder sa cure, et 
que si on lui proposait tout autre poste il se retirerait 
dans sa famille (2) : le gouvernement et l'archevêque 
s'inclinèrent devant cet ultimatum. — C'était aussi un 
curé très populaire dans son quartier, mais d'un carac- 
tère bien différent, que l'abbé Coroller, à la tête de la 
paroisse Saint-Louis-en-l'Ile depuis 4785. 11 avait prêté 
le serment, s'était rétracté en 1795, et alliait à une 
piété très sincère certaines originalités de langage 
renouvelées ou conservées de l'Église constitutionnelle; 
c'est ainsi qu'en 1804, ayant à adresser une supplique à 

(4) Note à Portails vers le 20 mars 1802 : Boulay de la Meurthe, 
Documents sur le Concordat, t. V, p. 239. 

(2) Lettre, en date du 7 mai 1802, de son frère retiré près de 
Uii : Le Sueur, le Clergé picard et la Bévolution^ t, II, p. 546. 



E PREMIÈRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

ie VII, il entrait en matière par cette interpellation peu 
rotocolaire : ■ Souverain Pontife {l)t . 

Trois autres curés d'avant la Révolution furent changés 
e paroisse : dans le nombre était Delaroue, le nou- 
eau curé de Notre-Dame, mais le plus en vue était 
ancien curé de Saint-Paul au Marais, Bossu, qui avait 
uelque temps émigré à Vérone, et à qui Louis XVIII 
'était confessé après la mort du petit détenu du Temple, 

afin d'attirer les bénédictions du ciel sur ses opéra- 
ons, sa personne et ses sujets (2). • Il était rentré eo 
801, et à défaut de son église tombée en ruines, avait 
'ouvé le culte paroissial réorganisé dans deux chapelles 
e couvents, dont il avait immédiatement pris le gou- 
emement. Estima-t-on en haut lieu qu'après ses mani- 
sstations royalistes, il était opportun de le dépayser? Au 
ontraire, la direction d'une paroisse rétrécie et réduite 
u rang de succursale parut-elle au-dessous de sa valeur 
t de sa réputation? Toujours est-il que par une sorte de 
hassé- croisé, et malgré les protestations des dames de 
i Halle (3), Bossu fut nommé curé de Saint-Eustache, 
indis que l'ancien premier vicaire de cette paroisse, 
ui y avait ressuscité le culte après la Terreur, devenait 
esservant de la nouvelle succursale Saint-Paul-Saint- 
lOuis, établie dans l'église des jésuites de la rue Saint- 
.ntoine. Lorsqu'en 1803 le clergé de Paris eut la pieuse 
ensée de faire célébrer à Saint-Roch un service pour 
!s curés morts depuis dix-huit ans, c'est à Bossu 
u'échut la délicate mission deprononcerle discours (4). 
igilant et autoritaire, selon l'ancienne tradition, il 

(1) CoLLiiiNoN. Uittoire de iaparoitie Sa\nt-L(mit-en-VUt,p. 131. 

(2) Bossu à Juigné, i, juillet 179S : JénâMB, CoiUclei à travtn 
Europe, p. 22S, note. 

(3) Rapport du préfet de police, 2T floréal an X : Adlaro, Paru 
MM le Conntfol, t. III, p. 6S. 

(i)' Journ&ux. I 



CURÉS ET DESSERVANTS 43 

faisait expulser de l'église un boutiquier qui avait amené 
à la grand'messe ses fils costumés en mamelucks (1). 
11 devait demeurer plus d'un quart de siècle curé 
de Saint-Eustache : sous la Restauration, lors des scènes 
de tumulte occasionnées par les prédications des mis- 
sionnaires, l'octogénaire, afin de s'aguerrir au bruit 
des pétards, ordonnait à ses gens d'en tirer à l'impro- 
viste dans les salles du presbytère (2). 

Après la crise terroriste, des prêtres zélés et souvent 
courageux avaient multiplié dans Paris les centres de 
vie chrétienne, dissimulés quand la persécution recom- 
mençait à sévir, plus ostensibles pendant les périodes 
d'accalmie : par une mesure de justice autant que de 
convenance, la plupart de ces « chefs de culte » furent 
maintenus comme curés dans les quartiers où ils s'étaient 
fait connaître et aimer. C'est en ce sens surtout que les 
droits antérieurs furent respectés dans une large me- 
sure (3). 

Parmi ces prêtres, plusieurs étaient d'origine provin- 
ciale, et ne s'étaient fixés à Paris que pendant le cours 
de la Révolution. Le nombre au contraire fut infime, des 
curés venus du dehors après le Concordat, sans avoir 
jamais exercé le ministère à Paris. Nous n'avons pu 
découvrir quel patronage valut en 1802 à un ancien curé 
de campagne du Bugey, Costaz, la cure déjà très impor- 
tante de la Madeleine. Plus tard, en 1806, la cure vacante 
des Missions étrangères fut attribuée à un secrétaire de 



(1) Rapport du préfet de police, 4 prairial an XII : F. 7, 3832. 

(2) D'AvENEL, les Évêques et archevêques de Paris, t. II, p. 234. 

(3) Quelques-uns de ces « chefs de culte » de la période inter- 
médiaire furent déplacés en 1802 avec un très légitime avance- 
ment : ainsi Ramond de Lalande, qui avait rouvert la Sainte- 
Chapelle, reçut la cure de Saint-Thomas-d'Aquin, qu'il devait 
échanger en 4823 contre l'évèché de Rodez ; il avait comme pre- 
mier vicaire Fabbé Borderies, plus tard évêque de Versailles. 



41 PREMIÈRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

Caprara, jadis vicaire général de Bayeux et d'Orléans, 
l'abbé Desjardins : il devait avoir maille à partir avec la 
police impériale, et mourir grand-vicaire de Quelen. 

Comme il a été dit, l'influence de Pancemont fît attri- 
buer quelques grandes cures à certains de ses anciens 
collaborateurs de Saint-Sulpice, tous d'ailleurs hommes 
de valeur : c'est ainsi que l'abbé de Pierre fut nommé 
à Saint-Sulpice môme, l'abbé Devoisin (1) à Saint- 
Étienne-du-Mont, l'abbé Jerphanion à Saint-Germain- 
l'Auxerrois, l'abbé de Keravenant à Saint-Germain-des- 
Prés (sur le refus de ce dernier, il fut remplacé par un 
autre vicaire du Saint-Sulpice d'avant la Révolution). 

Les religieux sécularisés, si nombreux dans les rangs 
du clergé concordataire, devaient naturellement être 
représentés parmi les curés. Citons notamment l'ancien 
capucin Bonier, jadis sous le nom de P. Raphaël défi- 
niteur du couvent Saint-Honoré, nommé curé de Saint- 
Louis-d'Antin, où il avait organisé le culte pendant la 
période intermédiaire; l'ancien augustin Rivière, le seul 
de la communauté des « Petits-Pères » qui eût refusé en 
1790 d'abdiquer son état, arrêté à deux reprises pendant 
la Révolution, mais s'étant vaillamment obstiné à évan- 
géliser sa future paroisse de Notre-Dame-des- Victoires. 
Le personnage le plus original de cette catégorie était 
Fernbach, naguère dominicain du couvent Saint-Honoré ; 
sécularisé et assermenté des premiers, il avait été vicaire 
constitutionnel à Saint-Paul, puis à Saint-Philippe-du- 
Roule; incarcéré néanmoins en octobre 4793, il avait 
eu la faiblesse d'offrir de se marier si la liberté lui était 

(1) Il convient naturellement de ne pas confondre cet ecclésias- 
tique avec l'ancien professeur de Sorbonne Duvoisin, évoque de 
Nantes au Concordat. L*abbé Devoisin, très protégé par le car- 
dinal Fesch, devint chapelain de l'empereur, grand-vicaire de la 
grande-aumônerie, et mourut en 1809 évéque nommé de Saint- 
Flour. 



CURÉS ET DESSERVANTS 45 

rendue, et la chance de n'être point pris au mot ; aussi 
les paroissiens de Saint-Philippe-du-Roule, où il avait 
conquis de vraies sympathies, Yélurent-ils comme curé 
en 1795. S'entourant de prêtres qui n'avaient marqué 
dans aucun parti, soigneux de n'entretenir de rapports 
ni avec l'évoque constitutionnel ni avec les grands- 
vicaires de l'archevêque légitime, Fernbach réalisa cette 
bizarrerie d'une paroisse absolument autonome, où le 
curé était adoré de son peuple. Une conduite irrépro- 
chable avait d'ailleurs fait oublier ses velléités matrimo- 
niales de 1794, et Belloy ne crut pouvoir mieux faire 
que de le confirmer dans sa cure. Son crédit sur ses 
ouailles alla toujours croissant, et ce fut une désolation 
quand en 1814 Maury le transféra à Notre-Dame-des- 
Victoires, où se termina une carrière aussi accidentée 
dans ses débuts que justement honorée dans sa conclu- 
sion. 

C'était la volonté expresse du Premier Consul que les 
assermentés reçussent un certain nombre de postes, et 
qu'on n'exigeât d'eux aucune autre rétractation que 
l'adhésion au Concordat. Fouché se refaisait théologien 
pour exposer cette application au personnel ecclésias- 
tique du programme de réconciliation qui avait assuré 
la fortune du gouvernement consulaire : t L'organisa- 
tion des cultes est dans l'Église ce que le 18 brumaire a 
été dans l'État; ce n'est le triomphe d'aucun parti, mais 
la réunion de tous dans l'esprit de la République et de 
l'Église (1). . 

Très docile aux suggestions ministérielles, très porté 
de son naturel aux mesures de transaction, Belloy fit 
pourtant aux constitutionnels la part beaucoup moins 

(1) GirculaiFe aux préfets, fin prairial an X : Journaux. 



46 PREMIÈRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

large que tel ou tel de ses collègues. Plusieurs des curés 
qu'il nomma avaient bien prêté le serment au début de 
la Révolution, mais l'avaient rétracté plus ou moins 
tôt, plus ou moins ostensiblement, pour rentrer en com- 
munion avec les vicaires généraux de Juigné. Le passé le 
plus caractéristique à cet égard était celui du curé nommé 
en 1803 à Saint-Merry, Fabrègues, ancien curé du diocèse 
d'Alais, vicaire épiscopal à Ntmes, puis chef du culte 
constitutionnel dans le Gard après l'apostasie et le 
mariage de Tévèque; rétracté en 1796, il était venu à 
Paris, et s'y était adonné à l'apostolat avec un zèle qui 
lui avait valu d'être déporté. Fernbach lui-même, le curé 
de Saint-Philippe-du-Roule, était un indépendant plutôt 
qu'un constitutionnel obstiné. Des tenants irréductibles 
de l'évêque Royer, un seul, Baillet, conserva une cure, 
mais il fut transféré de Saint-Étienne-du-Mont à Saint- 
Séverin. C'était un personnage singulier, dont la bonne 
foi et la rigidité étaient au-dessus de tout soupçon; il se 
prétendait miraculeusement converti au jansénisme, et 
avait failli, en 1800, devenir évêque constitutionnel 
d'Orléans. Presque tout son clergé l'avait suivi à Saint- 
Séverin; bon nombre de fidèles se mirent en devoir d'en 
faire autant, et le nouveau curé de Saint-Etienne-du- 
Mont fut obligé de rappeler en chaire les vieilles pres- 
criptions gallicanes, selon lesquelles on était tenu d'assis- 
ter aux offices dans sa propre paroisse (1). Ce curé, 
l'abbé Devoisin, parvint à force de tact à triompher 
d'une* opposition d'abord très marquée. Quant à Baillet, 
un cénacle de jansénistes impénitents et de constitu- 
tionnels peu repentis se forma autour de lui à Saint- 
Séverin : la période napoléonienne se passa pourtant 



(1) Rapport du préfet de police, 16 messidor an X (5 juillet 
1802) : AuLARD, Paris sous le Consulat, t. III, p, 437. 



r»»* 



CURES ET DESSERVANTS 47 

sans incidents graves, et, en 1803, Belloy lui fit la gra- 
cieuseté d'officier pontificalement dans son église (1); 
mais le cardinal de Périgord, d'humeur moin» accom- 
modante, devait le déposer en 1820, sans égards pour 
'ses longs services. Les derniers jansénistes vénérèrent 
sa mémoire comme celle d'un confesseur de la foi. 

Les choix des nouveaux curés témoignaient donc d'un 
très sincère esprit de conciliation et du désir de respecter 
dans la mesure du possible les situations acquises. L'effet 
en fut généralement excellent (2), et cette impression se 
confirma quand, le dimanche 23 mai 1802^ la plupart des 
élus eurent fait leur prône inaugural, sans omettre de 
louer la poUtique religieuse du gouvernement (3). 

Entre eux et l'archevêque, les relations furent faciles : 
de nature et d'antécédents, le prélat n'était rien moins 
que cassant, et il devait se montrer disposé à respecter 
les traditions de large indépendance auxquelles les curés 
de Paris avaient jalousement tenu sous l'ancien régime. 
Ses actes d'autorité, très clairsemés, lui funent presque 
toujours suggérés ou imposés par le pouvoir civil (4) . 

11 n'y eut de sérieusement mécontent que le tout petit 
groupe des constitutionnels acharnés : un seul d'entre 
eux en effet, Baillet, était compris comme curé dans la 
nouvelle organisation. Ils manifestèrent quelques velléités 

(1) Rapport du préfet de police, 6 pluviôse an XI (26 janvier 1 803) : 
AcLARD, Paris sous le Consulat, t. III, p. 602. 

(2) Rapport du même, 21 floréal an X (11 mai 1802) : Ibidem, 
t. III, p. 47. 

(3) Rapport du môme, 4 prairial an X (24 mai 1802) : Ibidem, 
t. m, p. 74. 

(4) Faut-il croire que, peu après leur installation, les cures con- 
certèrent un règlement commun pour l'administration intérieure 
des paroisses, lequel règlement fut annulé par le conseil épiscopal 
comme empiétant sur les droits de l'archevêque? (Rapport du 
même, 17 thermidor an XI (5 août 1803) : Ibidem, t. III, p. 90.) 



REMIËRE ORGANISATION CONCORDATA 

isistance. Mahieu, curé jureur de Saint-Sulpic 
e pétition qu'il avait fait adresser au Premier ( 
ses paroissiens, prétendait bien ne pas céder 1. 
curé concordataire : celui-ci, l'abbé de Pierre: 
eil d'Émery, se présenta à l'improviste et p 
surprise le soirdu dimanche 16 mai, après les \ 
prendre possession de l'église vide (1). Le cure uou»- 
ionnel de Saint-Paul, Brugère, avec l'assentissement 
a tolérance de l'archevêque, continua d'exercer un 
s étrange, certaines parties de la liturgie se chantant 
'ançais, dans l'église non-concordataire de la Visita- 
, jusqu'au printemps de 1603, où Tédifice passa entre 
aains des protestants (2), Après avoir tenu des con- 
bules, oà ils se communiquaient des dénonciations 
re leurs successeurs concordataires (3), les anciens 
s constitutionnels résolurent d'adresser un mémoire 
tief de l'État pour tenter de l'apitoyer sur leur détresse 
Srlelle (4) : mais ils enlevèrent toute chance de succès 
ir démarche en faisant imprimer ce mémoire, qui fut 
par la police (5). 

rie de M. Emery, t. II. p. B-S. Au dire de Dubois, l'abbé 
erre congédia tout le personnel subaltorne et purifia l'église. 
)ort du 14 prairial an X (3 juin ISOS) : Aolâbii, Parti lotu 
Mulal, t. III. p. S9-90.) 

Grente, le &iUe catMiqve à Parit de la Terreur au Coti- 
\t p. 34H-349. 

Rapport du préfet de police, 28 messidor an X (17 juillet 
: Adlard, Paru tovs le Cûntulat, t III, p. ISS. 
Rapport du mËme, 10 ventOse an XI (1~ mars 1803) : Ibidem, 
, p. 708, 
D'AvENBL. Ui Evéquet et archevêque» de Parti, t. Il, p, IM- 



PERSONNEL ECCLÉSIASTIQUE SUBALTERNE 49 



r 



Le personnel ecclésiastique subalterne des différentes 
paroisses fut recruté autant que possible parmi les 
prêtres qui avaient déjà eu occasion d'exercer le minis- 
tère dans le quartier, en y adjoignant ça et là des amis 
personnels du nouveau curé ou d'anciens religieux. On 
ne comptait alors dans les paroisses de Paris qu'un 
premier et un second vicaires, rarement un troisième : 
les autres prêtres, intitulés simplement du clergé de..., 
attache à V église de..., habitué d..., et un peu plus tard 
administrateur des sacrements à..., faisaient en somme le 
même service que les simples vicaires de la seconde 
moitié du dix-neuvième siècle, avec un casuel à peu près 
nul (1). De cet état de choses, modifié seulement par 
Mgr Affre en 1848, quelques semaines avant sa mort tra- 
gique, il résulta sous le Consulat que les cadres très 
limités des vicaires proprement dits se trouvèrent bientôt 
au complet : « Les places sont remplies », écrivait 
Émery un an après la mise en train de la nouvelle orga- 
nisation, « et s'il est très facile d'être attaché à une église, 
il est assez difficile d'y être compté au rang de ceux 
qui ont part aux émoluments, parce que les rangs sont 
pleins (2). » 

Le bruit courut dans certains cercles hostiles que les 
anciens constitutionnels étaient systématiquement exclus 
des emplois de vicaires, et que cet ostracisme était 



(1) Renseignements communiqués par M. le chanoine Pisani. 

(2) A Bausset, 27 avril 1803 : Papiers Emery. 

IV. 4 



ÈRB ORGANISATION CONCORDATAIRE 

les sulpiciens (1). L'allégation ne résiste pas 

des listes du personnel : dans presque toutes 
;s, dans celles même dont lecuréavait bravé 
i prison plutôt que de jurer, il y avait des 
s au nombre des vicaires. 
: le culte catholique avait été proscrit ou sira- 
)léré, le clergé avait vésu au jour le jour, 
[>ays démission, sans beaucoup se préoccuper 
rôts matériels. Du moment où l'ex(!rcice de la 

officiellement reconnu, les questions de casuel 
!ur importance, pour les vicaires surtout, qui 
int point de traitement de l'État et qui étaient 

sur le produit des oblations. Dubois, très 
îcueillir tous les bruits défavorables au clergé, 
/ec insistance que dans beaucoup de paroisses 
. se plaignaient du manque de générosité des 
ir égard (2). Ce n'est qu'au bout d'un certain 
ntervint un règlement général et uniforme. 



VI 

rsité d'origine et les dissentiments passés 
inconvénients dont on pouvait triompher à 
iscipline et d'esprit de conciliation. Un autre 
lins immédiat était plus redoutable pour le 
^ordalaire, composé de prêtres âgés ou déjà 
ai lesquels se comptaient ceux qui n'avaient 
ssu quarante ans, à savoir : la difficulté du 

t du prÉfet de police, 23 flori>al an X (13 mai 1802) ; 
It lom U Contulat, t. 111, p. 51. 

ts du même, 3 tliormidoF an X et 17 brumaire 
', 3S30 et 383â. 



RECRUTEMENT DU CLERGÉ 51 

recrutement. « C'est là, c écrivait un royaliste irrécon- 
ciliable, » c'est là véritablement son côté faible; c'est par 
là qu'il périra, et avant qu'il se soit écoulé seulement dix 
années, cette vérité sera palpable pour tout le monde (i) . » 
La Révolution, qui avait suscité quelques apôtres, avait 
tari la généralité des vocations ecclésiastiques : la majo- 
rité des séminaristes de 1790 avaient embrassé des 
carrières civiles ou même militaires; dans les familles les 
plus chrétiennes, les enfants avaient grandi en dehors de 
ces habitudes de piété régulière, de ces pompes exté- 
rieures du culte, qui disposent à la vie sacerdotale tant 
de jeunes âmes plus ferventes qu'héroïques ; les parents, 
de leur côté, devaient hésiter à favoriser une détermina- 
tion que la crise récente et l'état actuel des esprits révé- 
laient si entourée de périls, si aléatoire tout au moins 
au point de vue des avantages temporels. 

La mort en effet ne tarda point à éclaircir les rangs 
d'un clergé soit vieilli, soit usé prématurément parles 
émotions et les épreuves. Pour combler les vides, on fut 
forcé plus d'une fois d'appeler ou d'accueillir des prêtres 
originaires de diocèses dans lesquels les besoins étaient 
moins urgents ou le personnel plus nombreux. Ces 
admissions, provoquées par la nécessité, furent-elles 
toujours précédées d'une enquête suffisamment appro- 
fondie? Il est permis d'en douter (2). 

Le recrutement normal, par l'ordination de sujets nés 
cfu tout au moins formés dans le diocèse, était préfé- 
rable à tous égards. Aussi la réorganisation du sémi- 



(1) Remagle, Relations secrètes des agents de Louis XVIII, 
p. 443. 

(2) Cf. les exemples allégués dans une lettre de Le Goz, arche- 
vêque de Besançon, au cardinal Maury, du 24 octobre 1813 : Le 
Coz, Correspondancet t. II, p. 377-379. 



GANISATION COHCORDATAIRE 

les premières questions qui se posa, 
ancienne que la compagnie de Saint- 
supérieur général de cet institut le 
laire de Paris. Dès l'accalmie de 1800, 
pé quelques jeunes gens rue Saint- 
maison qui était à l'enseigne de la 
' reprendre autant que possible les 
Pancemont l'avait prié de venir le 
s élèves aux offices de l'église des 
; lieu d'édifice paroissial aux catho- 
jice (1). 

■dat, l'archevt^que, se faisant l'inter- 
iiéral dans les milieux ecclésiastiques, 
rnement de remettre à sa disposition 
Saint-Sulpice, affecté depuis la Revu- 
es veuves de militaires morts pour la 
bien ce bruyant et encombrant per- 
raser d'urgence les bâtiments (2). Le 
f mis en avant fut la convenance de 
le Servandoni et de créer une grande 
e : mais le chef de l'État, dans l'esprit 
estime pour la personne et le carac- 
lit à des préventions déjà alors très 
ongrégation (3), trouva sans d(>ute 
our tenter d'évincer les sulpiciens, 
)ins les souvenirs attachés à l'ancien 

te l'égliie Sainl-Sulpice, p. £61-292. (En effet, 
qui remontait à Olier et qui était encore 
1906, les séminaristes assistaient et partici- 
et jours de fête, aux offices paroissiaux de 

éon. t. II, p. U£-li3. 

alement à Feeoh, le 20 brumaire an XI 
* MéJîez-vous beaucoup des sulpiciens, je 
immes ne sont attachés ni à l'Etat, ni à la 
atrigants. • (Correipondanet, 600.) 



1 

p 

1 



RECRUTEMENT DU CLERGE 53 

séminaire Saint-Sulpice. La même raison de proximité 
de l'église fit probablement écarter l'attribution au sémi- 
naire de l'ancienne Maison des Orphelines de la rue du 
Vieux-Colombier, qui depuis lors a servi de maison- 
mère aux Filles de la Cbarité, puis de caserne aux i 
sapeurs-pompiers. Après avoir songé à Pabbaye de 
Sainte-Geneviève et même à la maison des jésuites de la 
rue Saint-Antoine (lycées actuels Henri Quatre et Gharle- 
magne), le gouvernement s'arrêta à l'ancien collège des 
Grassins, rue des Amandiers (notre rue de l'École-Poly- 
technique) : un rapport de Chaptal exposa que ce local, 
muni d'une chapelle et d'une grande cour, serait très 
aisément adapté au séminaire (4), et un arrêté consu- 
laire le mit à la disposition de l'archevêque (2 ventôse 
an XI-21 février 4803). 

Comment Émery et Belloy eurent- ils le crédit d'éluder 
l'exécution de cet acte de l'autorité? Ce qui est défait, 
c'est que le séminaire ne s'installa jamais au collège 
des Grassins, et ne quitta pas le voisinage de Saint-Sul- 
pice. A la rentrée de 4803, on se logea provisoirement 
rue Notre-Dame-des-Ghamps, vers l'emplacement actuel 
de la rue Vavin, dans un bâtiment si exigu que pour 
les cérémonies de quelque importance il fallait recourir 
à l'hospitalité des voisins (2). Cependant Émery faisait 
acheter par un prête-nom et acquérait pour son compte 
personnel quelques mois plus tard (3) l'ancien couvent 

(1) 29 pluviôse an XI (18 février 1803) : AF. IV, plaq. 487. 

(2) « Nous avons fait le jour de la Présentation la rénovation 
des promesses cléricales entre les mains de M. le cardinal de 
Belloy. Notre local ne permettant pas les évolutions nécessaires 
à la cérémonie et l'admission des étrangers, nous avons emprunté 
la galerie de l'hôtel Fleury, ci-devant la galerie de l'abbé Terray 
[le fort peu dévot ministre de Louis XV]. Vous comprenez, Mon- 
seigneur, que nous avons employé la veille force eau bénite. » 
(Emery à Bausset, 23 novembre 1803 : Papiers Emery.) 

(3) C'est le 27 ventôse an XIII (18 mars 1805) qu'Emery acquit 



ÈRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

de la Doctrine chrkienne, rue du Pot-de-Fer 
), en face la rue Honoré-Chevalier, c'est-à-dire 
icement du jardin du séminaire bâti sous la 
m et désaffecté en 1906. Les préparatifs 
nent se firent à la tiâte dans l'automne de 
le concours de quelques personnes dévouées, 
!S la jeune Sœur Rosalie, filleule du sap^ 
rentrée eut lieu le 10 octobre (i). Le gou- 
approuva, 11 ferma tout au moins les yeux, 
HO. 

n ne tarda point à être pleine, c'est-à-dire 
d'une centaine d'élèves (2), mais comme Por- 
^uait à l'empereur en appuyant l'exemption 
a jeune Fcutrier (le futur évêque de Beau- 
istre de Charles X), l'immense majorité des 
s appartenaient à d'autres diocèses, où Us 
toiuTier après leurs études théologiques; sur 
3uf jeunes gens groupés dès l'été de 1805, 
nent étaient appelés à exercer le ministère 
ï Paris (3). 

nédier à la disette croissante de prêtres, on 
n peu, surtout quand on avait affaire à des 
évidemment mûries, les délais canoniques 
legrés préliminaires du sacerdoce : ainsi le 
ard, entré au séminaire âgé de vingt-huit ans 

1802, recevait la tonsure et les ordres mineurs 

1803, le sous-diaconat en septembre, le dia- 

l'immeiible d'un sieur Carvoisin, pour le prii da 
s, (Rapport de l'architecte G&rrez à Bigot de Prêt' 
let 1810 : AF. IV, plaq. 3530.) 
t. Emery, t. II, p. 109-114. 
t. II. p, 140. 

i. Napoléon, Il frucUdor an XIH (» août 1805' 



RECRUTEMENT DU CLERGE 55 

conat en mai 1804 et la prêtrise en décembre suivant (1). 
On s'efforçait surtout de préparer un avenir meilleur, 
en revenant aux pratiques des temps normaux, et en 
suscitant des vocations parmi les adolescents bien dis- 
posés. Le meilleur moyen eût été de rétablir à Paris un 
petit séminaire^ comme il s'en rouvrait dans plusieurs 
diocèses, et comme Portails en proclamait la nécessité 
dès 1806 en termes trop absolus, trop dédaigneux sur- 
tout (2). A défaut d'un tel établissement, qui pour des 
motifs inexpliqués ne fut créé qu'à la fin du régime, 
sous l'administration de Maury, il y eut de méritoires 
efforts individuels : un prêtre habitué de Saint-Merry, 
Hubault de Malmaison, qui devait être plus tard curé de 
Saint-Louis-en-l'Ile, se distingua notamment par le zèle 
judicieux avec lequel il discernait les enfants bien doués, 
leur donnant tout à la fois un commencement d'instruc- 
tion classique et de formation religieuse (3). On tâchait 
aussi, avec le consentement des évêques respectifs, de 
recruter, dans les diocèces où les vocations surabon- 
daient, des sujets disposés à se préparer au ministère 
parisien; c'est ainsi qu'après les vacances de 1808, Frays- 
sinous présenta au séminaire un de ses compatriotes du 
Rouergue, un adolescent de quinze ans qui s'appelait 



(1) LiAUTARD, Mémoires, t. I, p. 43. 

(2) « Il serait impossible que des enfants qui auraient reçu une 
éducation brillante dans les collèges ou dans les lycées eussent 
le désir d'embrasser une carrière qui n'offre aucune ressoui^ce à 
l'ambition. On ne trouve de jeunes clercs que dans les classes 
les plus pauvres de la société... » (Rapport à Napoléon, 12 août 
1806 : PoRTALis, Discours, rapports et travaux inédits sur le Con- 
cordat, p. 355.) 

(3) GoLLiGNON, Histoire de la paroisse de Saint- Louis-ei^ -Vile, 
p, 141-145. (Cet auteur qualifie l'abbé Hubault de vicaire à Saint- 
Merry, mais le curé de la paroisse, Fabrègues, le traite formelle- 
ment, dans ime supplique à l'empereur, de « simple prêtre 
habitué. » £14 septembre 1811 : F. 7, 6568].) 



B6 PREMIERE ORGANISATION CONCORDj 

Denis Affre {!) : les condisciples du futur arch 
Paris le plaisantèrent sur sa petite taille, et 
Émery se permit de lui dire : ■ Vous auriez d 
votre nourrice (2) ! • 

La formation intellectuelle et morale, dam 
naire de la rue du Pot-de-Fer, fut conforme j 
tions plus que séculaires de la compagnie de 
pice. Dans les sphères oflicielles comme dans 
ecclésiastique, on sentait alors plus impérieu 
besoin de relever les ruines que celui de reno 
programmes. En rapportant au Tribunal li 
devait régler Tiustitution des séminaires g 
tains (3), le politicien-poète Carrion-Nisas ne I 
recommander aux prêtres du nouveau régim 
réserve et la mansuétude : > Dans les circonst 
nous nous trouvons, des ministres indiscrets riS' 
de rejeter Tbomme naturellement religieux dan 
de la philosophie humaine, qui répond si in 
ment au cri de son cœur. Lévites, vous êtes m: 
auprès du voyageur blessé, vous ne souffrirez 
ce soit le Samaritain qui verse le baume sur 
sures (4)1 » Si le rigorisme janséniste ou sir 
gallican était encore, comme nous le verrons, 
de la direction spirituelle, Émery et ses i 
n'avaient pas besoin des conseils de Carrion-Ni 
détourner leurs élèves des vivacités de langa( 
plume. Le respect de l'autorité établie, confo 
uu véritable et constant enseignement de l'Égl 



' (1) Ui^NHiON, Vit dv M. Frayseinûiis, t. I, p. SI. 

(2) Cm-icE, Yie de D. A. Affre. p. 13-14. 

(3) Commo nous lo rappellerons un peu plus li 
tioii ne fut point rOaliste. 

(i) Rapport du 31 vciitùso an XH (IS mais 1804} 



RECRUTEMENT DU CLERGÉ 57 

également en honneur chez les sulpiciens; après une 
inspection inopinée rue du Pot-de-Fer, Portalis écrivait 
à son maître : « Je puis attester à Votre Majesté que 
dans ma visite au séminaire, j'ai été édifié du bon 
esprit qui y règne. J'ai d'abord causé avec les directeurs 
et professeurs, et ensuite avec les séminaristes. J'ai fait 
tomber la conversation sur tous les objets d'instruction 
qui peuvent intéresser le gouvernement et l'État, et je 
me suis aperçu qu'on y professait les principes qui 
doivent garantir les devoirs et la fidélité des sujets de 
Votre Majesté (i). i 

Si l'on écourtait parfois, sous l'empire de la nécessité, 
les délais normaux entre l'entrée au séminaire et la dé- 
finitive ordination sacerdotale, on n'en mettait que plus 
d'insistance à rappeler aux séminaristes la gravité de la 
détermination qu'ils allaient prendre, la sévérité de la 
vie qu'il leur faudrait mener. L'un de ceux précisément 
qui devaient le plus abréger leur stage préliminaire 
écrivait, sous l'impression des premières exhortations 
reçues : f Je deviens ou du moins je tâche de devenir 
moins amoureux de mes aises, moins, moins, moins (sic) 
tout ce que j'étais auparavant et que je n'aurais pas dû 
être... (Il s'agit) d'un état le plus difficile et le plus ter- 
rible de tous, où il faut mépriser richesse, plaisir, consi- 
dération; où la plus grande science est nécessaire, et où 
la vertu est plus nécessaire que la science (2). » 

Entre autres anciennes coutumes, Émery reprit celle 
de former les séminaristes à la prédication en leur con- 
fiant les catéchismes faits aux enfants de la paroisse 
Saint-Sulpice. Parmi les jeunes directeurs ou chefs de ces 
catéchismes pendant la période de 1803 à 1814, il y eut 

(1) 11 fructidor an XIII (29 août 1805) : AF. IV, 1045. 

(2) Liautard à un ami, 13 octobre 1802 : Liautard, Mémoires^ 
I, p. 42-43, note. 



lË ORGANISATION CONCORDATAIRE 

appelés à marquer dans le clergé de la Res- 
mme le plus jeune des Sambucy, Quelen, 
bin-Janson, etc. (1). 

i; un nombre restreint de professeurs et 
me en tenant compte du méritoire désin- 
ies sulpjciens, qui ne réclamaient ni loyer 
ments, ni émoluments personnels, le sémi- 
uait pour le budget archiépiscopal une 
use. La grande majorité des élèves appar- 
es familles peu aisées I en moyenne, un 
lement d'entre eux payaient la modeste 
lOO francSj et deux autres dixièmes acquit- 
lement la moitié de la pension; le reste 
état de verser la moindre contribution (2), 
■e le grf? d'Émery, à qui cette innovation ne 

e, Feseh assura au séminaire une subven- 

f, en prenant parmi les élèves les clercs de 
mpériale (3). De son côté, Belloy fonda en 
sse diocésaine, qui par un toucbant rappro- 
t destinée tout à la fois à l'éducation des 
s et au soulagement des invalides du sacer- 
caîsse devait êtie alimentée par des sous- 
r des legs et par une quête annuelle, faite 
ises le quatrième dimanche de l'Avent (4), 

M catéekiimet de Sainl-Sulpiee, p. 118-198. 
le Bigot de Prëameneti à Napoléon, septembre ou 
AF. IV, plaq. 5576- 

nus que les clercs de [a uhapelle sont pris dans le 
16 les appointements seront verst^s dans la caisse 
C'est M, le Grand-Aumônier qui a imaginé cela : 
singulariUst k (Emcry à Bauaset, 3 rnsn^ iSOS : 
). 

. On ii'ii.'^a point iinniùdtatcment à Poi'is des dtti- 
i^cret du 13 thermidor an XllI, qui autorisait le^ 
lever ea faveur des prêtres âgés ou infirmes le 



KECHUTEMENT DU CLERGÉ 89 

Mais tout cela était encore insufQsant. Napoléon, mis au 
courant de la situation, manifesta d'abord l'intention de 
venir en aide à une soixantaine d'élèves, en leur distri- 
buant annuellement 20,000 francs divisés en bourses 
et demi-bourses (1). Le décret du 30 septembre 1807 
étendit et généralisa cette idée : à partir de 1808, il 
devait y avoir dans tous les séminaires diocésains des 
bourses et demi-bourses à la nomination de l'empereur; 
pour Paris, le nombre en était fixé à trente-quatre 
bourses et soixante-huit demi-bourses. 

Une loi du 23 ventôse an XII avait décidé la création, 
près de chaque siège archiépiscopal, d'un séminaire 
métropolitain, sorte d'école supérieure de théologie où se 
perfectionnerait l'élite du jeune clergé : pour installer 
le séminaire métropolitain de Paris, l'empereur songea 
un instant à l'abbaye de Saint-Denis (2), où il n'était 
point question alors de loger les demoiselles de la Légion 
d'honneur. Mais cette institution des séminaires métro- 
politains, sans précédent dans les traditions du clergé 
français, ne devait point être réalisée : le décret du 
17 mars 1808 lui substitua les facultés de théologie, 
qui ont survécu jusqu'en 1885 comme établissements 
officiels. 

sixième du produit des chaises dans toutes les églises : c'est seu- 
lement sous Tadministration de Maury qu'il fallut recourir à 
cette ressource, par une conséquence indirecte de Texclusion des 
sulpiciens. 

(1) Note à Portails £Qs, 9 septembre 1807 : Correspondance 
13136. 

Ibidem. 



; ORGANISATION CONCORDATAIRE 



>n des paroisses, des Euccursales surtout, 
ec une certaine précipitation, sans que 
ï matérielle fût partout assurée. Si dans 
ir une heureuse rencontre, aucune des 
es paroissiales n'avait été aliénée, et s'il 
té du préfet pour les mettre à la dispo- 
levêque (i), la situation était très difTé- 
où sur quarante-trois paroisses recons- 
t édifices paroissiaux avaient été vendus 
des particuliers (2). Belloy, désireux de 
e relever des vocables consacrés par la 
urs générations, eut la prudence, dans 
î de réorganisation, de protester de son 
:s droits des possesseurs actuels, droits 
it venait de consacrer (3). Moins scrupu- 
s timorée, l'administration prélectorale 
3S les fois qu'elle put découvrir quelque 
.es arrêtés de déchéance contre les acqué- 
titre de possession parut indiscutable, la 

aX (3 juin iSOS) : GnENTe, U Culte calhoHque à 



aition, en fixant les titres de ces différentes 
; de préjudicier en aucune manière aux titres 
uraieut avoir les propriétaires actuels de plu- 
I, dont les droits sont reconnug incoœmutables 

si l'état présent d'une ou plusietu^ de ces 
|>a^i la célC-ltration des divins ornces. nous nous 
slï'rur mumentanément, du consentement du 

de concert avec le citoyen préfet, dans une 
!me arrondissement, l'esercice du culte... ° 



1 



ÉDIFICES PAROISSIAUX 61 

yille prit les édifices à bail, sauf à les racheter succes- 
sivement dans la pe'riode de 1807 à 4811 (1). 

Un propriétaire au moins paraît s'être refusé même à 
one location, et avoir par son obstination empêché la 
création d'une paroisse. L'ordonnance de Belloy érigeait 
au nombre des succursales de Saint-Merry, dans le 
VII' arrondissement, le Petit Saint- Antoine, ancienne 
église de l'ordre de Malte, située au coin de la rue Saint- 
Antoine et de la rue du Roi-de-Sicile. Cet édifice était 
devenu un magasin à sel : faute d'un autre local conve- 
nable dans le quartier, la paroisse n'eut jamais d'exis- 
tence, et le curé désigné, Fabrègues, demeura vicaire à 
Saint-Merry jusqu'au jour prochain où il fut promu 
curé sur place (2). 

Une opposition plus inattendue fut celle de la Mère de 
Soyecourt. Sans la consulter, l'archevêque avait érigé 
en succursale de Saint-Sulpice l'église des Carmes de la 
rue de Vaugirard, et nommé desservant l'un des colla- 
borateurs de Pancemont, l'abbé de Sambucy. Mme de 
Soyecourt, propriétaire de l'église comme du couvent, 
avait volontiers donné l'hospitalité au clergé insermenté 
de Saint-Sulpice exilé de son église : une fois celle-ci 
rendue au culte orthodoxe, elle désira rester aux Carmes 
seule avec ses religieuses, sans le gênant et bruyant voi- 
sinage d'une paroisse. En femme d'affaires consommée 
qu'elle était, elle alla montrer son contrat d'acquisition 
à Portails, fit agir auprès de l'archevêque, et obtint enfin 
au bout de quelques semaines que la succursale fût sup- 
primée (3). 

(1) Des Cilleuls, Histoire de V administration parisienne, t. I, 
p. 389-390. 

(2) Grentb, le Culte catholique à Paris, p. 324. 

(3) Vie de la R. M, Thérèse-Camille de Soyecourt, p. 172. (Ce récit 



62 PREMIÈRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

Citons enfin, comme ayant eu une existence éphé- 
mère, la succursale de la Concep^eon, dépendant de Saint- 
Roch, et située sur l'emplacement actuel de la rue 
Duphot. Si l'église servit quelque temps au clergé de la 
Madeleine (4), la paroisse ne connut pour ainsi dire 
point d'autonomie, et le curé désigné ne tarda point à 
redevenir premier vicaire de la Madeleine. 

D'autres noms figurent dans l'ordonnance constitutive 
de Belloy, qui ne se retrouvaient plus au début du ving- 
tième siècle sur la liste des paroisses parisiennes, soit 
qu'il s'agisse de circonscriptions supprimées dans l'in- 
tervalle, soit plutôt qu'une translation matérielle ait 
coïncidé avec un changement de vocable. En 1809, la 
démolition de l'église Saint-Benoît entraîna la dispa- 
rition de la paroisse, sans qu'on ait donné suite au 
projet de lui assigner pour centre l'église de la Sor- 
bonne (2). Vers la même époque, la succursale des 
Filles Saint-Thomas, installée dans la nef de l'ancien 
couvent, fut, à cause de la construction de la Bourse, 
non point transférée, mais réunie purement et simple- 
ment, avec fusion des deux clergés, à celle des Petits- 
Pères, qui venait de recevoir le nom de Notre-Dame- 
des-Victoires. L'église du monastère de TAbbaye-aux- 
Bois, rue de Sèvres, malgré ses proportions exiguës, 
servit de centre jusqu'en 1857 à une paroisse en partie 
fort aristocratique (3). 

Une succursale avait été créée dans le troisième arron- 



gaze, ainsi qu'il convient, la résistance de la supérieure à un acte 
de l'autorité archiépiscopale.) 

(1) La Madeleine était pourtant la cure primaire du premier 
arrondissement, et la Conception une succursale du deuxième, 

(2) Journal de V Empire, 16 octobre 1807. 

(3) Cette église, réduite ou rendue à l'usage de chapelle d 
couvent, vient d'être démolie à l'automne de 1906. 



ÉDIFICES PAROISSIAUX 63 

dissement sous le titre de Saint-Lazare : dans la pensée 
de l'archevêque, elle devait avoir pour siège la chapelle 
de l'ancienne maison des lazaristes, au faubourg Saint- 
Denis, mais ce local, alors converti en magasin de sub- 
sistances, fut inopinément et obstinément refusé. On 
loua à la hâte un hangar rue Bleue, pendant qu'on cons- 
truisait rue Montholon une église qui, en l'honneur du 
fondateur des lazaristes, reçut le nom de Saint- Vincent- 
de-Paul (le monument actuel date de Louis-Philippe) (1). 
— La succursale des Minimes perdit bientôt, elle aussi, 
son emplacement primitif et son nom, car la belle église 
des Minimes du Marais (un chef-d'œuvre de Mansart) ne 
tarda point à être emportée par une opération de voirie; 
après s'être provisoirement abrité dans une salle du 
couvent demeuré debout (la caserne de gendarmerie 
actuelle), le culte émigradans la chapelle des religieuses 
du Saint-Sacrement, rue de Turenne : d'où le nom nou- 
veau de Saint-Denis-du-Saint-Sacrement, qu'a gardé 
l'église construite de 1826 à 1835 (2). — Sainte-Valère, 
érigée également dans une chapelle de couvent, au coin 
de la rue de Grenelle et du quinconce des Invalides, 
devait vers le milieu du siècle être remplacée par 
l'église néo-gothique de Sainte-Glotilde. — La succursale 
dite des Missions-Étrangères demeura plus longtemps 
encore installée dans la chapelle de la rue du Bac, 
puisque l'église Saint-François-Xavier n'a été inaugurée 
qu'au début de la troisième République (3). 



(1) L. Lazare, Bibliothèque municipale, t. I, p. 119. 

(2) Grente, le Culte catfiolique à Paris, p. 341-345. 

(3) II. était décidé en principe, à la fin de l'Empire, que l'église 
Saint-Germain-rAuxeiTois serait rasée pour permettre l'établisse- 
ment d'une vaste place et d'une rue aboutissant à la Bastille (Paria 
sous Napoléon, t. II, p.* 139-141); on devait lui substituer l'église 
monumentale Saint-Napoléon, qui aurait été construite entre le 
Louvre et les Tuileries. 



E ORGANISATION CONCORDATAIRE 

Des paroisses, comme » Saint-Louis des ci- 
BS » (Saint-Paul-Saint-Louis) (1), ou Saint- 
Prés (2), l'organisation du culte fut retardée 
emaines ou quelques mois par la nécessité 
a état une église aménagée pour des usages 
iouvent dégradée. A Saint-Leu, le culte fut 
jmpu plus d'une année (1803-i804), par 
ultés avec le propriétaire de l'immeuble. A 
îtli, une chapelle provisoire fut organisée 
du Temple, et c'est en 1809 seulement que 

de servir de magasin à farines (3). Aux 
jusqu'en 1809 également, le curé n'eut à sa 
|ue la sacristie, tandis que I église était 

Bourse (4) : aussi les offices religieux 
duits au minimum, et en grande partie 
: Filles Saint-Thomas bien avant la réunion 

e primaire du premier arrondissement, 
t dans sa circonscription le palais du chef 
aussi, par une singulière rencontre, celle 
s de peine à trouver un abri matériel. Son 
ladeleine : or, rancienne église de ce nom 
une prochaine démolition, et la construc- 
il édifice était interrompue depuis le début 
ion. L'église à coupole du couvent de l'As- 
lignée au culte paroissial, était encombrée 



Culte catholique à ParU, p. 346. 
) Débats, IS messidor an X. 

CvUe eatholiqui à Parit, p. 315-316. 
Pèlerin à NotTe-Dame-da-Vùtoirei, p. S3-2B. 
ans un intérêt de convenance et de conservation, 
laine déclarât désiiable l'i'reotion en succursalet 
1 Sorbonne et du Val-de-Grâce. (Rapport sur les 

de Paris, présenté â l'empereur le 24 décembrr 
de M. Alfred Foulon.) 



ÉDIFICES PAROISSIAUX 05 

des décors du Théâtre-Français : en attendant que ce 
matériel fut transporté dans une autre église, celle de 
l'Oratoire, on s'installa provisoirement et incommodé- 
ment dé l'autre côté de la rue Saint-Honoré^ dans la 
chapelle de la Conception. Le local de TAssomption^enfin 
débarrassé^ un arrêté soumis subrepticement à la signa- 
ture de Bonaparte l'affecta à l'hospice de la garde con- 
sulaire; mais Portalis, informé après coup, se fit le très 
énergique interprète des doléances du clergé : « Depuis 
plus d'un an que vous avez nommé curé le citoyen Costaz, 
il est sans église, sans domicile, sans fonctions (i). » En 
représentant que cet état de choses était particulière- 
ment choquant pour la paroisse des Tuileries, il obtint 
(29 vendémiaire an XII-22 octobre 4803), la signature 
d'un nouvel arrêté, qui annulait le précédent et attri- 
buait au clergé de la Madeleine Téglise de FAssomption, 
avec le chœur des religieuses. Réduite à une rotonde, 
cette église était manifestement de proportions trop res- 
treintes pour le service paroissial d'un quartier élégant et 
déjà populeux. Dès 1808, on parlait d'y adjoindre « une 
nef spacieuse en forme de basilique » (2); en 1813, mal- 
gré rédification du Temple de la Gloire sur les plans de 
Vignon, il était entendu qu'on chercherait un emplace- 
ment dans le quartier pour bâtir une église définitive (3); 
le statu giw se prolongea pourtant jusqu'en 1843, date à 
laquelle le monument de Vignon fut enfin achevé avec 
des modifications et consacré au culte catholique (4). 

(1) Rapport du 28 yendémiaire an XII (Si octobre 1803) : AF. 
IV, plaq. «04. 

(2) LsGRAND et Landon, Description d» Parii, t. I, p. 82. 

(3) « La paroisse du premier arrondissement est maintenant 
établie dans l'église du couvent des religieuses de l'Assomption, 
en attendant que celle de la Madeleine soit b&tie. » (Rapport précité 
de Fcmtaine, 24 décembre 1813 : Archives de M. Alfred Foulon). 

(4) Pour être complet, il faudrait mentionner aussi Notre-Dame- 

nr. 5 



OaSANISATION CONCORDATAIRE 

aroissiales, celles mêmes où l'exercice du 
rétabli un certain temps avatit le Con- 
Dt toutes des traces de la crise de vanda- 
t coïncidé avec la Terreur. Les moins 
leuraient dépouillées des statues, des 
)mement8 dont les avait successivement 
la piété de plusieurs générations. 
I sacrés avaient presque tous disparu, 
B compte de l'État ou brocantés par les 
aajeure portion de l'orfèvrerie de bronze 
le, les statues, plus encombrantes et de 
intrinsèque, avaient en partie échappé à 
Un précurseur de l'archéologie moderne, 
oir, en avait sauvé un grand nombre en 
int, dans un intérêt historique et artis- 
Musée des monuments français, installé par 
n couvent des Petite-Augustins (1). 
ler à la nudité des églises, qui était un 
m pour les chrétiens et de scandale pour 
38 de goût, le moyen le plus simple et le 
le consistait à leur rendre une partie des 
losés aux Petits -Augustin 9 : c'est le parti 
. le clergé et auquel s'arrêta le gouverne- 
pposa la résistance désespérée du collec- 
e voit arracher les trésors patiemment 
il eut une altercation homérique, dans 



Qcien titre d'une piifoisse constituUonnelle du 
hé en ISOS à la chapelle dite jadis de Saint- 
au faubourg Montmartre; l'église actuelle ne 
>a 1S36. (Grbntb, U Culte eathotigne à Paru, 

ms ^UeuTB de ce musée, qui, malgrâ ses imper- 
mes, contribua au réveil des études historiques 
tement l'avënement du romantisme. 
) d'Arthivei du 'outiée iti Jlfonum«nti françait. 



ËOIFIGES PAROISSIAUX 67 

toute l'acception du terme, avec le sculpteur Deseine, 
officiellement chargé de rechercher au musée les objets 
propres à la décoration de Notre- Da^e (i); quand il fut 
convaincu qu'il fallait céder, il s'exécuta le plus maus- 
sadement du monde^ écrivant par exemple au curé de 
Saint-Sulpice qu'il lui faisait remettre des statues < con- 
sidérées comme inutiles au musée (â) ». Sur l'autorisa- 
tion ou l'ordre du ministère de l'intérieur, les restitu- 
tions ne s'en succédèrent pas moins dans l'été et 
l'automne de 1802, ou plutôt les attributions. Moins 
encore par mauvaise grâce que par défaut de scrupule 
artistique, Alexandre Lenoir et ses collaborateurs se 
préoccupaient assez peu de remettre en place propre les 
statues qui avaient été soustraites aux différentes églises : 
ils considéraient le musée des Monuments français 
comme un vaste dépôt, comme une sorte de garde- 
meubles de sculpture religieuse, où ils étaient libres de 
puiser à leur gré pour répartir les largesses gouverne- 
mentales. Non contents de distribuer à l'aveuglette les 
objets provenant d'églises détruites ou définitivement 
condamnées, ils firent de cette méthode des applications 
particulièrement déconcertantes : c'est ainsi que sur 
quatre statues mises à la disposition du curé de Saint- 
Germain-des-Prés, une seule avait appartenu à l'église 
du temps des bénédictins; les autres venaient respec- 
tivement de Notre-Dame, des Jésuites de la rue Saint- 
Antoine et des Minimes, trois églises concordataires (3)t 
Le procédé, qui révolte nos habitudes d'esprit, n'était 



l'archéolo^e Courajod avait entrepris la très intéressante publi- 
cation du journal et de la correspondance de Lenoir. 

(1) Chaptal k Lenoir, 19 thermidor an X, et réponse de Lenoir, 
22 thermidor : Archives... ^ t. II, p. xii-xiv. 

(2) 5 fructidor an X : Ibidem, t. II, p. xv. 

(3) Ibidem, U I, p. 167-471 et 173-177. 



«s PREMIÈRE ORGANISATION CORCORDATAIRE 

point d'ailleurs pour choquer les contemporains, et dans 
ce musée même qu'il avait aménagé avec tant de sollici- 
tude, Lenoir s'étail permis d'aussi étranges amalgames. 
Un peu plus tard, à son ministre du trésor, qui propo- 
sait correctement de renvoyer à Tournai quatorze vases 
d'argent pris lorg de la conquête dans la calliédrale de 
cette ville, Napoléon intimait l'ordre d'en faire don à 
Notre-Dame de Paris (1). 

En effet, les générosités du chef de l'Etat ne se limi- 
tèrent pas à la difficile période des débuts. Au plus fort 
des préoccupations que lui donnait ta conspiration de 
Georges, il demandait à Portalis • un état de ce qui peut 
être nécessaire aux différentes églises de Paris, jusqu'à 
la concurrence de 50,000 francs (2). • En 1811, revenynt 
au système des distributions d'objets d'art, il décida qu'à 
l'exception des ■ chefs-d'œuvre •, les tableaux religieux 
du Louvre seraient répartis entre les < grandes • églises 
de la capitale (3) : par application de ce principe, 
cent huit tableaux échurent aux principales églises de 
Paris (4). 

C'est surtout Notre-Dame, l'église de la cérémonie de 
Pflques 1802, du sacre de 1804 et du baptême de 1811, 
qui fut l'objet des largesses consulaires et impériales. Il 
faut dire que les besoins en 1802 y étaient plus considé- 

(1) 11 prairiitl an Xll (6 juin 1804) : Correspondance, 7808. 

(S) 5 ventûse an XII (2S février 1801) : Ibidem, 75SS. 

(3) En rendant compte de cette décision et en en préparant l'ex^ 
culion, Montalivet osait marquer une discrète désapprobatioi 
• Les fabriques en général ont très peu de soin de» tableaux ç 
ornent tes églises. De cent cinquante tableaux qui leur ont i 
distribués [surtout en province] Il y a quatre ans par le minisi 
des cultes, plusieurs, par suite de cette incurie, sont menât 
d'une ruine totale. • (Rapport du 13 février 1811 : AP. IV, pl( 
4081.) 

(1) Décret du IS février 1811 ; Ibidem. 



ÉDIFICES PAROISSIAUX 69 

rables encore qu'ailleurs, et que l'immensité de l'église 
faisait ressortir l'étendue des dépradations. Si l'architec- 
ture gothique demeurait en butte à un discrédit à peu 
' près général, et si certains visiteurs pouvaient sans scan- 
dale manifester leur préférence pour la façade de Saint- 
Sulpice (1), la multiplicité des souvenirs attachés à la 
vieille cathédrale attirait bon nombre d'étrangers. Voici 
la désolante impression qu'en rapportait l'un d'entre eux^ 
près de quatre mois après la promulgation du Concordat : 
« Par derrière (le chœur) on voit les restes de plusieurs 
chapelles qui ont été détruites par les violences révolu* 
tionnaires. Les confessionnaux et les plus belles sépul- 
tures ont complètement disparu, et les tombes sont 
encore béantes. Bref, il n'y a à voir que des murailles 
dénudées et les traces des plus épouvantables sacri- 
lèges (2). » 
Le gouvernement fit de son mieux, dans un temps où 
i l'équilibre budgétaire était encore mal assuré, pour 
i remédier à cette détresse. En même temps qu'une pre- 
i mière remise en état était ordonnée, on restituait à 
l'église son indispensable dépendance, la sacristie, dont 
la Révolution avait fait une annexe de l'Hôtel-Dieu, en 
murant la porte de communication avec l'abside (3). Le 
chef de l'État avait l'attention d'informer personnelle- 
ment l'archevêque, dans les termes les plus gracieux, 
qu'on allait reconstituer dans la mesure du possible l'en- 

(1) KoTZEBUE, Souvenirs de Paris, t. II, p. 424. 

(2) Lettre du colonel Thornton, 16 août 1802 : Revue britannique ^ 
1894, t. II, p. 16i. 

(3) Portalis au ministre de l'intérieur, 10 tloréal an X (30 avril 
1802) : F. 15, II, Seine, 1863. 11 s'agit de la sacristie néo-grecque 
bâtie par Soufflot à la fin du dix-huitième siècle. Deux ans plus 
tard, on mit encore à la disposition du clergé de la cathédrale la 
chapelle dite des Enfants trouvés, occupée par la pliarmacie cen- 
trale des hôpitaux. (Fontaine et Percier à Portalis, 18 fructidor 
an XII (5 septembre 1804) : F. 15, II, Seine, 1874 a.) 



ÏANISATION CONCORDATAIRE 

ipersë pendant la crise (1). Ed effet, 
, investi de cette mÎBsion, fit revenir 
nents français ce qui subsistait de la 
le Versailles et d'autres dépôts une 
jadis appendus dans le chœur et la 
icre, le ministre de l'intérieur donna 
u chanoine d'Astros, pour la catbë- 
intenant les célèbres ■ reliques de la 
, désaffectation de la Sainte-Chapelle 
enl émigré à Saint-Denis, puis au 
i de la Bibliothèque nationale, ce qui 
réservation. Au lendemain d'Auster- 
en rappelant que cette bataille avait 
mier anniversaire de son couronne- 
îelloy l'envoi de quarante-cinq dra- 
t russes (3). C'était la reprise d'une 
Sgime, celle qui avait valu au maré- 
; son surnom le plus populaire (i). 
ronnement, un journaliste affirmait 
^upation alors assez inattendue, les 
eut t à effacer les injures du temps, 
de cet édifice gothique • (5). La réa- 
. ces excellentes intentions : < ... Le 
ne, » écrivait Portails quatorze mois 

S8 juia 1802) : Correipondance, 611S. 
a sonneur Gilbert, publié dane la Semaine 
n février 1900, ave« des notes de M. le 
imise en place des tableaux se prolongea 
dt l'Empire, 4 août 1807) ; la plupart d'entre 
lin des musées lors de la r ' 



iR, le Tapiiiier de Noire-Dame, 
s, iO fructidor an XII. 



ÉDIFICES PAROISSIAUX 71 

après la solennité, « a été dégradé par suite des cons- 
tructions temporaires élevées pour la cérémonie du sacre. 
Le jubé a été abattu et n'a point été remplacé par une 
grille. Plusieurs panneaux de la boiserie ont été enlevés 
et laissent à nu une partie des murs; on a brisé 
une grande quantité de vitraux pour suspendre les 
lustres... (1). » Au moment même du sacre, l'empereur 
avait promis aux chanoines « d'affecter une somme de 
150,000 francs aux réparations et embellissement de la 
métropole (2) » ; en exécution un peu tardive de cet 
engagement, un devis fut dressé, et approuvé le 28 août 
1806 (3). En 1809, sur les indications de l'empereur, 
on éleva sur l'ancien emplacement du jubé deux 
estrades en marbre avec une grille très riche, dont le 
dessin fort peu gothique fut fourni par Percier et Fon- 
taine (4). 

La munificence impériale s'étendit jusqu'à la maîtrise 
de Notre-Dame, institution destinée à former et à grouper 
les enfants de chœur. Un premier décret avait pour cette 
destination mis à la disposition de l'archevêque une 
maison attenant au Petit-Pont de l'Hôtel-Dieu et détenue 
jusque-là par l'administration des hospices (5) : mais un 
interminable conflit s'éleva entre les deux ministres de 
l'intérieur et des cultes au sujet de certaine allée plantée, 
que l'un déclarait indispensable à la promenade des con- 
valescents de l'Hôtel-Dieu, et que l'autre voulait réserver 
à la maîtrise ou à l'archevêché (6). De guerre lasse, 

(1) Portalis à Napoléon, 12 février 1806 : AF. IV, 942. 

(2) Le même au même, 27 août 1806 : AF. IV, plaq. 1444. 

(3) Ibidem, 

(4) Gilbert, DucripHon historique de la hoiilique métropolitaine 
de Pari$, p. 20-22. 

(5) 27 octobre 180t : AF. IV, plaq. 1505. 

(6) Le prudent Gambacérès, tout en donnant plutôt raison au 



ΠORQANISATION CONCORDATAIRE 

deux ans de contestations, on conclut iin 
slequel la maison et l'allée litigieuseseraient 
à rhApital tandis qu'on construirait un bàti- 
)ur la maîtrise sur des terrains vacants 
l'arclievéché (1). — Avant même que cette 
définitivement installée, le gouvernement 
à son entretien. Le conseil général, dûment 
Liait annuellement 12,000 francs, et comme 
se trouva insuffisante, l'empereur y ajouta 
107 un supplément de 3,000 francs pris sur 
ninistère des cultes (2). 

urvivance des vieux usages, les églises, 
liales, abritaient de temps à autre des céré- 
5 profanes. C'est ainsi que le lycée Gharle- 
li dans l'ancienne maison professe des 
Saint-Antoine, empruntait en 1813 encore 
bution des prix l'église voisine, Saint-Paul 



période révolutionnaire et avant la publi- 
mcordat, l'administration temporelle des 

iiltes, concluait : • J'ai Tait ce que j'ai pu pour 
jï ministres; n'y ayant point réussi. Sa Majesté 
jnoncer. > {Ibidem.) 

e Bigot de Prêamencu, 7 décembre 1808, et décret 
i09 : AF. IV, plaq. 2397. 

e Portalis, 29 avril 1807, et décret du 31 mai 1807, 
tein : AP. IV, plaq. 17S9. 

On a vu qu'en 1806 au moins la distribution des 
rs général eut lieu dans l'église Sainl^-GeneviévS' 
lue au culte. (Pari$ mui Napoléon, t, III, p. 3SS). 



ADMINISTRATION TEMPORELLE DES PAROISSES 73 

paroisses, réduite à fort peu de chose, ne fut point 
réglée partout de façon uniforme. Dans certains quar- 
tiers, le curé ou « chef du culte »^ seul en évidence, cen- 
tralisait tous les pouvoirs comme toutes les responsa- 
sabilités. Ailleurs, des laïques de bonne volonté, en 
nombre variable, constituaient le corps des < adminis- 
trateurs >, qui étaient chargés des quelques rapports 
indispensables avec le pouvoir civil et qui, en appa- 
rence, parfois même en réalité, nommaient et sala- 
riaient les membres du clergé. On vivait alors d'expé- 
dients, et la nécessité était plus urgente de faire face 
aux difficultés tant bien que mal, à l'aide de solutions 
locales, que d'établir une parfaite unité d'action exté- 
l'ieure. 

Le Concordat était muet sur cette question, et l'ar- 
ticle 76 des Organiques ne l'abordait qu'en termes très 
vagues, annonçant une réglementation future sans 
l'édicter : « Il sera établi des fabriques pour veiller à 
l'entretien et à la conservation des temples, à l'adminis- 
tration des aumônes. » 

Comme, après la crise d'anarchie qui venait de sévir, 
le besoin d'autorité se faisait impérieusement sentir dans 
l'Église conune dans l'État, les nouveaux curés et des- 
servants profitèrent du silence des textes officiels pour 
s'approprier l'exclusive direction du temporel et pour 
laisser dans l'inaction les administrateurs de la veille, là 
même où ceux-ci avaient engagé leur responsabilité 
pécuniaire pour l'exécution de travaux en cours. Froissés 
dans leur amour-propre, parfois alarmés pour leurs 
intérêts, plusieurs administrateurs portèrent leurs do- 
léances à Portails : le conseiller d'État écrivit à l'arche- 
vêque qu'en attendant « les dispositions que le gouver- 
nement prépare pour l'établissement des fabriques, 
ordonné par ledit article 76 », le mieux était d'inviter 



lEMIÈRE ORGANISATION CONCORI 

rés à respecter le statu guo et surtout 
oits acquis (1). 

inée suivante, il se produisit dans les i 
rnementales une sorte de revirement 

à la tendance générale. Portails fit i 
le matière l'unité sur toute l'étendue d 
lis n'était ni conforme aux précédents, : 
irable : le mieux serait donc de laisser 

de Taire, chacun pour son diocèse, ut 
'exécution devrait d'ailleurs être subor 
on du chef de l'État. Bonaparte signa i 
pe approuvant cette façon de procéd* 
•29 avril! 803) (2). 

conséquence, Belloy publia trois moii 
jrmidor an XI-21 juillet 1803) une 
oordonnant et mettant au point les anc 
ïroisses parisiennes, créait des conseils 

le curé, ces conseils comprenaient d 
ise six laTques, pris parmi les fonctionr 
imposés, et nommés pour la premiè 
Bvfique de concert avec le préfet. Le p: 
is administrateurs formaient le bureau 
spécialement chargé de l'administratif 
ies orages de la période précédente, il i 
it stipulé que les fabriciens n'étaien 
lentants des paroissiens, et n'avaient 
faire des pétitions en leur nom (3). : 
mt à peu de chose près les dispositi 
rnement, revenu après la mort de Po 



» floréal an X (30 mai ISOS) : Ghbnte, le Cull 
p. 193-191. 

OBTiLis, Discours, rapporlt et travaux inédit 
p. 390, 
HKNTE, te Culte cathoHgue d Pari», p. 19B-196. 



ADMINISTRATION TEMPORELLE DES PAROISSES 75 

idées de réglementation uniforme, devait généraliser 
dans le décret organique du 30 décembre 1809. 

Au moment où le cardinal édictait son ordonnance, le 
Premier Consul parcourait triomphalement la Belgique. 
Désireux d'augmenter sa popularité dans des provinces 
demeurées très croyantes, il accorda la restitution, qu'on 
lui demandait instamment^ des biens d'église non aliénés : 
mais comme il était urgent d'assurer l'administration 
de ces biens^ et que Portails ne l'avait point accompagné 
à Bruxelles, il signa sur le rapport du ministre de l'in- 
térieur, Chaptal, un arrêté confiant la gestion à « trois 
marguilliers que nommera le préfet sur une liste double 
présentée par le maire ou le curé desservant » (7 ther- 
midor an XI-26 juillet 1803). Cette décision, qui provo- 
qua de sérieux conflits dans certains diocèses, demeura 
sans application à Paris, où le préfet Frochot, d'accord 
avec Portalis, considéra qu'il ne s'agissait que d'une 
€ institution accidentelle et provisoire qui devait cesser 
à mesure que les fabriques proprement dites seraient 
organisées (1). > 

Le choix des fabriciens ou marguilliers (on ne faisait 
guère dans le langage courant la distinction des mem- 
bres du conseil et du bureau), leur installation dans le 
traditionnel banc de l'œuvre^ donnèrent à jaser, non seu- 
lement dans les réunions de dévotes, comme on pouvait 
s'y attendre, mais danè les cercles de jacobins irrécon- 
ciliables, qui crièrent une fois de plus à la résurrection 
de l'ancien régime (2). Les curés s'attachèrent d'ailleurs 
à faire désigner, dans les deux catégories indiquées par 

(1) Portalis, Discourt, rapports et travaux inéditi tur le Con- 
cordat, p. 398. 

(2) Rapport du préfet de police, 24 frimaire an XII (16 novembre 
1803) : F. 7, 3832. 



76 PREMIÈRE ORGANISATION CONCORDATAIRE 

rordonnance archiépiscopale^ les noms les plus repré- 
sentatifs : à Saint-Sulpice, par exemple, les deux séna- 
teurs Lemercier et Herwyn, un juge au tribunal de cas- 
sation et le président Séguier; à Saint-Thomas-d*Aquin^ 
le maire de Tarrondissement et Mathieu de Montmo- 
rency (1); à l'Abbaye-au-Bois, Bacciochi (l'insignifiant 
mari de la très influente Élisa), un Colbert-Maulevrier, 
un Nicolaï et un Brancas (2). Certains curés de la rive 
droite firent appel à de plus grands personnages encore : 
le ministre secrétaire d'État Maret, marguillier de la 
Madeleine, tint à accompagner ses collègues du conseil 
de fabrique lors de la présentation à Pie VIT, qui lui en 
sut le plus grand gré (3); lorsque Murât, maréchal, 
prince et gouverneur de Paris, se fut installé à l'hôtel 
Thélusson, on fit revivre pour lui à Notre-Dame-de- 
Lorette le vieux titre de marguillier d'honneur (4); il 
rendit en cette qualité le pain bénit le jour de Pâques 
1805, et alla en personne à l'offrande, escorté de ses 
aides de camp (5). 

Ces fabriciens très décoratifs furent-ils des adminis- 
trateurs modèles? Il est permis de supposer que, par un 
sentiment mêlé d'insouciance et de déférente courtoisie, 
ils s'abstinrent de contrôler bien strictement les fan- 
taisies architecturales et ornementales auxquelles dans 



(1) Journal des DébatSy 14 frimaire an XII. 

(2) Ibidem, 22 frimaire. 

(3) Ibidem^ 17 nivôse an XIII. 

(4) Portalis se trompait donc en fait quand il écrivait, très judi- 
cieusement d'ailleurs, dans un rapport de juillet 1806 : « On n*a 
point rétabli les marguilliers d'honneur... Le principal objet était 
d'assurer de bons administrateui's aux fabriques, et pour cela de 
ne point dégoûter les hommes qui travaillent, en leur laissant 
toutes les charges et en concédant les honneurs à ceux qui ne 
travaillent pas. » (Discours, rapports et travaux inédits sur le Con. 
cordât, p. 404.) 

(5) Journal des Débats, 28 germinal an XIII. 



!• 



ADMINISTRATION TEMPORELLE DES PAROISSES 77 

tous les temps et en tout pays s'est complu le clergé. 
Près d'un an après l'organisation première des conseils 
de fabrique, un arrêté de Frochot statuait que les tra- 
vaux des églises ne pourraient désormais être effectués 
que sur l'ordre du préfet de la Seine, après avis de 
l'architecte de la ville; un journal très sympathique à la 
cause religieuse expliquait ainsi la décision préfectorale : 
« Ce sont les travaux de mauvais goût, inconvenants et 
dispendieux, entrepris dans les églises Saint-Merry, 
Saint-Gervais, SaintrEustache et Saint-Germain-des-Prés, 
qui ont provoqué cet arrêté (1). » La mesure fut d'ail- 
leurs à peu près illusoire, comme en témoignaient en 
1813 les doléances de l'architecte Fontaine : c La piété 
des paroissiens, le zèle des nouveaux curés et les bien- 
faits du gouvernement ont concouru à faire disparaître, 
depuis (1802), dans chaque édifice la trace de [s] dégra- 
dations qu'ils avaient éprouvées. Quelques églises sont 
aujourd'hui en meilleur état qu'elles n'étaient avant...; 
mais les améliorations faites jusqu'ici ou à faire, conçues 
presque toutes par les curés dans chaque paroisse, sont 
moins les produits du bon goût et de la raison que ceux 
du zèle et de Tamour aveugle que chacun d'eux porte 
à la paroisse dont il est le chef. — Il serait nécessaire 
que l'administration seule autorisât dans les églises tous 
les embellissements ou les améliorations dont elles sont 
susceptibles (2). » 

(1) Journal des Débats , 8 fructidor an XII. 

(2) Rapport sur les édifices publics de Paris, décembre 1813 : 
Archives de M . Alfred Foulon. 



CHAPITRE II 



ATTITUDE DES AUTORITES CIVIL 



istilitri persistante de certains fonctioanaires, 
protection etd'encouro^mcnt. — III. HcBures 
1& relt^OD un instrument politique. — IV. Me: 
intation et de discipline. — V. Congrégations 



; 10 janvier 1806, le corps municipal, 
, apportait solennellement à Notre-Dame 
isterlitz, destinés à la cathédrale par l 
pereur. Après une harangue de l'un 
re-Mondétourj le cardinal de Belloy j 
ressaut à l'ensemble des fonctionnaires i 
i le préfet : < Recevez mes actions de g 
lergé et des fidèles de mon diocèse, pou 
i mettez à faire fleurir la religion, et £ 
heureuse influence (1). » 
son ordinaire, le bon prélat était optimisi 
éalité, à Paris comme ailleurs, si cert: 
!S de l'autorité souhaitaient sincèrement 
m des idées et même des pratiques 



HOSTILITÉ DE CERTAINS FONCTIONNAIRES 19 

beaucoup^ à l'exemple du mattre, ne considéraient guère 
la religion que comme un rouage, et non le plus essen- 
tiel, de la machine gouvernementale. Au lendemain du 
rétablissement officiel du culte, le voltairien Rœderer 
s'en expliquait non sans naïveté, à propos de l'autorisa- 
tion qu'il avait donnée de reprendre le Polyeucte de Cor- 
neille : « Le fanatisme de Polyeucte ne gagnera personne. 
On pourrait plutôt craindre qu'il ne révoltât, aujourd'hui 
où le respect pour l'ordre public est un sentiment plus 
général que le respect pour la religion, qui ne doit être 
que le complément de Tordre public (1). » Frochot s'ins- 
pirait de cet esprit quand, pendant le séjour de Pie VII 
à Paris, il autorisait les maires, en cas de décès par 
maladie contagieuse, à supprimer la présentation des 
corps à l'église et à prescrire le transport direct au 
cimetière, sans avoir égard au vœu des familles (2). 

D'autres fonctionnaires, sans oser critiquer ouverte- 
ment la conclusion du Concordat, ne prenaient point la 
peine de dissimuler leur persistante hostilité contre le 
clergé et le catholicisme en général. A cet e'gard, l'atti- 
tude la plus caractéristique, la plus perfide aussi, était 
celle de Dubois. Rédigés sous sa dictée ou d'après ses indi- 
cations, les rapports quotidiens de la préfecture de police 
ne se contentaient point d'enregistrer les faits précis que 
le souverain avait intérêt à savoir et que l'histoire n'a 
pas le droit de négliger : ils accueillaient les anecdotes 
les plus suspectes, pour peu que le clergé y jouât un 
rôle louche ou ridicule, et enregistraient même comme 
on-dit les racontars trop invraisemblables pour qu'on 
pût y attacher un nom ou une apparence de précision. 

(1) Rapport au Premier Consul, 30 floréal an X (20 mai 1802) : 
(MvLvret, t. III, p. 588. 

(2) Circulaire du 21 frimaire an XIII (12 décembre 1804) : Des 
GiLLBULS, Hiiioire de l'administration parisienne, t. I, p. 389. 



rUDE DES AUTORITÉS CIVILES 

ait qu'à la longue, l'iacessante répétition 
'iers Ruirait par faire impression sur l'es- 
il ou de l'Empereur, et qu'à force d'entendre 
■êtres, il se préoccuperait de prévenir leurs 
ilus, le préfet avait soin de se donner des 
l'impartialité, et de ne point heurter de 
ique dominante; à propos du voyage de 
Belgique, et du cérémonial liturgique que 
prescrit ou ressuscité pour la réception du 
les égliseSj il écrivait : ■ 11 y a quelque 
)ut cela eût été tourné en ridicule, mais 
ea nouvelles sont lues avec intérêt et pro- 
Dn effet (I). » Il prétendait savoir, par les 
mts et venants, que le clergé parisien l'em- 
nent, en soumission et en tranquillité, sur 
irtements (2) : comment ne point ajouter 
)nciations contre ceux à qui il rendait aiusi 

i connaissait son mattre, insinuait au pas- 
)ûteuses innovations indisposaient le public, 
lité du clan ecclésiastique ne connaissait 
les. Un jour, le bruit avait couru dans les 
Corps législatif • que la régie de l'octroi 
de donner 80,000 francs par an à l'arche- 
■is (3) • . Une autre fois, c'étaient les quêtes 
curés ou les marguilliers qui excitwent 
îs • dans différents quartiers • (i); ou bien 
luvelle colportée « parmi les dévots • qu'on 
la dtme (S). 



u 3 floréal an X : Ibidtm, t. III, p. 6. 
u 23 messidor an XIH : P. 7, 3833. 
u 26 prairial an XIII ; Ibidem. 



\i 



HOSTILITÉ DE CERTAINS FONCTIONNAIRES Si 

Plus encore que l'avidité du clergé, les rapports de la 
rue de Jérusalem incriminaient son ambition, ses intri- 
gues pour récupérer l'influence politique dont la Révolu- 
tion l'avait dépossédé, ses tentatives d'empiétement sur 
le domaine de l'État. Quand Dubois était à court de griefs 
contre les prêtres parisiens, il lui restait la ressource de 
mettre en cause ceux de la province, et d'annoncer par 
exemple comme un bruit public la prochaine destitution 
par le Premiet^ Consul de l'évéque d'Aix-la-Chapelle, cou- 
pable d'avoir dans un mandement de carême critiqué 
l'institution du divorce (1) : la nouvelle était controuvée, 
cela va sans dire, et d'autant plus absurde que le pré- 
lat ainsi désigné, l'ancien constitutionnel Berdolet, était 
précisément en train de s'aliéner les sympathies des 
catholiques du pays rhénan par son extrême docilité à 
l'égard du pouvoir civil (2); Dubois devait alléguer qu'elle 
n'en prouvait pas moins combien Vesprit public était en 
éveil sur ces questions. D'autres rapports, plus dange- 
reux, accusaient le clergé de vouloir s'arroger la haute 
main sur les écoles (3), ou encore attribuaient le suicide 
d'une religieuse mariée aux c menaces de damnation que 
lui ont faites quelques prêtres. (4) » 

Quand le préfet articulait des noms, c'étaient ceux des 
membres les plus zélés et les plus influents du clergé de 
Paris. A l'en croire, Devoisin, le curé de Saint-Étienne- 
du-Mont, faisait procéder à une enquête indiscrète et 
tracassière dans les pensions de sa paroisse (5); Bossu, 
de Saint-Eustache, était mêlé à une histoire incongrue 

(1) Rapport du 8 ventôse an XI : Aulard, Parts soui le Consulat, 
t. III, p. 701-702. 

(2) PiSÀNi, Epitcopat eonstitutionnel, p. 260. 

(3) Rapport du 4 floréal an XII : F. 7, 3832. 

(4) Rapport du 27 prairial an XI : F. 7, 3831. 

(5) Rapport du 15 prairial an X : Aularo, Paris sous le Consulat, 
t, III, p. 92. 

IV. 6 



■ 



ATTITUDE DES ADTOBITÉS CIVILES 

Sme de négresse (il aurait autorisé la néophyte à 
er uD métier iDf&me, à la seule condition de se 
icrire à. la police sous son nouveau prénom) (1). 

Marduel, en particulière suspicion depuis l'en- 
nt Chameroy (2), on ne se contentait point de 

l'intolérance avec laquelle il mettait en doute, à 
m d'une confirmation, la validité des baptêmes 
1 par les assermentés (3) : ses vicaires de Saint- 
aient en butte, eux aussi, à des dénonciations 
telles; l'un avait inspiré une folle passion à une 

du quartier (4), et un autre, présidant à un 
I mixte, avait causé un scandale, presque une 
, en évoquant la terrifiante image des flammes de 

réservées à la fiancée protestante si elle ne se 
'abjurer (5)... En voilà sans doute assez pour 

comment Dubois et ses auxiliaires, atin d'indis- 
; chef de l'Ëtat contre tout ce qui tenait à la 
, récoltaient, amplifiaient, exploitaient les cwi- 
; sacristie, de carrefour, même de mauvais 



nattre ne fermait point l'oreille aux informations 
ieuses qui lui venaient de la préfecture de police, 
lit volontiers et il suivait souvent d'autres avis. 

port du 14 messidor an XI : F. 7, 3S31. 

ira un peu plus loin question de cette affaire. 

port du SO prairial au Xll : F. 7. 3832. 

port du 8 germinal an Xlll : F. 7, 3833. 

port du 10 prairial an Xlll : Ibidem. 

16 parlei'ons au chapitre suivant de l'acharnement i 

' Dubois contre les conférences Frayssinous. 



MESURES DE PROTECTION 83 

Le monde religieux s'était réjoui en apprenant que Por- 
tails était préposé aux < affaires concernant les cultes » ; 
ilsefélicitaparlasuiteque cette sorte de direction géné- 
rale fût érigée en ministère (1) ; quand le ministre mourut, 
le cardinal Fesch déclara que seul un ecclésiastique le 
remplacerait dignement (2). Plus spiritualiste que dévot, 
plus respectueux que pratiquant (3), Portails, par le train 
patriarcal de sa vie de famille (4), par l'aménité de son 
accueil, par sa science des questions religieuses, faisait 
la conquête des prélats et des prêtres admis dans son 
cabinet ou invités à sa table. Peu de temps après son 
entrée en fonctions, comme déjà les jaloux et les • phi- 
losophes » l'accusaient de complaisance excessive pour 
le clergé, il se justifiait en ces termes auprès du Premier 
Consul : « J'ai cru, et ce sont vos intentions, qu'à une 
conduite ferme on pouvait associer des formes qui pus- 
sent rapprocher les esprits et les cœurs, surtout quand 
il s'agit d'une classe d'hommes avec lesquels il ne faut 
jamais mollir, mais avec lesquels il est souvent nécessaire 
de raisonner (5). » Sans se borner à des ménagements de 
pure forme, le directeur ou ministre des cultes, aussi 



(1) Je crois que la religion gagnera à ce nouveau ministère, et 
que M. Portalis sera plus indépendant pour faire le bien qu'il 
veut. » (Emery àBausset, 21 juillet 1804 : Papien Emery). 

(2) Le même au même, s. d. (août 1807) : Ibidem (Emery assure 
que Napoléon fut arrêté par la crainte de mécontenter les protes- 
tants). 

(3) Faut-il prendre au sérieux une anecdote racontée en 1829 
au futur maréchal de Gastellane par son père, ancien préfet de 
TEmpire, et d'après laquelle Portalis, recevant plusieurs évêques 
à diiter, leur aurait dit : « Je fais maigre quelquefois: par 
exemple, je ne prends pas garde que cela soit le vendredi ou le 
samedi. » (Gastellanb, Journal, t. II, p. 290.) 

(4) Pisani de la Gaude, ancien évoque de Vence, à Consalvi, 
30 novembre 1803 : Theiner, Affaires religieuses de la France, 
t.n, p. 370-371. 

(5) 2 messidor an X (21 juin 1802) : AF. lY, 1044. 



84 ATTITDDE DES AUTORITÉS CIVILES 

bien par modération naturelle que par souci de di 
ses attributions, protestait contre la tracaasière ing 
de la police dans les affaires ecclésiastiques (1); il f 
lait sincèrement à assurer le développement de l'in 
religieuse et une relative liberté du ministère saC' 
dans le domaine purement spirituel. Mais en même 
il professait un inébranlable attachement aux 
tions gallicanes, prises dans leur interprétation i 
stricte; de très bonne foi, il était porté à étendre 
niment les attributions du pouvoir civil; ses m 
ments pour les personnes n'impliquaient nulle i 
sion quant à ce qui était pour lui plus qu'un pr 
presque un dogme. Lorsque, moins d'un an a 
rétablissement du culte, il présenta au Corps lé 
le titre du Code civil relatif au mariage, sesafïirn 
sur le droit de l'État à connaître exclusivement d 
matière furent si catégoriques, que le clergé en d( 
tout effaré : il se trouva même des personnes poi 
nuer que le conseiller d'État avait voulu regagi 
bonnes grâces des • philosophes •, et se faire par 
ses • sermons ■ sur le Concordat (2). 

Rallié sans arrière-pensée au nouveau régime (3 
jugué par le génie de Napoléon, séduit par les m 
de confiance et de générosité venantd'unsi grand h 
Portails lui prodiguait les témoignages d'une ad 
que la différence des âges aurait rendue tout à fa 

(1) Nous en verrons un exemple A propos des cou. 
Prayssinous. 

(2) Rapport da préfet de police, 19 ventôse an XI (( 
1S03) : AIII.ARD, Parti sous te Coiuutal, t. III, p. T3S-736. 

(3) Ce ralliement se manifestait parfois avec une ferv 
discrète; Portalis écrivait par exemple, à propos de la 
15 août : . Il faut effacer d'anciens souvenirs par des se 
récents et glorieux : que le rceu de Louis XIII disparaisst 
la gloire de Napoléonl ■ (Rapport du 12 février ISOS : 
942.) 



MESURES Û£ PROTECTION 8S 

quante, si l'on n'y discernait point un indiscutable accent 
d'attachement et presque de tendresse personnelle (1). 
En échange, le chef de l'État le prenait volontiers pour 
son Mentor en matière d'administration et de législation 
religieuse, sans abdiquer son droit de souveraine déci- 
sion. Est-ce Portails qui fit annoncer par les journaux (2), 
pour le dimanche de Quasimodo de 1802, une solennelle 
bénédiction des drapeaux à Notre-Dame, nouvelle con- 
trouvée ou cérémonie contremandée pour le plus grand 
désappointement de la foule qui avait afflué aux abords 
de l'église (3)? C'est en tout cas lui incontestablement 
qui plus tard proposa à l'empereur de faire ordonner, 
par l'intermédiaire des préfets, l'observation ostensible 
du repos dominical; il ne s'agissait, suivant son expres- 
sion, que de prescrire une attitude de « décence exté- 
rieure » , consistant à fermer les devantures des boutiques 
et à ne point travailler en public. Le rapport de Portails 
parvint à Napoléon au lendemain de la bataille d'Eylau ; 
livré à ses propres réflexions, l'empereur riposta, en 
marge, par une longue dictée, manière de déclaration de 
principes, où les axiomes des encyclopédistes et des 
physiocrates, les dédains d'un grand laborieux pour les 
flâneurs et d'un aristocrate pour la plèbe, les préjugés 
vulgaires contre le clergé, les préventions antisacerdo- 
tales d'un lecteur de Voltaire^ l'infatuation de l'omnipo- 
tence, les maximes soi-disant théologiques mêmes s'en- 
tremêlaient et parfois s'entre-choquaient de la façon la 
plus curieuse : « Il est contraire au droit divin d'empê- 

(1) Cf. la très intéressante série des lettres et rapports de Por- 
talis au Premier Consul et à Tempereur : AF. IV, 1044 et s* (les 
premières pièces sont autographes; la croissante cécité de Por* 
talis Ta contraint à. seulement signer les autres). 

(2) Journal det Débat$, 4 floréal aji X. 

(3) Rapport du préfet de police, 5 floi^éal an X : Aulàrd, Paris 
sous le Consulat, t. Ul, p. 12* 



De des autorités civiles 

]ui a des besoins le dimanclie comme les 
a semaine, de travailler le dimanche pour 
in... D'ailleurs le défaut du peuple en 
is de trop travailler... Dieu a fait aux 
ligation du travail... Il ne faut pas rai- 
aut se moquer des prêtres qui demandent 
its... Je suis l'autorité, et je donne âmes 
ir toujours, la permission de ne point 
ir travail. Plus ils travailleront, et moins 
JB... Il faut que M. Portails prenne garde 
ssion une fois accordée, on ne manquera 
d'autres... > Et le morceau se terminait 
du régime des billets de confession (1). 

'équentes occasions où Portalis fut plus 
L maître moins défavorablement prévenu, 
ner à ce qui concerne particulièrement 
he banlieue, et sans revenir sur les encou- 
ériels et les libéralités pécuniaires, le 
décida dès les premiers jours de 1803 la 
is Tuileries d'une vaste chapelle : en 
rendit au culte le petit oratoire d'Anne 
était encore décoré de tableaux de piété, 
3 la réinstallation de i 800, avait été trans- 
e bains (2). Les autorisations de chapelles 
onieusement mesurées dans les premiers 
de la disette des prêtres et des crùntes 
'etite Église, se multiplièrent après la pro- 
Empire : elles furent surtout accordées 
it aux institutions d'enseignement {3). 



MESURES D£ PROTECTION 87 

Ce qui fit beaucoup plus d'impression sur la masse de 
la population, ce fut le rétablissement du culte dans les 
hospices et hôpitaux. On commença par rouvrir la cha- 
pelle de la Pitié, alors l'hospice des orphelins ou des 
Élèves de la Patrie : le jour de la Pentecôte de 1802 
(6 juin), l'évêque de Coutances, Rousseau, y officia 
solennellement, et adressa aux enfants une allocution 
où il ne manqua pas de louer c le restaurateur de la 
morale religieuse d'un grand peuple (1) ». L'effet de 
cette cérémonie fut si heureux, que peu après le conseil 
des hospices prit une délibération pour solliciter l'instal- 
lation du culte public dans les onze principaux hospices 
ou hôpitaux; ce vœu, auquel naturellement s'associa 
rarchevéque, demeura quelques mois en suspens : t Votre 
approbation, » écrivait Portails aux Consuls à la fin d'oc- 
tobre, « est impatiemment attendue (2). » La ratification 
consulaire intervint enfin le 5 brumaire (27 octobre), et 
la mesure fut étendue dès le 42 frimaire (3 décembre) aux 
sept autres établissements d'assistance (3). Le culte était 
assuré par des prêtres du dehors, pour la plupart vicaires 
des paroisses, qui touchaient une indemnité. Vers la fin 
de l'Empire, le conseil des hospices décida qu'il y aurait 
des aumôniers spéciaux, dotés d'un traitement, logés, 
chauffés, éclairés et même nourris aux frais du budget 
hospitalier, mais tenus désormais de consacrer tout leur 
temps à l'étabhssement auquel ils étaient attachés (4). 

La tendance en effet n'avait cessé d'aller en s'accen- 
tuant, qui consistait à donner ou à restituer au clergé sa 
part dans les œuvres d'assistance publique. Le lende- 

titre d'exemple, autorisait à lui seul la céléI)ratiou do la messe à 
Paris dans 57 chapelles privées (AF. IV, plaq. 856). 

(1) Journal des DébcUs, 22 prairial an X. 

(2) 4 brumaire an XI (26 octobre 1802) : AP. IV, plaq. 430. 

(3) F. 15, n, Seine, 1884. 

(4) Délibération du 13 novembre 1811 : Ibidem. 



OES AUTORITÉS CIVILES 

irte par le Séoat en rhonneur du 
lefebvre, préteur de la haute assem- 
ijourd'hui quejteur, ce qui n'est pas 
leut-ètre moins ridicule), Lefebvre 
3 qu'il fût de la franc-maçonnerie, 
r les reliefs du festin entre les 
r, s'adressait tout simplement au 
i, en le priant de faire prendre dans 
Iles de vin, 114 pains et autant de 

faire la distribution de la manière 
::onvenable (1) ». En 1807, deux 
)duites dans le bureau de bienfai- 
issement, Champagny, ministre de 
les deux curés des Missions-Ëtran- 
-aux-Bois (â). 

aumôniers aux régiments, comme 
)n;aient aux soldats pour les indis- 
ent rétablit l'exercice du culte dans 
l 'établissements militaires. A Sfunt- 
s une division du Prytanée, l'évêque 
: 17 Juillet 1S02 bénir la chapelle et 
ier; ce prélat fut reçu en grande 
i débita un compliment rimé qu'on 
elque survivante des dames du vieux 
thodoxie des sentiments et l'indi- 
appelaient les traits classiques de la 
int (3). Un mois plus tard, un des 

1. S8g-iS9. 



lile chef d'une sainte entreprise, 
nos pas dans la terre promise. 
u'dente ; alit daignez l'ëtancher; 
lise, et frappez ie rocher. 



Mesures de protection 89 

vicaires généraux de Paris bénissait, selon la suggestive 
formule d'un gazetier, « l'église des Invalides, qui s'ap- 
pelait précédemment le temple de Mars (1) ». L'exercice 
de la religion faisait également sa réapparition dans les 
maisons pénitentiaires, et Dubois, leprôtrophobe Dubois, 
en mentionnant la confirmation par le cardinal de Belloy 
de 26 détenues de Saint-Lazare, avait la loyauté d'ajouter : 
« On a remarqué que depuis le rétablissement du culte, 
elles sont en général plus faciles à conduire (2). * 

Avant la Révolution, il était de règle que les théâtres 
fissent relâche pendant les trois dernières semaines du 
carême. Il ne pouvait être question de priver de leur 
délassement favori pendant une aussi longue période 
les peu dévots Parisiens du Consulat. Pour rappeler l'an- 
tique tradition et donner au clergé une marque de défé- 
rence, le gouvernement décida qu'à partir de 1803 les 
grands théâtres, ceux qui dépendaient directement de 
lui, seraient fermés pendant les trois derniers jours de 
la Semaine Sainte : encore l'Opéra donnait-il, selon urf 
autre vieil usage, des auditions à'oratorios^ qui n'étaient 
point considérés comme des spectacles profanes. 

Le répertoire dramatique, après avoir au dix-huitième 
siècle fourmillé d'allusions « philosophiques », était 
devenu sous la Révolution ouvertement et violemment 
antireligieux. Un peu atténuée, cette tendance n'en per- 
sistait pas moins au début du dix-neuvième siècle; le 
Concordat même, mal vu de la plupart des gens de 
lettres, provoqua une recrudescence de pièces destinées 
soit à flétrir les t horreurs du cloître » ou « l'intolérance 
sacerdotale », soit à tourner en ridicule les prêtres et 



(1) Journal des Débats, £7 thermidor an X. 

(2) Rapport du 20 fructidor an XI : F. 7, 3831, 



H ATTITUDE DBS AOTORITËS Cl 

les dévote. Le cardinal de Belloy pensa qi 
qne le catholicisme était redevenu iine insi 
l'autorité civile pouvait et devait réprimei 
il obtint l'interdiction de quelques pièc 
d'une foie ses plaintes demeurèrent san 
gouvernement, qui n'eût point laissé dj 
scène son principe, ni bafouer ses agent 
inSniment moins sévère quand U s'agissa 
la religion : c'était de sa part moitié resp 
moitié politique, pour dériver de ce c 
verses et les épigrammes auxquelles ! 
complu l'esprit français. Il faut dire aussi 
dictions ou suspensions d'office provoqu) 
mures, et contribuaient à rendre le cler 
laire (2). 

Avant même que le Concordat n'eût é 
consigne émanant du Premier Consul ei 
transmise par la police avait enjoint aui 
• tant politiques que littéraires », de < 
parler de tout ce qui peut concerner la 
ministres et ses cultes divers > (3). Quant 
clergé ne parait pas avoir sollicité ni le , 
édicté de mesures contre ceux qui avaient 
ou seulement même une étiquette pbiloso] 
torique (4). Les plaintes se limitèrent a 
romans tout à la fois libertins et impies 



F. 7,î 

(3) Note A Foucht-, IS tlieiiniilor a» IX (6 aot 
pondance, S67i. 

(i) Ceci doit s'entendre des dix premières ani 
les choses se modifièrent après Ift création de la 
rate de la librairie et l'établissement oniciel de II 
en parierons à propos de la presse. 



MESURES DE PROTECTION 91 

prodigieusement foisonné sous le Directoire, et dont la 
semence impure continuait à germer de temps à autre. 
L'autorité affecta tout d'abord de se récuser. A quelqu'un 
qui se faisait l'écho des doléances du clergé sur la mise 
en vente à bas prix et à gros tirage du Citateur de 
Pigault-Lebrun, on prétendait que Bonaparte avait ré- 
pliqué : € Eh bien! ils n'ont qu'à répondre (1) ! » Dubois 
rendait compte en ces termes de l'examen d'un ouvrage 
en quatre volumes, intitulé le Dominicain : « Le person- 
nage principal du roman est un moine qui commet 
toutes sortes de crimes^ et l'auteur les présente comme 
les conséquences du célibat auquel est astreint le domi- 
nicain... Sous le point de vue politique^ l'ouvrage a 
paru ne présenter aucun danger. Sous le rapport du 
respect dû aux mœurs, il y a quelques peintures peut- 
être un peu libres, mais pas une équivoque ni une expres- 
sion blâmable (2). » Après le sacre^ et peut-être sur la 
demande de Pie VII, le pouvoir civil se départit de cette 
indifférence : au début de 1805^ la police annonçait l'in- 
terdiction et la saisie d'un autre livre de Pigault-Lebrun, 
Jérôme^ contenant « des peintures dont la liberté paraît 
poussée jusqu'au libertinage, et des plaisanteries licen- 
cieuses sur les cérémonies de la religion chrétienne » (3). 

Dans les cérémonies officielles, dans celles qui avaient 
un caractère extraordinaire, comme la messe de la Sainte- 
Cécile à Saint-Gervais, des sentinelles en armes veillaient 
au bon ordre et réprimandaient ceux d'entre les assis- 
tants qui se risquaient à échanger trop haut leurs im- 



(1) Remaclb, Relations teerétes des agents de Louis XVI II, 
p. 372-373. 

(2) Rapport du 24 messidor an XI (13 juillet 1803) : F. 7, 3831. 

(3) Bulletin de police du 9 pluviôse an Xlli (29 janvier 1805) : 
AF. IV, 1402. 



92 ATTITUDE DES AUTORITÉS CIVILES 

pressions (1). Ailleurs, le service d'ordre était abandonné 
aux officiers d'église, suisses et bedeaux, et la discipline 
était plus débonnaire : mais en cas de tapage caractérisé 
et scandaleux, la répression ne se faisait point attendre. 
Sans s'astreindre pour son compte à une tenue bien 
édifiante pendant la messe^ le maître avait en particu- 
lière déplaisance cette forme de désordre. Certaine nuit 
de Noël, à Saînt-Roch, Lavalette, le ménage Junot et le 
ménage Marmont, anticipant sur le réveillon, débitaient 
de bruyantes folies et s'amusaient à scandaliser les 
dévotes du quartier, quand soudain Napoléon, entré 
à l'église incognito, réprimanda durement la joyeuse 
bande (2). Les tapageurs de condition infime n'en étaient 
pas quittes pour une semonce; voici comment le conseil 
supérieur de police statuait à l'égard de trois garne- 
ments, « prévenus d'avoir causé du scandale à la messe 
de minuit dans l'église de Saint-Médard et de s'y èli-j 
comportés avec la dernière irrévérence. — Taupin, âgé de 
dix-neuf ans, a demandé à s'enrôler. Remettre ce dernier 
à la disposition de la gendarmerie pour être Conduit au 
corps qu'il a choisi. Déposer les deux autres à Bicêtre 
pour un mois (3). » 

A ces répressions arbitraires, il fut question de substi- 
tuer des châtiments légaux. Dans l'été de 1806, Portails 
rédigea un rapport et le Conseil d'État adopta un décret 
en vue d'obliger quiconque entrait dans une église pen- 
dant les offices à c se conformer à ce que les pratiques 
et les rites de ce culte exigent de la part des assistants y* . 
Toute personne qui troublait une cérémonie, qui négli- 
geait de se tenir debout et découverte sur le passage 
d'un cortège religieux ou funèbre, devait être t livrée 

(1) Rëicuârdt, Un hiver à Paris, p. 64. 

(2) Duchesse d'Abrantès, Mémoires, t. VI> p. 439. 

(3) Bxilletin de police du 15 janvier 1806 : AF. IV, 1496 a. 



MESURES DE PROTECTION 93 

aux tribunaux pour être punie, par voie de police muni- 
cipale ou correctionnelle^ des peines portées contre ceux 
qui troublent le libre exercice des cultes ou Tordre 
public » (1). Par crainte, sans doute, d'indisposer une 
partie de l'opinion, l'empereur hésita, et fmit par ne 
point donner sa signature. 

Il se refusa également, malgré de vives sollicitations, 
malgré l'exemple de la plupart des grandes villes et de 
Lyon en particulier (2), à autoriser la sortie dans les 
rues de Paris des processions de la Fête-Dieu. Une inter- 
ruption de dix années n'avait fait qu'aviver dans le 
peuple le regret de ces somptueuses et traditionnelles 
manifestations : on murmurait dans les cercles de dévots, 
un curé osa même se plaindre en chaire (3) de ce que la 
solennité du Saint-Sacrement était renvoyée au dimanche 
suivant, au lieu d'être chômée comme jadis. Dès 1802, 
la procession fut suivie dans l'intérieur des églises par 
t les maires, les juges de paix et autres fonction- 
naires > (4); dans l'aristocratique paroisse de Saint- 
Thomas-d'Aquin, on avait même eu le projet, qui fut 
prudemment abandonné, de placer quatre cordons bleus 
aux coins du dais et dé les faire porter par quatre anciens 
chevaliers du Saint-Esprit (5). Mais la masse du petit 
peuple, profitant du beau temps, associant au charme 
d'un très cher souvenir la distraction d'une partie de 

(1) 30 août 1806 : Portalis, Discours, rapports et travaux inédits 
sur le Concordat, p. 575-579. Ce projet de décret paraît bien être 
l'œuvre de Portalis, quoique M. Frédéric Masson en ait donné le 
texte, avec le préambule un peu écourté, dans une collection de 
lettres inédites de Napoléon (Miscellanea Napoleonica, 1806, cxii). 

(2) Journal des Débats, 6 messidor an XIII. 

(3) C'était de Cagny, curé de Bonne-Nouvelle (rapport du préfet 
de police, 25 prairial an X : Adlàrd, Paris sous le Consulat, t. III, 
p. 109). 

(4) Rapport du même, 2 messidor an X : Ibidem, t. III, p. 117. 

(5) Rapport du môme, 28 prairial an X : Ibidem, t. III, p. 113. 



•r>r '7'' 



94 ATTITUDE DES AUTORITÉS CIVILES 

campagne, se répandit dans les volages de banlieue 
pour y assister aux processions en plein air (1). L'année 
suivante, bravant des plaisanteries faciles à prévoir, 
Louise Contât, la célèbre actrice des Français, fit édifier 
un magnifique reposoir dans son parc d'Ivry, et orga- 
nisa un grand dîner pour le soir (2). Bien que tous ces 
indices témoignassent de la durable popularité des pro- 
cessions, Napoléon, craignant des contre-manifestations, 
des rixes, des bagarres, maintint son veto : ce ne fut 
qu'après sa chute que les rues de la capitale se rou- 
vrirent aux processions (3). 

Pendant la Terreur, les prêtres avaieût dû remplacer 
leur costume traditionnel par de véritables déguisements, 
que la plupart d'entre eux conservèrent sous le Direc- 
toire, pour échapper aux menaces de déportation. Après 
Brumaire, ils avaient généralement adopté de longs vête- 
ments noirs, qui les rendaient assez aisément recon- 
naissables. 

Quand le rétablissement du culte fut décidé, il parut 
impossible de ne pas imposer au clergé un costume dis- 
tinctif, une sorte d'uniforme qui marquât le caractère 
officiel des prêtres, qui en même temps les mît en garde 
contre toute démarche irréfléchie et rendît leurs faits et 
gestes plus faciles à surveiller. Cette considération disci- 
plinaire était puissante sur l'esprit du chef de l'État; 
plus tard, au cours de sa visite à Brienne, il interpellait 
vivement un curé de campagne qui avait cru pouvoir se 
présenter devant lui en redingote brune : t La soutane 
a été donnée et imposée aux prêtres, afin que de près ou 

(1) Rapport du préfet de police, 2 messidor an X : Aulard, Paru 
sous le Consulat, t. III, p. 117. 

(2) Rapport du même, 22 prairial an XI : F. 7, 3831. 

(3) Note d*Anglès, 12 juin 1814 : Georges Firmin-Didot, la 
France en 1814, p. 37-39. 



MESURES DE PROTECTION 95 

de loin on les reconnaisse toujours, et que chacun puisse 
savoir d'où ils viennent et où ils vont (1). » Mais en 1802, 
les rédacteurs des Organiques estimèrent que la réappa- 
rition de la soutane choquerait trop violemment les pré- 
jugés « philosophiques » ; le costume qu'ils prescrivirent 
fut l'ancien « habit court », avec rabat, soutanelle, culotte 
et bas, qui, avant la Révolution, était d'étiquette à la 
cour, et qui, à Paris même, était couramment arboré par 
les abbés mondains. « Tous les ecclésiastiques, > statuait 
Particle 43, « seront habillés à la française et en noir. 
Les évêques pourront joindre à ces costumes la croix 
pastorale et les bas violets. » 

La tenue laïque fut désormais interdite aux prêtres. 
Au milieu des préoccupations de tout ordre qui l'assié- 
geaient à l'automne de 1803, le Premier Consul trouvait 
le temps de faire enjoindre au cardinal de Belloy de 
mander chez lui un certain abbé de Damas, « afin de 
savoir pourquoi cet ecclésiastique ne porte pas l'habit 
de son état (2). » Mais si 1' « habit court » ne consti- 
tuait pas alors un affublement aussi baroque que 
nous serions tentés de le croire avec nos habitudes d'à 
présent, le souvenir des abbés de ruelles et de salons le 
discréditait dans les milieux zélés pour la religion : 
même au dix-huitième siècle, les prélats les plus pieux 
ne l'endossaient qu'à regret quand il fallait faire acte de 
présence à la cour. Le vœu à peu près général des bons 
prêtres concordataires était de porter la soutane dans la 
rue comme 'dans l'église. Quelques audacieux donnèrent 
l'exemple, entre autres le jeune chanoine d'Astros, qui 



(1) NoRViNS, Mémorial, t. IIÏ, p. 119. 

(2) Maret à Portails, 19 vendémiaire an XII (12 octobre 1803) : 
Corresporuf.anee de Napoléon, 7197; Portalis à Bonaparte, 27 ven- 
démiaire (20 octobre) : AF. IV, 1044 (Vabbé fit valoir qu'il avait 
abandonné toute fonction ecclésiastique). 



9B ATTITUDE DES AUTORrTÉS CI 

eut la fâcheuse inspiration d'arborer sa soi 
les joure gras de 1803 : déshabitués de ce 
passants crurent à une mascarade de carn 
pèrent malgré les protestations du pauvre 
tèrent avec force lazzis, et ne furent détr 
porte de Notre-Dame (i). 

Le mouvement d'opinion était si acce 
cercles ecclésiastiques qu'un prélat très bi 
profondément respectueux de l'autorité ci 
de la Roche, évéque de Versailles, se décid: 
scrupules à Portails : pouvait-il porter la 
enfreindre les dispositions très précises di 
Sur l'ordre ou avec l'assentiment du Pr€ 
Portails répliqua par une lettre destinée 
et qui n'allait à rien moins qu'à modifier l'a 
tion sous couleur de l'interpréter : • ...Jeu 
vous annoncer qu'il (le gouvernement) ne ' 
veulent^ ce que chacun porte l'habit de : 
n'empêche, en conséquence, que vous ne j 
tane violette dans toute l'étendue de votn 
curés et desservants peuvent également poi 
qui leur est propre dans lé territoire qui lei 
■C'est un moyen pour que les ecclésiastiqu 
le respect qui est dû à leur ministère, el 
invités par leur propre costume à se r 
mêmes (2). » Cette décision, publiée dans 
eut naturellement pour effet de généralise: 
soutane : mais les ■ exaltés » crièrent tant à 
que le gouvernement crut devoir prendre et livrer égale- 
ment à la publicité un arrêté explicatif (1 7 nivôse an XII- 
8 janvier 1804) : dans le ressort où s'exerçaient leurs fonç- 
ai) CAcasBTTE, Vie du cardinal il'AtlTOi, p. lOS. 

(2) 30 brumaire an XII (^ novembre 1803) : Jouru&ux. 

(3) Rapport du préfet ,de police, 26 frimaire an XII : F. 7, 383!. 



MESURES DE MAINMISE 97 

tions^ les ecclésiastiques devaient < continuer > à porter 
t les habits convenables à leur état, suivant les canons, 
règlements et usages de l'Église » ; ailleurs^ ils devaient 
être habillés « à la française et en noir »^ conformément 
aux Organiques; autrement dit, le fameux « habit court > 
n'était plus qu'un costume de voyage (1). — En consé- 
quence, il fut à partir de 1805 sévèrement interdît de faire 
figurer la soutane dans les mascarades du carnaval (2); 
il semble bien que les frocs de religieux et religieuses, 
très nombreux encore dans les divertissements de l'année 
précédente (3), furent compris dans la même proscription. 



III 



A l'ouverture de la session législative qui suivit la mise 
en vigueur du Concordat, l'Exposé officiel de la situation 
de la République débuta par énumérer les bienfaits du 
nouveau régime : « L'Église gallicane renaît par les 
lumières et par la concorde, et déjà un changement heu- 
reux se fait sentir dans les mœurs publiques : les opi- 
nions et les cœurs se rapprochent ; l'enfance redevient 
plus docile à la voix de ses parents, la jeunesse plus sou- 
mise à l'autorité des magistrats; la conscription s'exé- 
cute aux lieux où le nom seul de la conscription soûle- 

, (1) Émery, qui dès la. réorganisation du séminaire avait vive- 
ment conseillé le port de la soutane, le déclara obligatoire à la 
rentr.ée de 1804 (Vie de M. Emery, t. II, p. 120-122^. L'autorisation 
officielle pour les séminaristes ne fut donnée rue par un décret 
du 9 avril 1809. 

(2) Bulletin de police du 4 ventôse an XIII (23 février 1805) : 
AF. IV, 1492. 

(3) Rapport du préfet de police, 19 pluviôse an XII (9 février 
1804): F. 7. 3832.. ^ 

IV. 7 



UDE DES AUTORITÉS CIVILES 

j, et servir la patrie est une partie de la 

is d'une année après l'organisation de 
dalaire que Bonaparte vantait ainsi publi- 
m donné par le clergé à ses agents de 
^et appui ne tarda point à être insUm- 
5 : • Partout, • écrivait Portalis au débat 
le d'Ulm et d'Austerliti, • partout je ne 
non seulement aux évéques, mais aux 
marquants, pour les inviter à redoubler 
'ement à l'exécution de la conscription (2) • . 
générale (3), et on a vu plus haut que le 
lloy s'exécuta comme ses collègues : mais 
Paris était un de ceux où la conscriptioa 
moins de difficultés, un de ceux aussi où 
jrgé était le moins efficace en pareille 
y fit appel qu'avec discrétion, surtout tant 
talia. Ce ministre avait en effet pour sys- 
int provoquer trop souvent les interven- 
ales, et de leur ménager soigneusement 
; de spontanéité : • L'influence des eccté- 
it perdue et la religion deviendrait un res- 
n pouvait croire que les orateurs chrétiens 
n'agissent que sous l'impression de l'au- 



an XI (±0 février 4S03) : Correiponâatice de No- 

L, 13 vendémiaire an XIV (5 octobre 1805) : AF, 

Ëvéques dans leurs instructions pastorales, tous 
DB leurs prônes, tous les ecclésiastiques dans 
int prêché, comme ils le devaient, sur le devoir 
scription. > (Portalis & Pouché, 17 mars 180' 
,f*, rapporlt «I travaux inéditt tur le Concorda 

rès, lï mars 1807 : Ibidem, p. 586. 






IKEStTRES DK MAINMISE M 

Avant même la reprise de la guerre continentale, et 
peut-être sans invitation directe de ]a part du gouver- 
nement, la rupture de la paix d'Amiens fut pour l'épis- 
copat l'occasion de manifestations qui firent assez de 
bruit. Jaloux sans doute d'étaler leur loyalisme, les 
évêques publièrent tous des mandements qui flétrissaient 
à Fenvi la c perfidie d'Albion » et appelaient les béne'- 
dictions divines sur la future armée de débarquement. 
Cette belliqueuse littérature eut, au moins par extraits, 
les honneurs du Moniteur, et Portails se persuadait que 
l'impression générale était excellente : t ... Le sénateur 
Laplace me disait hier soir que jamais il n'avait mieux 
senti l'importance de la mesure du rétablissement du 
culte... Les journalistes anglais écument de rage contre 
les évêques de France (1). » La presse britannique fai- 
sait surtout valoir que plusieurs d'entre ces prélats 
avaient trouvé en Angleterre une généreuse hospitalité 
pendant la crise révolutionnaire, et que leur devoir de 
fidélité présente ne leur commandait point d'injurier 
ceux dont ils demeuraient les obligés. Ce fut également 
l'opinion des salons du faubourg Saint-Germain, où sans 
doute on saisissait volontiers les occasions de critiquer 
le gouvernement et ses partisans^ mais où se gardait 
davantage aussi le sens de certaines convenances (2). 

La préoccupation d'imposer au clergé une plus étroite 
discipline politique dicta le décret du 5 février 1806, 
qui fusionnait d'autorité les trois journaux ecclésias- 
tiques existants; la nouvelle feuille, dite Journal des curés 
pour mieux éloigner la clientèle laïque, devait avoir un 
directeur désigné par l'archevêque de Paris; mais Napo- 

(1) A Bonaparte, 14 et 22 messidor an XI (3 et 11 juillet 1803) : 
AF. IV, 1044, 

(2) Rapport du préfet de police, 7 messidor an XI : F. 7. 3S31, 



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[DE DES AUTORITÉS CIVILES 

que l'esprit en était trop ultramontàin, 
lia supprimer (i). 

tre ordre d'idées, c'était probablement 
iQsée politique, et par suite du besoin 

de centralisation, que l'un des articles 
ît édicté le principe de l'unité de liturgie 
e ■ pour toutes les Églises de France ■; 
X. plaintes de la cour de Rome sur ce 
invoquait le vœu séculaire des pasteurs 
u même ton et par les rafimes arguments 
é l'unité d'administration ou de législa- 
ire tomba sans qu'on se fût sérieusement 
aposer une liturgie nationale (3); s'il 
!lative et partielle uniformité, c'est que 
les adoptèrent le missel, le bréviaire et 
ens, dits ■ de Vintimille *, du nom de 
ni les avait fait éditer au dix huitième 
hisme au contraire fut rédigé, publié et 
it assez l'émotion que provoqua ce petit 

de rextension inattendue donnée aux 
le souverain; Napoléon, personnellement 
; désigné, avait droit d'exiger de ses 
r, le respect, l'obéissance, ta fidélité, le 
e, les tributs ordonnés... >; ceux qui se 
cette obligation ■ résisteraient à l'ordre 



éraoirti historiquei, t. II, p. ei-65. 
S' complémentaire an XI (SS septembre 1803) : 
: tt travaux inéditi lur le Concorilal, p. 365. 
rapport du préfet de police, les milieux ortho- 
iz nHh pour s'alarmer, 4 l'automne de 1809. 
) d'après lequel le soin de composer la liturg- 
. Grégoire, à • un autre évéque constituUomi< 
arcliiviste Camus {S brumaire aaXI-27 octobr 
rù JOUI U Coniutttt, t. III, p. 3IS)I 



1 



MESURES DE MAINMISE 101 

établi de Dieu même, et se rendraient dignee de la dam< 
nation éternelle (1) ». Nous n'en parlerons ici que pour 
préciser quelques points de détail, se rattachant à This- 
toire ecclésiastique parisienne. 

On a dit que pour se prémunir contre les objections 
possibles du côté de Rome, Napoléon avait demandé un 
premier projet à un théologien italien de la suite du 
cardinal Caprara. Sans compter que le procédé eût 
dénoté de sa part une déférence inaccoutumée, nous 
savons, d'autre part, que si la complaisance du légat 
était depuis longtemps légendaire (2), le gouvernement 
suspectait les dispositions de son entourage; à propos 
précisément du catéchisme, Portails écrivait à Tempe* 
reur : « Je connais le bon esprit de ce cardinal, mais je 
me méfie toujours de l'ergotisme de ses théologiens (3). » 
Quoi qu'il en soit, le principal auteur ou compilateur 
du texte définitivement adopté paraît bien avoir été le 
jeune chanoine et vicaire général d'Astros, neveu du 
ministre des cultes (4). ♦ 

Une tradition suspecte fait honneur à l'abbé Émery de 
l'idée de prendre pour base le catéchisme composé jadis 
par Bossuet pour son diocèse de Meaux (5). Or, d'une part, 
la correspondance intime d'Émery le montre dès le 



(1) O'Haussonville, l'Eglise romaine et le Premier Empire, t. Il, 
p. 255-295. En mettant pleinement en lumière le rôle équivoque 
de Caprara, le feu comte d'Haussonville, faute de pouvoir recou- 
rir à tous les documents originaux, s'est laissé entraîner à des 
appréciations contestables sur le compte d'autres personnages. 

(2) Un opposant royaliste écrivait le 27 août 1802 : « Ce qui 
achève de désespérer les amis de la religion, c'est le pitoyable 
rôle que joue ici le cardinal légat. » (Remaclb, Relations secrètes 
des agents de Louis XVIII, p. 113). 

(3) 11 mars 1806 : d'Haussonville, op. cit., t. 11^ p. 441. 
. (4) Caussbtte, Vie du cardinal d'Astros, p. 110-111. 

(5) Lyonnbt, Histoire de Mgr d'Aviau du Bois de Sanza , t. II, 
p. 548, note. 



ATTITUDE DES AUTORITÉS CIVILES 

t très prévenu contre le principe même du caté- 
ue national ou impérial (1); de l'autre, Portalia, 

nous n'avons point ici de motif de mettre en doute 
Sracitë, s'est attribué formellement l'initiative eu 
tiôD. 11 vaut la peine de rapporter en quels termes 
linistre expliquait naïvement qu'on avait tout à la 
imité et amélioré Bossuet : « ... Comme Bossuet est 
nme le plus distingué que l'Église gallicane puisse 
it€r parmi ses évéques, j'ai proposé de prendre 

modèle le catéchisme de cet homme supérieur. Le 

de Bossuet fixe toutes les opinions dans le clergé; 

impose même aux philosophes. La proposition a 
cceptée. — En conséquence, on travaille d'après le 
^bisme de Bossuet. Il n'a été question que de mettre 
lus grand ordre dans la distribution des matières, 
e que, du temps de Bossuet, l'esprit de méthode 
it peut-être pas encore porté au point de perfection 

est arrivé de nos jours. On a retranché quelques 
essions vieillies. On a mis à l'écart quelques ques- 
i, utiles en leur temps, mais qui ne le seraient plus 
urd'hui. On ajoute d'autres matières dont les cir- 
lances exigent le développement, et dont on ne 
lit pas alors. Votre Majesté a un exemple de ces 
Ères dans le développement des devoirs des sujets, 
'ouvrage de Bossuet est d'ailleurs conservé dans les 
essions et dans le fond des choses pour tout ce qu'il 
l'essentiel, parce que les évêques conviendront eux- 
les qu'il leur serait difficile de faire mieux que n'a 



à parler de catéchisme universel. C'est, 
^ne, le voisin de M. i'archevéque de Toura (Duvoùin ou 
erf) qui remue cela,; II est ici. Quelle utilité peut-oa tirer de 
et quels terribles inconvénients cette nouveauté n'enlralne- 
pfts, si l'occasion s'en présente I * (A Bauseet, 21 juillel 
Papiert Emery.) • 



\ 



MESURES DE MAINMISE 103 

fait ce prélat, dont les lumières et les talents ont si fort 
honoré l'épiscopat français... (1). » 

Au lieu d'un mot placé par Bossuet dans une énumé- 
ration, le « développement » sur les devoirs des sujets 
comprenait une leçon tout entière^ avec les exagérations 
de langage qui ont été rappelées plus haut : si Napoléon 
n'était point à proprement parler Fauteur d'une aussi 
étrange innovation, il Pavait sûrement inspirée (2), 
comme il la fit agréer au légat, qui ratifia tout, malgré 
les instructions romaines qui lui prescrivaient, au nom 
du droit traditionnel des évéques, de contester le prin- 
cipe même d'un catéchisme imposé à ces prélats. Pour 
les contemporains comme pour l'histoire, la prodigieuse, 
la monstrueuse leçon sur les devoirs des sujets a relé- 
gué dans l'oubli ce qu'il pouvait par ailleurs y avoir 
d'estimable dans l'adaptation élaborée par d'Astros. 
Avant même la publication officielle, on en chuchotait 
dans les milieux bien informés; la veille du jour où 
Portails allait annoncer à l'empereur qu'il s'était mis 
d'accord avec Caprara, Émery écrivait à son confident 
de prédilection : « Je sais indirectement qu'on veut 
incessamment faire paraître le catéchisme unique. Quand 
je vous aurai raconté tout ce qui en est, tinnient ambae 

(1) Rapport confidentiel du 14 mars 1806 : AF. IV, 1045 (l'extrait 
ci-dessus a été publié en 1845, par le petit-fils de Portails, dans 
les Discours, rapports et travaitx inédits sur le Concordat, p. 264- 
265). Le feu comte d'Haussonville, qui a reproduit un autre frag- 
ment de ce document (VEglise romaine et le Premier Empire, 
"t- II, p. 441-442), n'a sans doute connu ni le texte intégral ni la 
publication du vicomte Portails : autrement il n'aurait pas écrit 
(t. 11, p. 262) que Portalis réservait l'autorité de Bossuet pour ses 
rapports d'apparat, et qu'il n'était « pas question » dans sa cor- 
respondance particulière avec l'empereur « de la prétendue iden- 
ti 5 qui existerait entre le travail de la commission présidée par le 
"D nistre des cultes et l'ouvrage sorti des mains du grand évéque 
d Meaux. » 

2) Jadppret, Mémoires historiques, t. II, p. 463. 



[TUDE DES AUTORITÉS CIVILES 

1 TOUB écrierez : pauvre Églite gallicane (1) I > 
du 4 avril 1806, publié seulement au bout 
sortait qu' < en exécution de l'article 39 de 
germinal an X, le catéchisme annexé au pré- 
approuvé par Son Excellence (sic) le cwvii- 
ra publié et seul en ueage dans toutes les 
>liques de l'Empire •. Le catéchisme ne fut 
t mis en circulation que dans la première 
août. Le cardinal de Belloy n'hésita pas à en 
EtdoptioD, mais dans le mandement qu'il 
effet (15 août 1806), il prit soin d'aller au 
ibjections qui n'osaient point se formuler à 
n insista sur ce que les droits de TËglise 
sauvegardés, et il expliqua comme Portalis 
capitale : • Les devoirs des sujets envers les 
les gouvernent y sont expliqués avec phis 
j'ils né l'ont été jusqu'à ce jour, parce que 
nces du temps où nous vivons ne ressem- 
k celles des temps qui ont précédé (2). • 



s de tout calcul politique, Portalis était porté 
a gallicane, comme son maître par caractère, 



<et, 10 mars ISOS : Papiers Emery. Il faut r«con- 
I part, que l'abhii Rauzan, le futur supérieur des mis- 
la Restauration, tout en prévoyant dans une lelUï 
le parti que les opposants tireraient de la fameuse 
Ut pas à la déclarer irréprochable au fond : - L'em- 
eu le droit d'y mettre son nom; il fait seuieme 
cation du principe. «(DELiPOiirB, VieduT.B.F-Ba 
te.) 
d« l'Empirt, Î2 août ISOS, 



MESURES DE RÉGLEMENTATION 105 

à accroître sans cesse le pouvoir disciplinaire et régle- 
mentaire de l'autorité civile en matière religieuse. Rien 
de plus topique à cet égard que le rapport par lequel le 
conseiller d'État concluait à la publication du jubilé de 
1803 (4) : tout en se défendant énergiquement d'empiéter 
sur le domaine spirituel, Portalis s'ingéniait à découvrir 
et à aligner les motifs qu'avait le gouvernement de con- 
trôler cette dispensation d'indulgences; la conclusion 
donnera une idée de l'ensemble r « ... Enfin, c'est à l'État 
de juger, dans toutes les occurrences, si les prières 
extraordinaires que l'on ordonne conviennent aux temps 
et aux circonstances et si elles n'ont aucuns dangers pour 
l'ordre public; c'est à lui à déterminer le plus ou le 
moins de solennité de ces prières, à en fixer la durée et le 
terme, pour qu'elles n'aient pas l'effet de trop distraire 
les hommes des travaux utiles de la société, et à juger 
si les lieux dans lesquel les citoyens se rassemblent pour 
prier n'ont rien d'inquiétant pour la police; car aucune 
assemblée extraordinaire ne peut être faite sans l'aveu 
formel du magistrat politique. » Que parlions-nous de 
gallicanisme? C'est ici du pur joséphisme. 

Le plus souvent tracassière, presque toujours décon- 
certante pour notre conception présente des rapports 
réciproques de l'Église et de l'État, cette ingérence du 
pouvoir civil avait parfois des résultats heureux en fait. 
Napoléon pourchassait les abus dans le corps ecclésias- 
tique aussi activement que dans l'armée ou l'administra- 
tion. Il lui était par exemple venu aux oreilles que sous 
prétexte d'exécutions musicales ou de cérémonies extraor- 
dinaires, on s'était permis de percevoir un droit à l'entrée 



(1) Portalis, Discours, rapports et traijaux inédits sur le Coti" 
cordât, p. 378-380. 



ATTITDDE DES AUTORITÉS CIVILES 

e des églises de la capitale; un jour que Portalis 
venu lui faire signer des décrets, il dicta cette note : 
lerver confidentiellement à l'archevêque de Paris que 
eurs fois on a fait payer l'entrée des églises, que le 
Je du Seigneur doit dane tous les cas être accessible 
it le monde (1). > Le bien fondé de laremarque était 
itestable. Belloy tout effaré se mit en devoir de 
ier une circulaire, dans laquelle il avait la naïveté 
bumilité de déclarer que son intervention était pro- 
ée par la plainte personnelle de l'empereur : il 
disait non seulement de jamais exiger une rétribu- 
ou un billet à l'entrée des églises, m^s d'annoncer 
)m ou même le nombre des musiciens et chan- 
; (2). Un peu plus tard, Napoléon se passa de l'in- 
édiaire des évêques pour étendre à tout le territoire 
;ai8 le principe de la gratuité à l'entrée des églises 
:1e l" du décret du 18 mai 1806, confirmé par l'ar- 
65 du décret organique du 30 décembre 1809 sur 
ibriques). 

18 encore, qu'à l'observation des vieilles traditions 
ilité cbrétienne, l'administration veillait au respect 
principes sur lesquels était fondée la lé^slation 
srne. C'est assurément sur un mot d'ordre qu'à la 
liêre Fête-Dieu célébrée après le Concordat, tous les 
icateurs s'abstinrent, contrairement à l'usage invé- 
l'avant la Révolution, d'attaquer les protestants, ces 
leurs du dogme de la présence réelle (3). Un peu plus 
Bossu, l'ardent curé de Saint-Eustache, fut dénoncé 



Peuiile de trav&il du ministre -des . cultes, 12 thermidor 

li (31 juillet 180S) : AF. IV, 910. 

lournal d« l'Empire, 7 fructidor an XIK. 

Rapport du préfet de police, 2 messidor «d X ; Auwhd, 

lovê le Coniulat, t 111, p. HT. 



F" 



MESURES DE RÉGLEMENTATION 407 

pour avoir dit, en bénissant un mariage, que la consé- 
cration religieuse était l'essence même de l'union nup- 
tiale (1). Sur cette délicate matière du mariage, un con- 
temporain attribue à Tarchevêque un trait d'insigne 
faiblesse : c Le ministre ayant demandé au cardinal de 
Belloy que le clergé de Paris s'abstînt, dans ses actes 
ecclésiastiques, de l'expression qui indiquait et consa- 
crait l'administration et confection du mariage, une 
circulaire obséquieuse, que nous avons vue, obligea 
le clergé des paroisses à ne parler que de bénédiction (2). » 
Le fait n'a rien que de conforme à l'attitude générale 
du prélat, qui montra une pareille docilité à propos des 
fêtes supprimées. Le gouvernement napoléonien, très 
opposé par préjugé philosophique et par tempérament 
laborieux à la multiplication des chômages, tenait d'au- 
tant plus sévèrement la main à la non-célébration de ces 
fêtes, que dans certaines classes de la population on en 
regrettait la disparition. Un règlement des sonneries de 
cloches, concerté entre Belloy et Dubois, avait décidé 
qu'on pourrait sonner pour chaque office les dimanches 
et fêtes conservées, et pour la seule messe paroissiale 
tous les autres jours. Par une interprétation aussi cor- 
recte qu'innocente, les curés et desservants du diocèse 
de Paris s'étaient mis d'accord pour ne rien sonner les 
jours ordinaires, et sonner la messe paroissiale aux 
fêtes supprimées. Il y eut, paraît-il, des réclamations de 
la part de certains propriétaires et chefs d'industrie : 
« Cette conduite, » écrivait Portails, t a laissé entrevoir 
une différence qui a choqué et qui a fait croire que Ton 
voulait continuer à chômer les fêtes supprimées. — J'ai 

(1) Rapport du préfet de police, 26 messidor an X : Aulard, 
"^arii ioui le Consulat, t. lil, p. 153. 

(2) Biographie universelle (Michaud), t. LXXXIÎI, p. 122, note 
u*t. Tabar.aud, signé Basighb). 



'DDE DES AUTORITËS CIVILES 

ardin^-archevêque, qui a tout de suite 
âcution littérale des règlements (1). • 

ices dont nous venons de citer des exemples 
bruit en dehors des cercles ecclésiastiques, 
t même de publicité que par suite du mala- 
ementde l'archevêque. Il en fut autrement 
qui agita fort les Parisiens à l'automne de 
utorité intervint de façon cassante, presque 

re 1803, six mois environ après le rétablis- 
ilte, on procédait aux obsèques d'une des 
nseuses de l'Opéra, Mlle Chameroy; le tra- 
ouement des Parisiens pour les gens et le» 
■Mre avait attroupé une foule nombreuse", 
^eait des regrets sur cette mort prématurée, 
es et des commentaires sur l'accouchement 
[ui avait déterminé la catastrophe. Le cor- 
ait devant l'église Saint-Roch, quand les 
irent closes, démunies de tentures blanches, 
mit se répandit que le curé Marduel refu- 
lir le corps, en raison non point de la vie 
et de la fin médiocrement chrétienne de la 
de l'antique interdit jeté par l'Église gaili- 
comédiens. Une manifestation s'ébaucha, 
;lée pour être tout à fait spontanée : on fit 
ir défoncer les portes, mais Dazincourt, l'ac- 
iÇais, se mit en frais d'éloquence et ramena 
s beaucoup de peine (2). Puis le convoi 
n d'une autre église, celle des Filles Saint- 
3 curé Rivière (3) se trouva à point nommé 

te, U Rocés] an XI (10 mai 1803) ; AF. IV, lOU. 

lur le Contatat (par Thibaudeau), p. i67. 

ii'il ét&it curé des Petits-Pârea, mais que pendanl 



MESURES DE RÉGLEMENTATION 109 

pour procéder aux prières d'usage avec son clergé (1). 
Dans la soirée, une députation d*acteurs de l'Opéra et 
du Théâtre de la République (Français), vinrent avec 
indignation se plaindre à Portalis de l'affront fait à leur 
profession. Le conseiller d'État n'eut point de peine à 
leur faire avouer que le curé de Saint-Roch, pressenti 
dans la matinée^ avait répondu « qu'on ferait bien de 
ne pas faire cette présentation, parce qu'il se verrait 
obligé de la refuser » , et que les comédiens s'étaient de 
même assurés par avance du consentement du clergé des 
Filles Saint-Thomas. Comme il l'écrivait le lendemain 
au Premier Consul, t tout eût été fini là, si l'on n'avait 
pas voulu exciter quelque rumeur ». Après avoir repro- 
ché aux comédiens d'avoir combiné et exécuté ce scé- 
nario, quand ils auraient dû conduire directement le 
corps aux Filles Saint-Thomas, Portalis estima qu'il y 
avait quelque chose à faire pour prévenir le retour de 
semblables contestations : « ... Comme sur pareil objet 
il faut une règle sûre, surtout dans une ville comme 
Paris^ où il existe un si grand nombre de théâtres, je 
vais écrire à M. l'archevêque pour m'entendre avec lui 
sur les principes d'après lesquels il doit diriger la con- 
duite des curés de son diocèse. L'Église de France était 
la seule qui considérât «omme excommuniées les per- 
sonnes consacrées au théâtre. Cette manière de voir... 
est aujourd'hui inconciliable avec les idées qui se sont 
établies sur l'état civil des acteurs, depuis les règlements 
-de l'Assemblée constituante. D'ailleurs, dans les prin- 
cipes d'une saine théologie, les curés doivent présumer 



cette première période lui et son clergé officiaient aux Filles 
Saint-Thomas. 

(1) En relatant les faits, Dubois ne manquait pas d'ajouter : 
« On profite de cet événement pour crier de nouveau contre le 
clergé. » (AuLARD, Paris sous le Consulat, t. III, p. 322.) 



ITTITUDE DES AUTORITÉS CIVILES 

léfunt dont on présente le corps à l'église est 
ns des dispoeitions qui le rendent digne de l'ap- 
1 des secours spirituels. De plus, après la mort 
iraes n'ont plus rien & juger; ils ne peuvent 
e qui s'est passé dans les derniers moments dans 
i défunt; ils ne doivent point affliger les vivants 
mesures indiscrètes, ni se permettre de s'expli- 
r des choses dont le jugement n'appartient qu'à 

:!)■■ 

1 le récit des scènes de Saint-Roch arriva à 
oud, Bonaparte eut un premier mouvement de 
^raiisme : « Pourquoi a-t-on présenté le corps à 
' Le cimetière est ouvert à tout le monde, il 
y porter tout droit (2). ■ Cette alTaire ne lui en 
as moins importune et fâcheuse; il se trouva 
3 nouvellistes pour attribuer son mécontentement 
circonstance, que la Chameroy avait été en der- 
a maltresse d'Eugène de Beauharnais (3) : si 
je fût sa conception des affections de famille, 
s'étendait point jusque-là; il énonçait ses vrais 
'humeur quand il écrivait à Portalis ; < Le curé 
t-Roch s'est très mal conduit, religieusement et 
ement (4). i L'incident Chameroy avait à ses 
grave inconvénient de fournir un argument à 
li accusaient le Concordat d'avoir encouragé 
ance sacerdotale. 

lis cependant continuait à vouloir établir ce qu'il 
'ait comme un équitf^le partage des responsa- 



lonspirte, 2B vendémiaire (17 octobre) : Dititaiit-ï, rap- 

ravaux inédtti lur le Concordat, p. 539-StO. 

loirei tur U Concordat (par Thibadd(4d), p. 167, 

[iCLl, RelatUmt tecrétct del agent» de Losix XVHl, 

l. 

eadëmiaire (IS octobre) : Corrapondanee, B3S0. 



MESURES DE RÉGLEMENTATION ill 

bilités : « Hier encore, je me suis parfaitement entendu 
avec Tarchevêque de Paris sur la même affaire; et en 
me chargeant de semoncer fortement le curé, j'ai ins- 
truit mon collègue Fourcroy (1) des petites menées des 
acteurs, qui ont. voulu du bruit, qui ont négligé de 
s'adresser à l'autorité (2). » Documenté peut-être par le 
conseiller d'État, le Journal des Débats soutenait que le 
scandale avait été sciemment provoqué par les parents 
et amis de la défunte : « Voulaient-ils constater le tort 
du curé? Il le faut bien, puisqu'un huissier marchait 
sur leurs pas, armé d'une sommation (3). » 

Mais les cris et les démarches ne cessaient point dans 
le camp opposé. Dubois annonçait que l'on discutait 
passionnément jusque dans les rangs du clergé, où cette 
affaire ressuscitait les vieilles divisions entre constitu- 
tionnels et insermentés (4). Exaspéré d'une agitation 
qui allait directement à rencontre de sa politique d'apai- 
sement, le Premier Consul jugea à propos de donner 
une leçon au clergé et une satisfaction aux philosophes; 
le Moniteur du 30 vendémiaire publia une note anonyme 
qui exposait succinctement les faits, en passant sous' 
silence les démarches officieuses des comédiens, et qui 
résumait en quelques lignes cinglantes les soi-disant 
principes théologiques développés dans la lettre confi- 
dentielle de Portails : «... L'archevêque de Paris a 
ordonné trois mois de retraite au curé de Saint-Roch, 
afin qu'il puisse se souvenir que Jésus-Christ commande 
de prier même pour ses ennemis, et que, rappelé à 



. (1) Chargé, au ministère de rintérieur, de la division de l'ins- 
truction publique et des beaux-arts. 

(2) A Bonaparte, 26 vendémiaire (18 octobre) : AF. IV, 1044. 

(3) Nimiéro du 28 vendémiaire an XI. 

(4) Rapport du 28 vendémiaire : Aulard, Parti sont le Consulut, 
t. lU, p. SBU 



H 



ATTITUDE Dl 



rut la r^oheii^ inspii 
Irs jours gras de 1803 
F^-saiit.« croreDt à une] 
p^r>'nt malgré les prot4 
l<*rent avec force lazzis 
porte de Notre-Dame (^ 
Lr mouvement d'oi 
cvrclr-* eivl'S^iastiques 
pn^fondrifnent respectui 
i^ la Roche, êv^ue de 
j^rupuk's à PortaUs 
rr/.-vindre les dispositi< 
>ar rendre ou avec Pal 
P:«rAlL5 répliqua par ul 
^ \ 1 aallait à rien moi 
î: -il ^ u- «n>uleiir de Tinti 
V <i< ^1 B'iK^er (]u il(le 
^•^r.i'ïiîi vv que chacui 
■ -tn^^he, en conséquej 
li- vx4rîte dans toute 
nL>-i H Je^vserrants peu^ 
:.i leur est propre dans 
O^-s: aa m<\ven pour 
W rt^-ect qui est dû à 
iz^n-^ p.ir leur propi 
o^n^ f . Cette déci 
fT^l 2*i:ur>?lleraeiit pour 
>^<.:ai?* oLiis les * exalt 
^;^ if f^.xi versement 
ai- a: À là p^ib^të on 
^.inr^i-ISlXI dans le 






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la même affaire; et en 

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) des petites menées des 

lit, qui ont négligé de 

umenté peut-être par le 

Débats soutenait que le 

rovoqué par les parents 

lient-ils constater le tort 

qu'un huissier marchait 

lation (3). » 

ne cessaient point dans 
nçait que l'on discutait 
rangs du clergé, où cette 
divisions entre constitu- 
xaspéré d'une agitation 
tre de sa politique d'apai- 
gea à propos de donner 
faction aux philosophes; 
publia une note anonyme 
s faits, en passant sous 
es des comédiens, et qui 
cinglantes les soi-disant 
ppés dans la lettre confi- 
L'archevêque de Paris a 
te au curé de Saint-Roch, 
ue Jésus-Christ commande 
hnemis, et que, rappelé à 



. térieur, de la division de Tins- 

.ts. 

: (18 octobre) : AF. IV, 1044. 
an XI. 
; Adlàrd, Parié sous le Consuli^U 



rTITDDE DES AUTORITÉS CIVILES 

Loch, sa situation prépondérante dans le diocèse, 
iscité bien des jalousies, qu'il était tentant de 
, tout en prenant la politique gouvernementale 
)nciliantles suffrages des hommes « éclairés •. 

jureur Bruant, curé de Saint-Nicolas-des- 
averti qu'on allait présenter à son église le 
Q prêtre marié, aiTectait de répondre bien haut : 
nporte! ne devons-nous point prier pour tout 

(l)ï > Le curé m^me qui avait enterré la dan- 
ncien moine insermenté Hiviërej ne se conten- 
de démentir un racontar calomnieux, d'après 
iurait été décidé par l'offre d'un honoraire de 

il publiait des explications qui sentaient à la 
isuiste et le courtisan : • Loin de me repentir 
jon que j'ai faite conformément aux anciens 
; qui n'assujettissaient point les artistes de 
ux censures et peines ecclésiastiques, je ne puis 
plaudir d'avoir agi d'une manière conforme aux 
éunion et de conciliation adoptées par le Sou- 
jntife et par le gouvernement français (2). » 
lement finit pourtant par se faire, et le résultat 
de rincident Ghameroy fut que les vieilles cen- 
lésîastiques contre les comédiens tombèrent défi- 
nt en désuétude. Dans l'hiver qui suivit, on célé- 
difficuité aucune le service funèbre de Tacteur 
lint-Sulpice (13 décembre 1802), celui de la Rau- 
laint-Thomas-d'Aquin (30 janvier 1803). Un an 
, Marduel lui-même, au risque de s'attirer de 
i brocardSj autorisa des actrices à chanter dans 



ort du prrl'et de police. 13 brumaire (3 novembre) : 
acii (OUI te Consulat, t. III, p. 366. 
e publiée dans le Jaumaf de» Oébatt du SS brumaire 
■iére y prenait le titre bizarre de « chef de l'âglise des 
it-Thoma£ ■). 



MESURES DE RÉGLEMENTATION 115 

son église une messe pour la Sainte-Cécile (1). La Duches- 
nois^ alors une des étoiles de la troupe tragique des 
Français, rendait le pain bénit et faisait la quête à Saint- 
Ambroise (2), malgré son passé plus que trouble et sa 
médiocre réputation présente (3). 

C'est sans doute aussi le souvenir de l'enterrement 
Ghameroy qui fit insérer dans le décret du 23 prairial 
an XII, sur les funérailles, cette disposition commina- 
toire, d'une application singulièrement épineuse : 
« Lorsque le ministre d'un culte, sous quelque prétexte 
que ce soit, se permettra de refuser son ministère pour 
l'inhumation d'un corps, l'autorité civile, soit d'office, 
soit sur la réquisition de la famille, commettra un autre 
ministre du même culte pour remplir ces fonctions. » 
(Art. 19.) Dès l'été de 1805, il fut établi que cette dispo- 
sition n'imposait point au clergé l'obligation absolue de 
procéder dans tous les cas à la cérémonie funèbre. Un 
malade parisien avait repoussé, avec force propos inju- 
rieux et blasphématoires, le prêtre qui s'était présenté à 
son chevet : Frochot crut néanmoins devoir porter plainte 
contre le curé pour refus de sépulture religieuse; Por- 
tails donna raison au curé, en établissant une distinction 
ingénieuse entre la société actuelle et celle de l'ancien 
régime, où le catholicisme étant religion d'État et reli- 
gion universelle, les obsèques devaient avoir un caractère 
forcément cultuel : « A présent, les consciences étant 
libres, les temples ne sont communs qu'aux personnes 
qui professent la même foi. » Ce raisonnement était 
l'équité même, mais il n'aurait point fallu beaucoup le 



(1) Rapport du préfet de police, 2 frimaire an XII (24 no- 
vembre 1803) : F. 7, 3832. 

(2) Rapport du môme, 17 nivôse an XIII (7 janvie^ 1805) : F. 7, 
3833. 

• (3) Frédéric Masson, Napoléon et les femmes,' p. 98-99. 



Ii(^ ATTITUDE DES AUTORITÉS CIVILES 

presser pour en tirer la justification de la conduite du 
curé de Saint-Rochen 4802. Portalisprit du reste la pré-? 
caution d'écrire à Belloy pour lui recommander à non* 
veau une très large tolérance pratique (1). 

Postérieurement à la mort du cardinal, un aulxe 
fâcheux incident^ qui fit infiniment moins de bruit, vint 
troubler une cérémonie funèbre. Gomme on enterrait 
une jeune fille à Téglise des Blance-Manteaux, le premier 
vicaire reprocha publiquement aux parents de la défunte 
de l'avoir laissée mourir sans sacrements et les menaça 
de la colère divine (2) . Les vicaires capitulaires se pré- 
paraient à réprimer par une peine disciplinaire cette 
intempérance de langage^ quand ils apprirent que Pabbé 
était arrêté par mesure administrative (3). 



La question des congrégations (qui ne doit être envi- 
sagée ici que sous son aspect parisien) met en évidence 
plus qu'aucune autre sans doute les hésitations et les 
oscillations de la politique religieuse de Napoléon. 

Sans parler de ceux des conseillers du chef de l'État 
qui étaient violemment ou sourdement hostiles, Portalis 
croyait la résurrection des ordres monastiques d'hommes 
aussi peu réalisable en pratique que peu désirable. Ce 
gallican déterminé redoutait de la part des moines une 
docilité sans réserves à la papauté, des manœuvres 

(1) Jaupprkt, Mémoires historiques, % II, p. 25-27 et note (la 
lettre de Portalis à Frochot est du l"" fructidor an XIH (19 &ot 
i805). 

(2) Bulletin de police du 25 mai 4809 : AF. IV, 1505. 

(3) Bigot de Préameneu à Napoléon, sanç date ; AF. IV, 104( 



IGONGRÉGATIONS ET MISSIONS 117 

aboutissant à contrecarrer ou à absorber Fautoritë épis- 
copale. Il avait d'ailleurs été, dans sa jeunesse, le témoin 
sincèrement attristé de la décadence tantôt silencieuse 
et tantôt trop bruyante de beaucoup de monastères, en 
proie à € un état d'inertie et de défaveur qui était pire 
que l'anéantissement (1) ». Tout au plus admettait-il 
Futilité éventuelle d'un très petit nombre de refuges pour 
les désespérés de la vie, pour quelques esprits inquiets, 
malheureux et dangereux; il développait non sans com- 
plaisance cette conception du cloître, compris moitié 
comme un hôpital et moitié comme un lieu d'interne- 
ment : « Dans quelques années, il sera peut-être sage 
de favoriser des établissements qui pourront servir 
d'asile à toutes les têtes exaltées, à toutes les âmes sen* 
sibles ou dévorées du besoin d'agir ou d'enseigner, car 
dans un vaste Etat comme la France, il faut des issues à 
tous les genres de caractère et d'esprit que les cloîtres 
absorbaient autrefois, et qui fatiguent aujourd'hui la 
société civile. Tel est un factieux dans le monde, qui n'eût 
été jadis qu'un moine obscur et turbulent (2) » . Mais 
Portalis se hâtait d'ajouter que l'ouverture de ces mai- 
sons de retraite devait être ajournée à l'époque indéter- 
minée où le pouvoir des évèques se serait suffisamment 
fortifié pour défier tout empiétement. 

A l'automne de 1803, on dénonçait avec indignation 

(1) PoRTALls, Discours, rapports et travaux inédits sur le Cori' 
cordât, p. 40, 231 et passim. Dans sa note à Capraradu 15 nivôse 
an XII (6 janvier 1804), note tout récemment retrouvée aux 
Archives du Vatican, Portalis disait : « Ces ordres ont été utUes ; 
ils le sont ou peuvent Tôtre encore dans d'autres contrées de la 
"hrétienté. Mais en France, on ne peut se dissimuler quHls 

Aient tombés dans l'avilissement longtemps avant la Révolu* 
on. » {Revue d^Histoire diplomatique, 1907, p. 299.) 

(2) Â Bonaparte, 25 fructidor an X (12 septembre 1802) : DiS'^ 
mr$, rapports et travaux inédits sur le Concordat, {). 450-451. 



118 ATTITUDE DES AUTORITÉS CIVILES 

résistance au faubourg Saint-Marcel d'un noviciat de jé- 
suites : le plus curieux est que la dénonciation s'adressait 
à Louis XVIII, et qu'elle émanait d'un des fidèles roya- 
listes qui osaient entretenir avec ce prince une corres- 
pondance clandestine (1). La nouvelle était sans doute 
très exagérée pour le moins : mais il y eut certainement 
des tentatives pour opérer une ébauche de reconstitu- 
tion, sur laquelle on demanderait au pouvoir civil de 
simplement fermer les yeux. Fesch, alors à Rome, fut 
mêlé à cette affaire : • Je sens, » lui écrivait l'abbé Émery, 
« que le moment peut n'être point encore venu, où le 
Premier Consul pourrait rétablir l'ordre (des jésuites) 
en France; mais il peut ne point s'opposer à ce qu'on 
l'établisse ailleurs. Aucune société n'est plus favorable 
aux gouvernements; et c'est la plus puissante digue 
qu'ils puissent opposer au torrent de l'impiété (2). > 

Ces suggestions étaient incapables de contre-balancer 
les préventions dont l'entourage du chef de l'État était 
imbu et qui le dominaient lui-même. Quelques mois plus 
tard^ c'est sur l'ordre formel de l'empereur que Portalis 
rédigea un rapport tendant à dissoudre les Pères de la 
Foi^ Pacanaristea et autres réunions qui faisaient revivre 
dans une certaine mesure les règles et l'esprit des 
jésuites (3); c'est Je souverain qui dans le projet de 
décret préparé par Portalis et adopté par le Conseil 
d'État, faisait ajouter un article de principe, pour pro- 
clamer que les vœux perpétuels demeuraient pros- 
crits (4). 



(1) Rëiiàglb, RelaiioM teerèlu des agent$ de Louis XVlîî, p. 401. 

(2) 25 décembre 1803 : Vie de M. Emery, t. I, p. 402. 

(3) 19 prairial an XII (8 juin 1804) : Portalis. Discours, rapporU 
9t travaibx inédits sur le Concordat, p. 451-461. 

(4) « Les lois qui s'opposent à l'admission de tout ordre reli- 
gieux dans lequel on se Ue par des vœux perpétuels continueront 






CONGRÉGÀTIOIiS ET MISSIONS lit 

Le décret du 3 messidor an XIT menaçait les contreve- 
nants de poursuites judiciaires qui n'eurent pas lieu de 
s'exercer. En 1808, sur le simple soupçon que le P. Varin, 
c ancien membre des Pères de la Foi et désigné comme 
le chef de cette association >, réunissait quelques 
adeptes, Fouché lui faisait intimer l'ordre de se retirer 
dans sa province natale; en rendant compte de cette 
sentence d'exil, les bureaux de la police ajoutaient : 
* On n'a découvert aucun autre membre de cette congré- 
gation dans la capitale, ni les environs (i). » 

L'hostilité du personnel gouvernemental contre les 
ordres religieux d'hommes s'étendait aux confréries de 
laïques^ jadis si florissantes et tombées avant la Révolu- 
tion dans un plus grand discrédit peut-être que les 
monastères. A propos de l'ancienne confrérie des pèle- 
rins de Saint-Jacques, supprimée par lettres-patentes dès 
1781, l'un des hommes les plus modérés du régime 
napoléonien^ Montalivet, dénonçait l'incompatibilité de 
la législation et de la société modernes^ non seulement 
avec l'existence légale des confréries, mais avec la pra- 
tique même des pèlerinages; son langage était caracté- 
ristique des préventions alors dominantes : « ... Le but 
de leur institution^ leurs règlements, leurs pratiques 
étaient essentiellement en opposition avec les principes 
désormais en vigueur. Ces déplacements, ces courses, 
ce vagabondage, s'il faut le dire, loin d'être protégé ou 
toléré, est sagement repris et ne peut que continuer à 
l'être (2). . 

A défaut des ordres religieux masculins, interdits en 

d*être exécutées selon leur forme et teneur. » (Art» 3 du décret 
du 3 messidor an XII.) 

(1) Bulletin de police du 9 novembre 1808 : AP. IV, 1504. 

(2) Rapport du 20 février 1811 : AF. iV, plaq. 4SÔ2. 



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96 ATTITUDE DE 

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eut la fâcheuse inspua* - ^ -^j^:^:j:si^ 

les jours gras de 180:^ , - _ ^,££i3^£^^ 

passants crurent à un»- /^Iw ..fr 

pèrent malgré les prott . . ,^^j.^j.^^ 

lèrent avec force lazzi? ^ " ' -1:-^^^ 

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Le mouvement d'o^. /]^^ ^^i^'té^ 

cercles ecclt'siastiques . ~ i >T:v^3i^^ 

profondément respeclu _ ^ ^.^d^iîJÊ^j 

de la Roche, évt^que do J^ .- v'ï.-^^^ 

scrupules à Portails : |. * ^ . .t .-^-îi.ï^ 

enfreindre les dispositi. ' ' \'^^W^^y 

Sur Tordre ou avec T; ^ * ^,-r,^ï^4'^ 

Portails répliqua par i "-- J. - iî^il^'^"^* 

et qui n'allait à rien mo - - ' — .-^ -rsCf '^'^' 

tiun <MU< couleur de rin - - ' ■ ^ .^^^ ^ 

vous annoncer (]u*il (le - '' _'^ , ■trr-i^'^ 



véniont^ ce que chaci - .» -- ^ «^v îi?sfi 

n'empêche, en conséqu . ' -' .^T^ièf*' 

lane violette dans touh ' . - ■ ' ' .\-n^??^3fiï 

curés et desservants pei ' ^^f-*^** 

qui leur est propre dan - * ^ -^-t^^ 

0/est un moyen pour c "*"' ^!^-î.'-^'^^ 

le respect qui est dû .' ^ '~*" * / j^.- •- ? ^ 

invités par leur prop . " " **,^ >;: ^ 

munies (2». » Cette déi ■ '- ' '^'^-•t y--^^^ 

eut naturellement pou •'* " \^r"*^ • 

s^nitane : mais les • exa ■* ^ ./- -- 

que le gouvernement c ^- ' 

ment à la publicité un < 
8 janvier 1804» : dans 1< 

yV CArssKTTK, Vit du Cl 
,t 30 brumaire an XH ( 
vSk Rapport du préfet d< 







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'^■'- "^«« qui n'eurent pas lieu de 

simple soupçon que le P. Varin 

res de la Foi et désigné comme' 
•lation ., réunissait quelques 
, -^ - . - " ■ "* »"t»™er l'ordre de se retirer 

f^'^- = . . '^ «° ï"endant compte de cette 

[^'^- - - ~ ^^"^ de la police ajoutaient • 

^'''--- ~ " *"tre membre de cette contré. 

['^^'fe- "ïï les environs (i). . 

nel gouvernemental contre les 
îes 8'étendait aux confréries de 
lies et tombées avant la Révolu- 
ad discrédit peut-être que les 
le 1 ancienne confrérie des vêle- 
pprimée par lettres-patentes dès 
;' }f P'"« modérés du régime 
•t, dénonçait l'incompatibilité de 
'■^•x>^ •°^'^*^ modernes, non seulement 

l«^r ~ ^^^ «*°fr«"es, mais avec la pra- 

««.v": "^^f ' ««" langage était caracté- 

à.- - - " ^'^" dominantes : . . l, .,.. 

1 •■'-•■ eurs rèt'lement^ i«.. - ^^ ""' 

Pteii- t „,. ,. "' !"^"*^' •«"'•s pratiques 

„;..'-- '■ "^^ Opposition avec lc< r»- ? 

°^'c- • fV^ H«vi.. '^^ '^« principes 

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if.Vi-' ^"^ '""^ "•--'-• (Art. 3 du d.„.. 




t2« ATTITUDE DES :ÂUT0R1TË£ 

droit et inexistants en fait, la période 
tolérer et même temporairemeat ap] 
attociatiotu, où les vœux étaient tem; 
étroitement limité. C'est ainsi que les 
chrétienues furent incorporés à l'Uni* 
entraves que la guerre maritime appo: 
nications avec le Levant et I'Extréme-( 
songea aussi à reprendre les tradil 
morale de l'ancienne France, en enco 
sioQS catholiques en pays lointain. Un 
rialan Xll, rendu presque au lendern 
mation de l'Empire, autorisa le rétB 
société de la Mission ou des lazaristei 
son activité à l'apostolat au dehors, et 
lui donnerait comme maison-mère à Pa 
vent dont l'église, érigée en succursalt 
par les missionnaires. Un décret suhsé 
dor an XII) affecta aux lazaristes c l'égl 
les bâtiments des ci-devant jésuites >, i 
en rapportant l'arrêté, non encore exéc 
sacré ce local au lycée Cbarlemagne (1) 
sans doute de la direction de l'instruc 
décret fut à son tour tenu pour non avt 
t abrogé, et le lycée s'ouvrit n 

avoir refusé aux lazaristes 
es du Marais, qu'il trouvait trop \ 
éon signa à Varsovie, le 6 janvie 
ur attribuait, rue du Vieux-Colon 
t être abandonnée par les Sœui 



F. IV, plaq. 784 (Un rapport de PorUI 
dit de tranafËrer le lycùe aux Minimes 
Ole pour Portails, 6 août 1806 : Leltr 
Fri^fli^ric Maison dan» les MiiceUatiea 



r 



.ICONGRÉGATiONS ET BII88I0NS • iti 

abandonnait l'idée de leur faire desservir une paroisse* 
Un an après la résurrection des lazaristes, un décret 
du 2 germinal an XIII restaurait « les établissements des 
Missions^ connus sous les dénominations des Missions- 
Étrangères et du séminaire du Saint-Esprit > ; les Mis- . 
sions-Étrangères étaient autorisées à recevoir en dona- 
tion des tiers acquéreurs, qui étaient en fait des prête- 
noms (1), leur ancien immeuble de la rue du Bac, et 
l'État restituait à la congrégation du Saint-Esprit une pro- 
priété en Orléanais. Mais la coexistence indépendante de 
trois institutions consacrées à la même œuvre était faite 
pour choquer un maître épris de l'unité et des auxi- 
liaires tous ardents partisans de la centralisation. Porta- 
lis n'avait cessé, contre le gré des intéressés, de préco- 
niser une fusion, et le décret de rétablissement des 
lazaristes leur avait attribué d'autorité le nom de -Jfw- 
sionS'Étrangères^ ce qui avait donné lieu à des confusions 
et à des protestations (2). Après avoir fait cette conces- 
sion au passé, de reconnaître les trois sociétés, le gou- 
vernement voulut du moins restreindre leur autonomie 
et leur indépendance, en les fédérant sous la commune 
direction du grand aumônier : ce fut l'objet du décret 
du 5 germinal an XIII, qui, grâce à la bienveillance de 
Fesch, demeura à peu près inappliqué (3), 

Portails eût voulu obtenir davantage, et favoriser les 
missions à l'intérieur même de la France. Dans un rap- 
port du 4 août 4806, il développait les arguments clas- 
siques sur l'utilité de renforcer de temps à autre l'action 
du clergé paroissial par l'intervention de prédicateurs 

1) Launày, Histoire de la Société des missions étrangères ,. t. II, 
p 350. 

i) Ibidem, t. II, p. 355-373. 
)) Ibidem, t. II, p. 420-422. 



ATTITUDE DES AUTORITÉS CIVILES 

i'oirs par la méditation, il apprenne que toutes 
itiques superstitieuses, conseryées par quelques 
et qui, nées dans les temps d'ignorance ou 
par des cerveaux échauffés, dégradaient la reli- 
ar leurs niaiseries, ont été proscrites par le Con- 
et par la loi du IS germinal. • 
etraite ainsi ordonnée fut toute morale : ce n'est 
iB tard, sous l'administration du cardinal Haury, 

séminaire de Paris devint une sorte de salle de 
à l'usage des membres du clergé. Mais si Marduel 
tta point son presbytère, il demeura trois mois 
arattre dans son église : les assertions contraires 
mtemporain (l) sont formellement démenties par 
;tre où Portails se préoccupe de la reprise de ses 
ms par le curé, et propose de la fixer à un autre 
ii'un dimanche, pour mieux prévenir toute mani- 
m (2). 

)eut en croire Dubois, quand il affirme que la note 
le, dont le ton décelait l'auteur, fut lue ■ avec avi- 

(3) : mais le préfet de police se flattait ou flattait 
iltre en annonçant que cette publication allait ins- 
ément fmre renaître le calme. Le clan philoso- 
i, le parti de l'Institut, sans s'embarrasser de scru- 
ie libéralisme, eut le triomphe exubérant. On pré- 
déjà la prochaine disgrâce de Portails (4), et bien 
tait le nombre de ceux qui, comme Fiévée, os^ent 
cer les encombrantes prétentions et lés menées des 
iens (5). * Les renards de la théologie, > écrivait 

BMAP.LB, Relationi lecrilet âei agtnlt de Louit XYIII, p. ITi. 
Bonaparte, 88 nivûsesn XI (18 janvier 1803): AF. IV. lOU. 
apport du 30 vendémi^re an XI (22 octobre 1801) : Adliu, 
ùui te Ctmiitiat, t. Ill, p. 33S. 
KHACLE. Relaliotts seeriUt dei agentt de Louii XVIII, 

Depuis le Concordat, il est certain que lee comédiens 



1 



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T- 



MESURES DE RÉGLEMENTATION 113 

Cabanis exultant, « ont reçu quelques coups de cravache 
sur le dos du curé de Saînt-Roch (1). » Il n'était point 
jusqu'à des étrangers de passage, désireux de passer 
pour affranchis de préjugés (2), qui ne prissent part à ce 
concert de railleries peu généreuses et médiocrement spi- 
rituelles. Marie-Joseph Ghénier, qui avait à venger son 
exclusion du Tribunat, rimait une nouvelle qui voulait 
être impie et qui n'était qu'ennuyeuse sur saint Roch et 
saint Thomas. L'imprésario d'un petit théâtre de la rue 
Saint-Jean-de-Beauvais se permettait même d'imprimer 
à la fin de son affiche : Incessamment le Tartuffe, ou le Curé 
de SainURoch (3); mais ici la police mit le holà. 

L'émotion, l'agitation même n'étaient pas moindres 
dans le clergé. L'affaire ne rehaussait point le prestige 
de l'archevêque, dont l'intervention disciplinaire avait 
été évidemment provoquée, commandée par le Premier 
Consul. On alla jusqu'à prétendre que le curé de Saint- 
Roch s'était conformé aux instructions épiscopales en 
refusant de recevoir le corps, et qu'à l'apparition de la 
note du Moniteur^ trouvant le prélat balbutiant et désem- 
paré, il lui avait dit: « Monseigneur, je vois bien qu'il faut 
une victime; je me soumettrai volontiers à en servir (4). • 
— D'autre part, Torthodoxie quelque peu hautaine du curé 



attendaient Foccasion de lutter contre TEglise, et qu'après avoir 
désiré être enterrés comme tous les hommes, ils ont feint d'ou< 
blier que c'est l'état civil et non l'Eglise qui enterre aujourd'hui, 
et que conséquemment ils pouvaient se dispenser de s'y pré- 
senter. » (Note à Bonaparte, novembre 1802 : Correspondance, 
t. 1, p. 24.) 

(4) A Roger Martin, 10 brumaire (1" novembre) : Guillois, le 
Salon de madame Helvéttus, p. 170. 

(2) Rapport du préfet de police, !•' brumaire (23 octobre) : 
AuLARD, Paris sous le,Consulat, t. III, p. 337. 

(3) Journal des DébaU, 6 brumaire an XI. 

(4) Remacle, Belations secrètes des agents de Louis XVIII, p. 161 
et 474. 

rv. • 



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414 ATTITUDE DES AUTORITÉS CIVILES 

de Saint-Roch, sa situation prépondérante dans le diocèse, 
avaient suscité bien des jalousies^ qu'il était tentant de 
satisfaire, tout en prônant la politique gouvernementale 
et en se conciliant les sufTrages des hommes c éclairés » . 
L^ancien jureur Bruant, curé de Saint-Nicolas-des- 
Champs^ averti qu'on allait présenter à son église le 
corps d'un prêtre marié, affectait de répondre bien haut : 
« Et qu'importe ! ne devons-nous point prier pour tout 
le monde (1)? » Le curé môme qui avait enterré la dan- 
seuse, l'ancien moine insermenté Rivière^ ne se conten- 
tait point de démentir un racontar calomnieux, d'après 
lequel il aurait été décidé par l'offre d'un honoraire de 
60 louis; il publiait des explications qui sentaient à la 
fois le casuiste et le courtisan : « Loin de me repentir 
d'une action que j'ai faite conformément aux anciens 
principes qui n'assujettissaient point les artistes de 
l'Opéra aux censures et peines ecclésiastiques, je ne puis 
que m'applaudir d'avoir agi d'une manière conforme aux 
vues de réunion et de conciliation adoptées par le Sou- 
verain Pontife et par le gouvernement français (2). » 

L'apaisement finit pourtant par se faire, et le résultat 
pratique de l'incident Chameroy fut que les vieilles cen- 
sures ecclésiastiques contre les comédiens tombèrent défi- 
nitivement en désuétude. Dans l'hiver qui suivit, on célé- 
bra sans difficulté aucune le service funèbre de l'acteur 
Jtfolé à Saint-Sulpice (13 décembre 1802), celui de la Rau- 
court à Saint-Thomas-d'Aquin (30 janvier 1803). Un an 
plus tard, Marduel lui-même, au risque de s'attirer de 
nouveaux brocards, autorisa des actrices à chanter dans 



(1) Rapport du préfet de police, 13 brumaire (3 novembre) : 
AuLÂRD, Paris sous le Consulat, t. III, p. 369. 

(2) Lettre publiée dans le Journal des Débats du 25 brumaire 
an XI (Rivière y prenait le titre bizarre de « chef de Téglise des 
Filles Saint-Thomas »). 



r 



MESURES DE RÉGLEMENTATION 115 

son église une messe pour la Sainte-Cécile (4). La Duchés- 
nois^ alors une des étoiles de la troupe tragique des 
Français, rendait le pain bénit et faisait la quête à Saint- 
Ambroise (2), malgré son passé plus que trouble et sa 
médiocre réputation présente (3). 

C'est sans doute aussi le souvenir de l'enterrement 
Ghameroy qui fit insérer dans le décret du 23 prairial 
an XII, sur les funérailles, cette disposition commina- 
toire, d'une application singulièrement épineuse : 
« Lorsque le ministre d'un culte, sous quelque prétexte 
que ce soit, se permettra de refuser son ministère pour 
l'inhumation d'un corps, l'autorité civile, soit d'office, 
soit sur la réquisition de la famille, commettra un autre 
ministre du même culte pour remplir ces fonctions. » 
(Art. 19.) Dès l'été de 1805, il fut établi que cette dispo- 
sition n'imposait point au clergé l'obligation absolue de 
procéder dans tous les cas à la cérémonie funèbre. Un 
malade parisien avait repoussé, avec force propos inju- 
rieux et blasphématoires, le prêtre qui s'était ^présenté à 
son chevet : Frochot crut néanmoins devoir porter plainte 
contre le curé pour refus de sépulture religieuse; Por- 
talis donna raison au curé, en établissant une distinction 
ingénieuse entre la société actuelle et celle de l'ancien 
régime, où le catholicisme étant religion d'État et reli- 
gion universelle, les obsèques devaient avoir un caractère 
forcément cultuel : « A présent, les consciences étant 
libres, les temples ne sont communs qu'aux personnes 
qui professent la même foi. » Ce raisonnement était 
l'équité même, mais il n'aurait point fallu beaucoup le 



(1) Rapport du préfet de police, 2 frimaire an XII (24 no- 
vembre 1803) : F. 7, 3832. 

(2) Rapport du môme, 17 nivôse an XIII (7 janvie^ 1805) : F. 7, 
3833. 

• (3) Frédéric Masson» Napoléon et les femmes,^ p. 98-99. 



«8 ATT1T0DE DES AUTORITÏ 

l'arrêté consulaire du 1" nivôse an I! 
position de Cbaptal^ avait autorisé e 
blissement à Paris des Saurs de la CAai 
mait le document officiel en empl 
populaire, c'est-à-dire des Filles de U 
Saint-Vincent de Paul {!}. Pour appré 
acte. Portails recourait plus lard à 
rùson, dontla solennité n'était point 
grâce virgilienne, ou plutôt racinien 
lions dont elles avaient été abreu< 
avant les troubles révolutionnaires p 
rées à l'éclair qui précède la tempête 
rieur au rétablissement du culte, a 
heureux de la prochaine alliance du ci 
Cette reconnaissance fut confirmée p 
du 25 vendémiaire an XI; quand las 
Mme Deleau, mourut le 30 janvier 
purent écrire, en rendant compte de 
convoi était formé de sa nombreuse 
posée de plus de cent personnes, 
novices (3). » 

Plusieurs autres congrégations ch. 
Hères, qui pendant la Révolution • 
dispersées que dissoutes (4), » et doi 
faisant n'avait jamais subi de totale 
également autorisées à poursuivre 
reprise. Le décret du 3 messidor ai 
dissolvait les Pères de la Foi, qui conl 



(1) Parit (OUI Napoléon, t. I, p. 316-317, 

(S) Rapport du 2* mars 1807 : DiHOvrt, 
dilt mr le Concordai, p. 509. 

(3) /ournal dei Débatt, li pluviûse an XI 

(4) Rapport précité de Portalis : Ditcovi 
inédilt tur le Concordat, p. 50S-S10. 



CONGRÉGATIONS ET MISSIONS 197 

des vœux perpétuels et qui subordonnait à une autori- 
sation impériale la formation de toute association reli- 
gieuse, ce décret comportait un article 5 ainsi conçu : 
c Néanmoins, les congrégations connues sous le nom de 
Scetirs de la Charitéy de Seeurs hospitalières^ de S<Burs de Saint- 
Thomas^ de ScBurs de Saint-Charles et de Sœurs Vatelottes^ 
continueront d'exister..., à la charge par lesdites agréga- 
gations de présenter, sous le délai de six mois^ leurs 
statuts et règlements, pour être vus et vérifiés en conseil 
d'État... > Neuf mois plus tard, quand Letizia, rentrée 
en grâce auprès de son fils, reçut le titre de Son Altesse 
Impériale Madame^ mère de P Empereur, un décret du même 
Jour (2 germinal an XIII-23 mars 1805) la nomma « pro- 
tectrice des Sœurs hospitalières et des Sœurs de charité 
dans toute l'étendue de l'Empire (1) », nouveau témoi- 
gnage de la bienveillance impériale pour ces congré- 
gations. 

A l'instigation sans doute de son frère Fesch, Madame 
Mère, comme on l'appela désormais, prit à cœur cette 
sorte de surintendance, à laquelle son passé l'avait 
médiocrement préparée. Dès le surlendemain de sa nomi- 
nation (25 mars 1805), elle assistait chez les Sœurs de 
Saint-Vincent de Paul à une messe célébrée par Fesch 
pour fêter la solennité de l'Annonciation, et surtout la 
reprise par les religieuses du costume traditionnel, robe 
de bure grise et cornette blanche aux grandes ailes (2). 
C'est à sa demande qu'un décret daté de Varsovie (6 jan- 
vier 1807) transféra la maison-mère de l'étroit immeuble 
de la rue du Vieux-Colombier dans l'ancien couvent des 
Dames de la Croix, rue de Charonne (3). (Cette mesure 
demeura d'ailleurs sans exécution, et quand en 1813 les 

(1) Frédéric Masson, Napoléon et sa famille, t. III, p. 67. 

(2) Journal des Débati, 7 germinal an XIII t 

(3) Baussbt, Mémoire», t. IV, p. 160. 



1S8 ATTITUDE DEB AUTORITÉS < 

Sœurs dtirent abandonner aux pompiers 
me du Vieux- Colombier, ce Fut pour s 
Bac, dans l'immeuble que leur comi 
encore aujourd'hui). — Loin de restreii 
congrég&tion les marcpies de sa sym] 
Hère assistait par exemple, le 16 dëcewi^ «ju», »» 
bénédiction par son frère de l'ancien couvent de la Visi- 
tation de la me Saint-Jacques, gracieusement concédé psr 
le gouvernement aux dames de Saint-Micbel ou du Refuge, 
qui accueillaient et s'eiforçaient de ramener au bien les 
filles repenties (1). 

De même que sous la dénomination générale de Mù- 
iions-Étrangèrêi, Napoléon avait médité d'unifier les trois 
associations d'hommes vouées à l'apostolat au dehors, 
il rêva de fondre en un seul institut des Sœurs de Ut Cha- 
rité toutes les congrégations féminines charitables ou 
hospitalières, Portalis, pressenti à cet égard au prin- 
temps de 1805, eut le courage d'exposer à son maître 
que la réalisation d'un tel projet serait presque impos- 
sible, et en tout cas fâcheuse. Pour la commodité de 
son énumération, il rangeait les congrégations existantes 
en sept classes^ dont la plupart comprenaient 4 leur 
tour de nombreuses subdivisions, il montrait que d'une 
classe à l'autre, et même entre des associations simi- 
laires, il y avait de sensibles différences dans le régime 
intérieur, la discipline, la circonscription territoriale, 

(1) Journal Ae rEmpirc, IS décembre 1806. Portails écrivait dii- 
huit mois auparavant, au sujet des dames de Saint-Mich«] : 
■ Votre Majesté, convaincue de l'utilité de l'établissement qu'elles 
ont à Paria, leur fait payer un loyer («'ol-d-dt» leur attribue pour 
leur loyer un suliside) de 8,000 francs jusqu'à ce qu'on ^t p 
leur procurer une maison nationale. • (Rapport du 13 prairii 
an XIII (8 juin 1805) : Diteouri, rapport! et travaux inédiU mr i 
Concordat, p. 484.) 



r 



CONGRÉGATIONS ET MISSIONS 12f) 

le mode de recrutement. Une réunion imposée, par 
exemple par incorporation d'office dans les Filles de 
la Charité, provoquerait en foule les défections indivi- 
duelles; elle serait d'ailleurs (et ici le ministre se révé- 
lait pénétrant psychologue) aussi peu conforme aux 
précédents qu'aux besoins permanents de la nature hu- 
maine, de la nature féminine en particulier. Cette majes- 
tueuse unité, qui faisait la force et le prestige de l'em- 
pire napoléonien, risquait de ne point avoir d'attrait 
pour des imaginations de religieuses : c Chez les femmes 
surtout, on doit s'attendre à une plus grande variété de 
goûts et à une multitude de petits caprices incessants qui 
se mêlent toujours plus ou moins à leur piété et à leur 

vertu (i). » 

Napoléon se rendit momentanément aux raisons 
déduites de façon si persuasive : mais après la mort de 
Portails, il voulut, sinon unifier complètement les con- 
grégations charitables, du moins les fédérer, comme il 
avait fait pour les sociétés de missionnaires. Tel Ait le 
but du décret du 30 septembre 1807 : < Il sera tenu un 
chapitre général des établissements des Sœurs de la Cha- 
rité et autres consacrées au service des pauvres. — Ce 
chapitre se tiendra à Paris dans ]e palais de Madame, 
qui présidera ledit chapitre, assistée du grand aumônier; 
M. l'abbé de Boulogne, aumônier de Sa Majesté, fera les 
fonctions de secrétaire. — ... Ce chapitre sera invité à 
faire connaître ses vues sur les moyens les plus propres 
à étendre ces institutions, de manière qu'elles fournis- 
sent à la totalité des établissements consacrés aux ma- 
lades et aux pauvres (2) . » 

L'idée de ce congrès de moniales avait peut-être été 

(1) Bapport précité : Discourt, rapports et travaux inédits sur 1$ 
MeoréUU, p. 480-494. 

Correspondante, i3i07. 

IV, » 



130 ATTITUDE DES AUTORITÉ 

suggérée à l'empereur par le succès 
drin des israélites. Quelque giagulièr 
nouveauté, les intéressées obéirent, m 
mal leur émoi (1). Avec beaucoup d 
agents du gouvernement s'employèn 
une fois les séances terminées, Cret 
guées au ministère, leur adressa un 
où i) les appelait t Mes Sœurs >, et 
médailles destinées à reconnaître lei 
Dans les délibérations mêmes, il eeml 
trainte ofllcielle fut très modérée, p 
signé de Madame Mère et rédigé sai 
logne (3) repoussait nettement l'unil 
bornait à déclarer désirable une certai 
chaque diocèse, et sollicitait surtout 
tions charitables diverses franchises i 
rites civiles et des directeurs d'hdpita 
Le décret du 3 février 1808, qui a 
subventions et d'importantes conceSE 
consacrait implicitement l'existence légale de cinquante- 
six associations charitables ou hospitalières, dont la plus 
importante, celles des Filles de la Charité, comptait | 
1,S98 religieuses réparties entre 260 maisons. Mais ce ' 
document prescrivait une revision des statuts, et le len- 
demain, une lettre impériale, adressée à Madame Hère 
dans les termes les plus affectueusement courtois, mon- 
trait que le souverain n'avait point renoncé à son projet 

(I) • Les religieuses convoquâes arrivent i'P^is, et sont fort 
en peine de savoir ce qu'on veut faire d'elles, tas autrea reli- 
gieuses sont eacoie toutes en l'air. Vous savez qilll faut peu de 
choses pour les troubler; m&is il est vrai cependant, que tous les 
rassemblements sont menacés. • (Emery à Bausset, 6 novembre 
1B07 : Papieri Emery.) 

{2) 5 décembre 1807 : Journaux. 

(3) Ce document fut publia dans les joumaui. 



r 



CONGRÉGATIONS ET MISSIONS 181 



de centralisation : c J'ai fait connaître à mon ministre 
des cultes ma volonté, que les règlements de ces diffé- 
rentes institutions fussent revisés et arrêtés définitive 
ment par mon conseil dans l'année. Je désire que les 
chefs des différentes maisons sentent la nécessité de 
réunir des institutions séparées, autant que cela sera 
possible; elles acquerront plus de considération, trou- 
veront plus de facilité pour leur administration et auront 
droit à ma protection spéciale (1). » Néanmoins, les tra- 
ditions, les tendances analysées par Portalis, furent plus 
fortes que la volonté impériale, et le décret organique 
du 18 février 1809, en édictant quelques mesures com- 
munes sur le protectorat de t Madame, notre très chère 
et honorée mère » , sur l'âge des novices, sur la durée 
des vœux, sur les pouvoirs disciplinaires des évoques, 
respectait une fois de plus la diversité des statuts, qui 
devait être approuvés et insérés au Bulletin des lois 
avant le 1«' janvier 1810 (2). Cette dernière prescription 
ne semble point avoir été appliquée à la lettre, mais 
plus les affaires religieuses allaient s'envenimant et plus 
Napoléon se défiait même des congrégations hospita- 
lières. C'est au ministre de la police qu'il écrivait en 

(1) Correspondance, 13523. 

(2) En ce qui concernait les Filles de la Chanté, un décret du 
8 novembre 1809 confirma les lettres-patentes royales de no- 
vembre 1657, à l'exception de l'autorité reconnue au supérieur 
général de la Mission, « dont la congrégation a été supprimée par 
notre décret du 26 septembre dernier ». D'autre part, comme la 
maison-mère se trouvait à l'étroit rue du Vieux-Colombier, un 
décret du 25 mars 1813 décida que la Ville de Paris achèterait aux 
hospices et mettrait gratuitement è. la disposition des Sœurs le 
vaste hôtel de Châtillon, rue du Bac : « On peut, » écrivait Mon- 
talivet, « regarder leur logement comme une charge de la Ville 
de Paris, dans laquelle l'établissement principal est formé. » (Rap- 
port de mars 1813 : AF. IV, plaq. 6036.) De plus, un décret du 
26 mai 1813 ordonna des travaux d'appropriation s'élevant à plus 
de 150,000 francs (AF. IV, plaq. 6195). 



132 ATTITUDE DES ADTOBITÉ 

ISH : ' Qu'est-ce que c'est que It 
Thomas? Dans quel quartier sont-( 
lettres patentes? Font-elles profesf 
tait à Paris beaucoup de choses c 
de l'État. Partout on rétablit des 
gieuses (1). » 

De leur c6té, plusieurs communautés enseignantes 
s'étaient reconstituées sans bruit avant même la publi- 
cation du Concordat, grâce à la tolérance du gouverne- 
ment et aux encouragements de certains personnages 
haut placés : le consul Lebrun notamment leur avait confié 
une de ses filles (2). Certaines congrégations, dont l'en- 
seignement n'était point la destination essentielle, se 
mirent elles aussi à recevoir quelques élèves, pour ; 
augmenter leurs ressources et faciliter leur recrutement, i 
La paix religieuse aidant, ces maisons se multiplièrent, ! 
surtout dans le quartier Saint-Jacques et dans le Marais. | 
Les écrivains à tendances jacobines, comme l'ancien 
théophilanthrope Publicola Chaussard, dénonçaient à 
grand fracas un tel scandale : ■ Ces femmes se chargent ] 
ostensiblement de l'éducation des enfants... Dans l'inté- 
rieur, et les portes fermées, elles reprennent avec l'habit 
toutes les lois de la profession (3). • 

Les bureaux de Fouché prodiguaient de leur côté les 
accusations mélodramatiques : ■ Il parait, • écrivait-on 
d'une communauté de la rue des Postes, « qu'on y reçoit 
des sujets, qu'on leur fait fùre des vœux de chasteté et 
d'éternelle clAture, et qu'une jeune personne que ses 
goûts porteraient à rester dans le monde est sur le point 
d'y être ensevelie par l'égoïsme et l'insensibilité de ses 

(1) A Savary, 31 janvier ISll : Corretpùndanct, 1T311. 

(2) Parit tout Napoléon, t. I, p. 317. 

(3) Nouveau diable boiteux, t. II, p. 29, 



r 



CONGRÉGATIONS ET MISSIONS 133 

parents (i). > Yërification faite, il s'agissait d'une maison 
de refuge, où les vœux étaient absolument interdits (2). 
Un autre grief était plus invraisemblable encore au 
printemps de 1805 : c Quinze à dix-huit communautés 
de femmes, portant le costume des religieuses, et qu'on 
dit établies rues des Postes, d'Enfer et dans le Marais, 
sont désignées comme ayant ajouté aux anciens vœux 
celui de prier plusieurs fois chaque jour pour la conver- 
sion des pécheurs, à la tête desquels elles mettent Sa 
Majesté, la famille impériale et les autorités (3). » 

Plus que de ces billevesées, Napoléon s'émut d'un 
rapport de Dubois : « Des religieuses de la Miséricorde 
sont au nombre de douze ou treize rue de la Chaise. 
Elles ont quinze ou seize élèves, à qui elles montrent à 
coudre et à broder. Dans Fintérieur de leur maison elles 
suivent la règle de saint Augustin, et le dimanche elles 
portent leur habit religieux. Il paraît certain qu'elles 
viennent de faire faire à une de leurs anciennes novices 
des^ vœux non solennels, mais pour une année seule- 
ment. — Des religieuses de la Congrégation, réunies rue 
Notre-Dame-Saint-Étienne, se livrent à l'instruction et 
elles ont beaucoup d'élèves. Elles portent aussi l'habit 
religieux dans leur intérieur et le font porter à de jeunes 
personnes qu'elles n'osent appeler publiquement novices, 
mais qu'elles disent demeurer avec elles pour les aider. 
— Ces deux espèces de communautés sont reconnues 
par Son Éminence le cardinal-archevêque de Paris, qui 
leur a donné pour directeur M. la Myre-Mory, chanoine 
de Notre-Dame (4). » 



(1) Bulletin de police du 26 briunaire an XIII : AF. IV, 1491. 

(2) Bulletin de police du 21 frimaire an XIII : Ibidem. 

(3) BuUetin de police du 11 prairial an XIII : AF. IV, 1493. 

(4) Rapport du 5 vendémiaire an XIII (27 septembre 1804) : F. 7, 
3833. 



ATTITUDE DES AUTORITÉS CIVILES 

jléon trouva le rapport i clair et précis ■ , et fit 
iatement part de cette appréciation à Fouché, 
timuler son zèle ou irriter sa jalousie. L'empereur 
ait qu'en dehors des Sœurs de charité, les reli- 
i n'étaient pas autorisées à avoir des novices; 
viter que dans les maisons d'enseignement on ne 
, des novices sous le nom d'élèves, il interdisait à 
r de faire porter l'habit aux élèves et surtout de 
der au-dessus de dix-huit ans. Se rendant compte 
•bservation de ces prescriptions était subordonnée 
tion service d'inspection, le souverain ajoutait : 

il faudrait avoir des ecclésiastiques dévoués el 

avoués par l'archevêque, qui visiteraient ces 
is et les inspecteraient; ou que M. Portalis com- 
s hommes demi-religieux pour cet objet (1). • 
e les dénonciations des fonctionnaires antireli- 

les couvents enseignants eurent à subir les cri- 
intéressées des directrices de pensionnats laïques, 
lampan se distingua dans cette campagne de déni- 
nt, où furent mis en avant les arguments bien 
î sur l'incapacité des moniales à former des 
s du monde et des mères de famille. Les polé- 
s devinrent assez vives pour que PortaUs crût 

intervenir auprès de l'empereur. Sans se con- 
de prendre la défense des religieuses, il dirigeait 

les pensionnats laïques une vigoureuse riposte, 
me Campan ne lui eût point pardonnée si elle en 
!u connaissance (2). 

FouchÈ, IB veudijmiaire an XIII (7 octobre J8M) : Corrti- 
:e, 8088. 

le ne nie pas que des insti tutrice b libres, c'est-à-dire d"" 
rices qui ne tiennent à aucune association religieuse, i 
t donner une bonne lïducation. Mus je soutiens que I 
nSitg particuliers, régis par ces institutrices, ne sont, t 
, que des entreprises intéressées, de véritables spécul 



C0N6RË6ATI0NS ET MISSIONS 135 

Mais Portalis mourait peu après, au moment où une 
nouvelle attaque plus redoutable, plus imprévue, mena- 
çait les couvents. De Pradt, aumônier de l'empereur, 
récemment devenu évéque de Poitiers, mécontent sans 
doute de quelques résistances éprouvées dans son dio- 
cèse, généralisait ses griefs contre les communautés, les 
montrait en révolte sournoise contre le pouvoir civil et 
l'autorité épiscopale; avec son habituel manque de tact, 
ce prélat prenait pour confident le ministre de la police, 
qui était trop heureux de communiquer au souverain 
des accusations forinulées par un évéque : « Toutes (les 
communautés) ne veulent que leurs anciens statuts : on 
ne les sortira pas de là. Elles trompent le gouvernement 
quand pour obtenir leur approbation elles se présentent 
sous les seules couleurs qu'elles savent lui plaire. Toutes 
se disent également vouées au service des pauvres, 
malades et à l'instruction publique. C'est là le prétexte : 
le fond de la chose est l'ancienne règle monastique. — 
... On ne peut décider ces femmes à sortir de la ville 
pour se rendre dans les parties <du diocèse qui manquent 
de moyens d'instruction et de soulagement pour les 
infirmes. — Ces maisons sont des foyers de mysticité, 
de petit esprit, qui ont une grande influence, et qui 
rendent impraticables toutes les mesures qui tendent à 
épurer, à anoblir l'exercice du culte... (4). » 

lions de commerce*, ces pensionnats se succèdent rapidement; ils 
s'élèvent et ils tombent, au gré des intérêts prives des personnes 
qui les ont fondés. Pendant leur courte durée, ils ne sont régis 
que par des maltresses salariées que l'institutrice principale a 
choisies au rabais, et qui ne sont unies entre elles par aucun lien 
commim. De pareils pensionnats n'ont aucun caractère de stabi- 
Uté ; ils inspirent peu de confiance : j'en appelle au témoignage 
des pères et des mères de famille qui sont les seuls et vrais juges 
ians cette matière. » (Rapport du 24 mars 1807 : Ditcoun, rap- 
ports et travaux inédits sur le Concordat, p. 503.) 
(1) Extraits reproduits dans le Bulletin de police du 16 sep- 



iS» ATTITUDE DES AUTORITÉS 

Sans estimer le caractère de l'abbé de Pradt, Napoléon 
accordait quelque crédit à ses reDseignements et à ses 
dénonciations. Il convoqua une réunion spéciale de 
ministres et de conseillers d'État, pour la plupart mal 
disposés à l'égard des congrégations (4); à ce petit con- 
seil, Fortalis fils, qui gérait le ministère des cultes en 
attendant la désignation du successeur de son père, 
devait communiquer un état de toutes les maisons de 
Sœurs régulièrement autorisées : • H présentera en 
même temps^ • poursuivait la dictée impériale, • un 
rapport faisant connaître, en réalité et sans fard, le bot 
véritable de ces institutions, qui n'ont jamais été approu- 
vées par Sa Majesté avec connaissance de cause : Elle a 
cru ne signer que pour autoriser des associations pour 
des maisons'de charité, et il y a peu de jours encore 
qu'EIle était dans l'opinion qu'il n'en existait pas d'autres 
dans son empire (2). > 

L'orage pourtant n'éclata point; à Paris du moins, 
cette revision ne parait pas avoir entratné de sanctions 
violentes : les documents ne relatent aucune fermeture 
de couvent ni aucun retrait d'autorisation. 11 y eut 
m(}me des communautés enseignantes qui se fondèrent 
ou se développèrent dans la période postérieure. Après 
avoir conflé à des la!t|ues les deux premières maisons 
d'éducaUon de la Légion d'honneur, Écouen et Saint- 
Denis, pour les quatre suivantes Napoléon At appel, en 



tembre 1807 : AF. IV, 1501. Le rédacteur du Bulletin ajoutait un 
coiumentaire dont la, conclusion au moins doit être citée : ■ Le 
clergé de France est dévoué et a de bonnes intentions : mais i' 
manque de discernement et de lumières ; il a besoin d'être détachÉ 
du vague et de la tpiriiualiU pour s'attacher davantage à la pra- 
tique des vertus utiles, i, la marcIie du gouvernement. > 

(1) Régnier, FouciiË, Regnaud de Saint- Jean-d'Angely, Bigot de 
Préameneu, Treilhard. 

(2) 19 octobre 1807 : Co>-reipondnMt, 13272. 



CONGRÉGATIONS ET MISSIONS 437 

4810, à la congrëgation de la Mère de Dieu, reconstituée 
par une ancienne visitandine, Mme de Lezeau (1). La 
chapelle de rétablissement de la rue Barbette, qui devait 
servir de maison-mère, fut solennellement bénie par 
Fesch le 14 août 1844, en présence du grand chancelier 
Lacépède (2). 

Comme congrégation purement et exclusivement con- 
templative, il n'y eut à Paris pendant la période napo- 
léonienne que les carmélites groupées autour de la Mère 
de Soyecourt dans l'ancien couvent des Carmes de la 
rue de Vaugirard. Sur le conseil des supérieurs ecclé- 
siastiques^ elles n'avaient point rétabli la clôture dans 
sa sévérité réglementaire, et ne revêtaient l'habit du 
Carmel que pendant les quelques jours de la retraite 
annuelle, portant le reste du temps un très simple cos- 
tume laïque. Mais loin de s'entourer de mystère, on 
recevait des novices, on leur donnait même le voile 
avec une certaine solennité (3). Sans être dotée d'une 
autorisation administrative qu'elle ne sollicitait pas, la 
communauté de la rue de Vaugirard fut toujours tolérée, 
même lorsque Mme de Soyecourt se vit personnellement 
en butte aux rigueurs de la police après l'affaire d'Astros : 
il y a dans cette persistante longanimité, de la part 
d'une autorité si facilement soupçonneuse, comme une 
sorte de mystère, dont le secret se dérobe à notre 
curiosité. 

(1) BoNNEViLLE DE Marsangy, la Légion (Thomieur, p. 359-361. 

(2) Journaux. 

(3> Vie de la R, M. Thérèêe-Camille de Soyecourt, p. 179-180. 



CHAPITRE m 

DISPOSITIONS RELIGIEUSES DE LA POPULATION 

PARISIENNE 



I. Les convictions et les pratiques religieuses. — II. La prédica- 
tion; les conférences Frayssinous. — III. Débuts de la Congré- 
gation. — IV. Préventions antireligieuses. — V. Séjour de 
Pie VII à Paris. 



I 



Par une double conséquence quelque peu contradic- 
toire, la tourmente révolutionnaire, en inclinant certaines 
âmes vers le christianisme^ avait achevé de déraciner 
dans la foule les habitudes de piété; sur les vieillards de 
la classe cultivée, elle avait été généralement sans action 
à ce point de vue. Après huit années de régime concor- 
dataire, le jeune publiciste François Guizot, qui déjà 
s'intéressait aux problèmes moraux de son époque 
moins en huguenot désireux de miner ou de décrier 
l'influence catholique qu'en chrétien alarmé des progrès 
de l'indifférence, Guizot analysait ainsi l'état d'esprit de" 
la société parisienne : « Prenez un enfant de nos jours; 
ses grands-parents^ qui ont vécu dans le dernier siècle, 
sont incrédules; son père et sa mère croient qu'il ne 
faut pas l'être, et peut-être même ont dans le cœur une 



ikO DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

étalage à son lit de mort d'une fatuité aussi théâtrale 
que peu chrétienne, lorqu'en guise de confession, il 
débitait devant un témoin cette tirade au curé de Mont- 
morency : « Je jure devant Dieu et dans toute l'effusion 
de ma conscience que, depuis que j'existe, je n'ai jamais 
fait aucun mal avec intention... et quand bien même 
j'aurais eu ce malheur, je crois avoir fait plaisir à tant 
de monde, que dans son immuable justice l'Éternel 
daignera compenser l'un par l'autre. » Sur quoi le curé 
édifié, attendri, l'embrassait et lui donnait sans plus 
insister les derniers sacrements (1). 

La génération suivante, celles des jeunes hommes du 
temps de Louis XVI, était moins ancrée dans le scep- 
ticisme. Chateaubriand n'était point le seul chez qui 
les catastrophes publiques ou privées eussent déterminé 
un ébranlement de la sensibilité au moins autant que 
de la raison (2). D'autres s'en tenaient à un déisme 
stoïcien, comme Ségur, le futur mattre des cérémonies, 
qui écrivait galamment à une dame : < Je ne suis pas 
dévot, mais il suffit de sentir son âme et d'en connaître 
de sensibles et d'élevées comme la vôtre pour avoir la 
ferme conviction qu'il existe une intelligence suprême 
qui s'occupe de nous, et dont le spectacle favori est 
apparemment la lutte de la vertu contre le malheur, 
lutte qu'il (sic) prolonge souvent, qu'il répète en tout 
temps, en tout lieu, mais qu'il récompense certaine- 
ment. Je ne connais rien de plus fol que les hommes 
qui aiment la gloire, c'est-à-dire qui vivent pour l'ave- 

(i) BouiLLY, Mes récapitulations, t. III, p. 12i-122. 

(2) Ginguené, si superficiel et si étriqué dans la plupart de ses 
objections contre le Génie du ehristianUme, n'avait point tout à 
fait tort quand il disait : ^ Il a pleuré et il a cru. S'est-il bien 
rendu compte de ce que c'est que de croire? Quel rapport y a-t-il 
entre la croyance d'un dogme ou d'un fait, et des larmes? » (Dé- 
cade, an X, t. m, p. 537). 



CONVICTIONS ET PRATIQUES 141 

nir, et qui cependant veulent croire que tout meurt avec 
eux (1). » 

Ce qui se répandait^ par discipline sociale encore plus 
que par sentiment du devoir chrétien, c'était l'habitude 
de donner aux enfants Tinstruction religieuse. Ceux qui, 
sous la Convention et le Directoire, avaient le plus vio- 
lemment déclamé contre la superstition n'étaient point 
les moins diligents à faire baptiser leurs petits Brutus ou 
Scévolas (2). Les directrices de pensionnats, pour acha- 
lander leur établissement^ faisaient insérer dans les jour- 
naux le récit de la première communion de leurs 
élèves (3). En rendant compte d'une cérémonie analogue 
à Saint-Eustache, un gazetier ajoutait gravement : « De 
pareilles fêtes sont d'un intérêt majeur par l'influence 
qu'elles ont sur les mœurs publiques (4) . » Parfois c'étaient 
des adolescents, des hommes même, qui au nombre d'une 
vingtaine faisaient une première communion longtemps 
retardée par le boulerversement révolutionnaire (5). 

Grâce aux œuvres de persévérance dont nous allons 
rappeler les débuts, grâce plus tard à l'esprit d'opposi- 
tion contre la politique religieuse de Napoléon^ quelques- 
uns de ces enfants chrétiennement élevés demeuraient 
pieux et zélés en avançant dans la vie. Mais quand 
Mme de Genlis, dans son enthousiasme de néophyte plus 
que mûre, s'écriait : « Tous nos jeunes gens bien nés 
sont religieux comme des anges (6), » son affirmation 



(1) A Mme X..., 25 fructidor (sans date d'année) : Archives de 
M. le marquis de Ségur. 

(2) Rapport du préfet de police, 9 ventôse an XI (28 février 
1803) : AuLARD, Paris sous le Consulat, t. IIl, p. 704. 

(3) Journal de l'Empire, 11 juillet 1806. 

(4) Journal des Débats, 23 prairial an X. 
(8) Journal de VEmpire, 10 janvier 1806. 

(6) 6 décembre 1810 : Lettres inédites à Casimir Baeeker, p. 82. 



ItS DISPOSITIONS RELIGIEUSES DE 

était aussi erronée au fond que ridicule ■ 
Dans le milieu militaire, où les grands no 
commençaient à affluer, au témoignage < 
d'Alfred de Noailles, ■ ce bel et bon officier 
le seul de l'armée exact à aller à la messe (i 
de même, dans la société civile, qu'une tr' 
rite pour demeurer fidèle aux observanCE 
Ceci n'était après tout, pour la noble! 
bourgeoisie, que la continuation d'un étai u<;»pi-ii qui 
remontait au dis-huitième siècle. Ce qui était nouveau, 
c'était, par suite de la suppression du culte pendant 
plusieurs années et de la lente infiltration des objections 
soi-disant philosophiques, c'était la disparition des con- 
victions religieuses dans la masse de la population pari- 
sienne. Pessimiste sans doute par tendance et par poli- 
tique, un des mystéiieux correspondants de Louis XVin 
expliquait finement par l'amour-propre cette incroyance 
des foules : < Les gens du peuple, du moins à Paris, se 
croient tous au nombre des âmes fortes. Os disent, avec 
les orateurs du gouvernement, que la religion est excel- 
lente pour les esprits faibles et les étages subalternes de 
la société. Mais personne ne veut âtre rangé au nombre 
de ces esprits, ni appartenir à une de ces classes, et le 
cordonnier lui-même ne croit la religion nécessaire 
qu'au savetier (2). > A la fin de 1803, le curé de Saint- 
Etienne-du-Mont, apprenant que les reliques de sainte 
Geneviève avaient pu être soustraites à la profanation 
terroriste, ouvrait une souscription pour leur dédier 
une châsse dans son église (3); parmi les revendeuses 
du marché de la place Maubert, naguère si fidèles au 
culte de la patronne de Paris, c'était un concert de plai- 

(1) CiBTELUNB, Journal, t. I, p. 61. 

(2) Remaclb, Relationt ëeerétes del ageaU à* £ouii XYlll, p. S4, 

(3) Jov,rna\ de* Débat*, 13 nivûse an XII. 




Pi! 



CONVICTIONS ET PRATIQUES 143 



santeries « grivoises »; révoquant en doute l'authenticité 
i^'i des restes retrouvés^ elles déclaraient que le temps était 
laj passé « de les attraper ainsi (1) ». 

fj[ I En pareille matière plus qu'en toute autre, on doit se 
tjvi défier des conclusions trop catégoriques et des générali- 
[vri sations trop sommaires. Aux divers degrés de l'échelle 
1.». sociale, il y avait des familles où les habitudes chré- 
;rr; tiennes étaient demeurées en honneur, des âmes dans 
j,; , lesquelles l'épreuve^ la réflexion, l'étude avaient indivi- 



P 



ii duellement rallumé la foi. Si le respect humain était 
)j^ encore à peu près tout-puissant dans les milieux de 
v; militaires ou d'étudiants, et le préjugé antireligieux 
y dans les cercles intellectuels, par contre, l'ouvrage de 
Chateaubriand et le rétablissement officiel du culte 
[^ avaient créé dans la société aisée un courant de superfi- 
r^ cielle religiosité et comme une mode tout extérieure. 
I C'était un sujet de polémique entre les journaux (2). A 
' la veille de la bataille de Friedland, Portails ne croyait 
; point importuner son maître en lui faisant part de ses 
constatations à cet égard : « Les citoyens qui s'éloi- 
gnaient des églises par incrédulité commencent à s'y 
montrer, au moins par convenance. On s'aperçoit d'une 
grande amélioration, même à Paris (3). » Les sur- 
vivants d'entre les bedeaux de l'Encyclopédie en pre- 
naient ostensiblement de l'humeur; le vieillard que par 
une inconsciente ironie ses amis persistaient à nommer 
« l'abbé » Morellet dénonçait le retour offensif du fana- 



(1) Rapport du préfet de police, 4 nivôse an XII (26 décembre 
1803) : P. 7, 3832. 

(2) Cf. un article dans le Publieiste du 4 nivôse an XIV (« La 
religion est redevenue im maintien... j^), et une vive riposte dans 
le Journal de VEmpire du 7. 

(3) 7 juin 1807 : AF. IV, 4046. 



Ii4 DISPOSITIONS RELIGIEUSËB Ql 

tisme : • La dévotion politique et l'intol 
progrès sensibles (1). > Mme de StaSI, naf 
contre le catholicisme, mais si femme 
accessible aux impressions ambiantes, 
pas ce scandale, de décrire comptaisamm 
tes rits de l'Église romaine : < Elle pa 
grand et prétendu principe de la néce! 
pour le peuple, qui est aujourd'hui le cl 
des dévots contre les philosophes (2) 
Horellet, s'il avait su que le sénateur D 
le pontife de l'idéologie, avait la faibles! 
paroisse d'Auteuil une fondation de mess 
de l'âme de sa mère {3}! 

L'usage se rétablissait dans certaine 
dans certaines professions tout au n 
n'existait pour ainsi dire plus de corp 
grouper pour- une cérémonie religieuse, 
tribunal de cassation fondaient à Notre-I 
annuel pour leurs confrères décédés (4) 
des faubourgs et de la banlieue, au no 
huit cents, fêtaient la Saint-Fiacre à S« 
les étalagistes et revendeurs du Temple fa 
à Saiote-Élisabeth, t pour la prospériti 
merce >, une messe à laquelle ils assise 
défilant même à l'offrande (6). 

D'une façon générale, la foule afQuait 
toutes les fois que la traditionnelle curi 
siens pensait y trouver un aliment. Seloc 

(1) A Bœderar, mars ISOT : Lettrei inédiitt, p. 
(8) Au même, 13 mal 1807 : Ibidem, p. 8t. 

(3) Le décret d'i^prob&tion est du t vecdëmi 
IV, plaq. S3S). 

(4) Journal dti Débali, 20 fructidor an XI. 

(5) Journal de l'Empire, IS fructidor an XIII. 
(8) Bulletin de police du îl février 181! : AF. 



r 



CONVICTIONS ET PRATIQUES 145 

morial^ on s'étouffait à la messe de minuit dans les 
paroisses du centre (1), pour contempler les illumina- 
tions et entendre les chants. Le jour de Pâques 1803^ on 
accourait à Saint-Roch pour voir quêter la femme du 
banquier Delarue : un comte russe lui donnait la main, 
deux valets de pied en livrée portaient sa queue, et un 
nègre « richement habillé » fermait la marche (2). Au 
sortir d'une grand'messe solennelle à Notre-Dame, un 
étranger notait que la cathédrale était comble, mais il 
ajoutait : « n n'y avait que très peu de dévots, presque 
tous avaient l'air d'être au spectacle (3). » 

En dehors de ces occasions exceptionnelles^ les églises 
n'étaient que médiocrement fréquentées. Dès l'hiver qui 
avait suivi la réorganisation du culte, un autre étranger 
observait que Cambacérès donnait en pure perte 
l'exemple de l'assiduité à sa paroisse, et que les 
dimanches ordinaires l'assistance était partout clair- 
semée (4). Ces impressions de touristes sont confirmées 
par les chiffres : avant la Révolution, alors que les cha- 
pelles de couvents étaient nombreuses dans le quartier, 
le produit des chaises de Saint-Sulpice était affermé pour 
un loyer annuel de 22,500 francs; à la fin de 1803 
(6 nivôse an XII-28 décembre)^ le bail était adjugé à 
20,300 francs; au bout de trois ans (15 décembre 1806), 
le fermier se trouvait si sensiblement en perte que la 
fabrique jugeait équitable et prudent d'abaisser la rede- 
vance à 17,000 francs (5). 

Faut-Il attril)uer à la curiosité, à la survivance à demi 



(1) Rapport du préfet de police, 3 nivôse an XII : F. 7, 3832. 

(2) Rapport du même, 21 germinal an XI : Aulard, Paru ious 
U Cofuulat, t. III, p. 827. 

(3) KoTZEBUB, Souvenirs de Paris, t. II, p. 331-332. 

(4) Reichardt, Un Mver à Paris, p. 325. 

(5) Hamel, Histoire de Véglise Saint-Sulpice, p. 229, note. 

IV. 4 



146 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

consciente des habitudes ancestrales, ou même à un réveil 
de la piété individuelle, le succès relatif qu'obtinrent 
en 1804 les exercices du jubilé, malgré les sarcasmes des 
beaux esprits et l'hostilité mal déguisée de certains fonc- 
tionnaires (i), malgré même les émotions de la conspi- 
ration de Georges? Pour obéir à la lettre des textes 
légaux qui interdisaient à Paris l'exercice du culte sur 
la voie publique, les fidèles des différentes paroisses se 
rendaient à Notre-Dame sans ordre réglé, à la suite du 
clergé en soutane et en manteau : ce n'était qu'à la porte 
de la cathédrale que les processions se formaient, nom- 
breuses, imposantes même, s'il faut croire un journal 
qui y signalait t des sénateurs, des généraux et autres 
membres des premières autorités (2) • . Les curés en 
étaient si réconfortés, que quelques semaines plus tard 
ils rétablissaient les processions des Rogations (3). — 
L'année d'après, avec le concours du curé de l'Abbaye- 
au-Bois, on rachetait l'ermitage du Mont-Valérien, on y 
rétablissait un calvaire, et comme autrefois les paroisses 
de Paris et de la banlieue s'y succédaient en pèlerinage 
pendant l'octave de la fête de l'Invention delà Croix (4). 

Le jubilé, les Rogations^ le calvaire même et les 
ermites, tout cela avait après la Révolution une saveur 
prenante d'archaïsme pour les âmes délicates; tout cela 
d'ailleurs avait été remis en honneur et presque à la 
mode par le Génie du christianisme. Mais s'il faut en 
croire les rapports de police, d'accord ici avec les rémi- 
niscences de beaucoup de contemporains, on s'en tenait 



(1) Cf. les rapports du préfet de police, de pluviôse à germinal 
an XII : F. 7, 3832. 

(2) Journal de$ Débats, 24 ventôse an XII. 

(3) Rapport du préfet de police, 20 floréal an XII : F. 7, 383 

(4) Journal des Débats, 13 floréal an XIII. 



r^ 



CONVICTIONS ET PRATIQUES 147 

en général à ces démonstrations extérieures et superfi- 
cielles. Dans les débuts du régime concordataire, où les 
paroisses étaient fort pauvres, les catholiques parisiens 
se souciaient assez peu d'assurer les ressources néces- 
saires au service du culte : au printemps de 1803, le 
curé de Sainte-Marguerite était obligé de flétrir en chaire 
la parcimonie de ses paroissiens, comme cela se fait 
aujourd'hui, dit-on, dans certaines chrétientés anglo- 
saxonnes, et de leur déclarer que les quêtes du mois de 
février suffiraient à peine à payer les chantres et les 
bedauds (i). D'autres manques d'empressement étaient 
plus graves et plus significatifs. Six mois après la pro- 
mulgation du Concordat, les prêtres des plus grosses 
pai^oisses de Paris échangeaient entre eux cette triste 
constatation, que souvent quinze ou vingt jours se pas- 
saient sans qu' aiicun malade sollicitât leur ministère (2). 
Aux Pâques de 1803 (3) et de 1804 (4), une solitude 
significative régnait autour de la plupart des confes- 
sionaux. Le 10 août 1806, à la cérémonie de la transla- 
tion de la Couronne d'épines à Notre-Dame, quand un 
certain nombre d'adolescents, membres de la Congréga- 
tion débutante, s'approchèrent- de la Sainte-Table, la 
stupéfaction fut profonde non seulement dans l'assis- 
tance laïque, mais parmi les chanoines, dont Tun mur- 
murait à l'oreille de son voisin de stalle : « Mais d'où 
viennent-ils donc? d'où viennent-ils donc (6)? » Dans 
ce qui restait du mondé d'autrefois, l'impression d'éton- 

(1) Rapport du préfet de police, 9 ventôse an XI : Aulard, 
Paris sous le Consulat, t. III, p. 704. 

(â) Rapport du môme, 21 vendémiaire an XI : Ibidem, t. III, 
p. 312. 

(3) Rapport du môme, 17 germinal an XI : Ibidem, t. III, 
p. 813-814. 

(4) Rapport du môme, 11 germinal an XII : F. 7, 3832. 

(5) Geoffroy db Grandhaison, la Congrégation, p. 66. 



448 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

nement était la même en présence d'un chrétien se 
donnant ouvertement conmie tel : < Mathieu [de Mont- 
morency], » écrivait en 1803 une habituée de l'hôtel de 
Luynes, < a l'air d'un ange qui descend tous les di- 
manches dans ce salon pour voir un rassemblement 
d'êtres frivoles (i). * 

Il faut dire que par un contraste qui depuis lors a été 
de part et d'autre en s'atténuant, tandis que l'ensemble 
de la société ne tenait nul compte des observances ou 
des prohibitions religieuses, les autorités ecclésiastiques 
et les personnes sérieusement pratiquantes en accen- 
tuaient le rigorisme. Mathieu de Montmorency, dont 
nous venons de parler, ne mettait plus les pieds 'au 
théâtre depuis sa conversion; père d'une grande jeune 
fille, il ne paraissait au bal que chez sa belle-mère, la 
duchesse de Luynes, parce qu'il demeurait dans l'hôtel, 
et encore sa présence était-elle de très courte durée (2). 
Quelques polytechniciens, membres de la Congrégation, 
ne croyaient pouvoir se rendre aux bals du gouverneur 
de rÉcole, bals officiels, uniquement fréquentés par 
f des demoiselles très honnêtes », qu'après avoir pris 
l'avis de l'abbé Delpuits. La réponse de l'ancien jésuite 
était empreinte d'une sévérité qui nous semble aujour- 
d'hui invraisemblable : « Les élèves chrétiens sont auto- 
risés à paraître à ces bals un moment, quand ils sont 
invités, sans danser, et en se retirant au plus vite (3). • 

En matière d'abstinence, la règle était plus stricte 
encore et plus impitoyablement appliquée. On devait 
faire maigre non seulement les vendredis et samedis de 

(1) Mme DE Gazenove d'Arlens, Journal, p. 121. 

(2) Ibidem, p. 79. 

(3) Lettre du jeune Teysseyrre à sa mère (1804) : Piouellb d 
FoLLBNAT, Jlf. Teytseyrre, p. 95. 



CONVICTIONS ET PRATIQUES 149 

toute Tannée, mais pendant les quarante jours du carême, 
sans autre allégement à la discipline antique que la tolé- 
rance des œufs au principal repas. Maury, pourtant le 
moins rigide des hommes, exposait dans son mandement 
de 1812 comment^ malgré les réclamations qui se multi- 
pliaient, il croyait devoir maintenir l'intégrité du pré- 
cepte, sauf aux curés ou confesseurs à accorder des dis- 
penses individuelles. Mais ces dispenses se concédaient 
avec une parcimonie, une réserve bien différente de la 
pratique actuelle; le même polytechnicien que nous 
citions tout à l'heure écrivait à sa mère pendant le carême 
de 1803 : « Je suis toujours surchargé de travail. M. Del- 
puits n'a pas voulu me permettre de faire gras trois fois 
la semaine. Il m'a dit que l'abstinence du carême était 
une loi expresse, qu'il ne pouvait m'en dispenser à moins 
qu'elle ne nuisît positivement à ma santé (1). » 

Par contre, le monde officiel pratiquait de propos 
délibéré le mépris ou plutôt la méconnaissance des 
règlements relatifs à l'abstinence. La table impériale 
était invariablement servie en gras, sauf le vendredi 
saint (2); certain vendredi d'août 1840, à Trianon, 
Mme de Montesquiou, inopinément invitée à dtner à la 
droite de l'empereur, scandalisa fort les courtisans en ne 
mangeant que du pain et du beurre, jusqu'à ce qu'on lui 
eût apporté deux plats maigres de la table de service : 
il est vrai que ce trait de caractère lui valut d'être 
choisie pour gouvernante du roi de Rome (3). De même, 
Madame Mère offrait un vendredi un repas gras à son 
frère Fesch, et impatientée de voir le cardinal se con- 
damner à la diète, elle s'excusait par une allégation très 
contestable : « Est-ce que vous ne savez pas que la cour 

(1) Pagublle db Follenat, m, Teyiseyrrey p. 80. 

(2) Frédéric Masson» Napoléon chez lui, p. 21S. 

(3) Frédéric Masson, Napoléon d son fU, p. 74-7ë. 



un DISPOSITIONS RELIGIEUSES E 

de France a toujours éW dispensée de 1 
Le ministre Ctiampagny, qui était persi 
disposé pour [a religion et qui s'agenoi 
de mariage de sa fdle (2), cboisissait 
réunir toutes les semaines à sa table 
familiers (3). La masse de la populatio 
se piquait guère de plus de scrupule : 
carême qui suivit le rétablissement du 
des demandes ne fit monter le prix du ; 
à fait à la an, pendant la semaine saint 
Le contraste entre l'étroite discipline 
des chrétiens zélés et le laisser-aller c 
bornait point aux observances du jeûi 
nence. En face d'une société ardente, jouisseuse, passa- 
blement dissolue, la direction spirituelle et le ministère 
ecclésiastique en général continuaient à s'exercer avec 
une sévérité rébarbative, dont l'inspiration ne dérivait 
point tant du jansénisme, comme on se plaît à le répéter, 
que des traditions gallicanes. A Saint-Nicolas du Cliar- 
donnet, le prédicateur de la retraite de première com- 
munion faisait à ses petits auditeurs un tableau si 
effroyable des peines de l'enfer, que plusieurs d'entre 
eux se trouvaient mal d'épouvante (5). A Saint-Eustache, 
la cérémonie même de la première communion se pro- 
longeait au point de faire tomber en pâmoison quelques 
enfants exténués (6). A l'égard des adultes, même d'ha- 
bitudes clirétiennes et de mœurs recommandables, la 
pratique courante était de différer l'absolution jusqu'après 

(1) LïONNBT. le Cardinal Feieh, t. II, p. 41. 
(i) Part! iout ffapoUon, t. 111, p. 234. 

(3) Mme de Chasîeniï. Mémoiret, t. Il, p. S8-90. 

(4) Rapport du préfet de police. 14 germinal an XI : Aolkid 
Parit tout le Coiuiilat, t. III, p. 806. 

(5) Rapport da mémo, 13 florÉal an XIII . F. 7, 3833. 
(S) Bapport du mima, S Ûoréal an XI : F. T, 3831. 



CONVICTIONS ET PRATIQUES 451 

la seconde ou la troisième confession. Les prêtres d'es- 
prit large, tels que le curé de Saint-Thomas-d'Aquin, 
Ramond de Lalande, n'allaient point jusqu'à s'écarter 
personnellement de cette méthode, mais ils admettaient 
la légitimité d'une conduite différente. Voici le dialogue 
qui s'échangeait en 1805 entre ce curé et un jeune 
gentilhomme flamand venu à Paris pour se marier : 
« Sans doute, monsieur", vous me demanderez une con- 
fession générale, car je vous avertis que toutes les absolu- 
tions que j'ai reçues par des prêtres belges ou allemands 
ont été données dès la première confession? » — t II y 
a deux méthodes dans l'Église, celle de saint Charles Bor- 
romée et celle de saint Philippe de Néri. En France, nous 
suivons la première; dans les autres pays on suit la 
seconde; vous voyez qu'on peut être tranquille sous 
l'une et sous l'autre, puisque l'une et l'autre sont 
appuyées par des saints (i). » 

De cet état des esprits, il résultait tout naturellement 
que la communion fréquente n'était ni répandue, ni 
même encouragée, sauf à titre exceptionnel. La dévotion, 
portée à un degré éminent chez certaines âmes, partici- 
pait à l'austérité dont il vient d'être question : avec les 
pénitences, les pratiques les plus en honneur étaient le 
chemin de la Croix et la commémoration de la Passion du 
Christ, dont les reliques ou « instruments » étaient solen- 
nellement transférés à Notre-Dame. Le culte du Sacré- 
Cœur ne cessait de se propager, mais il n'était encore 
qu'autorisé dans le diocèse de Paris, depuis une décision 
de l'archevêque Christophe de Beaumont; c'est en 4824 
seulement que Quelen devait le rendre obligatoire. 

Un certain nombre de dames pieuses, appartenant au 

(1) Comte i»E MéIiode-Westerloo, Soucenirs, t. l, p. 161-162. 



452 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

monde du faubourg Saint-Germain ou de l'ancien Parle- 
ment, avaient obtenu après la promulgation du Concor- 
dat la permission de conserver ou d'établir chez elles 
des chapelles privées. Ces chapelles étaient fréquemment 
des centres de dévotion^ où se réunissaient quelques 
personnes de la société de la maîtresse de la maison : la 
police les vit toujours d'un mauvais œil^ et les dénonça, 
bien avant que les difficultés ne se fussent aggravées 
entre le gouvernement impérial et le Saint-Siège, conmie 
des foyers d'opposition politique, où s'échangeaient des 
propos subversifs (4). Pourtant jusque dans la période 
aiguë de la crise, les autorisations se multiplièrent, 
et l'usage des chapelles privées se répandit dans le 
monde gouvernemental : Fontanes, qui n'était pas pré- 
cisément un dévot, crut devoir en installer une au 
Palais-Bourbon (2). 



II 



Malgré le peu de place que tenaient les préoccupations 
religieuses "dans l'esprit de la plupart des contemporains 
et des sujets de Napoléon, le talent ou la réputation de 
certains prédicateurs attiraient une nombreuse assistance 
dans les églises de Paris. Nous avons déjà dit comment, 
après la détention et l'exil infligés par la police, l'abbé 
Fournier, rentré en grâce auprès du maître, avait repris 
ses sermons avec un succès croissant (3) : aumônier de 



(1) Cf. les bulletins de police des 15 germinal, 5 et 14 floréal et 
18 prairial an XIII : AF. IV, 1493. 

(2) Le décret d'approl>ation fut signé le 10 mars 1809 (AF. IV, 
plaq. 2676). 

(3) Paris sous Napoléon, t. I, p. 328-335. 



LA PRÉDICATION 153 

l'empereur, ëvéque de Montpellier» baron de la Contamine, 
il continua de temps à autre à paraître dans les chaires 
de Paris. Un de ses collègues de Taumônerie impériale 
et de l'épiscopat, Tabbé de Boulogne, eut une vogue égale 
et une destinée inverse, car c'est à la fin du régime que 
son attitude au concile de 1811 lui valut d'être interné à 
Vincennes, puis exilé à Falaise : ses sermons et ses pa- 
négyriques^ dont Tallure déclamatoire et la sentimentalité 
ont vite fait de rebuter le lecteur moderne, produisaient 
grand effet sur les contemporains (1). Plus simple et plus 
solide, Duvoisin, Tévêque de Nantes, prêchait plus rare- 
ment à Paris et était moins goûté. Après la dispersion 
des missionnaires que Fesch avait tenté de grouper à 
Lyon^ leur chef, l'abbé Rauzan, obtint dans les églises 
de Paris des succès qui allaient s'étendre sous la Restau- 
ration (2). Il faudrait encore nommer Fabbé Guillon, le 
même qui devait donner les derniers sacrements à Gré- 
goire, être vainement désigné par Louis-Philippe pour 
révêché de Beauvais, et recevoir en guise de dédomma- 
gement le titre pompeux d'évêque in partibus du Maroc : 
à l'époque qui nous occupe, sa notoriété était déjà suf- 
fisante pour lui faire attribuer le sermon de la Saint- 
Napoléon à Notre-Dame, mais son talent était discuté (3) . 
En dehors de ces prédications, qui ne s'écartaient guère 
du type classique fixé par les sermonnaires des dix- 
septième et dix-huitième siècles, il se produisait ça et là 
des tentatives pour fournir du dogme catholique une 
exposition mieux appropriée à l'état présent des esprits. 
Au carême de 1803, le curé de Sainte-Marguerite, un 



(1) Cf. un article non signé du Journal des Débats, 8 thermidor 
n XI. 

(2) Comte db Msrooe-Wsstsrloo, Souvenirs, t. I, p. âS9. 

(8) Cf. dans le Journal de V Empire du 28 décembre 1806, un 
rticle signé D. (Dussault ou Mély-Janin). 



154 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

ancien missionnaire lazariste, attirait en foule les habi- 
tants du faubourg Saint- Antoine à des conférences dialo- 
guées sur la loi divine; il argumentait contre un de ses 
vicaires, qui assumait le rôle d'avocat du diable. « Il eût 
suffi il y a douze ans, » disait sans ambages ce cure à 
la séance d'ouverture, « de donner quelques développe- 
ments à ces principes, maisTimpiété a fait tant de 
ravages, qu'il faut nous y prendre autrement (1). » 

C'étaient également des conférences dialogUées qu'avait 
inaugurées en iSOi, avant même la promulgation du 
Concordat, l'abbé Frayssinous, professeur au grand 
séminaire : ces conférences, à l'usage de la jeunesse des 
écoles, se donnaient dans l'église des Carmes, qui abri- 
tait alors le clergé non-jureur de Saint-Sulpice; l'interlo- 
cuteur de Frayssinous était un de ses compatriotes du 
Rouergue, l'abbé Glausel (2). Bientôt on supprima la 
mise en scène du dialogue, mieux appropriée à un audi- 
toire enfantin ou populaire, et Frayssinous discourut 
seul : mais il conserva à ses entretiens la dénomination 
de conférences, appelée à une si brillante destinée dans 
l'éloquence et la littérature religieuses du dix-neuvième 
siècle. En 1803, les exercices furent transportés dans la 
chapelle dite des Allemands, contiguë à l'église Saint- 
Sulpice, rue Palatine. Il y avait chaque année une quin- 
zaine de conférences, données tous les huit ou quinze 
jours, et consacrées soit à expliquer les éléments de la 
doctrine, soit à réfuter les objections courantes (3). 

(1) Rapport du préfet de police, 11 ventôse an XI (2 mars 1803) : 
AuLARD, Varii iout le Comulat, t. III, p. 711-712. 

(2) Il ne doit point s'agir ici du futur évéque de Chartres, qui 
n'était encore que sous-diacre, mais de son frère, qu'im autn 
Aveyronnais, Villaret, allait nommer vicaire général d'Amiens ei 
résidence à Beauvais. 

(3) Henrion, Vie de M Frayssinous, t. I, p. 37-49. 



LA PRÉDICATION 455 

Souvent réimprimées sous le titre de Défense du Chris^ 
ttanistne, les conférences de Frayssinous ne nous semblent 
aujourd'hui dépourvues d'originalité que parce qu'elles 
ont précisément créé un genre, constamment cultivé et 
perfectionné depuis un siècle. Ce fut une capitale innova- 
tion^ goûtée et signalée par les contemporains (1), que 
de substituer dans la chaire catholique la méthode de 
controverse à la méthode d'autorité : « Le genre de 
M. l'abbé Frayssinous, » écrivait Portalis, « ne ressemble 
à aucun de ceux de nos prédicateurs ordinaires; ses dis- 
cours ne sont pas des sermons; il présente des dévelop- 
pements oratoires qui tiennent le milieu entre une dis- 
cussion qui ne serait que philosophique et une simple 
prédication (2). » 

Le ministre parlait en connaissance de cause, car il 
avait tenu, à la suite d'une conversation avec Émery, à 
se rendre un jour à la chapelle des Allemands, t à pied 
et dans un costume qui ne pouvait être remarqué. Je fus 
très content, » rapportait-il à l'empereur, t des principes 
et du ton de l'orateur; je le fus de la solidité des instruc- 
tions, et de la décence qui régnait dans une assemblée 
toute composée de jeunes gens de toutes les conditions 
et de toutes les classes, dont la plupart étudiaient à 
l'École polytechnique ou dans les écoles de droit et de 
médecine; plusieurs d'entre eux avaient du papier et un 
crayon pour noter ce qu'ils entendaient et proposer à 
l'orateur des objections, auxquelles celui-ci répondait à 
la conférence [suivante] (3). » 

Les rares adolescents chrétiens étaient tout heureux. 



(4) Lborijj-Duval, Sermons, t. I, p. 82-83 (notice par le cardinal 
de Bausset). 

(2) A Napoléon, 14 mai 1807 : Portalis, Discours, rapports et 
travaux inédits sur le Concordat, p. 582. 

(3) Ibidwn. 



156 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

tout réconfortés de voir un prédicateur si en vogue (i); 
les autres, venus par curiosité, sinon même pour prendre 
en défaut et tourner en dérision Targumentation de 
l'orateur (2), étaient presque toujours intéressés, souvent 
ébranlés, parfois subjugués. Un étudiant en médecine, 
Arnaud d'Argenteuil, si dénué d'éducation religieuse 
qu'il n'avait même pas fait sa première communion, 
entra par hasard un dimanche, à la chapelle des Alle- 
mands; ce qu'il entendit fut le point de départ d'une 
transformation de ses idées et du cours même de sa car- 
rière, car il devait mourir supérieur d'un séminaire (3) . 
Frayssinous fut peu à peu si absorbé par la prépara- 
tion de ses conférences et par les entretiens ou corres- 
pondances qui s'engageaient avec les auditeurs, que 
pour s'y consacrer exclusivement, il abandonna en 1806 
ses fonctions de professeur au séminaire (4). D'autre 
part, en raison de l'affluence grandissante, et surtout 
pour prévenir l'accusation toujours menaçante de con- 
ciliabules clandestins^ Portalis lui-même l'engagea à 
changer encore une fois de local et à parler désormais 
dans l'église même de Saint-Sulpice, « où tout le monde 
pourrait juger et entendre ». C'est ce qui eut lieu à 
partir de janvier 1807, tous les dimanches à l'issue de la 
messe d'une heure : la majeure partie de la nef était 
réservée aux hommes. La note publiée à l'occasion de ce 
transfert rappelait que les conférences étaient « destinées 

(1) Un polytechnicien écrivait à sa mère, en 1803 ou 1804 : 
« Depuis le premier dimanche de carême jusqu'à celui de la Pen- 
tecôte, nous avons eu à Saint-Sulpice des conférences sublimes, 
qui ont été suivies avec ardeur par une foule de jeunes gens de 
seize à vingt-quatre ans, de tout état, et siirtout de la première 
classe. » (Pagubllb de Follbnat, M. Teytseyrre, p. 72). 

(2) Mme DE Genlis, Mémoires, t. V, p. 178, note. 

(3) Histoire des catéchismes de Saint-Sulpice, p. 178. — Cf. Geof- 
froy DE Granpmaison, la Congrégation, p. 82, note. 

(4) Henrion, Vie de M. Frayssinous, 1. 1, p. 50-53. 




LA PRÉDICATION 457 

principalement pour (sic) des jeunes gens en état, par 
leur âge et leur éducation, de suivre des discussions 
approfondies sur la religion (1). > Mais la jeunesse ne 
fut point seule à répondre à l'appel qui lui était spécia- 
lement adressé; comme le racontait trente-cinq ans 
après, en évoquant ses souvenirs personnels, le succes- 
seur de Frayssinous à l'Académie française, « des 
hommes d'un âge plus mûr, des hommes graves dans 
toutes les professiops, dans toutes les situations, ne 
tardèrent pas à venir juger par eux-mêmes du mérite 
d'un enseignement dont le retentissement n'avait pu leur 
échapper, et le jugement qu'ils en portèrent fut une 
éclatante confirmation des impressions dont ils se trou- 
vèrent environnés (2). » Sur le moment même, en termes 
moins alambiqués, Portalis écrivait à un maître qui 
aimait les comptes rendus nets et précis : « Le nombre 
des auditeurs est prodigieux : il y a à chaque conférence 
plus de quatre mille jeunes gens de diverses écoles. On 
y voit, à côté de cette jeunesse, des savants, des hommes 
de lettres, des fonctionnaires publics, les évêques qui se 
trouvent à Paris, des professeurs et des hommes de toutes 
les classes un peu distinguées par leur éducation et par 
leurs lumières : c'est vraiment un auditoire choisi (3). » 
C'était aussi un auditoire empressé : malgré les vastes 
dimensions de l'église, il fallait arriver plusieurs heures 
d'avance pour être convenablement placé (4). 

Une telle vogue devait naturellement inquiéter et 



(1) Journaux. 

(2) Discours de réception du chancelier Pasquier à TAcadémie 
française, 8 décembre 1842. 

(3) A Napoléon, 14 mai 1807 : Discours, rapports et travaux iné- 
dits sur le Concordat, p. 580-581. 

(4) Comte de Mérodk-Westerloo, Souvenirs, t. I, p. 197. 



158 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

mécontenter les adversaires de tout bord. Les survivants 
de l'Encyclopédie affectèrent l'ironie; le vieux Morellet, 
dans une lettre à son ami Rœderer, alors à Naples auprès 
de Joseph^ se gaudissait « du succès prodigieux d'un 
M. Fressinous (sic), missionnaire d'une espèce nouvelle, 
qui fait tous les dimanches à Saint-Sulpice, de deux 
heures à quatre, une catilinaire ou une verrine, comme 
il vous plaira l'appeler, contre les conjurateurs et les 
brigands qu'on appelle philosophes. Il a pour auditeurs, 
plus que bénévoles, toutes les dames du faubourg Saint- 
Germain, et même celles qui se sont retirées dans notre 
faubourg Saint-Honoré, et tous les jeunes gens de même 
étoffe (1). » 

Infiniment plus redoutable que la mauvaise humeur 
de Vabbé philosophe, le mauvais vouloir de la police se 
manifesta dès qu'il se fit quelque bruit autour des confé- 
rences transférées à Saint-Sulpice. Dubois, on l'a vu, 
était systématiquement en défiance contre toutes les 
manifestations de l'esprit et surtout du prosélytisme 
religieux; de plus, ainsi que beaucoup de fonctionnaires 
de ce temps, il considérait la prédication comme un 
enseignement de morale sociale et politique, et estimait 
qu'un orateur sacré manquait à son devoir quand il 
s'écartait de certains thèmes; il avait enfin le tort de 
s'en rapporter en ces déUcates matières à des informa- 
teurs d'esprit borné et de culture rudimentaire. 

Le 44 mars 4807, sans en avoir référé ni à Portails ni 
même à Fouché, Dubois manda Frayssinous à la préfec- 
ture de police, pour lui adresser un avertissement com- 
minatoire, et lui reprocher « de prêcher le cagotisme et 
les pratiques superstitieuses, de n'avoir jamais parlé de 
la conscription militaire, de la gloire de l'empereur et de 

(1) Mars 1807 : Lettres inédites, p. 47-48. 



r 



LA PRÉDICATION 159 

celle de nos armées » . Assez interloqué, le conférencier 
eut ridée d'aller rendre compte de cette mercuriale à 
Portails, qui adressa une lettre très vive à son collègue 
Fouché, accusant le préfet d'insubordination^ d'incon- 
venance et de légèreté : t M. le Préfet de police ferait 
bien de réformer tous les agents qui lui font des rapports, 
ou du moins de ne pas les prendre pour juges de dis- 
cours qu'ils n'entendent pas. » A titre d'auditeur, Portalis 
attestait que Frayssinous avait congrûment exalté le 
génie et les victoires de Napoléon; s'étant jusqu'ici 
borné à établir les dogmes fondamentaux, sans parler 
encore « ni de culte, ni de dévotion, ni de simples pra- 
tiques de piété » , il n'avait pu encourager les actes de 
superstition; et quant à la conscription, Portalis déclarait 
très nettement, très courageusement peut-être, qu'en 
s'abstenant d'aborder ce sujet dans des entretiens d'apo- 
logétique, le conférencier avait fait preuve de tact et de 
bon esprit : « Un ecclésiastique annoncerait de mauvaises 
intentions et de la malveillance, s'il allait, à tort et à 
travers, parler de la conscription quand cet objet n'est 
pas naturellement ramené par celui que l'on traite. » — 
Fouché, tout heureux de donner tort à un subordonné 
qu'il n'aimait guère, convint de très bonne grâce que 
Frayssinous était irréprochable, et pria son collègue de 
le rassurer. Le ministre des cultes n'en prit pas moins la 
précaution d'envoyer copie de sa lettre non seulement à 
l'archichancelier Cambacérès, mais à l'empereur, qui 
hivernait en Pologne (4). 

C'est en effet au quartier général de la Grande- Armée 
que, sans se décourager, les ennemis de Frayssinous 
adressèrent désormais leurs dénonciations. Le 4 mai, 

(1) 17 mars 1807 : Discours, rapports et travaux inédits sur le 
'Concordat, p. 583-590. 



OlSîOSI-X-IONBREUOIEDSES DES PAl 
Mntenter les adversairesdetout bord. Les.. 

Joseph, se saudi.»it . du succès prodig, 

[ Mt to«.s les dimanches a Samt-Sulp.ce 
..e» à dixa-we, une catilmaire ou une ve™ 
™u, p?=.ix-e. rappeler, contre les coujurate, 
gands .l«.-or. appelle f»*."?»... Il n pour 
; que b^„évoles,toules les dan.eB du faubo 
rmain «»t même celles qui se sont retirées . 
ibourg Saint-Honorë, cl tous les jeunes ger 

tnfintoe'^t plus redoutable que la mauval 
Vaibé T,*»ilosophe, le mauvais vouloir de 

T t^ «aèe qu'il se «t quelque bruit autour des oon 

w. ti-o-xisférées à Saint-Sulpice . Dubois, on Va - 

1 vstématiquement en défiance contre toutes 

nifeitatï*"" de l'esprit et surtout du prosélytit 

. <je plus, ainsi que beaucoup de fonctionna 

'^"'^«x^K»I>S' '' considérait la prédication comme 

*^ ^.^rxrxesrxt (le morale sociale et politique, et estii 

®'^"^^^^^eur sacré manquait à son devoir quav 

"^ - ^ cle certains thèmes; il avait enlin le toi 

^.^ .^ oi-ter en ces délicates matières à des info 

' -^ï^j ^ prit borné et de culture rudimentaire. 

- ^^ x'Kiars 1807, sans en avoir référé ni à Porti' 

^^ :Ei-oxiché, Dubois manda Frayssinous à la p 

^l^ -«police, pour lui adresser un avertissemenl 

^^^i^:-^, et lui reprocher < de prêcher le cagoli^ 

^^£^^ii<5Xies superstitieuses, de n'avoir jamais p. 

y-^^f^ *3riT?tion militaire, de la gloire de l'emperei. 



1V«« 



1807 ; Ltttrel inéditet, p. 47-4S. 



I Uïa 



et la 

L i^tait 



I DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

e réBurrection. Dès le seizième siècle, les jésuites 
lient groupé l'élite des élèves de leurs collèges en 
alilèt ou en congrégations, placées sous le patronage de 
Vierge et destinées à fortifier la piété. Bientôt des 
ociations analogues rassemblèrent soit les anciens 
ves, soit mi^me tous les laïques de bonne volonté, sans 
tinction d'origine; elles avaient leurs chapelles, leurs 
trcices, et portèrent plus d'une fois ombrage au clergé 
uHer (1). Elles avaient sombré dans la catastrophe 

engloutit la Compagnie de Jésus. 
Jn ancien religieux de cette Société, l'abbé Deipuits, 

après la suppression avait été chanoine de la coUé- 
le du Saint-Sépulcre, à Paris, avait continué depuis 
Elévoiution à pratiquer l'apostolat parmi les jeunes 
is des écoles. Il eut l'idée, pour établir un lien entre 
: et pour leur faciliter la persévérance, de former une 
grégation, imitée de celles de Tancien régime, mais 
>ropriée au nouvel état de choses. La première réunion, 

eut heu le 2 février 1801, jour de la fête de la Puri- 
lion, groupa six étudiants en médecine ou en droit; 
Ekdhérents étaient soixante à la fin de l'année, et près 
ieux cents en décembre 1804; dès 1803, leur nombre 
iit nécessaire le sectionnement en deux divisions, 
es réunions avaient lieu tous les quinze jours, chez 
bé Uelpuits, rue Saint- Guillaume. Tantôt l'abbé 
lit une instruction, et tantôt l'un des congréganistes 
nait lecture d'une dissertation religieuse, sur un 
it de théologie dogmatique ou mystique plutôt que de 
roverse apologétique. On entendait la messe avant de 
éparer. En dehors de ce court exercice bi-mensuel, 
ïongréganistes étaient engagés à se montrer aussi 

Cf. notajument les doléances répétées du cardinal Le Camua, 
le de Grrenoble Boaa Louin XIV, dont les LeUret ont âté pu- 
i en 1S92 par le P. Ingold. 



DÉBUTS DE LA CONGRÉGATION 168 

assidus que possible aux offices de leurs paroisses res- 
pectives. Ils se retrouvaient pourtant, quand ils en 
avaient le loisir, au séminaire Saint-Sulpice : Émery en 
effet, avait tant d'estime pour ces jeunes laïques que, 
par un rare privilège, il leur donnait licence de partici- 
per aux récréations et aux promenades des sémina- 
ristes (4). 

Les adhérents de la première heure, nous l'avons dit, 
étaient étudiants en droit ou en médecine. Celui qui 
inaugura la série des préfets ou présidents, Régis Buisson, 
cousin et élève de Bichat, succomba trop tôt pour justi- 
fier les espérances que ses maîtres et ses condisciples met- 
taient en lui ; mais un congréganiste de 1803, futur méde- 
cin lui aussi, devait donner mieux que des promesses, 
car c'était Hyacinthe Laënnec. — La Congrégation 
compta peu après ses débuts un certain nombre d'élèves 
de rÉcole polytechnique, recrutés principalement par 
Paul-Émile Teysseyrre, lui-même élève, puis répétiteur 
à l'École, et bientôt prêtre : plusieurs de ces polytech- 
niciens étaient appelés à fournir de brillantes carrières, 
et l'un d'eux, Augustin Cauchy, s'annonçait déjà comme 
un savant de génie. — Un troisième élément, moins 
uniformément jeune, plus en vue, plus compromettant 
peut-être aussi, fut fourni par le faubourg Saint-Ger- 
main. Avant une année révolue depuis la fondation, on 
admit Mathieu de Montmorency, qui avait alors dépassé 
la quarantaine, mais qui cherchait à multiplier les actes 
de piété et de charité, en réparation de sa philosophique 
adolescence : cet exemple porta ses fruits, et plusieurs 
grands noms de la vieille France, Béthune-Sully, Bre- 
teuil, Séguier, s'alignèrent sur les registres de la Con- 
grégation à côté de ceux des modestes étudiants. Alexis 

(1) Vie de M, Emery, t. II, p. 118-119. 



i64 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

de Noailles, fils du motionnaire de la nuit du Quatre 
Août, neveu de la Fayette, frère d'un aide de camp de 
Berthier, était dévoré d'un zèle si ardent qu'il songea 
quelque temps à embrasser la vie sacerdotale (i) : il 
resta définitivement dans le monde, et fut un des 
membres les plus actifs de cette opposition religieuse 
qui allait se manifester à partir de 1808. 

Le vicaire général d'Astros fonda une association ana- 
logue pour les personnes de condition plus humble (S). 
Cette réunion ne doit point être confondue avec la Con- 
grégation^ non plus que le comité fondé par l'abbé 
Legris-Duval pour venir en aide aux émigrés rentrés 
qui se trouvaient dans la détresse. Ce dernier groupe- 
ment pouvait facilement devenir suspect d'intrigues ou 
tout au moins de regrets politiques : il fut toujours 
dirigé avec tant de discrétion^ de tact et de vraie cha- 
rité, que l'autorité n'en prit point de souci (3). 



IV 



En regard de l'indifférence de la masse à l'égard de la 
religion, des dispositions favorables d'une minorité 
grossissante, et de l'ardente piété de quelques groupes 
isolés, il convient de signaler l'hostilité déterminée 
d'autres fractions de la société parisienne : savants, 
militaires, hommes politiques restaient en grand 



(1) Le témoignage d'Emery est catégorique : « M. Alexis de NoaiUes 
est entré au séminaire. » (A Bausset, l**^ novembre 1805 : Papiers 
Emery.) 

(2) Geoffroy de Grandmaison, la Congrégation, p. 385. 

(3) Le0ri8-Duval, Sermons, t. I, p. 79 (notice par le cardinal d 
Bausset). 



PRÉVENTIONS HOSTILES 165 

nombre attachés à l'irréligion à la fois méprisante et 
soupçonneuse qui avait inspiré l'Institut dès sa fonda- 
tion, animé les armées républicaines depuis les guerres 
de Vendée jusqu'au coup de force de Fructidor, caracté- 
risé la politique du Directoire. 

Sans doute, par un calcul de prudence ou par un 
scrupule d'équité, sinon par une velléité de conver- 
sion, plusieurs personnages en vue rétractaient ou 
corrigeaient leurs déclamations anticléricales d'autre- 
fois. En haranguant Pie Vil, des jacobins de marque 
firent assaut de propos édifiants. Le c sénateur » Cabanis, 
réunissant en volume^ dans l'été de 1802, les Mémoires 
médico-phihsophiques dont l'apparition avait fait tant 
de bruit, se croyait obligé d'atténuer certaines affirma- 
tions matérialistes, certaines attaques contre le dogme 
chrétien : pour défendre la fameuse expression de 
« sommeil éternel » appliquée à la mort, il alléguait que 
c'était la traduction du Requiem œternam de la liturgie 
catholique (i). Par contre, dans leur chaire ou à leur 
clinique d'hôpital, certains professeurs continuaient à 
développer des théories ouvertement antireligieuses (2). 
Après la promulgation du Concordat et la réorgani- 
sation de l'Institut, la deuxième classe, correspondant à 
l'Académie française, s'empressait^ en guise de protes- 
tation, d'attribuer un des premiers fauteuils vacants à 
Parny, dont le titre le plus récent n'était ni les stances 
erotiques à Éléonore^ ni la scabreuse description des 
Déguisements de Vénus^ mais le poème blasphématoire de 
la Guerre des dieux : à la séance de réception, Garât 
mettait une lourde insistance à vanter ou du moins à 
excuser cette ignominie, comme une preuve de largeur 



(i) PiGAVBT, let Idéologues, p. 248-249. 
(2) Journal deê DébaU, 1*' floréal an XI. 



466 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

d'esprit et d'amour de la tolérance. Sans outrepasser 
autant que Parny les bornes de la décence, beaucoup 
d'entre ses nouveaux confrères, poètes ou prosateurs, 
Ghénier, Andrieux, Guinguené, et bien d'autres, prodi- 
guaient contre la religion les épigrammes ébrécbées, les. 
insinuations défraîchies, les périodes déclamatoires. Le 
plaisant de l'affaire était que lors du rétablissement du 
culte ces mêmes membres de l'Institut s'étaient repré- 
sentés comme placés entre le silence et le bûcher : « Us 
disent, » rapportait un fonctionnaire peu éloigné de par- 
tager leurs appréhensions, t qu'ils n'oseront plus écrire, 
parce que le système religieux l'emporte, qu'ils redoutent 
les prêtres et leur vengeance, et qu'ils veulent conserver 
leurs têtes (i). » 

L'intolérance de l'Église, de ses ministres et de ses 
fidèles, tel était en effet le thème que développaient le 
plus volontiers les disciples attardés de Voltaire, sans 
prendre garde que l'aspect comme le fond des choses 
s'était totalement renouvelé depuis la Révolution, et que 
sous le régime napoléonien ce grief n'était point soute- 
nable. Certains hommes en place, les policiers surtout, 
n'en faisaient pas moins chorus avec eux. Nous avons 
dit avec quelle vigilance on épiait et souvent on dénatu- 
rait le langage et les actes du clergé. Les laïques dévots 
n'étaient point à l'abri de l'espionnage ni des dénoncia- 
tions ; en novembre 1803, deux pauvresses, qui vivaient 
ensemble, ayant eu le malheur de se pendre, la police 
imputa la responsabilité de leur suicide à Mathieu de 
Montmorency, membre du comité de bienfaisance de 
l'arrondissement; on prétendit que mal satisfait de leurs 



(1) Rapport du préfet de police, 4 floréal an X (24 avril 480Î) : 
AuLARD, Paris sous le Consulat, t. III^ p. 8. 



PRÉVENTIONS HOSTILES 167 

réponses à des questions sur le catéchisme, il avait 
volontairement intercepté les secours qui leur étaient 
destinés. Cette ineptie fut gravement colportée des 
bureaux du grand-juge à ceux du ministre de l'intérieur, 
et on ouvrit une enquête, d'où il résulta que Mathieu 
était commissaire dans un autre arrondissement, et 
n'avait jamais vu les deux suicidées (1). Trois ans plus 
tard, c'était le bureau de bienfaisance de la division de 
l'Arsenal qui était mis en cause, pour une affiche qui 
exigeait le baptême comme condition d'admission à 
l'école de charité (tenue sans doute par des religieuses), 
et qui engageait les concubins à faire régulariser leur 
union à l'église comme à la municipalité (2). Tout en 
imputant ces faux bruits aux « malveillants », les agents 
de Dubois notaient avec complaisance l'indignation des 
soldats de la garnison de Paris à la nouvelle qu'on allait 
leur imposer des aumôniers, et l'humeur des officiers 
contre les trop fréquentes cérémonies religieuses (3). 
Les journaux de l'ancien parti jacobin afl*ectaient pareil- 
lement l'inquiétude; à propos d'un mandement épiscopal 
qui interdisait de donner la bénédiction nuptiale à des 
divorcés remariés, la Décade éperdue implorait l'inter- 
vention du bras séculier : « Les ministres de la religion 
veulent, en plusieurs endroits, régner par la crainte 



(1) Rapport du préfet de police, 29 brumaire an XII (21 novembre 
1803) : F. 7, 3832. — Cf. Remâcle, Relations secrètes des agents de 
Louis XV ni p. 453-464. 

(2) Bulletin de police du 16 octobre 1806 : AF. IV, 1498. Ce qui 
dans cette affiche parait le plus étrange au lecteur moderne, 
c'est le style : « Toute union illicite, qui voudra rentrer dans le 
sentier de la vertu et participer aux secours que le gouverne- 
ment accorde à. l'honnête indigent, pourra s'adresser au bureau, à 
l'effet d'être mariés (sic) gratuitement, tant civilement que reli- 
gieusement. » 

(3) Rapport du préfet de police, 11 floréal an X : âulard, Paris 
sous le Consulat, t. III, p. 27. 



168 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

plus que par la persuasion... Le Compelle eos intrare 
deviendrait bientôt leur devise^ si la sagesse du gouver- 
nement ne parvenait à les retenir dkns lés limites tra- 
ce'es par le Concordat et la raison (1). » Dans Tété de 
d804, le Citoyen français engageait une violente et inter- 
minable polémique, que les bureaux de Dubois signa- 
laient plutôt qu'ils ne la critiquaient : « Le plan cons- 
tamment suivi par les rédacteurs de cette famille, 
toujours ombrageux sur le chapitre' de la religion, est 
d'attribuer à l'influence des prêtres la majeure partie 
des maux qui ont désolé la société (2). » Le personnel 
de la préfecture de police était alors ferré sur les clas- 
siques; le scribe qui a tracé ces lignes songeait sans 
doute au vers de Lucrèce : 

Tantum relligio potuit suadere malorum ! 

Dans les cafés du Palais-Royal^ quelques frondeurs 
chuchotaient des plaisanteries sur la dévotion de Gam- 
l)acérès et des autres grands personnages qui allaient à 
la messe (3) : mais ils se sentaient surveillés, et n'osaient 
donner libre cours à leur verve. Le théâtre se prétait à 
des manifestations plus bruyantes et moins périlleuses, 
parce qu'elles étaient collectives et quasi anonymes. Le 
parterre du Théâtre-Français (nous aurons à le dire 
ailleurs) se composait alors d'amateurs très lettrés, très 
imbus des préventions philosophiques, très experts à 
saisir les allusions et au besoin aies supposer. Les comé- 
diens, se croyant pour la plupart engagés d'honneur et 
d'intérêt à seconder le mouvement antireligieux, s'em- 

(1) An X, t. IV, p. 254. 

(2) Rapport da préfet de police, 14 fructidor an XII (!«' sep- 
ionil)re 1804) ; F. 7, 3832. 

(3) Rapport du même, 19 prairial an X (8 juin 1802) : Aulard, 
Paris sous le Consulat, t. III, p. 100. 



r" 



PRÉVENTIONS HOSTILES 169 

lojèrent de leur mieux à provoquer les applaudisse- 
ments tendancieux, dont ils ne manquaient point de 

rendre une part pour eux-mêmes. Au printemps même 
de 1802, ils reprirent les Précepteurs, très médiocre 
comédie posthume de Fabre d'Églantine, pour permettre 
à l'auditoire d'acclamer une tirade contre les détracteurs 
de Rousseau, et surtout d'accueillir par « des transports 
convulsifs d'admiration » un vers qui avait perdu pour- 
tant tout à-propos depuis la disparition de l'opulence 
ecclésiastique : 

Car il est sensuel comme un homme d'Église (1). 

Ce succès détermina sans doute les sociétaires à 
exhumer une tragédie d'un vivant, le Fénelon où Marie- 
Joseph Chénier avait travesti le pieux archevêque de 
Cambrai en un ennemi du « fanatisme » et en un censeur 
de l'institution monastique. Le parterre brava le mortel 
ennui qui se dégageait de ces cinq actes, pour le plaisir 
de guetter et d'applaudir quelques maximes comme 
celle-ci : 

Dieu créa les mortels pour s'aimer, pour s'unir. 
Les cloîtres, les cachots ne sont pas son ouvrage ; 
Dieu fit la liberté, l'homme a fait l'esclavage (2). 

Chénier encouragé eut la hardiesse de réimprimer son 
œuvre avec une épître dédicatoire à Daunou, alors en 
disgrâce comme lui : après avoir revendiqué, non sans 
courage, l'indépendance de l'art dramatique, il donnait 
la mesure de son sens historique en traitant de f philo- 



(1) Journal des Débats, 29 floréal an X (feuilleton de Geoffroy). — 
'. Décade, an X, t. III, p. 428-429. 

(2) Journal des Débats, 24 frimaire an XI (feuilleton de Geof&oy). 
Cf. Reichardt, Un hiver à Paris, p. 174-i75, et Décade, an XI, 

I, p. 565. 






170 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

sophe illustre » le précepteur du duc de Bourgogne. Le 
bruit fait autour de Fénelon engagea les comédiens à 
donner des représentations de Charles IX, où le même 
Chénier avait, avec la même exactitude, mis en scène la 
préparation de la Saint-Barthélémy. Les protestations 
furent très vives dans la presse (1); mais au théâtre, le 
parterre témoigna d'un tel enthousiasme que l'année 
suivante les acteurs, désireux d'exploiter un filon lucra- 
tif, commirent une grosse inconvenance : sans tenir 
compte des rétractations que Laharpe converti avait 
multipliées dans les dernières années de sa vie, ils mon- 
tèrent le drame de Mélanie, consacré à flétrir les abomina- 
tions des couvents (2). — La première tragédie nouvelle 
qui réussit avec éclat, les Templiers de Raynouard, dut 
son succès sans doute à la nouveauté relative du sujet, 
au pathétique des situations, mais pour une bonne part 
aussi, pour emprunter le langage des policiers, aux 
« maximes relatives aux ministres de la religion » , toutes 
« accueillies par de vifs applaudissements » (3). 

Dans le répertoire courant, c'était une tradition qui 
avait survécu à la Révolution, et que pour rien au monde 
le parterre n'aurait laissé perdre, que d'applaudir avec 
fracas le sentencieux et prosaïque distique de Philoctète, 
dans VŒdipe de Voltaire : 

Nos prêtres ne sont pas ce qu'un vain peuple pense; 
Notre crédulité fait toute leur science (4). 

Quant au Tartufe de Molière, que Napoléon blâmait 

(1) Boulogne, Mélanges de religion, t. III, p. 48-55. 

(2) Journal des Débats, 22 frimaire an XII (feuilleton de Geof- 
froy). 

(3) Rapport du préfet de police, 25 floréal an XIII (45 mailSOS) ; 
F. 7, 3833. 

(4) Cf., entre de nombreux témoignages, le feuilleton de Geoffroy 
dans le Journal de VEmpire du 24 septembre 1807. 



PIE VII A PARIS . 171 

Louis XIV d'avoir laissé jouer en sa nouveauté (i), mais 
que lui-même ne pouvait songer à interdire, les repré- 
sentations en étaient une incomparable occasion de ma- 
nifester contre « l'hypocrisie » . En vain Geoffroy écrivait : 
« Aujourd'hui on donne souvent le Tartufe j^onv prévenir 
le retour du fanatisme religieux : c'est la précaution 
inutile. Ce qui doit rassurer les philosophes, c'est que le 
métier de faux dévot ne vaut plus rien (2). » Les philo- 
sophes s'obstinaient à ne point vouloir être rassurés, et 
à acclamer la pièce de Molière, comme si chaque repré- 
sentation avait vengé une injure récente ou détourné un 
péril imminent. 

Cette émotion factice alla pourtant en s'atténuant. 
Quand le pape était interné à Savone, les cardinaux fidèles 
disséminés dans des sous-préfectures, les prêtres en grand 
nombre détenus dans des prisons d'État, il devenait fort 
difficile de déclamer contre la tyrannie sacerdotale. Le 
sceptique Hoffmann exagérait sans doute, quand il disait 
en 1812 : « L'irréligion est non seulement un vice, mais 
un ridicule aujourd'hui, et dans aucun temps peut-être 
on n'a moins parlé ou écrit en faveur de l'impiété (3). » 
Il n'en est pas moins vrai que la fin de l'époque napo- 
léonienne coïncide avec une période de discrédit pour 
les déclamations et les manifestations antireligieuses. 



Lors du séjour de Pie VII à Paris, l'attitudo de la 
population étonna agréablement le pontife, qui croyait la 

(1) Las Cases, Mémorial de Sainte-Hélène, t. II, p. 128. 

(2) Journal det Débats, 17 nivôse an XII (feuilleton). 

(3) Journal de VBmpire, 31 août 1812. 



172 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

France et surtout sa capitale en proie à l'athéisme (i). 
Il faut sans doute faire la part de la curiosité, de Fen* 
gouement^ de l'orgueil aussi, dans cet empressement à 
saluer le premier pape qu'on eût vu sur les bords de la 
Seine ; en outre, les personnages officiels avaient reçu la 
consigne de se montrer respectueux, et ils savaient que 
le maître était impitoyable aux manques de docilité. Cet 
épisode du voyage de Pie VII n'en jette pas moins quel- 
que jour sur les véritables dispositions des Parisiens à 
l'égard de la religion. 

Avant même que la venue du pape ne fût officielle- 
ment décidée, avant que le cardinal de Belloy n'ordonnât 
des prières pour l'heureux succès de son voyage (2), les 
éléments hostiles manifestèrent des inquiétudes, soi- 
gneusement recueillies et grossies par la police. Les 
protestants perdaient le sens de la réalité, au point de 
redouter t le rétablissement des couvents et des dîmes 
et surtout le retour du despotisme théocratique (3). » 
On annonçait gravement tantôt que le clergé allait pro- 
fiter de la présence du Souverain Pontife pour t tâcher 
de reconquérir quelques-unes de ses anciennes préroga- 
tives (4), » tantôt que le catholicisme allait être pro- 
clamé « religion dominante (5^ ». On sait assez ce qu'il 
advint de ces sombres pronostics : les réclamations de 
Pie VII, infiniment modérées, furent presque toutes 
écartées ou éludées. A Paris en particulier, le sacre 



(1) « On voyait que son pied, quoique baisé par beaucoup de 
monde, ne reposait pas avec une entière confiance sur ce sol. » 
(De Pradt, les Quatre Concordats, t. II, p. 210). 

(2) Le mandement de Tarchevêque fut notamment publié dans 
le Journal des Débats du 8 brumaire an XIII. 

(3) Rapport du préfet de police, 27 fructidor an XII : F. 7 
3832. 

(4) Rapport du même, 10 vendémiaire an XUI : F. 7, 3833. 

(5) Rapport du môme, 6 frimaire an XIII : Ibidem, 






i PARIS 17. 

I 

i* en sa nouveauté (i), mais 
i^er à interdire, les repré- 
'inparable occasion de ma- 
!. En vain Geoffroy écrivait : 
nt le Tartufe pour prévenir 
ieux : c'est la précaution 
" ■ '»^ philosophes, c'est que le 

pïus rien (2). • Les philo- 
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( 



174 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

passion de sectaire et son application de littérateur de pro- 
vince à rédiger une série de circulaires, réunies ensuite 
par ses soins en deux volumes, et pour la plupart consa- 
crées à exalter le culte décadaire aux dépens des supersti- 
tions romaines. Mais ce personnage n'en était point à une 
palinodie près : après avoir déclaré que les Français € ont 
toujours aimé que leurs simples actes civils fussent sanc- 
tifiés parla religion, pour ajouter encore au frein public 
des lois le frein secret des consciences », il parla presque 
dévotement de t la fille aînée de l'Église romaine » . Fon- 
tanes, qui lui succéda à la tôte du Corps législatif, était 
moins embarrassé par son passé officiel ; il fit explicite- 
ment amende honorable pour le compte d'autrui, montra 
la France « abjurant de trop grandes erreurs », et ne 
manqua point, par manière de contre-partie, de procla- 
mer une fois de plus, en périodes noblement cadencées, 
la définitive et providentielle déchéance des Bourbons (i). 
Restait le Tribunat, dont le nom archaïque ne laissait 
point que d'inquiéter un peu le souverain débonnaire et 
absolu de la Ville Éternelle : il craignait qu'un orateur 
trop nourri du Conciones n'évoquât les souvenirs de la 
démocratie romaine, sinon même les aventureuses ten- 
tatives de Cola di Rienzo au moyen âge. C'était mécon- 
naître un corps qui ne prenait plus que l'initiative de 
l'adulation : le visage de Pie VII s'épanouit quand Fabre 
(de l'Aude), soigneusement documenté, lui énuméra, en 
style de palmarès, les améliorations économiques et 
artistiques qui avaient déjà signalé son pontificat (2). 



(1) « Elle (la religion) voit finir les familles des rois comme 
celles des sujets ; mais, sur les débris des trônes qui s'écroulent 
et sur les degrés des trônes qui s'élèvent, elle admire toujours la 
manifestation successive des desseins éternels, et leur obéit avec 
confiance. » (Fontanes, Œuvres, t. II, p. 300-301.) 

(2) Artaud, Histoire de Pie VU, t. I, p. 501-506, 



PIE VU A PARIS 17S 

Le ton était donné désormais; durant les quatre mois 
qu'il séjourna à Paris après le sacre, le pape n'entendit 
point de note discordante dans les harangues officielles. 
L'astronome athée Lalande, parlant au nom du Bureau 
des Longitudes, fut aussi respectueux que le fameux 
médecin Guillotin, présentant le comité central de la 
vaccine, institution naguère condamnée ou tout au 
moins désapprouvée par les théologiens. Le grand-vicaire 
défroqué Luce de Lancival, maintenant auteur dramatique 
et professeur de lycée, n'éprouva nul embarras à venir 
en tête d'une députation de ses élèves débiter au pape 
un discours latin, ni à lui faire hommage de l'éloge 
funèbre qu'il avait consacré à son ancien évéque, Noé. 
Au Jardin des Plantes, Fourcroy, qui depuis quelque 
temps déjà avait abdiqué les passions antireligieuses du 
conventionnel, tint un langage plus qu'empressé, véri- 
tablement édifiant : « Ce ne sont pas seulement les cieux 
qui racontent la gloire de Dieu, c'est la nature entière... 
Qu'il est flatteur pour nous, Très-Saint-Père, de pouvoir 
étaler à vos yeux ces monuments de la sagesse d'un 
Dieu dont vous êtes ici-bas une image si fidèle par 
votre dignité et par vos vertus ! » A l'imprimerie impé- 
riale, l'orientaliste Marcel, directeur, débita en latin. 
Comme Luce de Lancival, un compliment des plus 
déférents^ après quoi cent cinquante presses tirèrent 
simultanément l'Oraison dominicale en cent cinquante 
langues. 

On fit à Pie VII les honneurs de tous les établisse- 
ments profanes qui pouvaient lui offrir quelque intérêt : 
la Bibliothèque impériale; les Gobelins; l'Hôtel-Dieu, où il 
tint à faire lé tour de toutes les salles; le musée Napo- 
léon, où une assistance d'élite était groupée dans la 
grande galerie; Versailles, où la foule amassée sur la 



176 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

terrasse reçut sa bénédiction d'un des balcons du châ- 
teau; THÔtel des Invalides, où beaucoup de pension- 
naires, fidèles aux préventions antireligieuses des armées 
de la Révolution, eurent une attitude gouailleuse (i). 

Par convenance autant que par attrait naturel, le 
pape était surtout porté à visiter les églises. A son 
départ d'Italie, Maury lui avait conseillé d'aller un jour 
inopinément dire la messe dans la chapelle des Carmes, 
pour rendre hommage aux prêtres massacrés naguères 
à cause de leur attachement à l'orthodoxie (2). Sans oser 
réveiller ce sinistre souvenir, Pie Vil voulut du moins 
se montrer dans les principales églises paroissiales de 
Paris et y offrir le saint sacrifice (3). Il retourna le 
jour de Noël à Notre-Dame (4), et se rendit deux fois 
à Saint-Sulpice, la seconde pour donner lui-même la 
consécration épiscopale à un personnage qui devait bien 
mal justifier cette prévenance, Dominique de Pradt. 
Désireux de parfaire l'œuvre de conciliation concorda- 
taire, le pape ne s'arrêtait point au passé des curés : s'il 
ne parut pas à Saint-Sé vérin, il officia à Saint-Louis-en- 
111e, où l'ancien jureur CoroUer lui fit fête (5). Ces 
visites, placées autant que possible le dimanche, étaient 

(1) Rapport du préfet de police, 28 frimaire an XIII (19 dé« 
cembre 1804) : F. 7, 3833. 

(2) Artaud, Hitloire de Pie VU, t. I, p. 489. 

(3) Cf. les journaux et les rapports du préfet de police : F. 7, 
3833. 

(4) En ce jour de Noël, le pape ne célébra à Notre-Dame qu'une 
messe basse : on se souvint que Joseph II avait prétexté une 
indisposition pour ne pas assister à la messe pontificale dite par 
Pie VI dans la cathédrale de Vienne le jour de Pâques 1782, et 
afin d'éviter toute difficulté, on convint que Pie VII n'officierait 
pas pontificalement À Notre-Dame. (Rinibri, Napoleone e Pio VU, 
1. 1, p. 142 et note.) 

(5) Pour masquer les dégradations de l'église, on avait dû em- 
prunter des tapisseries des Gobelins. (G rente, le Culte catholique à 
Parie, p. 375.) 



PIE VII A PARIS i77 

entourées d'une grande solennité : le pain bénit était 
« rendu » par quelque dame haut placée, qui faisait 
ensuite la quête (à l'Assomption Mme Régnier, femme 
du grand-juge (4); à Saint-Louis-d'Antin Mme Regnaud 
de Saint- Jean -d'Angely). Après la cérémonie reli- 
gieuse, on présentait au pape les fabriciens, les parois- 
siens de marque, les membres des associations pieuses : 
ainsi, lors de la première visite à Saint-Sulpice, les 
jeunes gens de la Congrégation furent admis à cet 
honneur, et une allocution latine fut débitée en leur 
nom par Maximilien Séguier, le futur marquis de Saint- 
Brisson (2). 

Dans la plupart de ces cérémonies, l'attitude de l'assis- 
tance peut être caractérisée par la note laconique d'un 
document de police, à propos de la visite à Saint-Louis- 
en-l'Ile : t Affluence considérable, ordre et décence (3). » 
A l'Assomption, en raison sans doute de l'exiguïté de 
l'édiûce, on n'admit que les personnes munies de bil- 
lets. A Saint-Eustache, on eut la malencontreuse idée de 
percevoir un droit d'entrée de trente sous, ce qui n'em- 
pêcha point d'horribles bousculades dans l'église (4), 
mais ce qui détermina les dames de la Halle à organiser, 
en manière de protestation, un charivari sous les fenêtres 
du curé. A Saint-Nicolas-des-Champs, un jour de semaine 
pourtant, l'encombrement fut tel que plusieurs assistants 
faillirent être étouffés. A Saint-Merry, comme la foule' 
grossissait sans cesse, le pape dut par prudence, une 

(4) Le curé Costaz pria le pape d'entretenir l'empereur du dénue- 
ment où se trouvait l'église paroissiale des Tuileries; loin de 
s'offenser de cette intervention, Napoléon fit compter au curé 
20,000 « écus ». (Antonelli à Gonsalvi, 19 janvier 1805 : Rinieri, 
Napoleone e Pio F/f, t. I, p. 140.) 

(2) Geoffroy de Grandmâison, la Congrégation, p. 51-54. 

(3) Bulletin de police du 20 ventôse (11 mars) : AF. IV, 1492. 

(4) Bulletin de police du 8 nivôse (29 décembre 1804) : Ibidem, 

IV. 12 



178 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

fois sa messe finie^ sortir à la dérobée par la porte de la 
sacristie (4). Par contre, la paroisse où il y eut le plus 
de démonstrations de vrwe piété populaire fut peut-être 
Sainte-Marguerite, au faubourg Saint-Antoine : le pape 
y distribua la conununion à une centaine d'honmies, en 
tète desquels s'avançaient c les six administrateurs de 
la paroisse, tous gros négociants »; les fenmies s'age- 
nouillèrent ensuite à la Sainte-Table au nombre de plus 
d'un millier, si bien que Pie VII fatigué dut se faire 
suppléer. — Dans le même ordre d'idées^ il faut noter 
l'extraordinaire empressement de la foule à faire bénir 
des rosaires par le pape; dans cette ville indévote, 
l'industrie des marchands de chapelets devint soudain 
fabuleusement lucrative : on citait tel d'entre eux qui en 
vendait cent douzaines par jour, tel autre qui dans le 
courant du seul mois de janvier 4805 avait réalisé 
40,000 francs de bénéfices nets (2). 

Au faubourg Saint- Germain, il y eut un mouvement 
de réserve et même de réprobation dans les milieux 
qui gardaient le culte de la légitimité : à défaut des do- 
léances de Joseph de Maistre, qui étaient alors inédites, 
on se communiquait en cachette les épigrammes des jour- 
naux anglais; comme les rébus faisaient fureur, des 
jeunes gens colportaient une gravure du couronnement 
agrémentée d'un fruit qui avait la prétention d'être une 
pistache (Pie se tache) (3). Mais la partie la plus nom- 
breuse et la plus sérieuse de l'ancienne société, sans se 
contenter de blâmer ces facéties, vint en foule à Saint- 



(1) RiNiERi, Napoleone e Pio VII, 1. 1, p. 436. 

(2) Rbiset, Souvenirs, t. I, p. 156, 

(3) Bulletin de police du 22 frimaire (43 décembre 4804) : AF. IV 
1491. 



PIE VII A PARIS 179 

Thomas-d'Âquin prodiguer à Pie VII les marques d^ 
respect (1). 

Le monde officiel s'en tint d'abord à la curiosité, mêlée 
de quelque défiance : pour ces enfants du dix-huitième 
siècle, un pape était toujours plus ou moins un < tyran 
mitre », fanatique ou hypocrite, chef d'un gouverne- 
ment ennemi des c lumières > . Mais tandis que la suite 
ecclésiastique ou laïque du pontife, par sa gourmandise, 
son indiscrétion et ses quémanderies, justifiait ample- 
ment la fâcheuse réputation acquise de longue date aux 
Romains (â), les plus prévenus furent non seulement 
frappés, mais touchés de la simplicité, de la mansué- 
tude, de l'austérité personnelle de Pie VII : « Il ne dit 
pas un seul mot qui pût prêter au ridicule, ou même 
au persiflage (3). » Avec cela, ce cénobite italien se 
montrait étonnamment au courant des nuances de la 
société parisienne : lorsque Mme de Genlis lui fut pré- 
sentée dans la grande galerie du Louvre, il ne crut pou- 
voir se dispenser de la complimenter du caractère moral 
et religieux de ses derniers écrits (4) ; mais quand des 
femmes plus compromises et moins pénitentes, telles 
que Mme Tallien et Mme Hamelin, vinrent solliciter 
sa bénédiction, sans faire d'esclandre, il demanda le soir 
à l'empereur si les Parisiennes entendaient tourner en 
dérision sa personne et son magistère (5). Au sortir des 
séances de pose où se préparait un chef-d'œuvre, le 



(4) Bulletin de police du 7 nivôse an XÏII (28 décembre 1804) : 
AF. IV, 1492. 

(2) Bausset, Mémoiret, t. I, p. 22-24 (le témoignage du baron de 
Bausset tire ici sa valeur de ce qu'il fut chargé de vérifier les 
comptes de la dépense faite pour la maison pontificale). 

(3) Ibidem, 

(4) Journal des Débats, 12 nivôse an XIII. 

(5) <70ua6AUD, Journal inédit, t. I, p. 473 (réminiscences de 
Napoléon à Sainte-Hélène). 



180 DISPOSITIONS RELIGIEUSES DES PARISIENS 

régicide et jacobin David se répandait en naïves excla- 
mations d'enthousiasme : < Celui-là est vraiment un 
pape; c'est un vrai prêtre I... Il est pauvre comme saint 
Pierre; les dorures de ses habits sont fausses (1). > 

Propagée de proche en proche, cette impression 
gagna l'ensemble de la société. Mme de Rémusat n'exa- 
gérait point en écrivant plus tard que t bientôt tout 
Paris retentit des louanges du pape » ; était-elle aussi 
véridique en ajoutant que < bientôt aussi l'empereur 
commença à en être jaloux (2) *? Ce qui est certain, c'est 
que Napoléon tint pour la galerie des propos qui 
voulaient être dédaigneux ou politiques, et qui n'étaient 
que malsonnants (3); c'est que de temps à autre il 
affecta de paraître avec le pape sur le balcon du 
pavillon de Flore, pour prendre sa part des acclama- 
tions populaires (4); c'est surtout qu'il n'insista point 
pour lui faire passer les fêtes de Pâques à Paris (5). Le 
4 avril 1805, jeudi de la Passion, Pie VII prit congé 
de son hôte; Dubois, peu suspect d'enthousiasme hyper- 
bolique, écrivait le lendemain : < Le départ du pape a 
fait hier l'objet des conversations. On ne parle de Sa 
Sainteté qu'avec beaucoup d'intérêt, et les personnes 
qui ont eu l'honneur de l'approcher en font le plus 
grand éloge. — Une afiluence considérable s'est portée 
vers la voiture au moment du départ, et l'on a remarqué 

(1) Delécluze, Louis David, p. 248. 

(2) Mémoires, t. II, p. 66. 

(3) « J'en fais ce que je veux : il ne jouera plus de la pan- 
toufle. » (Vauthibr, Népomueène Lemercier, p. 21, note.) 

(4) Mbneval, Mémoires, 1. 1, p. 371 (La foule s'agenouUlait dévo- 
tement sous le balcon pour recevoir la bénédiction.) 

(5) Napoléon prit môme le prétexte de son propre voyage à 
Milan pour empocher Pie VII de passer la semaine sainte dans i 
pieuse ville de Lyon, comme le pape en avait exprimé le dési . 
(Caulaincourt À Fesch, 2 germinal an XIII (23 mars 1805) : Rindsi , 
Napoleone e Pio VII, t. I, p. 150, note.) 



PIE VII À PARIS 18i 

que Sa Sainteté avait Tair touché de cet empresse- 
ment (4). » 

Alors que le voyage était encore en question, un de 
ceux qui avaient le plus efficacement travaillé à l'entente 
concordataire pronostiquait^ dans l'abandon d'une con- 
versation familière : t Si le pape vient à Paris, et sait 
détacher patiemment cette écorce de frivolité française 
qui nous fait tant de tort^ il trouvera, sous ces filaments 
légers^ le fond de gravité qui est aussi en nous (â). > 
Sans avoir le loisir de se livrer à ce travail de décortica- 
tion morale, Pie VU, à défaut de gravité^ discerna chez 
les Français et les Parisiens en particulier une dose de 
conviction ou tout au moins de déférence religieuse très 
supérieure à ce qu'il supposait. Il s'en retourna rassuré 
sur l'avenir du catholicisme français, et déterminé peut- 
être à se montrer moins prodigue de concessions envers 
Napoléon. 

Inversement^ sa présence marqua en France et à Paris 
le début de cette dévotion au pape^ qui devait aller en 
grandissant pendant tout le cours du dix-neuvième 
siècle. Les épreuves et la captivité de Pie VI avaient passé 
presque inaperçues, non seulement par une tradition 
d'indifférence gallicane, mais parce qu'il s'agissait d'un 
personnage inconnu de la quasi-unanimité des Français. 
Au contraire, malgré les réticences et les impostures 
d'une presse domestiquée, on s'intéressa aux tribulations 
de ce pape dont tout Paris avait reçu la bénédiction, 
contemplé le grave sourire, admiré la douceur. Dès l'été 
de 1806, on s'inquiétait à la nouvelle qu'il allait contre 

(1) Rapport du préfet de police, 15 germinal an XIII (5 avril) : 
P. 7, 3833. 

(2) Paroles de Gacault en octobre 1804 : Artaud, Histoire de 
Pie VII, 1. 1, p. 483, note. 



1 



182 DISPOSITIONS HELIOIEUSËS DES PARISIENS 

son gré être transféré à Avignon (4); l'année suivante, 
les bruits prématurés d'excommunication causaient une 
profonde émotion dans le faubourg Saint-Germain (2); à 
l'annonce officielle enfin de l'entrée à Rome des troupes 
de Miollis, certaines gens déclaraient la religion perdue, 
tandis que d'autres affirmaient que l'empereur aurait 
exigé du pape c de sanctionner l'abolition de la confes- 
sion, le mariage des prêtres et la loi sur le divorce (3). > 
L'absurdité même de ces propos prouve combien une 
partie de l'opinion était disposée à donner tort à Napoléon 
dans le conflit. La passion politique était assurément 
pour quelque cbose dans l'opposition religieuse qui dès 
lors ne cessa d'aller croissant, mais elle ne saurait suffire 
à l'expliquer. 

(1) BuUetin de police du 23 juin 1806 : AF. IV, 1497. 

(2) Bulletin de poUce des 15-16 novembre 1807 : AF. IV, 1501. 

(3) Bulletin de police du 19 février 1808 (note autographe de 
Pouché) : AF. IV, 1502. 



CHAPITRE IV 

YÂGANGE DU SIÈGE ARGHIÉPISGOPAL 
NOMINATION DU GARDINAL FESGH 

(1808-1810) 



I. Mort du cardinal de Belloy ; les vicaires capitulaires. — IL Nomi- 
nation du cardinal Fesch ; son caractère ; pourquoi il ne prend 
pas possession. — III. La restauration du palais archiépis- 
copal. — IV. L'administration des vicaires capitulaires. — 
Y. L'opposition religieuse et les premières mesures de rigueur. 
— VI. Le séminaire ; disgrâce de l'abbé Emery. 



1 



Napoléon, en veine d'amabilité, avait un jour prédit 
au cardinal de Belloy qu'il mourrait centenaire. Peu 
s'en fallut que le robuste vieillard ne réalisât ce gracieux 
pronostic. Sans fatigue physique apparente, il s'acquit- 
tait exactement des devoirs officiels comme des « fonc- 
tions » religieuses auxquels l'obligeait sa charge. Une 
seule fois, pour le Te Deum de Pultusk, pris d'une indis- 
position dans la nuit précédente^ il accepta d'être suppléé 
à Notre-Dame par Caprara (1). 

Au milieu du mois de mai 1808, bien près d'accomplir 
sa quatre-vingt-dix-neuvième année, l'archevêque fut 

(4) Portalis à Napoléon, 26 janvier 1807 : AF. IV, 1046. 



ffW^rf^^^' 



184 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

atteint d'une congestion pulmonaire. En homme qui 
n'avait jamais été malade^ il se sentit d'emblée perdu, 
et demanda les derniers sacrements, que le doyen des 
vicaires généraux, Lejeas, lui administra le 22 en pré- 
sence de tout le chapitre. Malgré l'oppression qui ne lui 
laissait point de répit, malgré un âge si avancé, cet or- 
ganisme exceptionnellement sain résista encore pendant 
une vingtaine de jours; les idées ne se troublèrent que 
deux heures avant la fin. Les bulletins du docteur Portai 
témoignaient d'une véritable stupéfaction, qui se reflète 
un peu naïvement dans ce billet de Tabbé Émery : 
« Notre bon cardinal est enfin mort ce matin à deux 
heures et demie (1). » Plus pompeusement et avec 
autant de vérité, le ministre des cultes. Bigot de Préa- 
meneu, écrivait à Napoléon : « Il a cessé de respirer 
comme la lumière s'éteint, lorsque Thuile finit de se 
consumer (2). » 

L'empereur était alors à Bayonne. Il fut peut-être 
touché de ce qu'on lui manda du respectueux intérêt 
que la population parisienne avait pris à l'agonie de son 
archevêque (3); il pensa surtout qu'en ce vieillard timide 
et empressé, il perdait un prélat selon son cœur, dont 
l'attitude ne saurait être trop proposée en exemple à 
l'épiscopat et au clergé. « Vous veillerez, » répondit-il à 
son ministre, « à ce que le cardinal de Belloy soit enterré 
avec la plus grande solennité, et que, dans l'éloge fu- 
nèbre qui sera prononcé à cette occasion, on appuie sur 
les vertus qu'a déployées ce prélat, la conciliation, la 
charité et l'amour de la paix (4). » Quatre jours plus tard 



(1) A Bausset, 10 juin 1808 : Papiei^s Emery. 

(2) 10 juin 1808 : AF. IV, 1046. 

(3) De Pradt, les Quatre Concordats^ t. II, p. 248. 

(4) A Bigot do Préameneu, 15 juin 1808 : Correspondance^ 
14004. 



MORT DU CARDINAL DE BELLOT 185 

(19 juin), un décret manifesta publiquement les même» 
sentiments; Tempereur prescrivait que Beiloy fût inhumé 
dans la cathédrale et qu'un monument lui fût érigé : 
c Voulant, > disaient les considérants, «... donner une 
preuve de la reconnaissance que nous conservons des 
services qu'il nous a rendus et du cas particulier que 
nous faisons des vertus dont ce respectable prélat a 
donné exemple... > 

Conformément aux volontés impériales, les obsèques 
se firent avec une grande solennité^ le 25 juin^ quinze 
jours seulement après le décès. Dans l'intervalle, le 
corps embaumé et revêtu des ornements pontificaux fut 
exposé sur un lit de parade, devant lequel Paffluence ne 
cessa point d'être considérable (1). A la cérémonie, 
l'oraison funèbre fut prononcée par le vicaire général 
Jalabert; contrairement à ce qui se pratique d'ordinaire 
pour les évêques, il n'y eut qu'une seule absoute, donnée 
par le cardinal Maury. 

L'article 36 des Organiques, qui ne devait être abrogé 
que par le décret du 28 février 1810, attribuait, en cas 
de vacance des sièges épiscopaux, l'administration pro- 
visoire au métropolitain, et à son défaut au plus ancien 
des évêques sulTragants de la province. Mais en 1808, ce 
texte était déjà tombé en désuétude. Sans aucune oppo- 
sition de la part du pouvoir civil, le chapitre se réunit le 
jour même de la mort de l'archevêque (10 juin), et con- 
formément aux règles canoniques, il désigna cinq vicaires 
capitulaires. Lejeas, d'Astros, Jalabert et Émery, vicaires 
généraux du cardinal, furent élus à l'unanimité; la 
majorité leur adjoignit un vétéran du sacerdoce et du 



(1) Une estampe, encore assez répandue aujourd'hui, représen- 
tait la chapelle ardente installée à Tarchevéché. 



486 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

chapitre, Syncholle d'Ëspinasse (1). Le cardinal Fesch 
s'entremit pour leur faire obtenir les mêmes pouvoirs 
extraordinaires que le Saint-Siège avait accordes à 
Belloy; Pie VU accéda à la demande, mais en y mettant 
pour condition que les règles posées par le concile de 
Trente pour l'élection capitulaire eussent été strictement 
observées (2). 



II 



La longue agonie du cardinal de Belloy n'avait pas 
encore pris fin, que le public se préoccupait du choix de 
son successeur. Un des noms le plus souvent prononcés 
était celui de Primat, l'ancien évéque constitutionnel de 
Lyon, qui avait déjà été en 1802 le candidat de Talley- 
rand au siège concordataire de Paris, et qu'on avait 
alors pourvu de l'archevêché de Toulouse. Fesch s'au- 
torisa de sa parenté et de sa charge de grand-aumônier 
pour mander à l'empereur que les milieux orthodoxes 
s'alarmaient de l'élévation éventuelle d'un constitutionnel 
à un poste aussi en vue. La réponse ne se fit point 
attendre de Rayonne; elle prit la forme d'une très sèche 
leçon de politique et de théologie : c II nie semble qu'il 
n'y a plus de constitutionnels, et que, selon les principes 
de l'Église, on ne doit plus se souvenir d'un péché qui 
est pardonné (3). » Mais Fesch n'en était point à une 



(i) Documents inédits, 

(2) « ... Modo hi vicarii capitulares elecii sint secundum lef^em 
concîlii tridentini, sess. II, t. de refonu.» cap. 16, quoniam in ho 
tantumjusta ac légitima potestae, eede vacante, transfertur. 
(Ibidem.) 

(3) 16 juin 1808 : Cofrespondance, 14106. 



NOMINATION DU CARDINAL PESGH 187 

rebuffade près; il revint presque immédiatement à la 
charge, en homme qui croit accomplir un devoir de son 
office et qui d'ailleurs sait bien qu'en dernière analyse il 
sera tenu compte de ses avis. Pour ruiner plus sûrement 
la candidature de Primat, il la plaça sous le patronage 
compromettant de Fouché, et rappela à son neveu, alors 
très entiché d'aristocratie dans l'Église comme dans les 
emplois civils, l'humble extraction de l'archevêque de 
Toulouse. Ce qui concernait Primat était d'ailleurs noyé 
dans un flot d'on-dit relatifs à d'autres candidatures : 
« Aujourd'hui on parle beaucoup, et on voudrait deviner 
le choix de Votre Majesté. Les uns prétendent que pour 
se donner le temps de trouver un sujet convenable, Elle 
choisira ou le cardinal Caprara ou M. de Juigné, ancien 
archevêque de Paris : l'un et l'autre, vu leurs infirmités, 
ne siégeraient que peu de temps. Les autres pensent 
qu'Elle choisira entre les cardinaux Bayanne, Maury et 
Cambacérès. L'évêque de Nantes (1) est porté par beau- 
coup de monde. L'archevêque de Toulouse a été long- 
temps sur le tapis, à cause, disait-on, de la protection du 
ministre de la police dont il a été confrère dans la con- 
grégation de rOratoire, mais on a fini par lui donner 
l'exclusion parce qu'il est fils d'un perruquier de Lyon. 
Enfin la généralité s'arrête finalement sur M. de Barrai, 
archevêque de Tours (2). » 

Au commencement d'août, les journaux se risquèrent 
en effet à annoncer que Barrai allait être nommé, sinon 
archevêque, du moins administrateur du diocèse, mais 
la nouvelle était controuvée. En vain, le 15 août, lende- 



(1) Duvoisin. 

(2) SI juin 1808 : AF. IV, 1046. Quoi qu'en ait dit M. Frédéric 
Masson {Napoléon et $a famille, t. IV, p. 418), cette lettre ne me 
semble pas prouver qu'alors Fesch ambitionnât l'archevêché de 
Paris. 



188 YAGANGE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

main du retour du voyage du sud-ouest, le vicaire capi- 
tulaire Lejeas dit-il en présentant une députation du 
clergé de Paris : «... Il espère que Votre Majesté ne 
laissera pas longtemps veuve la première Église de son 
empire. » Napoléon, qui était revenu pour préparer Fen- 
trevue d'Ërfurt et l'expédition d'Espagne, avait d'autres 
soucis en tète que de nommer un archevêque de Paris. 

Cet ajournement prolongé fit surgir de nouvelles 
candidatures, une entre autres que l'intéressé paraît 
avoir été à peu près seul à prendre au sérieux. Domi- 
nique de Pradt, évèque de Poitiers et aumônier de 
l'empereur, avait été en cette dernière qualité du voyage 
de Bayonne : sa verve intarissable avait amusé Napo- 
léon, qui le 12 mai 1808 l'avait promu à l'archevêché 
de Malines, vacant par la retraite volontaire de Roque- 
laure. Peu pressé d'aller affronter l'austérité et la piété 
flamandes, de Pradt estima que Paris serait mieux 
approprié à ses goûts et plus digne de son génie; avec 
son assurance ordinaire, il annonça sa prochaine non[ii- 
nation d'un tel ton de certitude, que le bon abbé Émery 
en était ébranlé et inquiété (1). 

C'est seulement après son retour d'Espagne, le 31 jan- 
vier 1809, que Napoléon signa la nomination tant atten- 
due : le désir d'avoir un cardinal sur le siège de Paris, la 
préoccupation de supprimer les occasions de conflit 
entre l'archevêque et le grand -aumônier, par -dessus 
tout sans doute la confiance systématique et presque 
incorrigible qu'il s'obstinait à accorder aux membres de 
sa famille, tout cela le détermina à faire choix de son 
oncle Fesch. Sa décision une fois arrêtée, il tint la main^ 

(1) « Point encore d'archevêque de Paris. Je sais seulement que 
l'évêque de Poitiers compte Têtre; j*ai vu ime lettre d'im de ses 
grands -vicaires à qui il propose de le suivre. » (A Bausset, 
26 août 1808 : Papiers Emery), 



NOMINATION DU CARDINAL FESGH 189 

pour compenser un long ajournement préalable, à ce 
qu'elle fût publiée sans délai (i). 

La figure et la carrière de Joseph Fesch comptent au 
nombre de celles que les pamphlétaires et les panégy- 
ristes ont le plus dénaturées (2). Sans entrer dans des 
développements dont ce n'est point ici la place, il faut 
pourtant indiquer que fixé à Paris depuis plus de deux 
ans, propriétaire d'un hôtel 'à la Ghaussée-d'Antin, 
Fesch était encore, dans l'été de 4802, profondément 
inconnu dans la société parisienne et dans le monde 
ecclésiastique en particulier. Son nom ne figurait sur 
aucune dés listes épiscopales dressées après la signature 
du Concordat (3); à la cérémonie de Pâques 1802, il ne 
fut nullement question de lui (4). Ce fut seulement trois 
grands mois plus tard (10 thermidor an X-29 juillet 1802), 
que le Premier Consul, de plus en plus converti aux 
idées et aux traditions monarchiques, se décida à attri- 

(1) « L*empereur désire que la nomination du cardinal Fesch à 
rarchevêché de Paris soit annoncée demain dans le Moniteur. » 
(Note jointe à la minute du décret de nomination : AF. IV, plaq. 
2598). 

(2) Les pamphlets ne valent point l'honneur d*être nommés : 
quant aux panégyriques, citons seulement les deux gros volumes 
de Tabbé Lyonnet, mort lui-même archevêque d'Albi : les flevu*s 
d'une rhétorique bien fanée y alternent avec des assertions dépour- 
vues de toute critique; mais on est désarmé par l'évidente can- 
deur de l'auteur, qui d'ailleurs a eu communication des papiers 
de Fesch et qui reproduit uA certain nombre de pièces intéres- 
santes. (Me sera-t-il permis d'ajouter que Mgr Lyonnet, que j'ai 
entrevu dans ma petite enfance, a laissé à ses nombreux amis le 
souvenir d'un excellent homme, un peu naïf? Ses ambitions épis- 
copales, longtemps inassouvies, étaient sous Louis-Philippe la 
fable des habitants de Lyon). 

(3) La table du recueil de M. Boulay de la Meurthe est instruc- 
tive à cet égard. 

(4) L'abbé Lyojinet n'en affirme pas moins qu'il assistait À cette 
cérémonie en costume d*évéquê nommé, (Le cardinal Fesch, t. I, 
p. 401.) 



190 YAGÀNGE DU 8IÈ6E ARCHIÉPISCOPAL 

buer rarchevêché de Lyon, demeuré vacant, au jeune 
demi-frère de sa mère. Pour des raisons inconnues, cette 
nomination tardive ne fut point immédiatement divul- 
guée; le surlendemain, Émery adressait à son corres- 
pondant de prédilection ces lignes significatives : « Ce 
qui est très certain et que le public ignore encore, c'est 
que l'oncle maternel de Bonaparte, qu'on appelle Fech 
ou Felche, est nommé décidément à Lyon (1). » 

Le supérieur de Saint-Sulpice n'allait point tarder à 
savoir exactement le nom du nouvel archevêque de 
Lyon, ni à nouer d'intimes relations avec la personne 
même du prélat. Celui-ci eut la bonne pensée de se pré- 
parer à son sacre par une longue et sérieuse retraite, 
afin de méditer sur les devoirs qu'il avait méconnus et 
sur ceux qui allaient lui incomber : il s'enferma, il se 
cacha même pendant un mois dans une maison écartée 
du faubourg Saint- Jacques^ dont Émery fut à peu près 
seul à connaître l'existence et le chemin (2). Sous cette 
pieuse et pénétrante influence, il prit des résolutions 
qui ne se démentirent point : si les défauts de l'homme 
subsistèrent, souvent déplaisants ou ridicules, la vie du 
prêtre fut désormais irréprochable. 

Quant à un passé qui à distance nous semble sin- 
gulièrement embarrassant, il n'en fut pour ainsi dire 
point question, grâce à la profonde obscurité qui pour 
les Français enveloppait alors les choses de Corse, 
grâce aussi à la systématique et inépuisable indul- 
gence dont presque tout le monde usait en ce lende- 
main de bouleversement, à charge de réciprocité. On 



(1) A Bausset, 31 juillet 1802 : Papiers Emery. (Il est superflu de 
faire remarquer que cette lettre ruine la légende qui place au 
début du Consulat la conversion de Fesch et ses conférences avec 
Emery. [Lyonnet, le Cardinal Feuh, 1. 1, p. 80-04].) 

(2) Vie de M. Emery, t. Il, p. 74-75. 



J 



NOMINATION DU CARDINAL FESCH i91 

ignora positivement que Fesch, archidiacre d'Ajaccio, 
avait été à la Révolution vicaire épiscopal de l'évèque 
constitutionnel, et avait marqué dans la plus violente 
des factions qui se disputaient l'île natale. On oublia 
délibérément la série d'avatars dont l'historien de la 
famille napoléonienne a fait l'impitoyable énumération, 
« ses passages dans les administrations, son emploi 
d'inspecteur des charrois, ses séjours à Paris quand 
Bonaparte était général en chef de l'armée de l'intérieur, 
ses spéculations de genres divers en Italie, ses acquisi- 
tions de biens d'Église, ses brocantages de tableaux 
sacrés, cette fortune si rapidement gagnée que, en moins 
de trois années, il s'est trouvé le plus riche propriétaire 
terrien d'Ajaccio^ le possesseur, à Paris, d'un hôtel de 
fermiers généraux et d'une galerie réputée par toute 
l'Europe (1). » 

Solennellement sacré à Notre-Dame par le cardinal Ca- 
prara en cette fête de l'Assomption de 1802 qui préludait 
déjà aux Quinze Août impériaux (2), Fesch, malgré les 
exhortations de son neveu, attendit jusqu'en décembre 
pour se rendre à Lyon. Bientôt cardinal, ambassadeur 
à Rome, grand-aumônier de l'Empire, les prétextes, les 
raisons même ne lui avaient pas manqué pour se dis- 
penser du devoir strict de la résidence; mais de loin 
comme de près, avec plus de zèle que de discernement, 
il avait toujours pris souci des intérêts spirituels de ses 
diocésains. La confiance ou l'indifférence de Napoléon 
lui abandonnait aussi, en commun avec Madame Mère, 
le patronage de la parenté et de la clientèle corses. 

En effet, ce fils d'un mercenaire bâlois établi et marié 
à Ajaccio n'avait que le nom d'helvétique : son carac- 



(i) Frédéric Masson, Napoléon et ta famille, t. III, p. 205. 
(2) Paris sous Napoléon, t. III, p. 6-7. 



192 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

Jtère trahissait exclusivement l'hérédité maternelle el 
l'éducation insulaire. Sans parler de l'assurance im- 
perturbable au milieu des grandeurs les plus impré- 
vues, qui était un trait distinctif des Bonaparte, il avait 
la violence méridionale sans la souplesse italienne, 
l'entêtement montagnard, l'avidité à quémander des 
subsides sans l'art de se faire honneur de ses gros 
revenus (1). Rome entière s'était égayée de ses démêlés 
avec l'écrivain de génie et le très quinteux gentilhomme 
que Fontanes lui avait fait adjoindre comme secrétaire 
d'ambassade; une fois débarrassé de Chateaubriand, 
le diplomate improvisé s'était laissé aller à des scènes 
d'emportement avec le cardinal secrétaire d'État, 
presque môme avec le Saint-Père; certain jour, le per- 
sonnel subalterne du Quirinal avait eu la stupeur de 
surprendre sur les lèvres de ce prince de l'Église une 
-exclamation qui sentait son ancien commissaire aux 
vivres de l'armée d'Italie (2). 

Malgré ces graves défauts, l'attitude ecclésiastique de 
Fesch^ très correcte dès le début de son épiscopat, 
devint édifiante à son retour d'Italie^ au printemps de 
1806. Est-il vrai que parti gallican, ou plutôt indifférent 
en ces matières, il rapporta de Rome des idées ultramon- 
taines (3), et qu'il les exagéra pour complaire au fau- 
bourg Saint-Germain, qui lui prodiguait les flatteries par 

(1) Dans diverses pages du Napoléon et ta famille, M. Frédéric 
Masson a fait l'addition des énormes traitements et gratifications 
alloués à Fesch ; avec cela, une lettre curieuse à son grand-vicaire 
et homme de confiance Jauilret le montre dès le 15 décembre 
1805 talonné par ses créanciers. (Lyonnet, le Cardinal Fesch, t. Il, 
p. 319, note.) 

(2) Comme il remontait en voiture après une vive discussion 
avec Consalvi, et que son deeano di por liera lui demandait, sel 
l'usage, à quelle adresse il fallait le conduire, Fesch cria furieuj 

« A casa del diavolo ! » (Artaud, Vie de Pie VII, t. I, p. 486). 

(3) Frédéric Masson, Napoléon et sa famille, t. III, p. 363-364. 



r 



NOMINATION DU CARDINAL FESCH 193 



esprit d'opposition (1)? Sa très relative indépendance doit 
être plutôt attribuée à de sincères et personnels scrupules 
de conscience. Ce prélat, ce prince si vain de ses titres et 
dignités avait à l'occasion des accents de véritable humi- 
lité chrétienne (2). A Lyon, le jeudi saint de 1807, il fai- 
sait dîner à sa table les douze enfants pauvres auxquels 
il avait lavé les pieds dans sa cathédrale (3). A la fiti de 
1806, appelé à donner la consécration à trois nouveaux 
évoques, il se mettait pendant huit jours en retraite avec 
eux au séminaire d'Issy, ce qui, selon le témoignage auto- 
risé d'Émery, ne s'était, même avant la Révolution, 
« jamais vu » (4). Aux repas de cérémonie de l'hôtel de 
la Chaussée-d'Antin, même en présence d'invités laïques, 
on lirait au début un chapitre de l'Écriture et à la fin le 
Martyrologe (5). Quelques prélats courtisans, quelques 
cardinaux italiens, souriaient peut-être de cette ardeur 
de néophyte (6); mais le sentiment des bons prêtres se 
reflétait plutôt dans une appréciation toute confidentielle 
du supérieur de Saint-Sulpice : « Il gagne beaucoup à 
être connu. Il a vraiment l'esprit ecclésiastique; et je 
regarde comme un grand bonheur pour l'Église de France 
que l'empereur ayant un oncle dans le clergé, cet oncle se 
trouve rempli de zèle pour la religion et pour l'Église (7) . » 



(1) De Pradt, les Quatre Concordats^ t. II. p. 252. 

(2) Cf. une lettre (non datée) à Fom-nier, Tévôque de Montpel- 
lier : Lyonnbt, le Cardinal Feseh, t. I, p. xxxiii. 

(3) Ibidem, t. II, p. 77. 

(4) « Nous avons tous été touchés, émerveillés. » (A d'Aviau, 
44 décembre 1806 : Ibidem, t. II, p. 38.) 

(5) « Il y avait longtemps que ces saintes pratiques de l'ancien 
épiscopat étaient généralement tombées en désuétude. » (Ibidem). 

(6) « Les cardinaux et les évêques s'amusent beaucoup des lectures 
pieuses et des longues prières dont Son Altesse assaisonne les 
dîners auxquels Elle les invite. » (Bulletin de police du 18 juin 
1808 : AF. IV, 1503.) 

(7) Emery k Bausset, 27 septembre 1806 : Papiers Emery. 

IV. 13 



194 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

Le chapitre de Notre-Dame, extraordinairement assem- 
blé dès le lendemain de la signature du décret de nomi- 
nation, put donc manifester sans hypocrisie aucune « un 
grand sentiment de reconnaissance envers la divine Pro- 
vidence et envers Sa Majesté l'empereur et roi (1) ». Le 
mandement de carême des vicaires capitulaires, publié 
sur ces entrefaites, exprimait la même satisfaction en 
périodes un peu essoufflées, en y joignant de courageuses 
protestations d'attachement à l'unité catholique, que la 
politique italienne de Napoléon commençait à mettre en 
péril : « ... Vous rendrez avec nous des actions de grâces 
à Dieu, de ce qu'il nous destine pour premier pasteur un 
prince de l'Église que l'onction épiscopale a déjà revêtu 
de l'esprit de conseil et de force, de l'esprit d'intelligence 
et piété; qui a pris en main plus d'une fois, avec autant 
de zèle que de sagesse, la cause de la religion; dont le 
choix nous découvre toujours davantage les intentions 
religieuses de l'empereur^ et nous montre en même 
temps que Dieu ne cesse de veiller sur l'Église de France ; 
sur cette Église illustrée dans tous les siècles par la science 
et le zèle de ses pontifes, par la pureté de sa foi, et par 
son attachement inébranlable à l'unité catholique (2). » 

Dans leur séance du 1" février, les chanoines ne s'en 
tinrent point à des démonstrations de forme : « Le cha- 
pitre, » porte encore leur délibération, « se rendra en 
corps au palais de Son Altesse Éminentissime pour Lui 
porter l'hommage de ses félicitations et de son profond 
respect, et La supplier de vouloir bien prendre dès ce 
moment l'administration du diocèse (3). » Contrairement 
à ce qu'on pourrait induire des événements qui suivirent, 

(1) Délibération du 1" février 1809 : Documents inédiU, 

(2) Reproduction partielle dans le Journal de l'Empire du 12 fé- 
vrier 1809. 

(3) Documents inédits» 



I 



dT' 



NOMINATION DU CARDINAL FESCH 195 

Cette démarche ne fut point l'effet, même indirect, d'une 
suggestion gouvernementale; après la chute de l'Em- 
pire, d'Astros avait la loyauté de déclarer que lui et ses 
collègues du chapitre, croyant d'ailleurs ne point déro- 
ger aux lois canoniques (1)^ s'étaient uniquement ins- 
pirés en 1809 du désir de donner à Fesch une marque 
de déférence et de se conformer à un vieil usage de 
l'Église gallicane (2). 

En fait^ Fesch s'abstint constamment d'exercer cette 
administration diocésaine que les chanoines le priaient 
humblement de prendre en main. Pie VII semble bien 
s'être abusé en attribuant un peu plus tard sa réserve à 
des scrupules de conscience, et en l'opposant à l'ingé- 
rence anticanonique de Maury (3). Il est plus probable 
que le nouvel élu, très vain de sa double dignité de car- 
dinal et de membre de la famille impériale, craignit de 
la compromettre en agissant comme le mandataire des 
chanoines, l'égal des vicaires capitulaires. Une négocia- 
tion devait s'engager, en août 1810, pour déterminer au 
moins ces derniers à démissionner, de façon à ce que 
le cardinal fût seul à posséder des pouvoirs; elle échoua 
par le refus de d'Astros, qui avait été amené à étudier 



. (1) « Il ne s'était encore élevé aucun doute sur la canonicité 
d'une pareille mesure. » (Mémoire manuscrit de d'Astros : Caus- 
8ETTE, Vie du cardinal d'Astros, pièces just., p. xliii.) 

(2) « ... Quœ quidem absque uUo gubernii impulsu gessimus, 
de virtute et integritate supra laudati Cardinalis bene confi- 
dentes, et consuetudinem capitulorum Gallifle sequi arbitrantes, 
quœ, ut aiebant, hune honorem Episcopis nominatis jam a longo 
tempore déferre solebant. » (D'Astros à Pie Vil, 23 novembre 
1811 : Ibidem, p. lviii; dans une réponse faite au nom du pape, 
le 9 mars 1815^ le P. Fontana blâma expressément ce vote du 
chapitre [Ibidem, p. xlvii-xlviii].) 

. (3) Bref à Maury, 5 novembre 1810 : De Pradt, les Quatre Con- 
cordats, t. II, p. 361. 



496 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

de plus près le problème canonique, et dont le sentiment 
intime s'était modifié (1). 

Mais Fesch eut un autre motif encore de ne point 
s'immiscer dans l'administration du diocèse de Paris. 
Lors de la distribution de couronnes royales et grand- 
ducales qui suivit le triomphe d'Austerlitz, Napoléon 
avait voulu assurer à son oncle au moins l'expectative 
d'une principauté temporelle : il avait négocié pour lui 
la coadjutorerie de Dalberg, cet étrange prélat franc- 
maçon, ancien coadjuteur lui-même de l'archevêque de 
Mayence, devenu primat de la confédération du Rhin^ 
souverain de Ratisbonne, AschafFenbourg, Wetzlar et 
Francfort (2). En ratifiant cet accord et en instituant 
Fesch coadjuteur de Dalberg, le Saint-Siège avait eu 
l'insigne faiblesse de l'autoriser à cumuler éventuelle- 
ment la primatie et l'évêché de Ratisbonne avec son 
archevêché de Lyon (3). Fort de cette concession, le 
cardinal conçut en 1809 une bien autre ambition : soit 
qu'il fût hanté par le souvenir de ces Habsbourg et de 
ces Wittelsbach qui réunissaient plusieurs mitres sur 
leur tête, soit que dans ses courts séjours sur les bords 
de la Saône, il eût pris au sérieux le titre archaïque de 
primat des Gaules et l'aphorisme cher à la vanité lyon- 



(1) Cf. la lettre précitée de d'Astros à Pie VII (Caussette, 
p. Lviii-Lix), et un rapport d'ensemble de Savary à Napoléon 
sur les agissements de d'Astros, non daté, mais postérieur aux 
scènes de janvier 1811 (AF. IV, 1048) : où le ministre de la 
police doit se tromper, c'est quand il prétend que cette démission 
des vicaires capitulaires avait été suggérée par l'abbé Emery, 
désireux d'assurer la réalisation des volontés impériales; sans 
parler des objections tirées du caractère d'Emery, celui-ci était 
alors en disgrâce. 

(2) GoYAU, l'Allemagne religieute, le Catholicisme, t. I, p. 104 
et suiv. 

(3) Bulle du 21 octobre 1806 : Lyonnbt, le Cardinal Fesch, t. II, 
p. 30. 



NOMINATION DU CARDINAL FESCH 197 

naise, Lugdunum prima sedes Galliarum, il déclara quHl 
lui était impossible de descendre du siège de Lyon, et 
qu'il lui fallait le cumuler avec celui de Paris comme 
avec la coadjutorerie de Ratisbonne. Son conseiller spi- 
rituel, l'abbé Émery, après avoir cherché en vain à le dé- 
tourner d'une idée aussi malencontreuse, lui en imputait 
toute la responsabilité : « Il s'aheurte à vouloir garder 
l'archevêché de Lyon. Ce serait le premier exemple 
donné en France de la pluralité des évêchés depuis le 
concile de Trente... C'est lui qui veut cette pluralité, ce 
n'est pas l'empereur (1). » 

Napoléon admit en principe la prétention de son 
oncle; il en fit peut-être officiellement part à la cour de 
Rome (2) : mais les rapports étaient déjà trop tendus 
alors pour que des bulles fussent expédiées ou accep- 
tées. Fesch ne s'obstina que plus âprement dans son rêve, 
quand l'année suivante les remaniements territoriaux 
de l'Allemagne lui firent perdre la qualité de coadjuteur 
de Dalberg (3). A l'automne de 1810 encore, pressé par 
Bigot de Préameneu de faire acte d'archevêque de Paris, 

(1) A Bausset, février 1809 : Vie de M. Emery, t. II, p. 286. (Emery 
ajoutait que les évoques blâmaient cette prétention, mais n'osaient 
pas faire part de leur sentiment au cardinal.) 

(2) La minute de la lettre impériale de présentation de Fesch 
au pape, datée seulement du 24 mars 1809, contient une phrase 
entre crochets, dont on ne peut savoir si elle a été maintenue 
dans l'original envoyé à Rome : « Nous n'avons pas voulu nous 
opposer à ses bonnes intentions, et ne mettons aucun empêche- 
ment à ce qu'il retienne l'archevêché de Lyon en même temps 
qu'il serait archevêque-administrateur de Paris. » Une note jointe 
énunaérait quelques exemples actuels ou récents : le cardinal de 
Bourbon était archevêque à la fois de Tolède et de Séville ; Dal- 
berg, évêque de Ratisbonne et de Constance ; dans le passé, l'ar- 
chiduc Maximilien avait cumulé l'archevêché de Cologne et 
l'évêché de Munster; Bernis, l'archevêché d'Albiet l'évêché subur- 
bicaire d'Albano (AF. IV, plaq. 2697). 

(3) Traité du 16 février 1810 : Frédéric Masson, Napoléon et sa 
famille, t. VI, p. 229-230. 



iÔ8 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

il donnait à entendre qu'il s'y résignerait sans trop de 
contrainte^ pourvu qu'on réservât expressément ses 
droits à demeurer nanti du siège de Lyon (4). 

Cet état d'esprit suffit à expliquer comment Fesch ne 
voulut pas exercer l'administration parisienne, tant 
qu'une décision du pape ou tout au moins de l'empe- 
reur ne lui garantissait point expressément la conserva- 
tion du siège de Lyon : il craignait que tout acte d'ad- 
ministration à Paris ne fût interprété comme un abandon 
de la qualité d'archevêque de Lyon. De leur côté, les 
chanoines, sans retirer leur délibération, tinrent à mar- 
quer que du moment où le cardinal n'en avait point usé, 
c'étaient eux et leurs délégués qui continuaient à être 
en possession des pouvoirs. C'est ainsi qu'à l'approche 
de la fête anniversaire du sacre et d'Austerlitz, le cha- 
pitre décida d'envoyer une députation à Fesch pour 
r « inviter » à entonner le Te Deum. D'Astros, chargé de 
porter la parole, tout en prodiguant les formules de res- 
pect (2), marqua bien le caractère de pure courtoisie de 
la démarche qu'il accomplissait; il prit soin d'ailleurs 
de communiquer aux journaux une note conçue dans le 
même sens (S). Napoléon irrité parla de l'exiler : d'As- 
tros para le coup en alléguant que le cardinal étant en 
même temps grand-aumônier, le chapitre avait craint 
qu'il ne parût officier de plein droit à Notre-Dame en 
cette qualité (4) : les prétentions respectives de la grande- 

(1) Fesch à Bigot de Préameneu, 30 août et 4 septembre 1810 : 
d'Haussonville, l'Eglise romaine et le Premier Empire, t. III, 
p. 433-435. 

(2) « En nous accordant cette faveur, Votre Altesse adoucira le 
veuvage d'une Eglise dont Elle sera un jour le pasteur, et Elle 
ajoutera à la pompe de la cérémonie par l'éclat de ses dignités 
et de ses vertus. » (Lyonnet, le Cardinal Fesch, t. II, p. 172.) 

(3) Journal de V Empire, 3 décembre 1809. / 

(4) Mémoire manuscrit de d'Astros : Gaussette, Vie du cardinal 
d'Àstros, p. XLiii-xLiv. 



r^' 



RESTAURATION DO PALAIS ARCHIÉPISCOPAL 499 

aumônerie et de rarchevéché de Paris faisaient en effet 
l'objet d'une contestation séculaire, qui devait se renou- 
veler sous la Restauration. De même, quand le 16 juin 
1810 Fesch donna les ordres à Saint-Sulpice, il fut bien 
spécifié qu'il agissait à la demande des vicaires capitu- 
laires, et non comme archevêque de Paris (1). 



III 



Si le cardinal attendait l'institution pontificale pour 
exercer à Paris ses pouvoirs spirituels, le décret impé- 
rial lui paraissait suffisant pour faire socialement et 
mondainement figure d'archevêque, surtout pour for- 
muler des sollicitations pécuniaires qui ressemblaient à 
des exigences. Nommé le 31 janvier 1809, il adressait à 
Napoléon, dès le 11 février, cette lettre toute bouffie de 
naïve vanité : « L'archevêque de Paris a besoin d'être 
environné d'une grande considération et de la représen- 
tation qui en impose aux grands et aux petits. L'humi- 
liation n'est pas l'humilité. Le clergé et les fidèles de la 
capitale n'ont applaudi à ma nomination que dans l'es- 
pérance de voir le siège de Paris se relever de l'état 
d'humiliation où le réduisirent feu M. Portails et le 
caractère faible de feu M. l'archevêque... Sire, que je 
.devienne l'archevêque de Paris, mais que je le sois avec 
dignité. Il faut que je sois votre oncle, si vous voulez 
que je me rende utile (2). » 

(1) Son attitude fit d'ailleurs Tcdification du public, au moins 
celle des journalistes : « La dignité et le recueillement avec les- 
quels ce prélat officie ajoutaient à Timpression de cette céré- 
monie, si imposante par elle-même. » {Journal de l'Empire, 
21 juin 1810.) 

(2) Frédéric Masson, Napoléon et sa famille, t. IV, p. 420-421. 



L- 



200 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

L'empereur n'avait point attendu cette invitation, 
hautaine sans dignité, pour prendre des mesures en fa- 
veur de son oncle, qui cumulait déjà de très gros traite- 
ments ou pensions. Le 7 février, un décret avait prescrit 
au ministre de la police, par une affectation bizarre, de 
verser à son collègue des cultes plus de 600,000 francs (i) 
sur le reliquat de son budget de 1808. Une lettre du 
même jour indiquait à Bigot de Préameneu que cette 
somme devait servir t partie au rétablissement de l'ar- 
chevêché de Paris » et partie à diverses dépenses ordon- 
nées au cours du récent voyage dans le sud-ouest (2). 
Le 10, nouvelle lettre, pour exprimer au ministre des 
cultes le désir que la somme afférente à l'archevêché 
soit de 400,000 francs, « et qu'on y travaille le plus tôt 
possible (3). » 

Ceci ne faisait qu'à demi le compte de Fesch. En mars 
1800, quand il n'était encore qu'un avisé et heureux 
spéculateur, fort éloigné de toute velléité d'endosser à 
nouveau la soutane jetée aux orties, il avait fait l'acqui- 
sition, au coin des rues Saint-Lazare et du Mont-Blanc 
(Ghaussée-d'Antin), de la maison Hocquart (4). D'emblée, 
il s'était fort attaché à ce logis de financiers d'ancien 
régime; la maison du citoyen Fesch, remaniée sur les 
plans de son propriétaire, qui avait des prétentions d'ar- 
chitecte, était devenue l'hôtel du cardinal-archevêque 
de Lyon, puis le palais de Son Altesse Éminentissimie. 
Après sa nomination d'archevêque de Paris, Fesch, mis 
au courant des généreuses intentions de son neveu, sug- 
géra que le mieux serait d'appliquer les 400,000 francs 

(1) Exactement 641, 227 fr. 28. (F. 19, 319.) 

(2) Ibidem (inédite.) 

(3) Lettres inédites^ éd. Bretonne, 410. 

(4) Frédéric Masson, Napoléon et sa famille, t. II, p. 3. 



J 



r 



RESTAURATION DU PALAIS ARCHIÉPISCOPAL 201 

à l'embellissement de cet hôtel de la rue du Mont-Blanc, 
qui deviendrait ainsi une magnifique résidence (1). 

Mais Napoléon avait toujours été choqué que son 
oncle, une fois redevenu d'Église, conservât son domi- 
cile dans la région la plus mondaine du Paris d'alors. 
£n vain Fesch protestait-il que s'il demeurait dans ce 
centré peu dévot, c'était « pour y ranimer par de bons 
exemples le feu sacré de la religion (2) » ; sans être dupe 
de ces propos édifiants, l'empereur reprenait sèche- 
ment : « La Ghaussée-d'Antin n'est pas un quartier 
convenable pour un cardinal. » Quelques jours après 
l'avoir nommé à Paris, il affecta d'aller demander Fesch 
à l'archevêché, et sur la nouvelle, à quoi il devait s^at- 
tendre, que Son Altesse était toujours domiciliée rue du 
Mont-Blanc, il dit très-haut, d'un ton de mauvaise 
humeur : t Quand j'ai besoin de l'archevêque de Paris, 
je veux le trouver sous les tours de Notre-Dame (3). » 

Le cardinal n'avait qu'à s'incliner : il insista du moins 
pour que l'habitation de l'île de la Cité fût rendue digne 
de lui. Converti pendant la Terreur en hôpital pour les 
détenus malades (4), l'archevêché n'avait été l'objet en 
1802 que d'une remise en état sommaire : on s'était 
contenté de faire disparaître ce qui avait par trop con- 
servé l'appareil d'une prison, et d'élever d'ailleurs un 
mur de séparation pour isoler les parties retranchées 
au profit de l'Hôtel-Dieu contigu (5). Mais il n'avait point 
été exécuté de sérieux travaux de restauration, et le 

(1) Frédéric Misson, Napoléon et sa famille, t. IV, p. 421. 
(â) Lettre du 14 août 1807 : Du Casse, Histoire des négociations 
diplomatiques, t. I, p. 134-140. 

(3) Artaud, Vie de Pie VU, t. II, p. 287, note. 

(4) Cf. Léon Lb Grand, VHospice national du tribunal révolution' 
natre (Extrait de la Revue des questions historiques, juillet 1890). 

(5) Camus, Rapport sur les hospices, p. 34. 



208 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

cardiDal de Belloy, très simple dans ses goûts, très 
éloigné de toute espèce de représentation, n'avait rien 
sollicité dans cet ordre d'idées. Aussi, au dire de Poyet, 
qui à la vérité était ici orfèvre, c'est-à-dire architecte, 
mais dont le témoignage ne peut être négligé, en 1809 
c ce palais était dans un état de ruine tellement dange- 
reux que si Ton eût retardé d'y mettre les ouvriers, il 
serait arrivé des malheurs (i) » . 

D'importantes réparations s'imposaient donc. Mais 
Fesch, Altesse et membre de la famille impériale, ne pou- 
vait se contenter de ce qui avait suffi comme installation 
aux archevêques du dix-huitième siècle, ducs de Saint- 
Cloud, titulaires de nombreux et opulents bénéfices. Il 
exigea surtout des dépendances en rapport avec son train 
de maison et avec le confort moderne. « Le prince, > 
écrivait l'architecte avec un mélange d'admiration et 
d'inquiétude, « le prince désire des écuries pour 40 che- 
vaux, 14 remises, une sellerie, une cour à fumier, 
2 escaliers, un logement de portier, 26 chambres de 
domestiques, des latrines, un puits, une auge et une cour 
pavée (2). » Pour édifier ces communs grandioses,.on dut 
acheter et démolir plusieurs maisons voisines. Bientôt 
l'Altesse Éminentissime prit l'habitude d'adresser direc- 
tement aux entrepreneurs des commandes de travaux. 
L'architecte se serait gardé de protester, s'il n'avait point 
été comptable en dernière analyse envers un maître qui 
ne tolérait guère les dépassements des crédits; en faisant 
au ministre des cultes la longue énumération des exi- 
gences de Fesch^. il concluait d'un ton consterné : « Vous 
voyez, Monseigneur, que s'il fallait faire tout ce que Mon- 
seigneur le cardinal ordonne, la dépense doublerait (3). > 

(1) A Bigot de Préameneu, 29 mars 1809 : F. 19, 318. 

(2) Ibidem, 

(3) 9 mai 1809 : Ibidem, 



RESTAURATION DU PALAIS ARCHIÉPISCOPAL 203 

D'autant qu'induits en tentation par les allures fas- 
tueuses du prélat, les entrepreneurs ne se privaient 
point de majorer scandaleusement leurs mémoires (1). 
Mais aux timides observations de Bigot de Préameneu, 
Fesch ripostait avec la superbe assurance d'un homme 
dont la dignité hiérarchique passait de beaucoup celle 
des ministres^ et qui faisait d'ailleurs une concession 
en s'exilant de la Chaussée-d'Antin : t Pour moi^ je 
déclare que le séjour de l'archevêché n'est pas assez 
agréable pour moi pour que je m'y rende sans qu'on me 
procure une habitation convenable, décente et pourvue 
de commodités indispensables (2). » 

Si l'empereur tarda près d'un an à endiguer ce flot de 
dépenses, c'est que l'idée le hantait déjà d'installer au 
palais archiépiscopal de Paris un hôte plus que princier. 
En septembre 1809, à Schœnbrun^ il ne parlait encore que 
d'établir le pape « aux environs » de la capitale (3) ; au 
printemps suivant, en développant son plan à Metternich, 
il rappelait avec autant de complaisance que d'exa- 
gération « plusieurs millions consacrés à l'agrandisse- 
ment, à l'embellissement, à l'ameublement du palais 
archiépiscopal (4) » . Mais quand la venue de Pie VII fut 
différée, quand avec cela il devint probable que Fesch, 
obstiné à ne pas abdiquer le siège de Lyon, renoncerait 
plutôt à Paris, une note sèche et brève coupa court aux 



(4) C*est une suggestive histoire que celle de certain vidangeur 
dont le mémoire dut être réduit de quatorze cent soixante-seize 
(i ,476) francs à cent vingt-sept {i21)\ Poyet écrivait gravement à ce 
sujet : « Vous pouvez être- persuadé. Monseigneur, que d'après 
une telle entreprise, je n'emploierai jamais un vidangeur aussi 
infidèle. » (A Bigot de Préameneu, 15 juin 1809 : Ibidem.) 

(2) 9 mai 1809 : Ibidem. 

(3) A Fouché, 15 septembre 1809 : Correspondance, 15820. 

(4) Note pour Metternich (1810) : Metternich, Mémoires, t. II, 
p. 341. 



204 YACANGE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

plans de restauration grandiose (1). Les travaux pour- 
tant n'étaient ni finis, ni surtout payés : la question 
devait se présenter à nouveau pendant l'administration 
de Maury. 



IV 



Le doyen des vicaires capitulaires, Lejeas, fut, par le 
crédit sans doute de son neveu Maret, pourvu le 9 février 
1809 de l'évêché de Liège, vacant par la mort du titulaire. 
Pour lui comme pour Fesch, comme pour tous les 
évoques nommés à cette époque, l'institution canonique 
fut différée par le refus ou la teneur insolite des bulles. Le 
gouvernement ne tenait point d'ailleurs à ce que Lejeas 
quittât précipitamment Paris^ où, en qualité d'official 
métropolitain, il s'employa à la dissolution du mariage 
religieux avec Joséphine. Mais ce service une fois rendu, 
il reçut comme les autres évêques nommés la circulaire 
ministérielle (2) qui l'invitait à se rendre dans sa ville 
épiscopale et à se faire donner par le chapitre des pou- 
voirs d'administration. A Liège, où Ton n'avait jamais 
été gallican, où les sympathies ultramontaines se dou- 
blaient de persistantes préventions contre la domination 
française, la docilité du chapitre n'était rien moins 
qu'assurée. Prudent et modéré de sa nature, Lejeas prit 
la précaution, avant de se mettre en route, de sonder les 
dispositions des chanoines ; il en reçut une lettre ouver- 



(1) « ... Elle (Sa Majesté) ne juge pas convenable qu'on fasse à 
rarchevéché de nouvelles constructions qui ne sont pas d'une 
nécessité absolue. » (Maret à Bigot de Préameneu [autographe, et 
sans doute dictée], i2 juin 1810 : F. 19, 319.) 

(2) 3 août 1810. 



ADMINISTRATION DES VICAIRES CAPITULAIRES 205 

tement négative, et la transmit au ministre des cultes en 
s'excusant de surseoir : « D'après le contenu en cette 
réponse, vous concevez que je ne puis df^cemment me 
présenter à Liège, que je n'y jouirais d'aucune considé- 
ration, que je n'y serais absolument rien, que je n'y pour- 
rais pas même dire la messe sans une autorisation des 
vicaires généraux. Et si Votre Excellence allait prendre 
des mesures de rigueur qui par hasard les déterminas- 
sent à céder, je ne passerais dans l'esprit du peuple que 
je suis appelé à édifler et à conduire que pour un intrus; 
je serais montré au doigt, méprisé, personne ne m'obéi- 
rait, et les vues de Sa Majesté ne seraient aucunement 
remplies (1). » Mais les volontés impériales ne souffraient 
ni exception ni délai : le pauvre Lejeas dut se résigner à 
donner sa double démission de vicaire capitulaire et 
d'offîcial (2), et à s'acheminer vers les rives de la Meuse. 
Le premier contact avec ses futurs diocésains fut moins 
épineux qu'on n'aurait pu le craindre : en mandant cette 
bonne nouvelle à Bigot de Préameneu, l'évéque nommé 
de Liège lui faisait sa cour aux dépens de Savary et sur- 
tout de son confrère de Pradt, qui pour consolider son 
autorité spirituelle en Brabant l'étayait du concours de 
la gendarmerie : « Votre caractère, Monseigneur, et 
le mien répugnent aux moyens de sévérité : je serais 
très fâché qu'on en usât dans mon diocèse comme dans 
celui de Malines (3). * 

Avant môme la nomination épiscopale de Lejeas, la 
prééminence de fait, parmi les vicaires capitulaires, 
appartenait au vice-doyen, d'Astros. Malgré sa jeunesse 
relative, l'ascendant de ses qualités morales et intellec- 

(1) 4 septembre 1810 : F. 19, 1472. 

(2) Cette double démission fut domiée par lui de vive voix à la 
séance du chapitre du 16 octobre. 

(3) 31 octobre 1810 : F. 19, 1172. 



206 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

tuelles, celui aussi de sa parenté avec la famille Portalis, 
s'imposait à ses collègues. C'est lui qui, dès la fin de 
1808, rédigeait à propos de la campagne impériale en 
Espagne un mandement très hardi pour Tépoque, où 
réloge de la gloire militaire n'était qu'une transition 
pour célébrer les bienfaits de la paix (1). C'est lui aussi 
qui était le plus souvent chargé de correspondre avec les 
autorités civiles (2). 

Les vicaires capitulaires n'eurent point à intervenir 
dans la création de la Faculté de théologie, fondée en 
4809 et presque entièrement composée d'anciens pro- 
fesseurs ou docteurs de Sorbonne (3). Ils n'eurent pas 
davantage à s'occuper, en tant qu'autorité collective, de 
la dissolution du mariage avec Joséphine. Ce sont les 
deux officialités, diocésaine et métropolitaine, qui bien 
à contre-cœur eurent à connaître de cette affaire, après 
que le comité ecclésiastique, composé de prélats courti- 
sans (4), eût décidé, contrairement à l'usage suivi pour 
les mariages des souverains, que le Saint-Siège n'était 
point nécessairement compétent. Chargé tout d'abord 
de former le dossier du procès canonique et de styler 
les juges, Cambacérès effaroucha ces derniers par la 
forme cassante qu'il donna à ses arguments; il en eut 
conscience, et se substitua un avocat spécialiste, Guieu, 

(1) « Nous avons assez vu d'exploits admirables; nous ayons 
assez entendu raconter d'étonnants triomphes. Demandons au 
Seigneur qu'il nous rende la paix, source de tous les biens. » 
(Gaussette, Vie du cardinal d'Aiiros^ p. 115-116.) 

(2) Cf. sa lettre du 3 mai 1810 à Bigot de Préameneu, pour 
obtenir rétablissement d*armoires destinées à. mettre en sûreté 
les insignes impériaux et les ornements donnés par Napoléon à la 
métropole. (F. 19, 318.) 

(3) Le doyen était l'abbé Drèche ; le chanoine Raillon, que nous 
retrouverons, était suppléant à la chaire d'éloquence sacrée. 

(4) Fesch et Emery s'abstinrent de signer la décision. 



ADMINISTRATION DES VICAIRES CAPITULAIRES 207 

secrétaire des commandements de Madame Mère. Il eût 
fallu plus que de l'héroïsme pour refuser l'annulation : 
mais les deux degrés de juridiction n'admirent point tes 
mêmes motifs. L'ofïicial diocésain fonda sa sentence sur 
le défaut de formes régulières; Lejeas au contraire, à 
l'instigation de Maret, admit que le consentement, de 
Napoléon n'avait pas été pleinement libre. L'allégation 
avait de quoi surprendre^ à propos du plus omnipotent 
et du plus impérieux des autocrates; mais Napoléon et 
ses mandataires tenaient tout particulièrement à ce qu'elle 
fût admise (1). — Le rôle officiel des vicaires capitu- 
laires fut aussi effacé dans le mariage religieux avec 
Marie-Louise, célébré au Louvre par le grand-aumônier. 
C'étaient eux au contraire qui, lors des cérémonies de 
Notre-Dame, recevaient les princes au bas de l'Église, 
invitaient le prélat chargé d^entonner le Te Deum, choi- 
sissaient même, d'accord avec le ministre des cultes, les 
prédicateurs pour les deux solennités du 15 août et du 
premier dimanche de décembre. Ces discours, pro- 
noncés devant la cour et les autorités, consacrés à un 
sujet plus politique que religieux, attiraient nécessaire- 
ment l'attention sur les orateurs. Si Boulogne, l'évoque 
de Troyes, devint suspect à cause du langage tenu à 
Notre-Dame en décembre d809, pour d'autres cette dési- 
gnation ouvrit l'accès des honneurs ecclésiastiques. De 
Pradt, bien revenu de son prudent silence à la Consti- 
tuante, de Pradt, à qui sa faconde de causeur suggérait 
des prétentions oratoires, après s'être fait entendre à 
Saint-Roch le vendredi saint de 1809 (2), conçut l'am- 



(1) Cf. b'Haussonvillb, VEglise romaine et le Premier Empire, 
t m, p. 227-246; Frédéric Masson, Joiéphine répudiée, p. 85-93; 
Ltonnbt, le Cardinal Feseh, t. II, p. 739-753 (note du promoteur 
diocésain Rudemare). 

(2) Voici en quels termes un policier, peut-être ancien prédica- 



208 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

bition, légitime après tout, d'être chargé d'une harangue 
d'apparat à la métropole. Mais comme il était aussi 
dépourvu de tact que de modestie, il alla prendre Savary, 
le ministre de la police, pour intermédiaire de sa requête 
et pour confident de ses peu flatteuses appréciations sur 
les prédicateurs désignés jusque-là : t Je connais tous 
les discours prononcés à Notre-Dame depuis l'établisse- 
ment de ces solennités; il n'y en a pas un qui ne fasse 
rougir pour l'auteur et souffrir pour les spectateurs. » 
A cette condamnation collective, s'opposait Téloge aussi 
péremptoire du langage que lui-même, dans la cathé- 
drale d'Anvers, avait tenu au cours d'une cérémonie 
analogue : e J'ai du moins la certitude d'avoir présenté 
l'empereur sous des couleurs qu'on n'a pas encore 
employées, et d'avoir dit tout ce que l'on n'a pas dit, 
sans avoir rien dit de ce que l'on a dit... (1). » 

En 4809, l'édification de la Bourse sur l'emplacement 
des Filles Saint-Thomas entraîna la définitive réunion 
des deux sucursales des Filles Saint-Thomas et des 
Petits-Pères et leur installation dans l'ancienne église 
des Petits-Pères, sous le vocable de Notre-Dame-des-Vic- 
toires. Les commerçants du quartier voulurent contri- 
buer aux travaux de restauration et d'ornementation (2). 

Appelés à nommer quelques curés, les vicaires capi- 
tulaires firent de très bons choix (3). Un seul ancien 



teur lui aussi, analysait les impressions de Tauditoire : « On con- 
vient que. la première partie, Tinstruction du procès, est faite 
avec habileté ; mais celle qui traite du supplice n'a pas paru assez 
pathétique. «(Bulletin de police du 31 mars 1809 : AF. IV, 1505.) 

(1) A Savary, 46 octobre 1810 : F. 7, 6534. La lettre serait à 
citer tout entière, car elle est un mémorable exemple des niaise- 
ries où la fatuité peut entraîner un homme d'esprit. 

(2) Journal de VEmpire, 30 octobre 1810. 

(3) Renseignements communiqués par M. le chanoine Pisani. 



ADMINISTRATION DES VICAIRES CAPITULAIRES 209 

constitutionnel, rétracté d'ailleurs dès le début du Direc- 
toire, Lachy, fut appelé à Saint-Médard. A Saint- Vin- 
cent-de-Paul, on plaça un prc^tre à qui son zèle avait 
coûté la liberté pendant la Terreur, Grignon; à Saint- 
Jacques du Haut-Pas, un ancien premier vicaire de la 
Madeleine avant la Révolution, Lelégard, qui avait 
émigré à Jersey; à Saint-Nicolas-du-Chardonnet enfin, 
une des plus curieuses et des plus attachantes figures 
du clergé de ce temps, Philibert de Bruillard (1). 

Sa naissance même était remarquable, sans avoir 
malheureusement rien de très original, car il était un 
des nombreux bâtards du roi Louis XV. Élevé soigneu- 
sement aux frais de ce prince, il n'eût tenu qu'à lui de 
mener l'existence facile d'un abbé bénéficier, mais il pré- 
féra s'associer à ses maîtres deSaint-Sulpice. Il demeura 
à Paris pendant la Révolution, ne cessa jamais d'exercer 
le ministère ecclésiastique, et fut un des sept aumô- 
niers de Véchafaud qui au plus fort de la Terreur, sous 
des déguisements variés, se mêlaient à tour de rôle (2) 
à la foule qui suivait les charrettes et guettaient un 
regard des condamnés pour leur envoyer une furtive 
absolution. Depuis le rétablissement du culte, il s'était 
occupé des catéchismes de Saint-Sulpice^ et avait assisté 
le P. Delpuits dans la direction de la naissante Congré- 
gation. Plus tard, Quelen le transféra à la cure de Saint- 
Étienne-du-Mont, et Charles X à Févêché de Grenoble, 
qu'il occupa plus d'un quart de siècle. Ce flls du Bien- 
Aimé vécut dans les pratiques de mortification, et 
institua le pèlerinage de pénitence de la Salette; il bénit 
en 1848 un arbre de la Liberté, fit les honneurs de sa 
cathédrale à Napoléon III, et termina à quatre-vingt- 

(i) Il signait parfois Bruyarre. 

(2) Le jour de service de Bruillard était le mercredi. 

IV. 14 



I 

i 



210 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

quinze ans une carrière aussi e'difiante que fertile en 
contrastes. 



Quelques mois avant la mort du cardinal de Beiloy, 
un corps d'occupation française avait envahi le ter- 
ritoire pontifical et pris possession de la ville même 
de Rome, malgré les protestations du Saint-Siège : 
dénouement brutal d'une querelle qui remontait sinon 
au lendemain du sacre, du moins à l'époque de la 
campagne d'Austerlitz. Ce n'est point un pur paradoxe 
que cette boutade d'un historien moderne^ qu'il n'y a 
pas eu sous l'Empire de question religieuse, mais une 
question romaine et une question impériale (4). La 
vérité^ souvent ignorée ou méconnue, est que les 
causes premières du conflit ne furent point d'ordre 
religieux, comme sous Louis XIV : le fonctionnement 
du Concordat donnait en somme toute satisfaction à 
Napoléon; ce sont ses prétentions à l'hégémonie de 
l'Europe occidentale, à la suzeraineté de l'Italie en 
particulier, qui se heurtèrent au très légitime désir 
du pape de rester indépendant et neutre. Mais Pie VII 
ayant fait appel aux armes spirituelles pour défendre 
une souveraineté fondée dans un intérêt religieux, et*un 
certain nombre de catholiques français ayant témoigné 
leurs sympathies pour lui, le conflit se trouva tout natu- 
rellement transporté sur le plus dangereux des terrains; 
c'est bien une guerre religieuse qui s'engagea, renou- 
velée à certains égards des querelles des investitures et 

(1) Frédéric Masson, Jadis, t. II, p. 117. 



DÉBUTS DE L'OPPOSITION RELIGIEUSE 244 

du gallicanisme, et où Napoléon reprit dans une cer- 
taine mesure le langage et les procédés des empereurs 
Hohenstaufen et des rois capétiens. 

L'attitude politique du clergé avait toujours été étroi- 
tement surveillée. Dans l'été de 1808, l'inquisition devint 
plus stricte et plus soupçonneuse encore. Le clergé de 
Notre-Dame de Bonne-Nouvelle eut la malchance d'être 
tout spécialement dénoncé; un prédicateur de première 
communion, l'abbé Marchaix, dans un sermon sur le 
service de Dieu, avait enseigné qu'on ne devait point 
aux grands de ce monde une obéissance illimitée; un 
peu plus tard, le curé de Gagny, prêchant sur le culte 
du Sacré-Cœur, avait incidemment parlé de la diffusion 
de cette dévotion dans la péninsule hispanique, preuve 
évidente de « mauvais esprit » à l'heure où Espagnols 
et Portugais commençaient à regimber contre le joug 
français (1). Bien loin de dédaigner ces inepties, l'em- 
pereur, qui poursuivait son voyage triomphal dans le 
midi de la France, prit la peine d'écrire de Toulouse à 
son ministre des cultes : « Monsieur Bigot-Préameneu, 
le sieur Marchaix, prédicateur de l'église Bonne-Nou- 
velle, et le sieur Gagny, curé idem, ont de mauvais prin- 
cipes. Faites vérifier les faits et interdisez ces deux indi- 
vidus (2). > L'enquête ministérielle fut sans doute 
favorable, car il ne reste pas trace de Vinterdiclion 
laïque éventuellement prescrite par Napoléon. 

Le séjour à Rome des troupes françaises, qui respec- 
taient l'écusson et le drapeau pontifical, pouvait à la 
rigueur être présenté comme une mesure transitoire, 
destinée à prévenir un débarquement des Anglais. Mais 

(1) Bulletins de police des 28 juin et 23 juillet 1808 : AF. IV, 
1503. 

(2) 27 juillet 1808 : Lettres inédites, éd. Brotonne, 329. 



1 



ai2 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

le décret du 17 mai 1809, révoquant la donation de 
Pépin le Bref et prononçant la réunion à l'Empire des 
États pontificaux, était naturellement et officiellement 
appelé à la publicité. A la proclamation de ce décret à 
Rome (10 juin) répondit la bulle d'exconununication, 
qui en dépit de l'ingéniosité policière devait fatalement 
être connue à Paris. Enfin, Fenlèvement du pape, opéré 
dans la matinée du 5 juillet par des subalternes trop 
zélés^ qui devancèrent les ordres impériaux, était impos- 
sible à tenir tout à fait secret. 

Avant même de savoir que Pie VII avait été violem- 
ment arraché du Quirinal, le prudent et modéré Émery 
exprimait à mots couverts l'émotion qui régnait dans les 
milieux ecclésiastiques : < Vous imaginez facilement 
combien de nouvelles doivent courir dans Paris, et avec 
quelle circonspection on doit les croire; mais surTévé- 
nement qui donne lieu à toutes les nouvelles, le senti- 
ment est unanime (1). » Les moins troublés n'étaient pas 
les membres de la chapelle impériale, les ecclésiastiques 
attachés à la grande-aumônerie : désireux de grouper 
sous sa direction des sujets d'avenir, Fesch avait eu le 
bon esprit et l'indépendance de s'adresser aux sulpiciens, 
qui lui avaient désigné une élite de jeunes prêtres, tels 
que Quelen et Feutrier; très corrects au point de vue du 
loyalisme politique, quoi qu'on en ait dit (2), ces chape- 
lains ne déguisaient pas combien ils étaient attristés du 
conflit qui s'envenimait entre .l'empereur et le pape. 

Leurs doléances trouvaient de l'écho dans les quelques 
cercles lai'ques vraiment pieux, où l'on plaignait d'au- 
tant plus le sort de Pie Vil qu'on était encore sous Tim- 
pression de sa souriante bénignité. C'est vers cette 



(1) A Bausset, 29 juin 1809 : Papiei's Emery. 

(2) Db Pradt, les Quatre Concordats, t. II, p. 266. 



DÉBUTS DE L*OPPOSÎTÎON RELIGIEUSE Ô13 

époque aussi que les royalistes irréconciliables don- 
nèrent à leur opposition une teinte religieuse. Voltai- 
rienne en majeure partie, ou tout au moins pratique- 
ment indifférente, l'émigration n'avait revendiqué que 
du bout des lèvres les droits de « la religion de nos 
pères » ; le Concordat avait excité les sarcasmes, sinon 
les blasphèmes, des fidèles de la monarchie. Mais quand 
Pie VII fut en butte aux vexations de Napoléon, quand 
il fut évident qu'une partie de l'opinion suivait avec 
angoisse ses tribulations, ce fut, pour ceux qui la veille 
encore*l*aecablaient de reproches, une tactique d'exalter 
son courage et d'insister sur le détail de ses souffrances. 
Il y avait une parcelle de vérité dans cette remarque de 
Savary : « La morgue et le mécontentement se cachent 
aujourd'hui sous le manteau de la religion. Quelques 
hommes qui sous Louis XV affichaient l'athéisme sont 
aujourd'hui dévots au point de voir la destruction de la 
religion dans la réunion de Rome ou dans la suppres- 
sion d'une mission de village (i). » Mais si le ministre 
avait été pleinement sincère avec son maître et avec lui- 
même, il eût ajouté que l'annexion de Rome compro- 
mettait singulièrement l'indépendance du Saint-Siège, et 
que c'était Napoléon dont les violences fournissaient 
des griefs religieux à ses adversaires politiques; il eût 
avoué aussi que chez quelques esprits forts de l'ancien 
régime, la leçon des événements avait déterminé une 
sérieuse et définitive conversion. 

Du reste, si l'émotion causée par les affaires de Rome 



(1) Rapport sur Taffaire d'Astros, sans date (1811) : AF. IV, 
1048. Dans ses Mémoires, Savary a repris ce thème en termes 
plus exagérés et tout à, fait ridicules. : « Cette affaire du pape, 
dans lac[ueUe on a été méchamment injuste envers l'empereur, 
est, selon moi, une des circonstances où il a montré le plus de 
patience. » (Rovigo, Mémoires, t. V. p. 86.) 



214 VACANCE DU SIÈGE ARCHIEPISCOPAL 

fut réelle, elle demeura infiniment plus limitée qu'on ne 
pourrait le supposer. Ce serait s'en faire l'idée la plus 
fausse que d'en juger d'après l'intérêt que nos contem- 
porains, si accessibles pourtant au scepticisme et à la 
frivolité, prennent aux questions religieuses. La vérité 
presque incroyable est que la masse du monde officiel 
et de la bourgeoisie parisienne considéra l'enlèvement 
et la captivité du pape comme un incident sans impor- 
tance : « Il faut bien le dire, » a écrit plus tard quel- 
qu'un qui était alors un enfant précoce et éveillé, « chez 
la nation que Louis XIII a mise sous la protection de la 
Sainte Vierge, personne n'y pensait (1). » Un auditeur au 
conseil d'État a rendu le même témoignage, à propos de 
la nomination comme préfet de Rome de son collègue 
Camille de Tournon : « La réunion de Rome à l'empire 
français, l'emprisonnement du pape, avaient paru chose 
simple et sans conséquence à tous les serviteurs de l'Em- 
pire (2). » Un tant soit peu confuse après coup d'une 
indifférence qu'elle avait partagée, la duchesse d'Abran- 
tès en a suggéré deux explications, dont la seconde est 
encore la plus plausible : « On s'en occupa légèrement, 
parce que d'abord nous sommes légers en tout et pour 
tout, et que l'empereur voulait ensuite que l'on se mêlât 
peu de ce qu'il faisait ou faisait faire (3). » Mais cette 
docilité dans l'ignorance passait parfois les bornes : la 
même duchesse d'Abrantès fut stupéfaite en apprenant 



(1) Note écrite par Charles de Rémusat pour servir de conclu- 
sion aux Mémoires de sa mère : Mme de Rémusat, Mémoires, 
t. III, p. 404. 

(2) Victor DE Broglie, Souvenirs, t. I, p. 75. Norvins atteste de 
même que quand il fut nommé directeur général de la police 
dans les anciens Etats romains, ses amis du faubourg Saint-Ger- 
main ne fuient pas les moins chauds à le féliciter. {Mémoriai, 
t. m, p. 302-303.) 

(3) Mémoires, t. VII, p. 189. 



DÉBUTS DE L'OPPOSITION RELIGIEUSE 245 

qu'un ecclésiastique familièrement reçu chez elle col- 
portait des brefs pontificaux hostiles au gouvernement 
impérial; toute femme qu'elle fût du gouverneur de 
Paris et dame du palais de Madame Mère, elle ne se 
doutait pas que des difficultés fussent survenues entre 
Pie VII et Napoléon; pour se faire une idée des affaires 
de Rome, elle dut recourir à l'obligeance très informée 
de Narbonne (1). 

Affichée à Rome le 10 juin par un groupe d'hommes 
dévoués, la bulle d'excommunication parvint au bout de 
quelques semaines à Lyon, où les relations étaient fré- 
quentes avec l'Italie. De là, le frère d'Adrien de Mont- 
morency, Eugène, très ardent dans ses convictions reli- 
gieuses, avec une teinte assez marquée d'exclusivisme 
pharisaïque (2), apporta à Paris le texte dissimulé dans 
une de ses bottes; six autres congréganistes, dont Alexis 
de Noailles, transcrivirent des copies de l'original latin 
et de la traduction française (3). Ces copies circulèrent 
en nombre assez restreint (4), et la bulle ne fut l'objet à 
Paris d'aucune publication, même clandestine (5). Mais à 
défaut du texte précis, tous les ecclésiastiques et la plu- 
part des laïques instruits en connurent l'existence et la 
portée générale (6). 



(1) MéinoireSt t. VII, p. 179 et suiv. 

(2) Mme de Boigne, dont il n'y a point lieu ici de récuser le 
témoignage, affirme lui avoir entendu dire « nous autres saints ». 
{Mémoires, t. I, p. 221). 

(3) Geoffroy de Grandmaison, la Congrégation, p. 105-106. 

(4) De Pradt, les Quatre Concordats, t. II, p. 407-408. 

(5) C'est par erreur qu'on a affirmé (Collignon, Histoire de la 
paroisse Saint-Louis-en-l'Ile, p. 145-146) qu'elle avait été placardée 
aux portes de Notre-Dame par un vicaire de Saint-Merry: ce der- 
nier, Hubault de Malmaison, fut bien jeté eu prison, mais deux ans 
plus tard, comme nous le verrons, et pour des griefs tout différents. 

(6) Cette diffusion se fit surtout par les soins de quelques jeunes 



216 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

Il faut avouer que l'effet moral en fut à peu près 
nul. Pie VII ne s'était point flatté sans doute d'ame- 
ner une de ces défections en masse qui faisaient le vide 
autour des princes excommuniés par les pontifes du 
moyen âge : par mansuétude persistante autant que 
pour prévenir de trop faciles accusations, il avait pris 
la double précaution de ne pas nommer personnellement 
l'empereur et d'interdire expressément toute violence 
matérielle contre les excommuniés; mais il avait rap- 
pelé en même temps les formidables paroles de l'Évan- 
gile : QuHl soit à vos yeux cmnme un païen et un publi- 
cainf Or, il ne se produisit même pas, parmi les 
fonctionnaires et les courtisans, une seule retraite signi- 
ficative dans son isolement, comme celle de Chateau- 
briand après le drame de Vincennes. Quant au monde 
ecclésiastique, si quelques curés de Bretagne ou des 
Flandres eurent le courage vraiment héroïque de prendre 
sur eux la suppression du Domine^ salvum foc imperatorem, 
le personnel de la grande-aumônerie, tout dévoué qu'il 
fût à la cause du pape et aux idées romaines, continua 
sans broncher son service spirituel auprès de celui que 
visait évidemment l'excommunication. Il y a plus : man- 
dés d'autorité à Paris, tous les cardinaux de curie, 
môme les plus intransigeants, même ceux qui avaient 
inspiré ou rédigé la bulle, s'autorisèrent d'une distinc- 
tion de casuistique (1) pour faire acte de présence non 



gens, qui gardèrent toute leur vie le silence sur les moyens 
employés. M. l'abbé Gaultier de Claubry, actuellement curé de 
Saint-Eustache, a bien voulu me raconter que dans son enfance 
(sous Louis-Philippe), il avait plusieurs fois questionné son père 
à ce sujet, et qu'il s'était toujours heurté à la même fin de non- 
recevoir, tirée du secret promis sous la foi du serment. 

(1) Napoléon n'étant pas nominativement désigné, il ne deve- 
nait pas vitanduSt et on pouvait continuer à communiquer avec 
lui, aux termes des décisions du pape Martin V (Geoffroy de 



DÉBUTS DE L»OPPOSITION RELIGIEUSE 217 

seulement âux fêtes mondaines des Tuileries et de Saint- 
Cloud, mais aux offices de la chapelle impériale. 

De retour à Paris, Napoléon avait le mauvais goût de 
railler les cardinaux sur leur assiduité à la messe d'un 
excommunié (i). Mais au premier moment^ moins con- 
fiant dans le prestige de son omnipotence, Texcommu- 
nication ne lui parut point chose si plaisante, et il laissa 
voir son appréhension qu'elle ne fût prise au sérieux 
par certains de ses sujets. Sa circulaire aux évêques 
pour ordonner le Te Deum de Wagram (13 juillet 1809) 
fut beaucoup moins consacrée à exalter sa définitive vic- 
toire sur les Autrichiens qu'à justifier l'annexion de 
Rome et à protester de ses chrétiennes intentions : 
« Notre-Seigneur Jésus-Christ, quoique issu du sang 
de David, ne voulut aucun règne temporel... Nous per- 
sévérerons dans le grand œuvre du rétablissement de la 
religion; Nous environnerons ses ministres de la consi- 
dération que Nous seul pouvons leur donner... » 

L'empereur voulut surtout réprimer la témérité de 
ceux qui s'étaient permis de colporter et de divulguer le 
document pontifical. Alexis de Noailles était compromis 
entre tous par l'éclat de son nom et par l'indépendance 
déjà notoire de son caractère. Arrêté vers la mi- sep- 
tembre, et trouvé en possession d'assez nombreux docu- 
ments romains, il refusa obstinément de dire de qui il 
les tenait (2). Sa détention se prolongea six grands 
mois : le 8 avril 1810, Napoléon accorda sa mise en 
liberté aux instances de son frère Alfred, l'un des plus 
braves et des plus dévoués de la brillante phalange des 



Grandmajson, Napoléon et les cardinaux noirs, p. 31, note; Riniehi, 
Napoleone e Pio VII, t. II, p. 95, note) ; mais alors quelle était 
la portée morale de la bulle? 

(1) De Pradt, let Quatre ConcordatSy t. II, p. 408. 

(2) Bulletin de police du 21 septembre 1809 : AF. IV, 1506. 



218 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

aides de camp du prince de Neuchâtel. Mais de nouvelles 
imprudences ne tardèrent pas à être commises^ et des 
lettres d'Alexis de Noailles furent saisies dans les papiers 
d^un prêtre qui entretenait à Bordeaux l'agitation reli- 
gieuse; le 30 juin 1810, survenait une nouvelle décision 
impériale : « Donner ordre que le sieur Alexis Noailles 
soit employé quelque part et éloigné à quarante lieues 
de Paris, mais en le faisant servir activement, soit dans 
le civil, soit dans le militaire. Faire venir pour cela son 
frère (1). » Alfred de Noailles devait être impuissant à 
triompher des répugnances fraternelles, les refus réitérés 
d'Alexis furent la fable de la société parisienne, où l'on 
prétendit que Napoléon parlait de l'envoyer à Gharen- 
ton (2). Il finit par s'évader en 1811 du territoire de 
l'Empire, comme Mme de Staël, qui le retrouva à Saint- 
Pétersbourg, « émigré de la tyrannie impériale (3) •, 
tandis que son frère se faisait tuer à la Bérésina en por- 
tant un ordre de Berthier; lui-même reparut en France 
en 1814 comme aide de camp de Bernadotte, assista 
Talleyrand au congrès de Vienne, et manifesta plus 
d'une fois, à l'égard du gouvernement de la Restaura- 
tion, cette indépendance qui n'avait pas fléchi devant les 
volontés de Napoléon. 

Un des résultats indirects de la bulle d'excommunica- 
tion fut la suspension des conférences de Saint-Sulpice. 
Forcés naguère à battre en retraite par l'énergique inter- 
vention de Portalis en faveur de Frayssinous, les chefs 
de la police n'avaient point désarmé : la mort du 
ministre des cultes leur laissait le champ libre, et l'aggra- 
vation du conflit avec le Saint-Siège donnait à leurs 

(1) F. 7, 6538. 

(2) Comtesse de Boigne, Mémoirei, t. I, p. 286. 

(3) Bix années d'exil^ p. 371. 



j 



DÉBUTS DE L*OPPOSITÏON RELIGIEUSE 219 

insinuations plus de chances de succès. Le 8 mars 1809, 
Fouché ne dédaigna pas de prendre la plume pour traiter 
lui-même ce sujet dans le Bulletin de police : « La 
foule, » écrivait-il, e continue de se porter le dimanche 
à Saint-Sulpice pour entendre le sulpicien Frayssinous. 
C'est le ci-devant prince de Léon qui fait les honneurs 
de l'église avec sa coterie dévote du faubourg Saint- 
Germain. — Les sermons de l'abbé Frayssinous ne pro- 
duisent aucun mauvais effet, parce que les lumières du 
siècle sont une barrière contre le fanatisme. Son dernier 
sermon traitait les miracles : on n'a jamais dit, dans les 
siècles d'ignorance, plus de grossières inepties (1). » 

La façon dont Frayssinous établissait la possibilité et 
la réalité des miracles devait être assez indifférente à 
Napoléon. C'était au contraire un sûr moyen d'exciter sa 
défiance que de lui représenter les conférences de Saint- 
Sulpice comme une réunion d'opposants. Le grief était 
d'autant plus perfide qu'il ne portait pas tout à fait à faux : 
par suite de l'évolution que nous avons signalée chez 
les intransigeants du faubourg Saint-Germain, la tenta- 
tion devait être pour eux irrésistible, d'accaparer, 
d'exploiter le légitime succès du conférencier, et de 
donner à ce succès l'apparence d'une protestation contre 
la politique religieuse du gouvernement. Par suite d'ail- 
leurs des circonstances, tel développement, qui eût passé 
inaperçu les années précédentes, pouvait, à des audi- 
teurs prévenus dans un sens ou dans l'autre, paraître 
émaillé d'allusions hostiles (2). 

(1) Autographe : AF. IV, 1505. . 

(2) De Pradt, que la curiosité... et la jalousie firent assister 
précisément à la conférence sur les miracles, en rapporta une 
impression très défavorable sur le talent de l'orateur : nous 
savons que Farchevéque de Malines, en fait d'éloquence de la 
chaire, n'appréciait que la sienne propre; mais si tout était 
exagéré, tout n'était pas controuvé dans le tableau que plus 



220 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

La saison des conférences s'acheva pourtant sans 
encombre : elles étaient normalement interrompues par 
les vacances, quand la bulle d'excommunication fut col- 
portée et saisie; il n'y avait donc aucun lien apparent 
entre cette agitation et les prédications de Frayssinous. 
Néanmoins, après avoir dénoncé une association formée 
spécialement pour répandre les documents et les nou- 
velles de Rome, association dont le siège était aux Inva- 
lides, chez un capitaine du nom de Bornier, un bulletin 
de police trouvait moyen d'ajouter : « Ce sont les confé- 
rences de l'abbé Frayssinous à Saint-Sulpice qui ont 
exalté de la manière la plus dangereuse l'imagination de 
Beaumès fils (1) et de plusieurs autres jeunes gens, nom- 
mément Alexis de Noailles, etc., qui les fréquentent. C'est 
à ces conférences qu'ils ont puisé cette ferveur exagérée, 
cet attachement au pape et cet esprit de fanatisme qui les 
distinguent, et qu'ils propagent par tous les moyens (2). » 
L'empereur était retenu en Autriche par les négociations; 
Fouché exerçait l'intérim du ministère de l'intérieur pen- 
dant la maladie de Cretet; il venait de prendre goût à 
l'action lors du débarquement des Anglaisa Walcheren; 
autant de raisons pour lui d'user d'autorité. 11 rendit 
séance tenante une suite de décisions, dont la dernière 
était ainsi résumée : « ... Enfin, d'enjoindre à l'abbé 
Frayssinous de ne point reprendre ses conférences à 
l'époque où il est dans l'usage de les faire; et de sup- 



tard il traçait de Tassistance : « Son auditoire était une véritable 
assemblée contre-révolutionnaire tenant ses assises à Saint-Sul- 
pice : il fallait être aveugle pour y voir autre chose. Le parti se 
réunissait là, croyant y trou'^er une sûreté qui lui manquait ail- 
leurs. » (Les Quatre Coneord(tt$, t. II, p. 300-301, note.) 

(1) Le nom de Beaumès, pas plus que celui de Bornier, ne figur< 
à cette date dans les listes très complètes de congréganistes qu< 
M. Geoffroy de Grandmaison a données en appendice de son liyre 

(2) Bulletin de police du 16 septembre 1809 : AF. IV, 1506. 



DEBUTS DE L'OPPOSITION RELIGIEUSE 221 

primer à l'avenir ces conférences, comme étant un point 
dangereux de réunion (i). » Si le ministre de la police 
éprouva quelque appréhension d'avoir outrepasssé ou 
contrarié la volonté du maître, il ne tarda poiot à être 
rassuré. Son courrier se croisa avec une missive de 
Schœnbrunn, qui lui enjoignait précisément de s'entendre 
avec les vicaires capitulaires pour ordonner la suspen- 
sion : « Il paraîtrait, » écrivait l'empereur en termes 
vagues, « que, dans les conférences qui se tiennent à 
Saint-Sulpice, les prêtres se conduisent mal et excitent 
lecagotisme (2). » Vint ensuite une approbation expresse : 
t J'approuve fort le parti que vous avez pris de défendre 
à l'abbé Frayssinous de continuer ses conférences (3). » 
Le nouveau ministre des cultes, Bigot de Préameneu, 
qui ne possédait point l'autorité et le crédit de Portails, 
se renferma dans le silence. 

C'était pour Frayssinous, avec une dure épreuve 
morale, une source de cruels embarras matériels, car il 
était sans autres ressources que ses honoraires de prédi- 
cateur. Un peu plus tard, lors de l'organisation de l'Uni- 
versité, Fontanes eut le courage (le mot n'est pas trop 
fort) et la générosité de lui donner une place d'inspecteur 
de l'Académie de Paris (4). 

En apprenant l'arrestation d'Alexis de Noailles et de 

(1) Bulletin de police du 16 septembre 1S09 : AP. IV, 1506. 

(2) 15 septembre 1809 : Correipondance, 15820. 

(3) 24 septembre : Ibidem, 15854. 

(4) Sainte-Beuve, Portraitt littéraires, t. II, p. 270. Le biographe 
de Frayssinous affirme, avec une impressionnante précision de 
dates et de chiffres, qu'auparavant, lef 6 mars 1810, par 11 voix 
sur 17, le chapitre de Notre-Dame, par manière de protestation, 
l'avait élu chanoine titulaire (Henrion, Vie de M. Frayssinous, 
t. I, p. 75 et note). De cette nomination, aussi contraire aux 
usages suivis alors que peu en harmonie avec la « psychologie » 
des chanoines, il ne subsiste pas trace dans les documents officiels. 



222 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

deux de ses amis, le P. Delpuits prit Tinitiative de sus- 
pendre les réunions de la Congrégation : cette résolution, 
dont il fit part aux jeunes gens le 10 septembre 1809(1), 
était éminemment sage, car sans connaître exactement 
la nature ni le siège de l'association^ la police était en 
éveil. Dix jours plus tard, un bulletin dénonçait l'exis- 
tence à Bordeaux d' « une congrégation d'environ trois 
cents jeunes gens, dévoués en apparence au culte de la 
Vierge Marie, tenant leurs séances dans l'église delaMade- 
leine;... ils entretiennent des correspondances intimes 
avec d'autres jeunes gens de Paris qui se voient dans 
plusieurs églises, notamment Saint-Sulpice, Saint-Roch, 
et Saint-Thomas-d'Aquin. A Bordeaux comme à Paris, 
on se groupe avant et après la prière et on s'occupe de 
politique (2). » A la suite sans doute de ces délations, 
Maret communiquait officiellement à Fouché t l'inten- 
tion où est Sa Majesté qu'aucune société ne se réunisse 
dans les églises, qui ne doivent être consacrées qu'à la 
prière et où les prêtres seuls peuvent exercer des fonc- 
tions, et la nécessité de dissoudre ces sociétés et d'en 
saisir les papiers » (3). 

A Paris tout au moins, la dispersion spontanée prévint 
la saisie des archives, confiées aux frères d'Haranguiers 
de Quincerot. Le P. Delpuits transmit ses pouvoirs au 
sulpicien Duclaux, qui patronna les débris de la Congré- 
gation sans jamais participer à aucune réunion. A partir 
du 2 février 1810, les congréganistes, réduits aune dou- 
zaine, se risquèrent à assister ensemble tous les quinze 
jours à une messe de paroisse, puis à s'assembler chez 
l'un d'entre eux, ordinairement Martial de Loménie, en 
l'âme de qui les catastrophes de la Révolution avaient 

(1) Geoffroy de Grandmaison, la Congrégation, p. 107. 

(2) BuUetin de police du 21 septembre 1809 : AF. IV, 1506. 

(3) 27 octobre 1809 : Correspondance de Napoléon, 15975. 



DÉBUTS DE L'OPPOSITION RELIGIEUSE 223 

corrigé les enseignements médiocrement édifiants du châ- 
teau de Brienne. Ils avaient remis à leur tête leur doyen, 
Mathieu de Montmorency (1). A l'automne de 1810, Phi- 
libert de Bruillard, devenu curé de Saint-Nicolas-du-Char- 
donnet, offrit l'hospitalité dans un petit oratoire situé sur 
sa paroisse. Au commencement de 1812, trop absorbé pour 
conserver la direction spirituelle de la Congrégation, il 
remit les pouvoirs que lui avait délégués Duclaux à l'abbé 
Legris-Duval, qui n'exerçait pas de ministère paroissial. 
Très réduite en nombre, confinée dans les exercices de 
piété et les œuvres de charité, la Congrégation vécut 
ainsi dans la pénombre jusqu'à la chute de l'Empire (2). 

Inaperçues ou négligées de la masse, les mesures de 
rigueur prises contre le pape et ses partisans présumés 
ne laissaient point que de troubler les milieux catho- 
liques. Comme il arrive toujours en pareil cas, la vérité, 
déjà inquiétante, s'exagérait dans les propos de salon ou 
de sacristie : on réprésentait Napoléon comme ouverte- 
ment résolu à instituer un schisme, et à faire diriger les 
affaires ecclésiastiques par un conseil, sorte de Saint- 
Synode « chargé de remplacer le pape » (3). 

A la fête religieuse du 3 décembre 1809, où Napoléon 
parut plus triomphant que jamais, il se manifesta 
quelques indices des angoisses qui oppressaient le 
clergé. Au seuil même de Notre-Dame, Lejeas, doyen 
des vicaires capitulaires, Lejeas, oncle de la duchesse 
de Bassano, évêque nommé de Liège, tint à rappeler le 
souvenir du sacre dès l'exorde de son compliment (4). 



(1) Lors de son exil, il fut remplacé comme préfet par un autre 
ancien, François Régnier. 

(2) Geoffroy de Grandmaison, la Congrégation, p. 115-123. 

(3) Bulletin de police du S novembre 1809 : AF. IV, 1507. 

(4) « Sire, l'élite de la nation, rassemblée dans ce temple au 



L 



224 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

Le sermon avait été confié à l'abbé de Boulogne, devenu 
récemment évêque de Troyes et demeuré aumônier de 
l'empereur : après avoir exalté les lauriers d'Eckmûhl 
et de Wagram, il se permit sur le sujet brûlant des 
exhortations, presque des remontrances, qui firent scan- 
dale parmi les courtisans (1) et lui valurent de la part 
du ministre des cultes une demande d'explications conçue 
en termes comminatoires (2). Si l'incident n^eut pas de 
suites immédiates, il marque le point de départ de l'évo- 
lution qui fit de l'évéque de Troyes un opposant et un 
suspect. 

Quelques jours plus tard, c'était le prudent Fontanes 
qui sous des formes plus que déférentes, adulatrices, 
éprouvait le besoin de rappeler au maître le principe de 
la séparation des deux pouvoirs et de rassurer les cons- 
ciences catholiques : « César, en reprenant toute sa 
puissance, respecte les droits qui ne sont pas les siens; 
il marque lui-môme avec sagesse les limites du sacer- 
doce et de l'empire. La religion ne cessera point de 
s'appuyer sur le trône qui l'a rétablie; et le successeur 
de saint Pierre nous sera toujours plus cher et plus 
vénérable, en bénissant le successeur de Charlemagne, 
au nom du Dieu de paix dont la volonté change les 
empires, mais dont le culte ne change pas (3). » 

L'Essai historique sur la puissance temporelle des papeSf 
commandé par Napoléon à l'oratorien défroqué et à 
l'opposant réconcilié Daunou, parut en février 1810 : 
l'auteur avait imaginé ou s'était laissé suggérer ce détour 
assez puéril, de présenter son œuvre comme la traduc- 



jour où Votre Majesté reçut du Souverain Pontife l'onction 
sainte » 

(1) De Pradt, les Quatre Concordats, t. II, p. 271. 

(2) 8 décembre 1809 : Boulogne, Œuvres, t. I, p. xlii-xliil 

(3) Adresse au nom du Corps législatif, 10 décembre 1809. 



DÉBUTS DE L'OPPOSITION RELIGIEUSE 225 

tien d'un manuscrit espagnol découvert à Saragosse. Ce 
médiocre factum, que plus tard des sceptiques ont sévè- 
rement jugé (i), suscita peu de scandale parmi les con- 
temporains^ très imbus des préventions gallicanes. On 
peut en dire autant du sénatus-consulte du i7 février 
1810, qui consacrait l'annexion des États romains et 
dont un article imposait désormais aux papes, lors de 
leur exaltation, l'invraisemblable serment de ne rien 
entreprendre contre les quatre propositions de 1682. 
Les Parisiens de ce temps-là trouvaient tout simple, et 
même flatteur pour l'amour-propre national, qu'on 
rendit le Gode Napoléon exécutoire en Dalmatie (2) : ils 
s'enorgueillissaient de même de voir imposer les Quatre 
Articles à la cour de Rome; ici et là, c'était un triomphe 
de la politique d' < expansion des lumières » . 

Mandés d'autorité à la cour impériale et gratifiés 
d'une pension sur le Trésor^ les cardinaux de curie 
promenaient dans les cérémonies officielles l'éclat de 
leur pourpre et l'embarras attristé de leur physionomie. 
Un prélat courtisan, après les avoir montrés « pauvres 
pour la plupart, peu versés dans la connaissance de la 
langue, perdus, pour ainsi dirç, dans le tourbillon de 
Paris^ errants comme des ombres, délaissés comme des 
rois détrônés >, ajoute, ce qui se conçoit aisément, que 
« Tennui de Paris et le regret de Rome se faisaient lire 
sur leurs visages (3) » . 

Sans enthousiasme, mais sans résistance, ils se ren- 



(1) « Si son vote dans le procès de Louis XVI est le plus beau 
moment de la vie de Daunou, son livre sur les papes nous en 
parait le moins agréable endroit. » (Sainte-Beuve, Porlrails con- 
temporains, t. IV, p. 329.) 

(2) PisANi, la Dalmatie de 1797 à 1815, p. 389-391. 

(3) De Pradt, les Quatre Concordats, t. II, p. 437. 



226 VACANCE DU. SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

dirent d'abord à toutes les invitations impératives 
du maître : mais le mariage autrichien provoqua entre 
eux une scission. Treize cardinaux estimèrent que leur 
rôle naturel de conseillers et d'assistants du Souverain 
Ponlife leur interdisait de sanctionner, par leur pré- 
sence à la cérémonie religieuse, la méconnaissance 
voulue de la tradition canonique qui réservait au Saint- 
!_ Siège le jugement des causes matrimoniales concer- 

f nant les souverains : pour eux, le mariage avec José- 

phine était toujours existant, tant que le pape ne 
l'avait point déclaré nul. Fort éloignés d'ailleurs de 
rechercher une occasion de tapageuse protestation, ils 
suggérèrent^ pour se dispenser d'accompagner leurs 
collègues plus accommodants, quelques-unes de ces 
combinaison^ où s'est toujours complu ringéniosité 
romaine. C'est Napoléon qui refusa d'agréer aucune 
défaite courtoise, c'est lui dont les hautaines exigences 
acculèrent les treize cardinaux à l'abstention pure et 
simple. 

Il avait escompté leur capitulation au dernier mo- 
^ment. Sa surprise égala sa colère, quand au sortir 
des ovations qui avaient escorté sa marche triomphale 
dans la galerie du Louvre, il aperçut vides la moitié 
des places réservées dans la chapelle au Sacré-Collège. 
Il était outré, non seulement de l'affront fait à sa 
personne, mais des réserves que cette abstention sous- 
entendait sur la validité de son mariage et la légiti- 
mité de ses enfants à venir. Mandés au ministère des 
cultes, les treize abstentionnistes reçurent l'ordre de 
garder provisoirement les arrêts chez eux et de dé- 
pouiller les insignes cardinalices (d'où le surnom de 
cardinaux noirs, que l'histoire leur a conservé); leu^s 
pensions furent supprimées, et leurs biens personn( 
saisis. Au bout de deux mois, ils furent internés dei 



\ 



DÉBUTS DE L»OPPOSITION RELIGIEUSE 227 

à deux dans de petites sous-préfectures de Test de la 
France (1). 

« Personne ne les plaint (2), » avaient d'abord écrit 
les bureaux de la police, en raillant le < stupide com- 
plot » des cardinaux; mais bientôt^ pour être véridiques, 
il leur fallut avouer que dans certains quartiers, au 
Marais notamment, il se faisait des quêtes au profit des 
cardinaux noirs (3). Touchées du dénuement de ces der- 
niers, désireuses d'ailleurs de marquer leur désapproba- 
tion de la politique religieuse suivie par Napoléon, un 
certain nombre de personnes charitables constituèrent 
en secret, sous l'inspiration de Mathieu de Montmorency 
et de l'abbé Legris-Duval, une caisse des confesseurs de la 
foi. A l'égard des zélateurs de cette œuvre, le gouverne- 
ment s'en tint d'abord à de mesquines vexations : ainsi 
la liquidation que Mme de Montboissier venait d'obtenir 
comme fille de Malesherbes lui fut brusquement retirée 
parce que sa propre fille, Mme de Cordoue, ne se cachait 
point de quêter pour les cardinaux (4). Quelques mois 
plus tard, l'affaire d'Astros allait servir d'occasion à des 
mesures draconiennes contre la plupart des personnes 
ainsi compromises. 

Après l'incident des cardinaux noirs. Napoléon affecta 
de redoubler d'égards et presque de cajoleries pour ceux 
des membres du Sacré-Collège qui s'étaient inclinés 
devant ses volontés. L'ex-légat Gaprara, trop malade 
pour assister aux fêtes du mariage, mourut en juillet 
1840 : désigné en 1802 sur la demande expresse du 
gouvernement français, sa complaisance avait été inlas- 



(1) Cf. GsopFRor DB Grandmaison, Napoléon et lu cardinaux 
noirs. 

(2) BuUetin de police du 7 avril 1810 : AF, IV, 1508. 

(3) Bulletin de police du 20 juin 1810 : Ibidem. 

(4) Mme bk Chastenay, Mémoires, t. Il, p. 122. 



1 



228 VACANCE DU SIË^E ARCHIÉPISCOPAL 



sable; pour satisfaire le Premier Consul ou l'Empereur, 
il avait au besoin transgressé, comme dans l'épisode du 
catéchisme, les instructions venues de Rome. Napoléon 
estima que tant de déférence méritait des honneurs 
extraordinaires, et qu'à l'heure où la docilité des ecclé- 
siastiques commençait à s'ébranler, il convenait de célé- 
brer en Caprara le modèle des vertus professionnelles. 
Par autorisation ou par ordre du ministre des cultes, 
les clergés de toutes les paroisses de Paris vinrent suc* 
cessivement et en corps jeter l'eau bénite sur la dépouille 
mortuaire (1). Les obsèques, qui eurent lieu le 23 juillet 
aux frais de l'État, furent calquées sur celles du cardinal 
de Belloy; l'empereur permit par exception que le 
convoi se fît processionnellement, les ecclésiastiques 
marchant en habit de chœur (2); après la cérémonie 
religieuse à Notre-Dame, l'inhumation se fit au Pan- 
théon, comme pour les grands fonctionnaires de l'Em- 
pire^ dont Caprara avait assurément imité le zèle et 
l'empressement. 

Vers la fin de la période qui nous occupe, un des per- 
sonnages les plus en vue du clergé de Paris encourut la 
colère de Napoléon, pour des motifs absolument étran- 
gers au conflit avec la papauté et même à toute ques- 
tion religieuse (3). 

L'abbé Desjardins, successivement vicaire général de 
Bayeux et d'Orléans sous l'ancien régime, avait accepté 
en 1802 la cure de Meung, dans le Loiret; puis, peut- 



(1) Bulletin de la préfecture de police, 17 juiUet 1810 : AF. IV. 
1509. 

(2) Journal de VEmpire, 22 juillet 1810. 

(3) Un dossier assez volumineux est consacré à cette affaire. 
(F. 1, 6540). — Cf. Grasilibr, Aventurien politiques, p. 11-15, 116, 
243-24C, et pastim. 



i 

j 



à 






DÉBUTS DE L'OPPOSITION RELIGIEUSE «29 

être sur la recommandation de Bernier, Caprara l'avait 
pris pour secre'taire; en 1806, le cardinal de Belloy 
l'avait mis à la tête de l'importante et aristocratique 
paroisse des Missions-Étrangères, dont le titulaire venait 
d'être transféré aux Blancs-Manteaux. Par une rencontre 
qui à toute époque n'a point laissé que d'être fréquente 
dans le clergé^ à une grande distinction d'esprit et à 
d'éminentes vertus sacerdotales, l'abbé Desjardins alliait 
une invraisemblable crédulité. Il se laissa prendre notam- 
ment aux mômeries d'un intrigant qui se prétendait 
baron de Kolli^ Irlandais d'origine, et qui, après s'être 
placé sous sa direction spirituelle et avoir fait une sorte 
de noviciat à la Trappe de la forêt de Senart, déclara 
décidément vouloir rester dans le monde et tenter la 
fortune en Angleterre. En novembre 1809, le naïf curé 
n'hésita point à nantir son pénitent d'une lettre de 
reconmiandation pour l'un des fils du roi Georges, le 
duc de Kent, qu'il avait connu au Canada pendant l'émi- 
gration. Une fois à Londres, Kolli usa de cette lettre 
pour capter la confiance du prince anglais et lui soutirer 
des subsides en vue d'un soi-disant projet d'évasion des 
princes espagnols internés à Valençay. De retour à Paris 
ou aux environs, il prit si mal ses mesures qu'il se fit 
arrêter, le 24 mars 1810 (1). 

On avait trouvé la trace de la fameuse lettre, et le 
curé des Missions fut arrêté le môme jour : sa bonne foi 
parut évidente à son ancien confrère Desmarest, qui le 
fit relâcher incontinent. Mais par un extraordinaire raf- 
finement de scrupule et d'imprudence. Desjardins crut 
devoir adresser une lettre d'excuses au duc de Kent, 
puis lui écrire de nouveau au mois de septembre. Les 

(i) La suite très embrouillée de ses aventures, le traitement 
relativement bénin qui lui fut appliqué, donnent à penser qu'il 
se mit aux gftges ou à la discrétion de la police impériale. 



230 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

réponses tombèrent entre les mains du cabinet noir. 
Savary, qui avait remplacé Fouché au ministère (i), 
infligea cette fois au curé une détention de quelques 
jours à Vincennes, puis lui adressa une énergique 
semonce en le renvoyant dans son presbytère. Le pauvre 
abbé n'eut point le loisir de mettre en pratique ces 
recommandations de sagesse, car Napoléon, rétrospecti- 
vement mis au courant, prit l'incident au tragique : 
€ Vous avez eu très tort de relâcher le curé Desjardins. 
Cet homme paraît être un franc hypocrite. Il a commis 
un crime en révélant à un prince ennemi ce qui lui avait 
été confié par la pohce (2). Mon décret ordonne qu'il 
soit arrêté et détenu à Fenestrelle (3). » 

L'ordre était sans réplique. Le malheureux, arraché 
à ses paroissiens, fut effectivement conduit à la forte- 
resse de Fenestrelle et soumis à la rigoureuse incarcéra- 
tion des prisonniers d'État (4). Au bout de deux mois, 
le maître accorda par grâce son transfert dans un sémi- 
naire ou une maison de refuge, mais toujours c au delà 
des Alpes » (5); il fut interné à Verceil, puis autorisé 
trois ans plus tard (novembre 1813) à résider à Turin. 
Quand les événements de 1814 lui permirent de repa- 
raître à Paris, une confusion assez explicable le fit 

(1) Gaillard, l'ancien confrère et le confident de Fouché, lui 
faisait honneur d'avoir protégé l'abbé Desjardins. (Madelin, 
Fouché, t. II, p. 142.) 

(2) Ces « révélations » n'avaient trait qu'à l'indignité de Kolli; 
elles avaient, il est vrai, l'inconvénient de « brûler » celui-ci aux 
yeux du gouvernement britannique. 

(3) A Savary, 18 octobre 1810 : Lettres inédites, éd. Lecestre, 706. 

(4) C'est plus que probablement à l'abbé Desjardins que faisait 
allusion une nièce de Champagny quai>d elle écrivait à sa mère : 
« Je suis bien embarrassée pour un confesseur, le mien venant 
d'être enlevé et conduit à Fenestrelle on ne sait trop pourquoi. » 
Mme Raymond de Montaignac à Mme de RafiSn, 26 octo « 
1810 : F. 7, 6535. 

(5) ApostiUe impériale du 14 décembre 18i0 : F. 6540. 



DISGRACE D'ÉMERY 231 

prendre pour un martyr de la religion et de la mo* 
narchie, alors qu'il n'avait été victime en réalité que de 
sa bonté et de sa témérité. Avec uqc admirable délica- 
tesse, son successeur aux Missions-Étrangères se retira 
pour lui laisser reprendre sa cure; en 1819, Quelen le 
nomma vicaire général; il refusa deux fois l'épiscopat, 
et mourut octogénaire en 1833, vénéré de tout le clergé 
parisien. 



VI 



« Il suffit de nommer M. Émery pour rappeler tous 
les genres de mérite ecclésiastique; esprit fin, varié, 
accessible à la raison, dépassant par son étendue les 
quatre murailles de Saint-Sulpice, entre lesquelles il 
avait passé sa vie; cbef distingué dans un corps respec- 
table, en ayant imposé même à Napoléon qui connaissait 
tout son valoir, et qui demandait souvent : Qu'en pense, 
qu'en dit M. Émery (1) ? » Sur les dispositions de Fem- • 
pereur envers le supérieur de Saint-Sulpice, ce témoi- 
gnagne d'un prélat à Pâme médiocrement sacerdotale 
paraît .au demeurant plus exact que les tardives rémi- 
niscences de Mathieu Mole, d'après qui Napoléon aurait 
professé pour Émery une confiance sans réserves, et 
voulu l'investir d'une sorte de magistère supérieur sur 
l'éducation de toute la jeunesse française (2). Au con- 



(1) De Pradt, lei Quatre Concordats^ t. II, p. 452. 

(2) « Voilà, me dit-il un jour, la première fois que je rencontre 
un homme doué d'un véritable pouvoir sur les hommes, et auquel 
je ne demande aucim compte de l'usage qu'il en fera. Loin de là, 
je voudrais qu'il me fût possible de lui confier toute notre jeu- 
nesse : je mourrais plus rassuré sur l'avenir. » (Comte Mole, 



232 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

traire, il semble bien établi que l'empereur avait pour la 
personne d'Émery l'estime que lui inspiraient toujours 
les vertus professionnelles et la compétence, mais qu'il 
redoutait précisément son influence sur le jeune clergé. 
Il aimait à causer théologie avec lui, à le provoquer à la 
discussion; les contradictions raisonnées d'Émery lui 
agréaient mieux que les acquiescements prosternés des 
prélats courtisans, à qui il le disait sans ménagement. 
Il avait attribué au supérieur des sulpiciens, en même 
temps qu'à son ami l'ancien évéque d'Alais, le poste 
important et bien rémunéré de conseiller de l'Univer- 
sité (1). Il le fit entrer, seul simple prêtre, dans les deux 
commissions ecclésiastiques successivement instituées 
pour chercher une solution à la crise religieuse (2). Mais 
^ l'époque même où il lui conférait ce qui aurait dû 
passer pour des marques de faveur, il lui témoignait sa 
méfiance en le forçant, à quitter Saint-Sulpice et en édic- 
tant la dissolution de sa congrégation. 

Napoléon s'était en efl'et convaincu qu'Émery, très 
déférent envers les pouvoirs établis, devenait inflexible 
dès que les droits de la conscience lui paraissaient enjeu. 
Il faut dire aussi que les préventions impériales étaient 
soigneusement entretenues par Fouché, qui en renonçant 
à son ancien état n'avait peut-être point répudié les 
vieilles jalousies de TOratoire contre Saint-Sulpice. Dans 
le bulletin qui dénonçait les conférences Frayssinous 
comme un centre d'(q)position politique et de fanatisme, 

Discours de réception à VAeadémie française, 30 décembre 1840; 
il est très exact qu'à la fin du règne, Mole était devenu un des 
interlocuteurs préférés de Napoléon.) 

(1) C'était, avec plus de prestige, l'équivalent de membre d 
notre conseil supérieur de l'instruction publique. 

(2) Le P. Fontana, supérieur général des barnabites, fais» 
également partie de la première commission. 



DISGRÂCE D^ÉMERY 233 

Émery était nommé au premier rang des protecteurs du 
prédicateur (i). Au début de i810, la police saisit une 
lettre où un séminariste exaltait, en l'amplifiant quelque 
peu, la résistance de Fesch aux volontés de son neveu : 
elle en prit texte pour incriminer, en termes généraux, 
les principes professés dans l'établissement (2). Un peu 
plus tard, comme sur la motion de Tévéque de Nantes, 
Duvoisin, la commission ecclésiastique avait émis un avis 
conforme aux désirs du gouvernement, Fouché triom- 
phait de ce qui était à ses yeux un échec d*Émeryet des 
sulpiciens; il les montrait, avec quelque hyperbole sans 
doute, désertés de ceux qui avaient été jusque-là leurs 
plus chauds partisans (3). 

Napoléon fut très mécontent de l'incident de la lettre 
du séminariste. Décidé à soustraire les futurs prêtres à 
des maîtres qu'il ne trouvait plus assez sûrs, il songea 
d'abord à une translation de local, qui servirait de pré- 
texte à un changement de personnel. On avait déjà parlé 
quelques années plus tôt, et il devait être de nouveau 
question au cours du dix-neuvième siècle, de rapprocher 
le séminaire de la cathédrale. Un journal annonça que le 
choix du gouvernement s'était fixé sur l'ancienne maison 
des Enfants-Trouvés, à l'ombre même des tours de Notre- 



(1) Bulletin de police du 8 mars 1809 : AF. IV, 1505. 

(2) BuUetin de police du 2 février 1810 : AF. IV, 1508. 

(3) « M. Emery et tous les sulpiciens se regardent comme 
défaits; ils disent qu'ils ont été tom'nés par Sa Majesté; nombre 
de fidèles les abandonnent^ et l'on voit d'étonnantes conversions. 
M. Bossu, ciu'é de Saint-Ëustache, conmience à reconnaître que 
Sa Sainteté pousse à Vexagératioiiy tandis que Sa Majesté n*use de 
ses droits et de sa puissance qu'avec une extrême modération. C'est 
ainsi qu'il s'est exprimé dernièrement, au grand étonnement de 
plusieurs de ceux qui l'entendaient. » (Bulletin do police du 
8 mars 1810 : Ibidem. Est-il besoin de faire observer que ce lan- 
gage cadre bien mal avec le caractère et toute la carrière de 
l'abbé Bossu?) 



234 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

Dame (1). En réalité, c'est dans les bâtiments de Saint- 
Nicolas-du-Chardonnet, à côté de la place Maubert, qu'on 
décida de transférer, pour le !•' mai 1810, le séminaire 
diocésain de Paris; le dernier article du décret n'était 
pas le moins important : « A dater de cette époque, le 
séminaire de Saint-Sulpice sera fermé (2). » 

C'était l'époque où la perspective des noces impériales 
mettait l'espoir au cœur de milliers de solliciteurs. 
« Ce mariage^ » écrivait mélancoliquement Émery, « est 
malencontreux pour moi. Tandis qu'on ne distribue que 
des grâces aux autres, on prend ce moment pour me 
signifier ma sentence de mort (3). » Inaccessible pourtant 
à la rancune comme à l'intimidation, il ne se départit 
point de sa traditionnelle ligne de conduite. Il s'était, au 
risque de déplaire, abstenu de signer la décision de la 
commission ecclésiastique, attribuant compétence aux 
ofiicialités pour juger de la validité du mariage avec 
Joséphine; mais la sentence de l'ofûcialité métropolitaine 
lui parut régulière (4) . A ceux d'entre les cardinaux qui 
le consultèrent, il déclara que leur présence au mariage 
était licite, et il déféra sans difficulté à une demande 
de Fesch, en envoyant quinze séminaristes pour rehaus- 
ser la pompe de la cérémonie (5). 

Le décret du 14 février 1810 ne devait jamais être 
exécuté dans sa teneur exacte. L'ancien séminaire de 
Saint-Nicolas-du-Ghardonnet appartenait à un particu- 



(1) Journal de V Empire, 20 février 1810. 

(2) Oécret du 14 février 1810 (non inséré au Bulletin des lois) : 
AF. IV, plaq. 3271. 

(3) A Bausset, 28 mars 1810 : Papiers Emery. 

(4) A Girod (de l'Ain), 14 février 1810 : d'Haussonvillk, VÉglise 
romaine et le Premier Empire^ t. III, p. 262, note. 

(Ô) Vie de M. Emery; t. II, p. 249-255 (l'abbé Gosselin, fut ' 
auteur de cette biographie, était au nombre des quinze sémii • 
ristes envoyés au Louvre.) 



DISGRÂCE D'ÉMERY 235 

lier : c'est seulement le 30 avrils veille du jour fixé pour 
la translation, que le préfet de la Seine put en faire l'ac- 
quisition (1). Des réparations étaient indispensables : on 
les fit complètes, et on agrandit même les bâtiments (2). 
Quand ceux-ci furent en état, on y installa le petit sémi- 
naire, de création nouvelle, car Napoléon n'avait pas eu 
la patience d'attendre jusque-là pour sévir effectivement 
contre les sulpiciens. 

D'autres correspondances furent saisies en mai 1810, 
où des séminaristes jugeaient sans enthousiasme la poli- 
tique religieuse du gouvernement : la police mit égale- 
ment la main sur une lettre dans laquelle Émery parlait 
avec tristesse de la translation^ qui paraissait immi- 
nente, du séminaire à Saint-Nicolas-du-Ghardonnet. 
L'empereur jugea qu'un châtiment immédiat s'imposait, 
avant même que le nouveau local ne fût prêt. En vain 
Bigot de Préameneu, dont l'affable et conciliante nature 
n'osait guère aller contre les volontés du maître, fit-il un 
méritoire effort pour détourner l'orage en rappelant les 
éminents services du supérieur de Saint-Sulpice : 
« M. Émery est réellement à la tête des études ecclésias- 
tiques. La plupart des évêques et môme les plus recom- 
mandables ont été élevés à Saint-Sulpice; ils ont en lui 
une très grande confiance. Il a refusé d'être évoque, ce 
qui le met à cet égard sur leur ligne, mais il est au-des- 
sus de chacun d'eux par sa grande influence sur le clergé. 
Il s'est rendu utile et s'est montré avec de bons principes 
dans le temps du rétablissement du culte, ce qui a encore 
ajouté à sa considération. 11 est d'ailleurs très propre à 

(d) Le prix fut de 212,500 francs; le chiffre et la date résultent 
d'un rapport de Bigot de PrOameneu, du 10 novembre 1810, et 
d'un décret du 14 novembre. (AF. IV. plaq. 3825.) 

(2) Journal de VEmpire, 23 juiUet 1810. 



«36 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

maintenir les mœurs et le meilleur ordre pour les études 
d'un séminaire et la préparation aux fonctions sacerdo- 
tales (1). » Insensible à ce plaidoyer^ Napoléon riposta 
par l'ordre catégorique de « faire en sorte que, au mois 
de juillet, cette congrégation soit dissoute et ce sémi- 
naire détruit • (2). Une note analogue fut adressée aux 
vicaires capitulaires : « Il convient que le séminaire 
de Saint-Sulpice change tout à fait de main et de 
nature (3). * 

Il était de toute impossibilité d'improviser l'ensemble 
d'un personnel enseignant et dirigeant pour le séminaire. 
C'est ce qu'expliquèrent au ministre Lejeas (qui n'était pas 
encore parti pour Liège), d'Astros et Jalabert; en annon- 
çant qu'Émery allait immédiatement quitter l'établisse- 
ment, les vicaires capitulaires eurent le courage de rendre 
hommage à son caractère et à son passé : « Nous étions 
d'avance persuadés, Monseigneur, de son obéissance, 
nécessairement mêlée cette fois d'une affliction que son 
grand âge et ses longs services ne peuvent que lui rendre 
très amère (4). » En échange de cette preuve de docilité, 
ils sollicitaient un délai pour remplacer les autres sulpi- 
ciens, délai qui leur fut accordé par pure tolérance ver- 
bale (5). 

Par ordre impérial. Bigot de Préameneu dut aller 
faire à Émery une scène de reproches (6) : après quoi le 

(1) A Napoléon, 31 mai 1810 : AF. IV, 1047. 

(2) A Bigot de Préameneu, 11 juin 1810 : Lettres inédites, 
éd. Lecestre, 625. (Le texte de M. Lecestre porte « au mois de 
juin », ce qui doit être un lapsus de l'expéditionnaire ou de l'édi- 
teur.) 

(3) 13 juin 1810 : Vie de M. Émei'y, t. II, p. 270. 

(4) 15 juin: AF. IV, 1047. 

(5) Vie de M. Emery, t. II, p. 275. 

(6) « J'ai témoigné & M. Emery à quel degré Votre Majesté était 
mécontente du mauvais esprit qui régnait dans sa maison, au 
point que les élèves osaient dans leur correspondance se mêler 



DISGRÂCE D'ÉMERY 287 

vieillard adressa ses adieux aux professeurs et aux sémi- 
nmstes; sans répudier les doctrines gallicanes qu'il 
avait toujours professées, il mit les élèves en garde 
contre les conclusions excessives qu'ils pourraient 
entendre tirer des Quatre Articles de 1682 (i); puis il se 
retira à la maison dlssy, laissante son confrère Duclaux 
la charge de supérieur (18 juin 1810). Cette satisfaction 
de principe une fois obtenue, le ministre des cultes, qui 
était tout l'opposé d'un sectaire, mit son habituelle amé- 
nité à multiplier les concessions de détail : « Vous me 
marquez, » écrivait-il à Émery dès le lendemain de son 
départ, «... que lorsque vous irez accidentellement, à rai- 
son de vos affaires personnelles, dans la maison du sémi- 
naire, vous n'y paraîtrez que comme étranger, et pour 
inspirer aux jeunes gens que vous y rencontreriez des 
sentiments de docilité. Je ne puis trouver dans cette 
conduite que les preuves de votre soumission aux 
intentions de Sa Majesté (2). » 

Émery était en effet chez lui au séminaire, et c'est de 
sa propriété qu'on l'avait contraint de partir. Frappé de 
la fausseté de cette situation, et mécontent de voir traîner 
les travaux de Saint-Nicolas-du-Ghardonnet, Napoléon 
ordonna que l'État fît l'acquisition immédiate des bâti- 
ments de la rue du Pot-de-Fer. En transmettant cette 
nouvelle exigence à Émery et en lui demandant ses con- 
ditions, Bigot de Préameneu le questionna aussi sur la 



d'affaires publiques. » (Bigot de Préameneu à Napoléon, 16 juin ; 
AF. IV, 4047.) 

(1) Il courut dans le clergé des récits de cette scène d'adieux, 
comme le prouve une lettre adressée le 21 juillet 1810 par im 
prêtre anonyme à l'abbé Recorbet, supérieur du séminaire de 
Largentière* compromis plus tard dans l'affaire d'Astros. (F. 7, 
6535.) 

(2) 19 juin ISIO : Vie de M. Émery, t. II, p. 280. 



238 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

réalité de ses droits de propriétaire : il lui donna égale- 
ment le choix entre un contrat de gré à gré et une ces- 
sion sur réquisition de l'autorité administrative. 

La réponse du supérieur destitué, expulsé et dépouillé, 
fut remarquable de mansuétude évangélique et de sim- 
plicité sulpicienne. Gomme il avait fait ses preuves dans 
les prisons de la Terreur, il jugea superflu de provoquer 
une mise en scène de persécution. Il indiqua donc, sans 
ambages et sans phrases, que le séminaire lui avait 
coûté 100,000 francs de prix d'achat, plus 20,000 francs 
de travaux d'appropriation; il donna sa parole, « nette- 
ment et dans toute la sincérité de mon cœur >, que 
cette somme avait été prise sur son patrimoine person- 
nel, et ne lui avait point été fournie par des libéralités 
étrangères : «... J'ai l'honneur, » poursuivit-il, « de 
répondre à Votre Excellence que je désire traiter avec 
Elle de gré à gré, et qu'EUe sera la maîtresse des condi- 
tions. Il me suffit de savoir que l'intention de l'empereur 
est que je renonce à la propriété de la maison. Sa Majesté 
me trouvera toujours disposé à faire ce qui est en mon 
pouvoir et qui lui est agréable. Elle m'a comblé de bontés 
dans tous les temps. Je ne peux oublier qu'EUe m'a ofîert 
successivement les évêchés d'Arras, de Troyes et d'Au- 
tun, et que quand il a été question de nommer des con- 
seillers d'Université, Elle a daigné de son propre mouve- 
ment jeter les yeux sur moi. Elle me traita encore l'année 
dernière avec beaucoup de bonté dans l'audience qu'EUe 
voulut bien'm'accorder à Fontainebleau. Je Lui dois donc 
bien de la reconnaissance, et je ne peux qu'être vive- 
ment affecté de ce que depuis cette époque on a voulu 
me perdre dans son esprit. C'est apparemment en me 
traduisant comme un ultramontain forcené. — Moi ultra- 
montain I moi qui ai toujours enseigné et fait enseigner 
les Quatre Articles, moi qui dans un acte déposé dans les 



DISGRÂCE D'ÉMERY 839 

bureaux du ministre des cultes ai déclaré de mon propre 
mouvement que je n'avais point sur ces matières d'autre 
doctrine que celle de Bossuet ; moi qui dans les derniers 
adieux que j'ai faits au séminaire assemblé, un quart 
d'heure avant d'en sortir, ai fait une haute protestation 
d'être et d'avoir toujours été attaché à la doctrine de l'Église 
de France, telle qu'elle est exposée par les évêques de 
l'assemblée de 1682 dans leur déclaration et défendue par 
Bossuet dans ses écrits^ et qui ai dans la même circons- 
tance exhorté vivement les élèves du séminaire ^'adhérer 
(sic) constamment à cette doctrine^ et de la suivre dans 
toute son étendue (4). » En conséquence, le décret qui 
décidait l'achat du séminaire pour le compte de l'État, 
sans prononcer le nom d'Émery, autorisa le préfet 
de la Seine à traiter de gré à gré pour une somme de* 
i20,000 francs (2). 

Par une rencontre singulière, et que les sulpiciens 
n'étaient pas éloignés de juger providentielle, les mesures 
prises contre leur supérieur avaient presque exactement 
coïncidé avec la disgrâce de Fouché, si ardent à dénoncer 
Émery (2 juin 1810). Celui-ci en conçut quelque espoir : 
« Le ministre qui est l'auteur de tout n'est plus en place; 
son successeur ne sait pas seulement s'il y a des Sulpi- 
ciens dans le monde (3). » Il ajoutait que les choses 
seraient faciles à remettre en état, à condition que Bigot 
de Préameneu se montrât t un peu plus courageux, » ce 
qui était d'une sévérité voisine de l'injustice, sinon de l'in- 



(1) 26 juin 1810 : AF. IV, plaq. 3530. Cette importante lettre, 
dont l'original autographe se trouve dans le dossier de préparation 
d'un décret, parait avoir été ignorée du biographe d'Ëmery. 

(2) Décret du 15 juillet 1810 (non publié au Bulletin det lois) : 
Ibidem. 

(3) A Bausset, 20 juillet 1810 : Vie de M. Émery, t. II, p. 276. 



^ 



240 VACANCE DU SIÈGE ARCHIÉPISCOPAL 

gratitude. En réalité, si Savary était étranger de par son 
passé à tout parti pris en matière religieuse, il était 
décidé à se faire Taveugle instrument des volontés et des 
préventions du maître. Les sulpiciens ne jouissaient 
que d'un répit, auquel le moindre incident pouvait mettre 
un terme, comme la suite des événements ne tarda point 
à le prouver. Malgré ses intermittentes illusions, Émery 
ne laissait point que d'en avoir l'intuition; il écrivait au 
supérieur d'une maison sulpicienne des États-Unis : < Il 
faut regarder comme possible, d'après les bouleverse- 
ments qui se sont faits et se préparent, qu'il ne puisse 
plus y avoir de séminaire et de société de Saint-Sulpice 
en France, et que la cbose et le nom ne subsistent plus 
qu'en Amérique (1). » 

(4) A Nagot, mai iSlO : Vie de M. Émery, t. II, p. 313. 



CHAPITRE V 



LA NOMINATION DU CARDINAL MAURY ET l'AFFAIRE 

d'astros 

■ I 

(1810-1811) 



}. Nomination de Maury : son passé et sa réputation — IL Maury 
prend possession; premières difficultés. — III. Arrestation de 

' rabbé d'Astros. — IV. L'adresse du chapitre de Notre-Dame. — 
V. Les suites de l'affaire d'Astros : détentions et exils. 



I 



A la circulaire ministérielle du 3 août 1810, qui enjoi- 
gnait aux évêques nommés d'administrer leurs diocèses 
en qualité de vicaires capitulaires, Fesch avait d'abord 
répondu par de vagues protestations de bonne volonté, 
où se trahissait surtout le rêve obstiné de cumuler un 
jour les deux sièges, et la volonté de ne faire à Paris 
aucun acte qui pût impliquer une démission de Parche- 
vêché de Lyon. A une mise en demeure sans doute plus 
directe et plus pressante, le prélat répliqua, sur un ton 
exalté et presque inspiré, qu'il lui était impossible de 
rompre les liens qui l'attachçiient à l'Église lyonnaise : 
« ...Quelles raisons pourraient me convaincre que la 
Divine Providence veut que je Tabandonne pour le dio- 
cèse de Paris? Quelle est l'autorité qui commande ce 

IV. 16 



242 MAURT ET D'ÂSTROS 

sacrifice et qui exige ma docilité?... Oui, monsieur le 
Ministre, je veux rester archevêque de Lyon, parce que 
je crois que telle est la volonté de Dieu (1). * 

Napoléon fit certainement de vive voix des instances 
personnelles auprès de son oncle; il dut insister sur la 
situation prépondérante que Fesch s'exposait à perdre; 
il tenta sans doute de l'intimider, et de lui parler sur le 
ton du commandement. Par obstination d'amour-propre 
autant que par scrupule de conscience, le cardinal 
demeura inébranlable. Ce qui est dépourvu de toute 
vraisemblance, c'est qu^aux menaces de l'eilipereur, 
disant qu'il saurait bien le contraindre à faire acte d'ar- 
chevêque de Paris, il ait répondu : Potim morif ce 
qui aurait provoqué cette riposte : t Vous voulez Maury ! 
Eh bien, vous l'aurez (2). » En réalité, Fesch n'avait 
pas plus de vocation pour le martyre que Napoléon de 
goût pour le calembour. 

C'est dans la matinée du 14 octobre 1810, à Fontai- 
nebleau, que la nomination fut publiée à l'improviste, 
sinon brusquement décidée. On prétendit que l'empe- 
reur avait interpellé Maury à brûle-pourpoint : « Car- 
dinal, si je vous nommais archevêque de Paris, que 
ferlez-vous? » Le joyeux saisissement de l'élu fut la 
plus expressive des réponses; il fut pris d'un tel trem- 
blement que Napoléon dut le faire asseoir en disant : 
« Allons, cardinal, allons, remettez-vous, et allez vous 
in^aller demain à l'archevêché (3). » Il est incontes- 
table que le décret fut dicté séance tenante à Bigot de 



(1) A Bigot de Préameneu, 14 septembre 1810 : AR. IV, 1047. 
— Cf. Frédéric Masson, Napoléon et sa famille,'t,\l,i^. 237. 

(2) Lyonnet, le Cardinal Fesch, t. II, p. 174. 

(3) Alissan de Chazet, Mémoires, t. II, p. 156 (Chazet affirme 
tenir d'un témoin le récit de la scène). . ' 



NOMINATION ET PASSÉ DE MAURY 243 

Préameneu (1), et qu'après l'évangile de la messe impé- 
riale (c'était un dimanche), le cardinal prêta serment. 
Napoléon lui tint peut-être ce petit discours : « Comme 
vous avez défendu la cause de la religion et de la 
monarchie, avec autant de courage que d'éloquence, et 
que je veux maintenir l'une et l'autre, je vous ai nommé 
archevêque de Paris (2). » Un tel langage n'avait, en 1810, 
rien que de conforme aux idées de l'ancien général de 
Vendémiaire. Ce qui est certain, c'est que Maury se pro- 
clama ravi de l'affabilité du souverain. « Il m'a dit, » 
écrivait une contemporaine, une romancière il est vrai, 
« que rien ne peut se comparer à l'émotion qu'il a 
éprouvée en prêtant serment, et que l'empereur, dans 
les choses qu'il accorde, a tant de grâce et de majesté, 
qu'on se trouverait heureux, dans ces moments-là, de 
se faire tuer pour lui (3). » C'était déjà beaucoup : mais 
redevenu maître de lui, et rendu à son ordinaire intem- 
pérance de langage, le cardinal promena parmi les 
courtisans, accourus en grand nombre comme tous les 
dimanches, « la bruyante expression de sa joie ». Sur 
un ton moitié badin et moitié sérieux, il répétait à 
satiété que l'empereur venait « de satisfaire aux deux 
plus grands besoins de sa capitale », car le même jour, 
également à l'improviste, Pasquier avait été nommé 
préfet de police (4). L'effet fut déplorable dans le monde 

(1) L'article premier est ainsi libellé sur la minute (de la main 
du ministre des cultes) : « Le cardinal Maury est nommé à l'ar- 
chevêché de Paris, vacant par la mort du cardinal du (sic) Belloi 
(sic). » (AF. IV, plaq. 3735). 

(2) C'est Maury qui rapporta ces paroles à Mme de Genlis, 
laquelle les mandait le 27 octobre à son fils adoptif (Mme de 
Genlis, Lettres inédites à Casimir Baecker, p. 70). 

(3; Mme de Genlis, Mémoires, t. V, p. 164 (cette phrase est 
extraite d'un des rapports que Mme de Genlis adressait tous les 
quinze jours à Napoléon). 

(4) Pasquier, Mérr^oires, t. I,.p. 415. 



244 MAURY ET D'ASTROS 

de la cour, peu exigeant pourtant en matière de dignité;, 
quant aux milieux ecclésiastiques, Émery écrivait le 
surlendemain : « Vous comprenez qu'une certaine no- 
mination occupe beaucoup le public. Il y a unanimité; 
devinez si c'est pour l'approbation ou pour l'impro- 
bation (1). » 

A la différence de Fescb, qui avait passé de la plu& 
complète obscurité au sommet de la hiérarchie ecclé- 
siastique, le cardinal Jean-Siffrein Maury, t l'abbé >, 
Maury, comme on l'appelait encore couramment par 
une vieille habitude, jouissait à Paris d'une ancienne et 
considérable* notoriété. Né dans une bourgade du comtat 
yenaissin, fils d'un savetier, disait la légende, d'un petit 
propriétaire cultivateur, rectifiaient les gens bien infor- 
més, il était venu à vingt ans, après de brillantes études, 
chercher fortune à Paris. Est-il vrai qu'il fit la fin du 
voyage en diligence avec le Limousin Treilhard, novice 
et ambitieux comme lui, et qu'en se souhaitant récipro-» 
quement les plus hautes destinées dont pussent se flatter 
des imaginations jeunes et méridionales, ils demeurèrent 
pourtant dans leurs prédictions bien en deçà l'un et l'autre 
de ce que la réalité leur réservait? Toujours est-il que 
Maury ne tarda point à se distinguer comme sermon-^ 
naire, et qu'il fut successivement chargé de prêcher le 
panégyrique de saint Louis devant l'Académie française, 
celui de saint Augustin devant l'assemblée générale du 
clergé, le carême de 1781 à la chapelle du château de 
Versailles. En prenant prétexte de l'éloge de saint 
Augustin pour critiquer l'institution monastique, en 
censurant devant Louis XVI le gouvernement de son 
grand-père, le prédicateur s'attira les applaudissemei 

(1) A Bausset, 16 octobre 1810 : Vie de M. Émery, t. II, p. H 



NOMINATION ET PASSÉ DE MAURY 245 

enthousiastes des < philosophes » et les reproches non 
moins vifs du parti opposé (1). Mais il était trop avisé 
pour aller jusqu'au bout dans cette voie, et pour suivre 
Texemple d'un Claude Fauchet, à qui on le comparait 
à cette époque. Une fois nanti d'un bénéfice et d'un 
fauteuil à l'Académie, il atténua progressivement son 
opposition, et c'est comme défenseur de l'ordre établi 
que le clergé du bailliage de Péronne l'envoya aux États 
généraux. 

Il resta silencieux pendant les premiers débats, prit 
la fuite au 14 juillet et ne revint siéger à l'Assemblée 
.que presque contraint et forcé, après avoir été arrêté en 
Picardie. Mais alors une étonnante transformation se 
produisit sinon dans ses convictions, du moins dans son 
attitude : il se révéla soudain grand orateur politique, 
le seul de la droite capable de tenir tète à Mirabeau, et 
fut jusqu'à la séparation de l'Assemblée merveilleux de 
dialectique, de verve, de présence d'esprit, de sang-froid 
et de robustesse physique. Bientôt environné d'une 
magnifique auréole d'impopularité, chansonné, carica- 
turé, hué, parfois menacé, il fit preuve dans la rue 
comme à la tribune d'une inépuisable facilité de riposte, 
.désarmant les braillards par un bon mot et muant en 
hilarité la fureur (Je ces foules parisiennes, si mobiles 
dans leurs passions, si promptes à l'éclat de rire. 

La situation n'en était pas moins intenable pour lui, 
quand son mandat de député eut pris fin. Il gagna 
Rome, où Pie VI le récompensa généreusement des ser- 
vices rendus à la religion et à la papauté : le petit sémi- 



(1) J.-N. MoREAU, Mes Souvenirs, t. Il, p. 310-312. Maury lui- 
jnème disait sous TEmpire, en évoquant le souvenir des sermons 
.d'avant la Révolution : « Malheureux que nous étions, nous en 
étions au point de ne plus oser prononcer le nom de Notre 
Seigneur Jésus-Ghi-ist ! » (Poujoulat,^^ Cardinal Maury, p. 437). 



'*4« M AORY et D'ASTRÔ« 

nariste de Valréas fut successivement archevêque m 
partibus de Nicée, nonce au couronnement de l'empereur 
François, cardinal enfin et évêque de Montefiascone, 
dans les États de PÉglise. Il ne cessait point pour cela de 
s'intéresser aux choses de France, prenant parti, selon 
l'habitude de l'émigration^ pour les thèses les plus 
intransigeantes, répudiant et anathématisant toutes les 
solutions modérées, écrivant publiquement à l'abbé 
Émery dès 1792, à propos d'un serment que celui-ci 
croyait licite : « La religion que vous m'avez enseignée 
ne connaît pas ces honteuses capitulations (i). » La suc- 
cession des événements révolutionnaires ne fit que l'an- 
crer dans son opposition systématique; du conclave de 
Venise, où il défendait officiellement les intérêts de 
Louis XYIII et où il contribua à l'élection de Pie VU, il 
écrivait en apprenant le débarquement de Bonaparte à 
Fréjus : < Dieu veuille que ce soit un faux bruit (2) ! » Il 
s'indignait contre la constitution consulaire (3); quand 
un mouvement favorable à la promesse de fidélité se 
dessinait dans le clergé, tous les moyens étaient bons à 
Maury pour décourager les adhésions : afin d'établir que 
la promesse était condamnée par le pape, il devançait, 
dénaturait et au besoin supposait des décisions pontifi- 
cales (4). Confiné par ordre de Pie VII dans son évéchë 



(d) 5 décembre 1792 : Sigaro, VAneien clergé de France, t. IIl, 
p« 281. — Cf. Vie de M, Emery, U I, p. 305-334, 

(2) A Louis XVIII, 2 novembre 1799 : Ricard, Correspondance 
et Mémoires du cardinal Maury, t. I, p. 250. 

(3) « Cette pancarte d'ordre militaire, qu'on nous donne pour 
une constitution, consacre le brigandage de la spoliation du roi, 
de l'Ëglise, des émigrés... » (Au môme, 1«^ mars 1800 : Ibidemt 
t. I, p, 343). 

(4) Après avoir lu les lettres qu*il faisait circuler, Emery écri- 
vait, mais confidentiellement : « C'est le chef-d'œuvre de l'impru- 
dence et de l'indécence... Ce personnage manque de bon sens. > 
(A Bausset, décembre 1800 : Vie de M. Emery, t. II, p. 16y« 



I 



NOMINATION ET PASSÉ DE MAURY 947 

-de MonteAascone lorsque s'engagèrent les négociations 
concordataires^ il envoya du moins à Rome son frère^ 
porteur d'un mémoire où étaient énergiquement résu- 
més tous les motifs de n'avoir point confiance en Bona- 
parte (1). 

Le Concordat se conclut cependant, et dans sa solitude 
de Monteliascone, Maury ne put ignorer que parmi les 
survivants de ses compagnons d'armes de la Constitu- 
ante, plusieurs devenaient des personnages importants 
du nouveau régime, que Boisgelin était cardinal, Mou- 
nier, conseiller d'État, Malouet^ préfet maritime; il sut 
que les émigrés rentraient en masse, que l'éventualité 
d'une restauration bourbonienne paraissait de plus en 
plus invraisemblable, et que le trône se relevait au profit 
de celui qu'il avait qualifié d' « homme dangereux » . De- 
meuré ambitieux dans Tàme, lassé de la vie romaine et 
italienne, il lui sembla qu'à s'obstiner dans sa bouderie, il 
manquait la fin de sa carrière. Ce fut un prétexte qu'une 
épigranmie assez anodine, glissée dans la correspondance 
de Louis XVIII à l'automne de 1803; prétexte aussi, l'in- 
sistance de Pie VU à lui faire écrire une lettre de souhaits 
à Napoléon, comme les cardinaux de curie avaient cou- 
tume d'en user à l'égard des divers souverains catho- 
liques (2) : Maury s'était déjà dérobé à cette obligation, 
et il pouvait s'en acquitter en termes d'une significative 
banalité. C'est bien pour faire acte de solennelle et écla- 
tante adhésion à l'Empire qu'il adressa à Napoléon, le 
42 août 1804, une lettre d'enthousiaste adulation, con- 
fiée à l'entremise du cardinal de Belloy : celui-ci le com- 
prit ainsi, puisqu'il félicita Maury de sa démarche (3), 

(i) Ricard, Correspondance et Mémoires du cardinal Maurxj, 1. 1, 
p. 461-479. 

(2) Ibidenit t. Il, p. 276 et suiv. 

(3) 11 septembre 1804 : Ibidem, t. II, p. 316-317. 



1 



848 MAURY ET P'ASTROS . ;: 

et l'etopereur de môme, puisque Tépître fut commu- 
niquée aux journaux, où elle fit grand bruit. 

Le cardinal, qui ne brillait point par le tact, comprit 
pourtant qu'il avait tout avantage à ne point précipiter 
son retour en France. Non seulement il ne fit point 
. escorte au pape lors du sacre, mais c'est à Gênes seule- 
ment, le !•' juillet 1805, qu'il eut sa première ei^trevue 
avec Napoléon : son thème était fait à l'avance, et U 
.déclara par la suite qu'au bout de cinq minutes de 
conversation, il s'était senti ébloui et conquis par le 
grand homme (1). Au printemps suivant, son ancien 
collègue et adversaire Rœderer, qui l'avait croisé dans 
une auberge de Sienne, écrivait : « Il est excellent à 
entendre sur l'empereur, et sur tout ce qu'il a vu de sa 
famille (2).» 

Maury était alors sur le chemin de Paris, où son 
arrivée, il faut presque dire son entrée, eut lieu le 
^26 mai 1806. Il eut le plus vif succès de curiosité et 
.même de vogue. Les dames de la Halle, qui jadis 
l'avaient plus d'une fois menacé de la lanterne, vinrent 
lui offrir un bouquet, en protestant qu'elles avaient tou- 
jours été ses amies (3). Au bout d'un mois, une de ses 
nièces, qui l'avait accompagné, écrivait à un parent 
demeuré en Italie : « Mon oncle ne peut sortir dans 
Paris, même en voiture, sans être suivi d'écuyers, dès 
qu'il est reconnu, et le peuple lui témoigne sa joie de le 
revoir par des : Vive Vabhé Maury! Il est obligé de se 
priver de toutes promenades. Il ne peut officier dans 

(1) Ricard, Correspondance et Mémoires du cardinal Maury ^ t. lï, 
p. 320. 

(2) Rœderer à sa femme, 13 mai 1806 : Roederer, Œufiei 
t. IV, p. 69. . . 

(3) Ricard, Correspondance et Mémoires du cardinal Maury, t. Il 
p. 328. 



NOMINATION ET PASSÉ DE MAURY 249 

•auciinô église, poùir évite j* le concourd du peuple qui s'y 
-porterait en foule (i). » 

Décidé à pratiquer l'oubli des injures, surtout de celles 
dont il était l'auteur, Maury trouva tout simple de s'adres- 
ser à l'abbé Émery pour se faire organiser une chapelle 
^à l'hôtel où il était descendu (2) : c'était en même temps 
une manière assez, adroite de faire cautionner sa régu- 
larité sacerdotale; il devait quelques mois plus tard 
demander de 'même la permission à Émery de s'installer 
à Jssy pour composer son discours de réception à l'Aca- 
démie:(3)l Le candide sûpérieul' prit d'abord au sérieux 
^ces résolutions dé vie édifiante et retirée : « Son frère 
m'a dit qu'il était plus ecclésiastique que jamais... Il me 
parait qu'il n'a absolument aucune vue de s'établir en 
JFrance; qu'il n'eu a pas même le goût (4). > Un peu plus 
talrd, détrompé au moins sur le second point, Émery se 
livrait à des réflexions qui accusaient le contraste des 
deux caractères : t M. le cardinal Maury paraît bien 
.prendre à Paris, et je crois qu'il y aura des démarches 
pour l'arrêter en France. Je désirerais qu'il s'y fixât. D 
pourrait être utile à la religion : mais je ne le désire pas 
pour son bonheur. Heureux ceux qui ne sont rien (5) t > 
Cependant Maury, qui en débarquant avait parlé d'un 
séjour dé deux mois, bénissait à la fin de septembre dans 
la chapelle de l'ambassade d'Espagne un grand mariage, 
celui de. Philippe de Ségur et de Mlle de Luçay (6); le 

(1) 20 juin 1806 : Bicard, Correspondante et Mémoirei du car- 
dinal Maury, t. II, p. 32S-329. Ce récit peut-être un peu hyperbo- 
lique est confirmé au fond par le témoignage de l'abbé de Pradt 
{le$ Quatre Concordais, t. II, p. 47, note). 

* (2) C'était rhôtel Notre-Dame, rue du Paon (Bulletin de police 
du 28 mai 1806 : AF. IV, 14966). 

(3) Emery à Bausset, 30 octobre 1806 : Papier t Emery. 

(4) Le môme au même, s. d. et 29 mai : Ibidem. 
(â) Le même au même, s. d. (juin 1806) : Ibidem, 
(6) Journal de VEmpire, !•/ octobre 1806. 



250 if AURY ET D'ASTROfe 

jour de la Toussaint, il officiait pontiflcalemént à Notre- 
Dame; il n'était plus question de son retour à Montefias- 
cône. 

Ces honneurs et ce rôle de représentation pouvaient 
flatter l'amour-propre de Maury : ils ne suffisaient pas à 
son ambition; à rencontre d'Émery, en fait de béatitude, 
sa devise était Beati passiderUes. Pour se rendre digne 
des faveurs impériales, il multipliait les gages de sincère 
et fervente conversion. Un jour qu'A Saint-Cloud, par 
manière d'épreuve ou de taquinerie, Napoléon lui 
demandait devant témoins où il en était avec la maison 
de Bourbon, il répondait avec plus d'esprit que de déli- 
catesse qu'il avait perdu la foi et l'espérance, et qu'il 
ne lui restait plus que la charité (i). Son discours de 
réception à l'Institut ou, comme il récrivait lui-même, 
< de rentrée à l'Académie >, qui était l'événement litté 
raîre et mondain du printemps de 1807 (2), se terminait 
sur un éloge pompeux et à tout prendre éloquent du 
nouveau mattre de la France, de ses victoires militaires» 
de son œuvre politique; dès la veille de la séance, 
Maury prenait soin d'adresser un exemplaire de ce 
discours à Élisa, la plus t littéraire » des princesses, 
en y joignant un commentaire aussi dithyrambique 
que le texte : < J'ai profité, avec un sentiment de 
véritable bonheur, d'une occasion si favorable pour 
manifester une partie de l'inexprimable admiration et 
du fidèle dévouement que je dois à notre auguste empe- 
reur (3). » 



(1) Ricard, Correspondance et Mémoires du cardinal Maury, 
t. II, p. 453. 

(2) En parlant de Tlnstitut, nous mentionnerons dans on autre 
volume les incidents que suscita ce discours. 

(3) 5 mai 1807 : Rodocanachi et Margotti^ Elisa Baciocchi en 
Italie (Revue historique, mars 1899, p, 292)* 



NOMINATION Et PASSÉ DÉ MAURY Hi 

n n'avait pas attendu jusque-là pour se poser en sol- 
liciteur, ou plutôt en homme qui revendique son dû en 
réclamant une situation prépondérante. Débarqué à Paris 
depuis trois mois, il écrivait à son neveu, avec une fa- 
tuité choquante même dans des confidences de famille : 
€ Personne ne doute ici et n'a jamais douté depuis mon 
arrivée du beau sort qui m'est réservé. Ce ne sont pas 
'les hommes, ce sont les pavés qui le disent unanime- 
ment (i). » Il ne considéra sans doute que comme un 
à-compte ou comme une sinécure la charge de premier 
aumônier du prince Jérôme, le fiancé déjà volage de 
Catherine de Wurtemberg (octobre 1806) (2), puis l'ad- 
mission au rang et au traitement de cardinal français 
(avril 1807). Il racontait en 1808 que c'était le souci de sa 
dignité qui l'avait empêché de devenir grand-mattre de 
l'Université, et qu'il ne convenait point à un cardinal 
d'être le subordonné d'un ministre (3) : entendons par 
là qu'il avait vainement brigué la place, et que Fontanes 
avait paru plus propre à l'occuper par ses aptitudes pé- 
dagogiques comme par la dignité de son maintien exté- 
rieur. L'année suivante, quand Fesch nommé à Paris fit 
des démarches pour conserver le siège de Lyon, Maury 
* dénonça si bruyamment le scandale de ce cumul, que tout 
le monde en conclut qu'il posait sa candidature à l'arche- 



(1) 6 septembre 1806 : Ricard, Correspondance et Mémoires du 
cardinal Maury, t. II, p. 343. 

(2) Frédéric Masson, Napoléon et sa famille, t. III, p. 374. 

(3) « La place de grand-mattre de l'instruction publique m'avait 
été primitivement destinée, mais, par des décisions subséquentes 
au premier plan, ce poste, qui devait être un des premiers de 
TËmpire, ayant perdu une partie de ses attributions et particu- 
lièrement le travail avec l'Empereur, ne pouvait plus convenir à 
une dignité qui ne permet point de paraître devant Sa Majesté en 
seconde ligne après le ministre de l'intérieur. » (A son neveu, 
25 mars 1808 : Ricard, Correspondance et Mémoires du cardinal 
Maury, U U, p. 375-876). 



«5.Î MAURY ET D'ASTROS 

vêché de Lyon (1). 11 accepta avec empressement de 
faire partie de la commission ecclésiastique, chargée de 
trouver une issue au conflit avec la papauté : il revendi- 
quait, dit-on, le mérite d'avoir suggéré à Napoléon de 
: faire confier aux évéques nommés les pouvoirs de vi- 
caires capitulaires (2). Après quatre ans d'attente, il 
recevait enfin^ avec Tarchevéché de Paris, un poste digne 
de ses talents et de sa haute situation ecclésiastique: 
tout à la joie de l'ambition satisfaite^ il ne s'embarrassa 
une minute ni du souvenir de son rôle à la Consti- 
tuante, ni de celui des bienfaits dont il était redevable 
. au Saint-Siège. 

Imposé sans doute à Napoléon par le désir de ne pas 
sembler pris au dépourvu après la définitive renoncia- 
tion de Fesch, ce choix n'en était pas moins très fâcheux. 
Si le menu peuple aimait Maury à cause de sa persistante 
jovialité et en souvenir de ses familières reparties des 
.débuts de la Révolution, cette popularité n'était point 
du genre le plus désirable pour un archevêque; quant au 
monde de la cour, des lettres, de la bourgeoisie aisée, 
Maury y était environné d'un discrédit à peu près général. 

11 n'est point question ici des royalistes irréconci- 
liables, qui le considéraient comme un renégat. Par un 
revirement bien humain, ceux qui, sous la Constituante 
ou pendant l'émigration, lui avaient fait fête en trouvant 
à sa vulgarité de ton et de manières un certain piment 
d'originalité, le déclaraient à présent de commerce into- 
lérable. Pour s'excuser, ils déclaraient que le cardinal 
avait encore perdu en distinction depuis sa rentrée en 
France (3) : la vraie cause de leur palinodie n'en était 

(1) Bulletin de police du 4 février 1809 : AF. IV, 1505. 

(2) Pacca, Mémoires, t. II, p. 41. 

(3) Comtesse de Boigue, Mémoires, t. I,.p. S43-244. 



• ' î 



NOMINATION ET PASSÉ DE MAURT 28S- 

pas moins son ralliement à l'Empire, ainsi qu'une grande 
dame le lui donnait à entendre par un mot trop joli pour 
ne pas faire fortune (i). 

Mais la même impression défavorable existait dans dés 
milieux étrangers à toute rancune politique. Des abbés 
de ruelle de l'ancien régime et des prélats subalternes de 
la cour romaine, Maury avait pris et conservé les défauts 
les plus antipathiques à la conception que les Français 
du temps de l'Empire se faisaient du caractère ecclésias- 
tique. « Son goût pour la grosse bonne chère, » a écrit 
Pasqùier, « avait quelque chose de vulgaire, et son lan- 
gage dans les conversations particulières était beaucoup 
trop libre; son avarice enfin était poussée jusqu'au ridi- 
cule (2). » Ce dernier travers était d'autant plus choquant 
que la libéralité était une tradition chez les archevêques 
de Paris^ et que les deux titulaires du siège avant la 
Révolution, Beaumont et Juigné, avaient fait de vraies 
prodigalités d'aumônes. Un jeune officier de cavalerie, 
très dégourdi et très bon vivant, dînant chez ràrchichah- 
celier à côté de Maury, était stupéfait de sa gloutonnerie 
comme de la gaillardise de ses propos (3). c Jamais, » 
atteste, d'autre part, une élégante du temps, • je n'ai vu 
manger comme Son Éminence. Il était de force à rendre 
une poularde et deux ou trois perdrix au moins à un 
Russe greffé sur un Allemand (4). » Les préoccupations 
de gastronomie, ou plutôt de vulgaire gourmandise. 



(1) Comme le cardinal trouvait son portrait dans un salon du 
faubourg Saint-Germain, et qu'il se récriait, d'im ton de fausse 
modestie, sur l'honneur qu'on lui faisait de conserver cette vieille 
estampe, la maîtresse de maison répondit : « Eminence, c'est 
votre portrait avant la lettre! » 

(2) Pasquibr, Jlfémotret, t. 1, p. 415-416. 

(3) D'EspiNCHAL, Souvenirs militaires, t. I, p. 194-195 (reproduc- 
tion -d'une lettre écrite quelques jours après le dîner). 

(4) Duchesse dIAbraniâs, Mémoires, t. VI, p. 423. 



254 MAURT ET D'ASTROS 

tenaient une place démesurée dans sa conversation et 
dans sa correspondance (1). 

De ses humbles origines, il avait gardé une extraor- 
dinaire trivialité de manières et de langage. C'est ainsi 
qu'une fois archevêque de Paris, se croyant obligé 
d'échanger définitivement la soutanelle contre la sou- 
tane rouge^ il portait celle-ci sans poches, la retroussait 
constamment pour prendre sa tabatière ou son mou- 
choir, et joignant l'inélégance du verbe à celle du geste, 
disait alors, même et surtout devant des dames ; « n 
faut que je trousse ma cotte (2). » 

Doué d'une incontestable verve, il l'appliquait aux 
deux ordres de sujets les plus déplacés dans la bouche 
d'un homme d'Église, les anecdotes scabreuses et les fan- 
faronnades de scepticisme. Correct dans ses mœurs et sin- 
cère dans ses convictions, du moins à l'époque qui nous 
occupe, il se donnait ainsi l'apparence d'un prêtre peu 
régulier et peu croyant. « Son langage, lorsqu'il racon- 
tait une histoire un peu leste, devenait quelquefois into- 
lérable (3). » Il ne prenait d'ailleurs nul souci des dispo- 
sitions morales de ses auditeurs, et donnait par exemple 
libre cours à son amoiir des « bons contes > devant un 
encyclopédiste comme l'exrabbé Morellet (4). Un jour, 
comme le voltairien Arnault se récriait à l'une de ses his- 
toires, le cardinal trouvait exquis de réprendre ; « Vous 
pouvez m'en croire; je ne mens qu'en chaire (5). » 

Pour graves et déplaisants que fussent ces travers, ils 

(1) En dehors des documents qu'a consultés Mgr Ricard, je 
crois savoir qu'il existe, dans une petite ville de Vaucluse, 
d'autres lettres de famille inédites, confirmant rappréciaUon 
énoncée au texte. 

(2) Duchesse d'Abrântès, Mémoireâ, t. VI, p. 424. 

(S) Duchesse d'âbrantès, Salons de Paris, t. IV, p. 231. 

(4) Morellet à Rœderer, octobre 180Ô : Lettres inédites, p. 30, 

(5) Arnault, Souvenirf d'iun sexagénaira^ t.. llî,pi, 304. 



MÂURY PR£ND POSSESSION 255^ 

n'étaient eji quelque sotte: que superficiels. Maury y^ 
joignait :cle remarquables dons intellectuels^ un peu 
alourdis par l'âge, et à défaut de compétence adminis-, 
trative,une grande bonne volonté. Mais comme il arrive 
à la, plupart. de ceux qui ont changé d'opinion ou de 
parti, le soupçon même d'une réprobation le jetait dans, 
l'exaspëratiou; il était toujours la même homme qui^ 
prodiguait naguères les injures et les anathèmes à ses 
adversaires; aigri par la. fausseté de sa situation,, 
c'étaient maintenant les foudres très temporelles de la 
police impériale. qu51 allait provoquer contre quiconque, 
aurait rirrévérehce de contester: son autorité ou de 
froiçser 3on orguei). 



II 



. Pendant plusieurs semaines, Maury prodigua l'expan- 
sion de sa joie, écrivant par exemple des réponses de 
ce goût ; « Je vous remercie, mon trèis cher Seigneur,^ 
des éloquentes et aimables félicitations dont votre belle 
âme veut bien honorer mon avènement au siège de 
Paris. Ma nouvelle destinée absolument imprévue ne 
m'a causé et nie me cause encore, après quinze jours de 
réflexions, que de la\3uprise et de l'effroi. Je puis 
répondre de ma bonne volonté" et dé mon entier dévoue- 
ment aux immenses devoirs qui me sont imposés; mais 
je ne me sens nullement à mon âge en mesure d'acquitter 
avec gloire une pareille dette (1). » Le piquant de cette 



(4) A Le Goz, 30 octobre iSCO * Roussel, Un Evêque assefi»enté, 
(fac-similé en tête de Touvrâige). i . 



256 MAURY ET D'ASTROS 

lettre est qu'elle s'adressait à un ancien adversaire, 
Le Coz, demeuré très constitutionnel au fond : elle fait 
également peu d'bonneur aux deux correspondants. 

Le cardinal faisait volontiers aussi étalage de ses pro- 
jets, tout apostoliques. A un grand repas chez Camba- 
cérès, dont la salle à manger n'avait jamais sans doute 
retenti de propos aussi édifiants, il déclarait c que^ 
c'était la dernière fois qu'il dtnait en ville; qu'il allait 
loger à l'archevêché; qu'il se lèverait tous les jours à 
quatre heures^ ferait la prière à ses domestiques, à huit 
heures recevrait son clergé; qu'il irait çfficiér et prêcher 
successivement dans les diverses paroisses, ferait' des 
missions (1). > 11 développaitle même, programme devant 
Mme de Genlis, qui, par distraction ou par amour de 
l'exagération^ répétait que le cardinal se proposait de 
prêcher tous les jours, La femme-auteur concluait^ avec 
une naïveté qui fait penser, de très loin, à Mme de 
Sévigné venant de danser avec Louis XIV : « Comme il 
ne fera plus de visites, il m'a demandé de prendre des 
jours par semaine pour aller déjeuner chez hiitete à tête. 
J'irai les dimanches. Enfin, je suis sûre que ce sera un 
excellent archevêque (2). » — Mais il apparut prompte- 
ment que ce beau plan dé vie épiscopale, qu'on eût dit 
inspiré d'un saint Charles Borromée, se réduirait en réa* 
lité tout au plus aux déjeuners avec Mme de Genlis; 
Émery ne tardait pas à perdre ses dernières illusions 
sur le personnage : « Après avoir examina d'où vient 
le grand discrédit, je vois qu'effectivement de ce qu'il 
parle à tort et à travers, il annonce une multitude de 
belles résolutions qu'il n'exécute pas, et qu'il est peu" 
fidèle dans les faits qu'il rapporte (3). » 

(i) Bulletin de police du 19 octobre 1810 : AF. IV. 1510. 

(2) 27 octobre : Lettres inédites à Casimir Baecker, p. 7lJ 

(3) A Bausset, 10 novembre 1810 : Papiers Emery, 



^ 



i 



MAURY PREND POSSESSION 257 

Aux satisfactions d'amour-propre, se joignirent pour 
Maury des avantages pécuniaires qu'il était homme à 
apprécier, et qu'il eut le mauvais goût de solliciter, au lieu 
de s'en remettre à la libéralité impériale : c En me nom- 
mant à l'archevêché de Paris, » écrivait-il à Bigot de Préa- 
meneu, « Sa Majesté daigna me dire qu'EUe me mettrait 
en état d'entretenir convenablement ma dignité. Cette 
parole mit le comble à la confiance et à la reconnaissance 
dont mon cœur était rempli... » Précisant ses désirs, il 
demandait notamment 100,000 francs pour l'ameuble- 
ment du palais archiépiscopal, et la remise entre ses 
mains des émoluments demeurés impayés depuis la mort 
du cardinal de Belloy, soit depuis deux ans et demi (1). 

Sans souscrire exactement aux requêtes de Maury, 
l'empereur se montra très généreux. Un décret du 
42 novembre 1840 porta le traitement de l'archevêque 
de Paris à 450,000 francs (dont 30,000 représentaient la 
dotation de cardinal [français, 20,000 étaient une alloca- 
tion de la commune de Paris et 400,000 constituaient le 
traitement proprement dit). De plus, à titre de frais 
d'établissement, Maury devait recevoir 70,000 francs sur 
les fonds mis en réserve depuis la vacance du siège 
(35,000 francs de l'État et 35,000 francs de la commune). 
Enfin, le titre II du décret affectait, sur les fonds extraor- 
dinaires des cultes, une somme de 450,000 francs à 
l'ameublement de l'archevêché : mais, par une précau- 
tion qu'avait peut-être inspirée la légendaire ladrerie du 
cardinal, il était spécifié que toutes les pièces du mobi- 
lier à acquérir seraient marquées et inventoriées (2). — 
Maury n'en fut pas moins au comble du contentement; 
en confirmant la nouvelle à Le Coz, qui lui avait adressé 

(1) Sans date (fin octobre ou commencement novembre 1810) ; 
AF. IV, 1047. 

(2) AF. IV, plaq. 3815. 

IV. 17 



258 MAURY ET D'ASTROS 

ses félicitations sur un bruit vaguement parvenu en 
Franche-Comté, il concluait : « C'est une aveugle ingra- 
titude que de ne pas reconnaître tout ce que l'empereur 
fait en faveur de la religion (1) t » 

« J'irai demain avec ce prélat, » avait écrit le ministre 
des cultes deux jours après la nomination, t visiter et 
faire meubler la partie du palais archiépiscopal destinée 
à son habitation personnelle, afin qu'il puisse l'occuper 
sur-le-champ. Le nouvel archevêque de Paris se trou- 
vera ainsi entièrement installé le plus promptement 
qu'il soit possible (2). » Tel était en effet Tordre formel 
de Napoléon : excédé des atermoiements successifs que 
Fesch avait multipliés avant de se dérober définitive- 
ment, il voulait d'emblée le nouvel archevêque matériel- 
lement logé à l'archevêché, moralement en possession 
de Tadministration diocésaine. 

C'est ce que Bigot de Préameneu fit savoir le 15 octobre 
aux vicaires capitulaires, en leur communiquant le 
décret de nomination daté du 14; c'est ce que le lende- 
main ils répétèrent aux chanoines, extraordinairement 
convoqués; c'est ce qui résulte clairement du compte 
rendu officiel de cette séance : t Le ministre notifie 
l'intention de Sa Majesté pour que les membres du cha- 
pitre s'assemblent de suite relativement aux pouvoirs 
qui sont dans leurs attributions (3). » 

L'émoi fut profond parmi les chanoines. En apparence, 
on ne leur demandait que de renouveler à l'égard de 
Maury le témoignage de confiance et de déférence que 
quelques mois plus tôt ils avaient si allègrement donne 
à Fesch; en réalité, les deux situations différaient nota- 

(1) 5 décembre 1810 : Roussel, Un Eveque fUiermenté, p. 527. 

(2) A Napoléon, 16 octobre 1810 : AF. IV, 1047. 

(3) Documents inédits. 



MAURY PREND POSSESSION S59 

blement. Du début de 1809 à Tautomne de 1810,1e fossé 
n'avait cessé de s'élargir entre le gouvernement impérial 
et le Saint-Siège; malgré son passé obscur et louche, 
l'attitude présente de Fesch inspirait confiance au clergé, 
tandis qu'en raison même de ses illustres antécédents, 
Maury passait pour un transfuge aux yeux de beaucoup 
de prêtréfe; enfin, la récente insistance du pouvoir civil 
pour faire conférer aux évoques nommés les pouvoirs 
de vicaires capitulaires avait éveillé les scrupules de plu- 
sieurs théologiens qui se demandaient si cet usage gal- 
lican était bien conforme au droit canon, surtout lorsqu'il 
devenait un moyen détourné de parer au refus des bulles 
par le pape (1). 

Il y eut certainement une discussion. Pour justifier 
l'obéissance aux volontés impériales, on fit valoir sans 
doute que ce détour respectait en somme les droits 
essentiels du Saint-Siège, et que l'intervention du cha- 
pitre prévenait une institution donnée par le métropo- 
litain ou le doyen des suffragants, institution dont il 
était déjà question dans certains milieux et qui eût con- 
sommé le schisme (2). Il demeure très douteux que l'au- 



(i) Ceci est la traduction à peu près littérale des explications 
fournies quatre ans plus tard par d'Astros : « Eo quidem tem- 
pera (1810) jam vero nemini dubium esse poterat quin giibernium 
Ecclesiae manifeste adversari vellet; par non erat nostra in car- 
dinalem Mam'y fiducia, electionemque episcoporum nominatorum 
in vicarios capitulares ut sanctae Ecclesiae regulis dissentaneam 
cognoscere incipiebam. » (A Pie VII, 23 novembre 1814 : Caussette, 
Vie du cardinal d'Aitros, p. lix). 

(2) Tel était notamment, en dehors du chapitre» l'avis du bio- 
graphe de Fénelon, le futur cardinal de Bausset, qui écrivait 
après la circulaire ministérielle du 3 août 1810 : « Je ne suis pas 
fâché qu'on ait enjoint aux évoques nommés d'aller gouverner 
leurs diocèses comme grands- vicaires des chapitres. C'est suivre 
la môme marche qui avait été mise en usage sous Louis XIV 
[pour] les contestations de la Régale. Gela^ donne le temps de res- 
pirer. » (A Bmery 9 août 1810 : Papien Émery.) 



^ 



f60 MAURY ET D'ASTROS 



torité d'Émery ait été invoquée (1). L'argument décisif 
fut la volonté nettement affirmée d'un maître auquel, 
tant ecclésiastiqttes que laïques, bien peu d'entre ses 
sujets avaient le courage de désobéir. Le vote ne fut 
pourtant point unanime (2), et l'un des opposants irré- 
ductibles fut précisément le vicaire général qui prési- 
dait la réunion, d'Astros (3). Le texte adopté sfe référait 
sans plus d'explications à la délibération prise lors de la 
nomination de Fesch ; mais, par une nuance impercep- 
tible aux profanes, tandis que le chapitre avait décidé 
de se transporter en corps chez Fesch pour le féliciter 
et le prier de prendre en main l'administration diocé- 
saine, il fut résolu d'envoyer à M aury une simple dépu- 
tation (4). Cependant le premier soin des vicaires géné- 
raux, à peine la séance levée, fut d'aller « en personne » 
informer le ministre des cultes que le chapitre avait 
confié au cardinal « les pouvoirs spirituels de sa com- 
pétence (5) » . 

C'est encore d'Astros qui conduisit la députation chez 
Maury, et qui lui débita un compliment passablement 
dépourvu d'onction. Le cardinal protesta longuement et 
chaleureusement de ses sentiments « pour le maintien 
de la religion, le respect dû au souverain, pour le 
clergé du diocèse en général et pour le chapitre de 
Paris en particulier (6) » . Il insista sur son dévouement 

(1) Pour ne point ouvrir une trop longue parenthèse, je renvoie 
à l'Appendice la discussion de cette question. 

(î) D'après des notes saisies chez d'Astros, et que Savary trans- 
mettait à Napoléon le 4 janvier 18H, il y eut trois ou quatre votes 
négatifs. 

(3) C'est d'Astros lui-même qui l'affirme (Gaussettb, Vie du car- 
dinal d^Astros, p. 175). 

(4) Documents inédits. 

(5) Bigot de Préameneu à. Napoléon, 16 octobre : AF. IV, 104 

(6) Compte rendu de d'Astros à la séance du chapitre du 17 ( 
tobre : Documents inédits. 



262 MAURY ET D*A8TR0S 

quarante ans, et dont le crédit était déjà considérable 
dans le clergé de Paris. Sa situation à Tégard du car- 
dinal était nécessairement délicate, comme le lui écri- 
vait un ami de province, expert en l'art de verser 
de rhuile sur le feu : < Il paraît que les anciens grands- 
vicaires capitulaires de Paris n'auront pas grand'chose 
à faire d'après les réserves que le nouveau grand-vicaire 
administrateur capitulaire s'est faites. Tout est cano- 
nique (1), mais combien nous sommes différents ici de 
ce que fit et de ce que n'a pas voulu faire en dernier 
lieu Mgr le cardinal Fesch (2). > Après la quasi-omnipo- 
tence que la longue vacance du siège et la réserve de 
Fesch avaient conférée aux vicaires généraux, d'Astros 
pouvait et devait prendre quelque ombrage des préten- 
tions autoritaires de Maury, manifestées sans discrétion : 
le départ était d'ailleurs en soi difficile à établir, entre 
les attributions de Vadministrateur capitulaire et celles 
que conservaient les vicaires capitulaires. Mais ceux-là 
se sont abusés, parmi les contemporains comme parmi 
les historiens, qui ont attribué l'attitude de d'Astros, 
soit à une hostilité systématique contre le gouverne- 
ment impérial, soit à l'influence des doctrines ultramoD- 
taines. Attristé et inquiet sans doute de la tournure 
qu'avait prise la politique religieuse, il était pourtant 
demeuré le môme homme qui avait été le principal 
rédacteur du catéchisme impérial, et dont son oncle 
Portails avait pu écrire au moment du sacre : « Il par- 
tage le dévouement sans bornes que toute ma famille a 
voué à votre auguste personne (3). » Pour ce qui est de 

(1) C'est l'auteur qui a souligné, et cela montre bien les doc- 
trines établies alors dans le clergé môme indépendant. 

(2) Lettre (non signée) de l'abbé de Toumefort, grand-vicai ) 
de Metz, 3 novembre 1810 : F. 7, 6536. 

(3) A Napoléon, 22 frimaire an XUI (13 décembre 1804) : AF. I V,ia . 



MAURY PREND POSSESSION 263 

sa manière de penser au sujet de rultramontanisme, il 
suffit de rappeler qu'à la fin de sa carrière il devait non 
sans vivacité prendre la défense des liturgies gallicanes 
et s'élever contre la campagne qu'inaugurait dom Gué- 
ranger. Mais réfléchi, studieux^ naturellement scrupu- 
leux, il avait conçu, sur la validité des pouvoirs capitu- 
laires conférés aux évoques nommés, des doutes que 
confirmèrent ses lectures et ses conversations avec un 
certain nombre de canonistes italiens. Comme doyen 
des vicaires généraux, il considéra que sa conscience 
lui commandait, à ses risques et périls, de ne s'associer 
à aucun acte contraire à la discipline ecclésiastique. 

Ses efforts se bornèrent d'abord à prévenir une confu- 
sion que le gouvernement encourageait et que l'igno- 
rance du public profane acceptait sans hésitation : 
nommé par l'empereur, investi par le chapitre des pou- 
voirs d'administration^ Maury passait aux yeux de l'im- 
mense majorité des Parisiens pour archevêque de Pai*is, 
autant qu'avaient pu l'être Belloy et Juigné. On lui en 
donnait couramment le titre, dans les conversations 
comme dans les documents officiels ; les journaux annon- 
çaient comme imminente son intronisation à Notre- 
Dame. 

Le jour de la Toussaint 1810, le prélat dit en effet une 
messe basse à la cathédrale, après quoi il assista sous un 
dais à la grand'messe, chantée par Jalabert. On s'y 
méprit si bien dans l'assistance que cinq jours plus tard, 
à l'assemblée du chapitre^ d'Astros, dont la personnalité 
apparaît clairement à travers l'anonymat du compte 
rendu, provoqua des explications : « Il a été observé 
que S. E. Mgr le cardinal Maury, évôque-archevêque de 
Montefiascone etCorneto, nommé à l'archevêché de Paris, 
administrateur capitulaire du diocèse le siège vacant, 
s'était rendu à la métropole le 1" de ce mois, jour de la 



S64 MAURT ET D^ASTROS 

Toussaint, à neuf heures du matin, avait célébré une 
messe basse au grand autel et avait assisté à la grand' 
messe, sans aucun des insignes qui sont attribués aux 
archevêques titulaires de Paris. — Il a été arrêté qu'il 
serait fait registre de la susdite observation dans le pro- 
cès-verbal de ce jour (1). » 

Napoléon ignora sans doute cette délibération : mais 
il ne lui échappa point que le Journal de l'Empire, comme 
par suite d'un mot d'ordre, affectait de ne jamais donner 
au cardinal que son titre canonique d'administrateiir, et 
c'est Savary qu'il chargea de mettre le holà : « Le cardi- 
nal est archevêque de Paris, et il doit toujours être dési- 
gné comme tel. Je n'entends pas qu'on l'appelle autre- 
ment, et je suppose que le cardinal lui-même ne reçoit 
ni ne prend pas d'autre titre. Les journaux doivent être 
les premiers à reconnaître ce que le gouvernement 
reconnaît (2). » Le surlendemain, l'empereur mandait 
d'un façon générale à Bigot de Préameneu sa volonté 
que les archevêques et évêques nommés, une fois leur 
serment prêté, prissent toujours leur titre (3). 

Maury fit preuve ici de sagesse et d'un certain courage. 
Il demanda d'urgence une audience (4), et représenta à 
Napoléon que sa décision risquait d'amener de graves 
complications : « Sire, » s'écria-il, « sous le titre d'admi- 
nistrateur capitulaire j'ai tout pouvoir; si je prends celui 
d'archevêque, je n'en aurai plus aucun (5). » Le souve- 



(1) Documents inédits. 

(2) 14 novembre 1810 : Lettres inédites, éd. Lecestre, 720. 

(3) 16 novembre 1810 : Correspondance, 17139. 

(4) Dans une lettre sans date à Bausset, Émery affîrme que la 
scène se passa à Fontainebleau : c'est peu probable, car Napo- 
léon en était revenu le 46 novembre, et c'est de ce dernier joui 
qu'est datée sa lettre à Bigot de Préameneu, qui dut précéder les 
explications de Maury. 

(5) C'est Maury lui-même qui rapporta ce propos au conseil d 



MAURY PREND POSSESSION 26« 

rain^ sans rétracter sa décision, consentit à en suspendre 
l'application. « Ce changement, • écrivait Toptimiste abbé 
Émery, « honore également l'empereur et le cardi- 
nal (4). I La suite des événements allait malheusement 
montrer que ni l'un ni l'autre n'avaient été très sin- 
cères. 

La grossesse déclarée de Marie-Louise permit à Maury 
de ne point attendre le carême pour adresser un premier 
mandement au clergé et aux fidèles de Paris. « J'en ai 
entendu la lecture, » écrivait encore Émery; « il n'est 
point indigne pour l'esprit et le style de l'abbé Maury. 
11 est fait pour plaire à Tempereur et à l'impératrice. 
Plaira-t-il au public (2)? » Après avoir célébré l'évé- 
nement qui se préparait et loué le couple impérial, 
Maury, sans trop d'étalage de sa personnalité, parlait 
de sa propre nomination, et rapportait les propos 
rassurants, que Napoléon lui aurait tenus à cette occa- 
sion : « Après nous avoir déclaré qu'il n'avait besoin 
de personne pour assurer pendant sa vie une puissance 
devenue inébranlable entre ses mains, ce monarque légis- 
lateur ajouta que la vie de l'homme n'étant qu'un passage 
sur la terre, il voulait donner à son trône la plus grande 
stabilité que puissent avoir les institutions humaines, 
en l'appuyant sur la base immuable de notre sainte reli- 
gion, à laquelle il ne souffrirait jamais qu'il fût fait 
aucun changement... De pareils sentiments honoreront 
à jamais cette religion vraiment divine qui mérite un 
si bel hommage, en apprenant aux hommes à être fidèles 
aux puissances établies de Dieu, par devoir de corn- 

rarehevôché (Mémoire de d'Astros : Caussette, Vie du cardinal 
d*Astros, p. XLiii). 

(4) A Bausset, s. d. : Papiers Émery, 

(2) Au même, s. d. : Ibidem. 



S66 MAURT ET D'ASTROS 

cience. » Tout cela, sans être bien critiquable, n'avait rien 
qui tranchât sur la moyenne de la littérature épiscopaie 
du temps. 

Quand vint la fête annuelle commémorative du sacre 
et d'Austerlitz, Maury fut tout naturellement appelé à la 
présider, tandis que le soin de porter la parole était 
confié à un professeur de la Faculté de théologie, l'abbé 
Cottret, futur évèque de Beauvais sous Louis-Philippe; 
les députations officielles qui composaient l'assistance 
furent moins frappées du discours que choquées de 
l'absence de musique au Te Detim (1). 

C'est sans doute au cours de cette fête que deux inci- 
dents vinrent attester à la fois que Maury, infidèle à ses 
déclarations, voulait insensiblement se poser en arche- 
vêque titulaire (2) et que d'Astros entendait se faire le 
vigilant gardien de la règle canonique. Quand le cortège 
se forma, le vicaire général fut tout surpris de voir 
figurer en tête la croix archiépiscopale, qui n'avait point 
paru depuis la mort de Belloy, et qui ne doit être portée 
que devant un archevêque titulaire dans sa province; 
sans crainte du scandale, d'Astros intima au porte-croix 
l'ordre de rentrer à la sacristie. Après la cérémonie; 
au moment des présentations, Maury, désignant d'un 
geste de superbe protection les vicaires capitulaires, dit : 



(1) En marge de Textrait du rapport de Pasqmer, faisant cette 
constatation, on écrivit au ministère de la police : « Des ordres 
sont donnés pour en connaître les motifs et pour savoir quelle 
est la personne chargée de cet objet. Si elle est susceptible de 
détention, elle sera arrêtée. » (Bulletin de police des 2-3 dé- 
cembre 1810 : AF. IV. 1812.) 

(2) Je prends ce mot, comme le faisaient tous les contemporains, 
dans son acception logique. D'après le vocabulaire ecclésiastique 
actuel, tel qu'il a été modifié il y a quelques années, les ar< e- 
vôques et évoques titulaires sont ceux qu'on appelait aupara\ ut 
in partibus infidelium, qui n'ont qu'un titre épiscopal, sans j *i- 
diction. 



MAURY PREND POSSESSION 267 

« Voici mes grands-vicaires. » — « Votre Éminence se 
trompe, » repartit impitoyablement d'Astros; « ce sont 
les grands-vicaires du chapitre et non les siens (1). » 

Une scène plus pénible encore eut lieu pendant la 
cérémonie de Tordination, que Maury effectua le 22 dé- 
cembre à Notre-Dame. Quand on en vint à la prestation 
de serment des nouveaux prêtres, le cardinal, en inter- 
pellant selon le rituel l'un d'entre eux^ qui appartenait 
au diocèse de Paris^ employa la formule mihi, comme 
s'il avait été d'ores et déjà l'évêque en titre de Tordi- 
nand (2). Sans laisser à celui-ci le temps de répondre, 
d'Astros intervint : t Monseigneur, permettez-moi de 
faire observer, pour l'instruction de ce jeune prêtre, 
que vous n'avez pas le droit de lui demander cette pro- 
messe. » 

Les échos de ces altercations^ comme bien Ton pense, 
se répercutaient dans toutes les sacristies. Contraint 
d'essuyer une suite d'affronts, le cardinal n'était pas 
homme à contenir indéfiniment l'expression de sa 
colère. Dans le monde officiel, on eût peut-être été dis- 
posé à dédaigner des querelles de cérémonial liturgique 
ou de protocole clérical, si d'Astros n'avait point été 
déjà suspect de correspondance avec le Saint-Siège et 
ses représentants officieux : or, Napoléon en était arrivé 
à voir là un crime de haute trahison, assimilable aux 
communications avec l'ennemi en temps de guerre; 
c'est de ce côté que l'orage éclata. 



(1) D*Had8sonville, VÉgltse romaine et le Premier Empire, t. III, 
p. 457-458. 

(2) Quand l'évoque qui confère les ordres s'adresse à un prêtre 
de son diocèse, il lui dit : « Promittis mihi et iuccessoHbus meis 
reverentiam et obedientiain ? » Dans les autres cas, il doit dire : 
« Promittis pon(i/let ordinario tuo.., » 



268 MAURY ET D'ASTROS 



III 



Avec son ordinaire présomption, Maury, le jour 
même où il avait été investi des pouvoirs d'administra- 
teur capitulaire^ avait adressé au pape une longue lettre 
en italien pour l'informer de l'événement et lui demander 
l'approbation de sa conduite : la déférence très empressée 
de la forme déguisait mal Pimpertinence de la démarche 
en elle-même (1). Pie VII riposta le 5 novembre par un 
bref très sévère, d'autant plus sévère que le ton géné- 
ral en était triste, sans trace d'irritation : après avoir 
résumé les récents attentats du gouvernement impé- 
rial contre la souveraineté pontificale, il opposait la 
présente servilité du cardinal non seulement à sa pro- 
pre intrépidité du temps de la Révolution, mais à la 
persistante réserve de Fesch; il condamnait en principe 
la collation des pouvoirs capitulaires aux évoques 
nommés, rappelait en particulier que Maury n'était 
point dégagé de ses liens antérieurs avec l'église de 
Montefiascone, le pressait enfin de venir à résipiscence, 
avec des accents de mélancolique mansuétude (2). 

Le cardinal a affirmé jusqu'à son dernier jour que ce 
bref ne lui était point parvenu, et la chose est possible. 
Mais dans la pensée du pape, il va sans dire que le 
document était destiné à la publicité. Malgré la surveil- 
lance déjà étroite qui s'exerçait à Savone, le texte arriva 

(1) 16 octobre 1810 : Ricard, Correspondance et Mémoire du 
cardinal Maury, t. II, p. 392-394. 

(2) Ibidem, t. II, p. 394-397; et De Pradt, le$ Quatre Coneon ts, 
t. II, p. 359-363. 



ARRESTATION DE D'ASTROS 269 

à Paris^ et une copie fut notamment remise vers la 
mi-dëcembre à d'Astros, dans des conditions qui en ren- 
daient l'authenticité indiscutable. 

Les scrupules de l'abbé se trouvèrent singulièrement 
aggravés : il se résolut pourtant à une démarche qui 
prouve à la fois combien il était personnellement éloigné 
de toute opposition systématique et quelle révérence les 
prêtres les plus consciencieux portaient alors à Fauto- 
rité civile. La veille de Noël était de tradition un jour 
de réunion dans la famille Portails, dont le nouveau 
chef, Joseph-Marie, venait d'être appelé comme con- 
seiller d'État aux fonctions récemment créées de direc- 
teur général de la librairie. Avant le dîner, d'Astros 
pria son cousin de le conduire dans son cabinet, et se 
fit suivre d'un de leurs amis communs, l'abbé Guairard, 
chef de division à la direction de la librairie. Une fois 
seuls, il donna lecture du bref, et demanda conseil à 
Portails fils, en déclarant que son intention n'était pas 
de faire officiellement état d'une pièce qui ne lui était 
parvenue qu'indirectement. Portalis très ému lui prêcha 
Japlus complète réserve, <> dans l'intérêt de la religion »; 
sur une question de l'abbé Guairard. il ajouta que si le 
bref venait à être clandestinement imprimé, la direction 
de la librairie devrait en prohiber la circulation, t comme 
d'une pièce sans authenticité et très dangereuse (i) ». 
Fonctionnaire un peu timide, comme presque tous 
ceux de sa génération, le premier comte Portalis était un 
homme d'honneur. L'idée ne lui traversa même pas l'es- 
prit de dénoncer son cousin, dont la culpabilité était 
d'ailleurs bien problématique : mais convaincu que 
d'autres copies avaient dû être transcrites, et désireux 

(1) Caussbtte, Vie du cardinal d*Aitro$, p. 197-198. 



270 MAURY ET D'ASTROS 

de dégager sa responsabilité, il alla trouver son ami, le 
préfet de police Pasquier; il lui révéla qu'il était clan- 
destinement parvenu à Paris un bref pontifical intimant 
à Maury défense de s'immiscer dans l'administration; il 
ajouta que pour en empêcher la divulgation, qui serait 
une source de difficultés, le mieux serait que le ministre 
de la police fît savoir à ua certain nombre de prêtres, 
nommément indiqués par lui, qu'il les en rendrait éven- 
tuellement responsables. Pasquier transmit le message à 
Savary, qui en tint sans doute compte, car si le bruit de 
l'existence du bref se répandit dans les milieux ecclésias- 
tiques, le texte en demeura très généralement ignoré (i). 

Les choses en étaient là, quand le 30 ou le 31 décembre 
1810, on intercepta un courrier de Savone, qui apportait 
à d'Astros, avec des dispenses diverses, comme tous les 
diocèses continuaient à en solliciter du Saint-Siège, un 
nouveau bref, en date du 18 décembre, à lui personnel- 
lement adressé, déniant dans les termes les plus formels 
toutpouvoir à l'archevêque nommé, et déclarant nuls les 
actes d'administration qu'il se permettrait de faire. Bigot 
de Préameneu tout effaré s'empressa d'aviser l'empereur : 
«... Il serait à désirer que l'on pût épargner au cardinal 
le tourment que cette lettre pourra lui causer, mais il est 
à prévoir que le pape peut en avoir fait passer des 
doubles. S'il en parvenait aux mains de M. d'Astros avant 
que le cardinal la connût, sa position serait encore plus 
difficile (2). » Plus maître de lui, Napoléon répliqua 
immédiatement : « Il faut garder la lettre du pape au 



(1) Pasquier, Mémoires, t. 1, p. 439-440. 

(2) 31 décembre 1810 ; AF. IV, 1047. Cette lettre suffit à réfuter 
l'assertion récente du P. Rinieri,que le bref à d'Astros fut inconnu 
du gouvernement impérial jusqu'au 5 janvier (Napoleone e Pio VII, 
t. II, p. 118, note). 



ARRESTATION DE D'ASTROS 271 

grand-vicaire de Paris très secrète, comme si elle n'exis- 
tait pas. Ainsi vous devez la regarder comme non-ave- 
nue, sauf à la conserver pour en faire usage en temps et 
lieu (1) » . Puis il concerta avec Savary, et peut-être avec 
Maury, une tactique assez ingénieuse : en intimidant 
d'Astros, on ramènerait à avouer s'il avait reçu le bref, 
et en tout cas on lui extorquerait sa démission de vicaire 
capitulaire, qui débarrasserait le cardinal d'un censeur 
importun et rendrait caduc le document pontifical, 
puisque le destinataire n'aurait plus de pouvoirs pour 
l'exécuter (2). 

Dès le lendemain, les réceptions officielles du !•' jan- 
vier fournirent une occasion. Après avoir passé sans 
s'arrêter devant le Sénat et les maréchaux, l'empereur 
marcha droit vers Maury en lui demandant d'un air cour- 
roucé : « Où sont vos grands- vicaires? » Soit hasard ou 
embarras, d'Astros était un peu à l'écart de ses collègues, 
de sorte que le cardinal dit d'abord : « Sire, voilà mon 
frère, voilà M. Jalabert, » et en dernier lieu seulement : 
« Voilà M. d'Astros !» — t Monsieur, » s'écria Napoléon, 
t vous êtes l'homme de mon empire qui m'êtes (sic) le 
plus suspect. Il faut être Français avant tout. Il faut sou- 
tenir les libertés de l'Église gallicane. Il y a autant de 
distance de la religion de Bossuet à celle de Grégoire VII, 
que du ciel à Tenfer. Du reste, j'ai l'épée au côté, prenez 
garde à vous (3) ! » D'Astros ne répliqua rien, soit, comme 
il s'en est vanté plus tard, que l'algarade impériale lui 
parût t pitoyable », soit parce que de telles scènes, faites 

(1) 31 décembre 1810 : Lettres inédite», éd. Lecestre, 731. 

(2) Cette explication est nouvelle, je le confesse : mais en y 
réfléchissant, elle m'a paru seule rendre compte de la première 
attitude de Napoléon et de Savary à l'égard de d'Astros, attitude 
qui autrement présente quelque chose d'illogique. 

(3) Mémoire de d'Astros : Cacssettb, Vi ^- du cardinal d^Astros 

p. ZXXVII. 



272 MAURY ET D'ASTROS 

par un tel homme devant une telle assistance, pétrifiaient 
les malheureux qui en étaient l'objet. 

Au sortir des Tuileries, Maury avertit l'abbé que le 
ministre de la police avait quelques questions à lui poser : 
sans se borner à s'acquitter d'une aussi singulière com- 
mission, il poussa l'inconvenance jusqu'à offrir au grand- 
vicaire de le conduire dans son carrosse quai Malaquais. 
Cette étrange invitation était difficile à décliner; c'est 
donc sous l'escorte du cardinal que d'Astros, en rochet 
et en camail, fut introduit dans le cabinet de Savary. 
Celui-ci lui fit subir un interrogatoire serré sur ses cor- 
respondances avec Savone et lui suggéra, « pour en 
finir », de donner sa démission; sur son refus obstiné, il 
lui déclara qu'il le retenait prisonnier, en lui répétant : 
c Vous voudriez être martyr; vous ne le serez pas (i). » 

Dans la soirée, une perquisition opérée au domicile de 
d'Astros, sous la direction du conseiller d'État Real (2), 
fît découvrir dans un meuble ou sous la coiffe d'un cha- 
peau, à défaut du bref du 18 décembre, qui n'était réelle- 
ment pas parvenu à l'abbé, celui du 5 novembre à Maury, 
celui dont le gouvernement soupçonnait l'existence sans 
en connaître le texte précis. La démission passa dès lors 
au second plan, et ce qu'on tâcha d'arracher à d'Astros, 
soit par des menaces, soit à l'aide de ruses grossières, c'est 
l'indication des personnes à qui il avait communiqué le 
document pontifical. Au bout de quelques heures, dupe' 
ou démoralisé, il eut la faiblesse de livrer trois noms, à 
commencer par celui de son cousin. Tout joyeux de ce suc- 

(1) Mémoires de d'Astros : Gaussette, Vie du cardinal d'Astrot, 
p. XXXVIII. — Cf. RoviGO, Mémoires, t. V, p. 89-95. 

(S) Dans le livre, si instructif à bien des égards, que Real a 
inspiré, sinon dicté, l'arrestation de d'Astros est racontée d'une 
manière absolument fantaisiste, sans qu'on puisse discerner si 
c'est là une erreur voulue ou ime défaillance de mémoire. (Musnibb- 
Desclozeaux, Indiscrétions, t. I, p. 290-298.) 



ARRESTATION DE D'ASTROS 273 

ces, très aise aussi de prendre en faute un des conseillers 
d'État qui ne lui ménageaient ni les épigrammes ni les 
petites avanies (1), Savary griffonna incontinent un véri- 
table bulletin de victoire à l'adresse de l'empereur : « Je 
viens moi-même de pousser de questions M. d'Astros, et 
il m'a avoué en présence de M. Real et du sieur Pasques (2) 
qu'il avait montré la lettre du pape à M. Portalis, à l'abbé 
Guilard (sic) qui travaille chez lui, et à l'abbé de la Cal- 
prade, chanoine de Notre-Dame. Je fais arrêter ce der- 
nier. — M. Portalis m'a dit à moi-même hier au château 
des Tuileries, en nous promenant seuls dans le salon des 
Maréchaux avant le cercle, qu'il n'avait jamais eu con- 
naissance de cette lettre (3) ; je remarquais bien un peu 
d'indécision en lui, mais je respectai le caractère dont il 
était revêtu (4). » ^ 

Cette découverte et surtout cet aveu changeaient la 
situation. D'Astros devenait pour Napoléon le chef ou 
l'agent principal d'une sorte de conspiration, sur laquelle 
un haut fonctionnaire avait délibérément fermé les yeux, 
s'il n'y avait pas participé. Séance tenante, un décret fut 
dicté et signé, qui par une ironique contradiction recon- 
naissait à l'abbé son caractère canonique, mais pour l'en 
dépouiller : « Le sieur d'Astros, vicaire général capitu- 
laire de l'archevêché de Paris, prévenu d'avoir trans- 

(1) Tout ce qui se rattachait au monde parlementaire d'autre- 
fois avait désiré la nomination de Sémonville au ministère de la 
police, et tenait plus ou moins rigueur au duc de Rovigo de lui 
avoir été préféré. 

(2) Ce personnage était un employé subalterne du ministère, 
dont la force herculéenne était parfois mise à contribution pour 
hâter les aveux des gens suspects. (Norvins, Mémorial, t. Ilï, 
p. 324). 

(3) Portalis disait peut-être vrai, en jouant quelque peu sur les 
mots : car la lettre dont lui parlait alors Savary, c'était la 
seconde, que d'Astros même ne connaissait pas. 

(4) 2 janvier 1811 (autographe) : AF. IV, 1048. 

IV. 18 



274 MAURY ET D'ASTROS 

gressé les lois organiques du Concordat et entretenu des 
correspondances contraires à l'intérêt de l'État, est des- 
titué. — Il sera arrêté; le scellé sera mis sur ses papiers 
et il sera informé contre lui (i). » Le soir même Tabbé 
couchait à Vincennes. 

Napoléon attendit deux jours pour flétrir avec éclat 
ce qu'il considérait comme une forfaiture de la part de 
Portalis. Une assemblée générale du Conseil d'État était 
indiquée pour le 4 janvier. Après avoir, d'un air distrait, 
fait discuter une ou deux affaires, l'empereur affecta 
de demander à Cambacérès si Portalis était présent. 
« Celui-ci s'étant incliné affirmativement, il s'élança sur 
sa victime, comme un oiseau de proie, et la secoua, pour 

ainsi dire, sans lui laisser ni lé temps de répondre, 

ni presque celui de respirer (2). » Il lui reprocha, avec 
toute la puissance d'invective dont il était capable, 
d'avoir toléré et favorisé une correspondance séditieuse 
avec une puissance étrangère, au mépris de ses devoirs 
de fonctionnaire, des traditions que lui avait léguées 
son père le ministre des cultes, des obligations que lui 
avait créées la générosité impériale. Une tentative d'ex- 
plication, balbutiée par le pauvre Portalis, n'eut pour 
résultat que de provoquer de la part du maître une 
recrudescence de colère. 

C'est peut-être ici la plus belle page de la vie 
d'Étienne-Denis Pasquier, pour lors préfet de police, et 
futur chancelier de France. Ce personnage, dont la 
longue et honorable carrière a pour trait dominant la 
réserve avisée, donna ce jour-là un rare exemple de 
courage civil. Profitant d'un moment où Napoléon repre- 

(1) 2 janvier 1811 (non inséré au Bulletin des loi$) : AF. IV 
plaq. 3959. 

(2) Victor DE Broglib, Souvenirs, t. I, p. 123. 



ARRESTATION DE D'ASTROS 278 

nait haleine, il osa prendre la parole et présenter la 
défense de Portalis, au risque de mettre en cause sa 
propre responsabilité. Il révéla la communication qu'il 
avait reçue et transmise à Savary, communication qui 
avait eu pour résultat de prévenir toute publication du 
bref. 11 conclut que les intentions de Portails avaient été 
irréprochables, et que si quelqu'un avait peut-être été 
négligent, c'était lui-même^ en ne prenant pas toutes les 
mesures désirables. 

« Ce très court plaidoyer, qui changeait entièrement 
l'état de la question et qui parut exciter au plus haut 
degré l'intérêt du conseil, produisit sur la physionomie 
de l'empereur l'expression d'une vive impatience (4). » 
En affectant de n'en tenir aucun compte, il reprit pour 
la troisième fois sa diatribe, et finit par dire : c Sortez, 
monsieur) sortez de mon conseil, et que je ne vous voie 
jamais devant mes yeux ! » Portails éperdu prit en effet 
la fuite, avec tant de précipitation qu'il oublia sur sa 
petite table de conseiller d'État son portefeuille et son 
chapeau (2). Après un temps de silence et comme de 
muette consternation. Napoléon, d'un ton radouci, pro- 
testa que cet acte isolé de félonie ne changerait rien à 
ses sentiments d'affectueuse confiance pour un corps dont 
il connaissait Punanime fidélité : « M. le préfet de police, » 
ajouta-t-il, « a cependant jugé à propos de défendre 
M. Portails; mais c'est son ami, et il faut avoir de l'in- 
dulgence pour le sentiment qui lui a fait entreprendre 
cette défense. » 

Sans se laisser intimider, Pasquier ne se contenta 
point d'intervenir auprès de Maret pour faire remettre 
le soir même à l'empereur une lettre suppliante de Por- 



(1) pASQtJiBR, Mémoiret, t. I, p. 443*444. 

(2) Victor DB Broglib, Souvenirs, t. I, p. 124. 



276 MAURY ET D'ASTROS 

talis (i). Renouvelant sa tentative de l'après-midi, il 
écrivit de son côté à Napoléon; sa lettre, dont l'écriture 
plus encore que le style trahit une hâte un peu fié- 
vreuse (2), eût mérité de figurer en appendice de ses 
Mémoires^ car elle lui fait grand honneur (3). Il réitérait 
ses explications^ en rappelant que Portalis avait pris 
l'initiative d'un avis qui avait mis Savary sur la voie : 
f Hélas! il a cru parer à tout, pour le bien de votre ser- 
vice, en prévenant la police de l'existence de cette 
lettre, persuadé qu'une fois avertie elle l'empêcherait 
bien de paraître. Il croyait ainsi concilier son devoir 
avec le désir de ne pas perdre son cousin... » En termes 
significatifs, Pasquier justifiait son ami des pratiques 
religieuses qui l'avaient rendu suspect dans un milieu 
de voltairiens : « Il est dévot, mais sa dévotion est 
aussi éclairée que dévotion puisse l'être : cent fois, je 
l'ai entendu se servir de l'espèce de crédit qu'il avait 
conservé sur l'esprit des prêtres pour leur faire adopter 
des idées saines et telles que Votre Majesté désire que 
tout son clergé puisse en avoir... » La conclusion enfin 
paraîtra singulièrement courageuse à quiconque sait 
quelle était alors l'atmosphère morale, et combien sous 
ce régime étaient sévèrement châtiés les fonctionnaires 
pris en faute : « Sire, si j'ose tant insister près de vous 
en sollicitant cette grâce, c'est que je ne suis peut-être 
pas sans reproches à me faire. Si j'eusse eu l'esprit plus 
fin, plus défiant, quand il me donna ce premier avis 
j'aurais multiplié les questions auprès de lui. Le 

(1) Cette lettre, touchante par le désarroi qu'elle révèle, est 
d'ailleurs sans grand intérêt (AF. IV, 1048). 

(2) 4 janvier 1811 (autographe) : Ibidem. 

(3) Les Mémoires contiennent cette indication en note, émant ; 
sans doute du chancelier lui-même : « Cette lettre est aux À 
chiyes. » (T. I, p. 446). Il est fâcheux que cela n'ait point doni 

à son fils adoptif l'idée de la rechercher et de la publier. 



ADRESSE DU CHAPITRE ÛE NOTRE-DAME 277 

malheureux m'aurait tout confié sans doute, et il ne se 
serait pas perdu... ^ 

Quand Maret, très tard dans la soirée, parvint à faire 
lire cette lettre et celle de Portails (1), Savary était déjà 
sorti des Tuileries, emportant un ordre d'exil (2) dont il 
eut le mauvais goût de confier l'exécution à Pasquier lui- 
même. Le lendemain, une lettre identique rendit compte 
de la disgrâce du conseiller d'État aux trois princes 
représentant l'empereur en Italie, Eugène, Borghèse et 
Élisa : < ... Je vous mande ceci afin que l'on soit bien 
convaincu de mon intention prononcée de faire cesser 
cette lutte scandaleuse de la prétraille contre mon auto- 
rité (3). » Dans la nuit, le pauvre Portails était parti 
pour cette ville d'Aix-en-Provence, où le procès de sépa- 
ration de Mirabeau avait jadis édifié la réputation pater- 
nelle. L'effet d'intimidation produit. Napoléon, sans 
reconnaître son injustice, consentit à la réparer dans une 
certaine mesure : trois ans plus tard, quand Mole, devenu 
grand-juge, lui proposa d'appeler le disgracié à la pre- 
mière présidence de la cour impériale d'Angers, il signa le 
décret sans objection. 



IV 



A la différence de ce qui s'était passé à Florence, où 
l'archevêque nonmié, d'Osmond, s'était heurté à pareille 

(1) Pasqdibr, Mémoireê, t. I, p. 446. 

(2) « J'ai ai^ourd'hui chassé de mon conseil le conseiller d'État 
Portails, et lui ai donné ordre de quitter Paris dans la nuit. 
Faites-lui connaître que mon intention est que demain U soit 
parti. Il ne s'arrêtera qu'A quarante lieues de Paris, dans une 
ville qu'il choisira, et de là il vous fera connaître son arrivée. » 
(A Savary, 4 janvier 181i : Lettres inédites, éd. Leeestre, 745). 

(3) 5 janvier : Correspondance, 17269. 



S78 MAURT ET D'ASTROS 

inhibition de la part du pape, les chanoines de Notre- 
Dame n'avaient pas eu officiellement connaissance du 
bref pontifical et n'avaient nuUement manisfesté la vel- 
léité de s'y conformer : c'est même le motif que Napoléon 
donna pour se dispenser de déférer ce bref au Conseil 
d'État (1). Mais il était bien difficile de ne pas faire rati- 
fier la destitution d'Astros par le chapitre, de qui il tenait 
ses pouvoirs : l'idée vint dès lors à l'empereur, ou lui fut 
suggérée, de provoquer à cette occasion, de la part du 
chapitre, une démonstration de fidélité et de docilité, 
qui pût être donnée en modèle au personnel ecclésias- 
tique et effacer dans l'opinion publique le mauvais effet 
de ce qu'on persistait à appeler la trahison de d'Astros. 

C'est le 2 janvier qu'avait été signé le décret de destitu- 
tion de ce dernier. Le lendemain matin, à neuf heures, 
le chapitre, extraordinairement convoqué, entendait lec- 
ture d'une lettre urgente et un peu énigmatique du 
ministre des cultes : « ... J'ai besoin de conférer avec 
une députation de deux ou trois membres de votre cha- 
pitre. » On délégua l'ancien oratorien Roman, la Myre- 
Mory {futur évêque du Mans sous la Restauration ) et le 
secrétaire, Coriolis (2). 

En rendant à Napoléon compte de l'entretien, Bigot 
de Préameneu, l'honmie le plus courtois de l'Empire, 
indiquait, par un prévenant euphémisme, ce qui avait 
été t convenu » avec les trois chanoines (3). Sous des 



(1) A Bigot de Préameneu, 8 janvier 1811 : Correspondance, 
17273. JauSret n*en a pas moins raison quand il attribue cette 
éserve au désir de « ne pas augmenter, dans la capitale de l'Em- 
pire, le nombre des opposants. » (Mémoires historiques, t. II, 
p. 395, note.) 

(2) Pour tout ce qui est relatif aux délibérations du chapii !, 
je m'en rapporte à un document inédit dont la valeur est inc< t- 
parable et l'authenticité hors de doute. 

(8) 4 janvier 1811 : AF. IV, 1048. 



ADRESSE DU CHAPITRE DE NOTRE-DAME 279 

formes affables, il ne leur déguisa point sans doute le 
caractère impératif de la communication dont il était 
chargé; quand le chapitre reprit sa séance à trois heures 
de l'après-midi, ce fut pour adopter un arrêté dont les 
deux premiers articles révoquaient les pouvoirs de d'As- 
tros, et dont le troisième était ainsi conçu : « Il sera 
rédigé une adresse à S. M. I. et R. pour lui exprimer les 
sentiments et les principes du chapitre. » 

De discussion, il n'y en avait guère de possible et il 
n'^y en eut probablement pas; mais soit pour sauve- 
garder la dignité de ses confrères, soit pour indiquer à 
mots couverts l'angoisse qui les oppressait, Coriolis crut 
devoir mentionner que la décison fut prise « après mûre 
délibération. » Parmi ces vétérans du sacerdoce, plu- 
sieurs avaient fait preuve de courage pendant la crise 
révolutionnaire, et tous s'étaientgardés des défaillances 
vraiment scandaleuses ; mais ni leur éducation théolo- 
gique, ni leur passé ne les préparait à résister au maître 
dont ils portaient le dais lors de ses visites à Notre- 
Dame; cassés par l'âge et par la tempête, fermés aux 
vastes ambitions et défiants des lourdes responsabilités, 
le canonicat ne leur était guère apparu que comme l'hono- 
rable abri de leur vieillesse. Sans parler de ce qu'il y 
avait d'odieux à répudier un confrère malheureux, ces 
prêtres timides, confinés par habitude et par goût dans 
la pénombre de la basilique ogivale, durent s'effarer à 
la pensée d'une manifestation publique, que le gouver- 
nement ne manquerait pas de rendre bruyante et presque 
tapageuse. Si attachés enfin qu'il fussent aux doctrines 
gallicanes, ils déploraient le conflit soulevé entre les 
deux puissances, et se souciaient fort peu d'y intervenir. 
Ils échangèrent sûrement des doléances : mais le terri- 
fiant exemple de d'Astros et du chanoine honoraire la 
Calprade était présent à tous les esprits: se bornant à 



280 MAURT ET D'ASTROS 

de stériles gémissements, les membres du châpitr&n'osè- 
rent point se dérober à ce qu'on attendait d'eux. 

Dès le lendemain (4 janvier), Maury, en qui, à défaut 
de preuves matérielles, bien des indices dénoncent le 
principal instigateur de cette affaire, Maury entra en 
scène en convoquant le chapitre; il signifia que d'après 
un ordre du ministre des cultes, il devait, lui Maury, 
expédier de nouvelles lettres de grands-vicaires, pour 
éviter les conflits des précédentes semaines : les cha- 
noines s'inclinèrent (i). Le cardinal eut d'ailleurs l'es- 
prit de laisser provisoirement vacante la place de d'As- 
tros (2), et de désigner conmie ses grands-vicaires deux 
des vicaires capitulaires, son frère et Jalabert. 

Le 5 (3), Maury reparut, pour donner lecture du projet 
d'adresse qu'il s'était réservé le soin de rédiger. Au lieu 
des vagues assurances de docilité à l'éventualité des- 
quelles les chanoines s'étaient résignés', ils se trouvaient 
en présence d'une véritable profession de foi gallicane 
concernant les quatres articles de 1682 et l'administra- 
tion capitulaire des évoques nommés, profession de foi 
étayée sur la prétendue pragmatique sanction de saint 
Louis, dont l'inauthenticité n'était pas évidente alors, et 
siu" l'autorité de Bossuet, « sufîragant de cette métro- 

(1) Documents inédits, 

(2) D'Astros faisait erreur en écrivant plus tard au pape qu'il 
avait été immédiatement remplacé par la Myre-Mory (23 no- 
vembre 1814 : Caussbttb, Vie du cardinal d'Astros, p. lx-lxi) ; 
cette nomination n'eut lieu qu'en mars 1812. 

(3) Sur cette délibération du 5 janvier 1811, les chanoines éprou- 
vèrent le bet^oin, après la chute de Napoléon, d'envoyer à Pie VU 
des (explications et des excuses; lem* lettre collective, datée du 
26 avril 1814, fut rédigée par l'un d'entre eux, Tinthoin, dont le 
talent de latiniste ne parvint pas à complètement déguiser ce que 
leur attitude avait de piteux. Par rancune ou par désir de se < • 
culper, ils prodiguèrent alors contre Maury disgracié des accu • 
tioiis qui ne manquent point de vraisemblance, mais qui s l 
malaisées à contrôler. 



ADRESSE DU CHAPITRE DE NOTRE-DAME 28d 

pôle »3 profession de foi enfin que les membres du cha- 
pitre se déclaraient prêts à soutenir t jusqu'à la mort » . 
En réalité, si les chanoines avaient du penchant pour 
les doctrines gallicanes, ils ne brûlaient guère du désir 
d'en devenir les martyrs; si les principes développés 
dans Tadresse cadraient en somme avec leurs opinions 
théologiques, il leur paraissait au moins inutile de les 
énoncer dans une forme aussi cassante, de faire la leçon 
au pape prisonnier, qu'on visait évidemment sans pro- 
noncer son nom. Ils essayèrent d'obtenir un délai, en 
faisant valoir que l'affaire demandait réflexion. Non con- 
tent de défendre son œuvre avec l'amour-propre d'un 
auteur, le cardinal objecta que l'empereur et le ministre 
en avaient eu communication, qu'ils en attendaient le vote 
immédiat et intégral (1); peut-être ajouta-t-ii que c'était 
le seul moyen de fléchir le courroux impérial et de sau- 
ver la vie à d'Astros, menacé d'être traduit devant une 
commission militaire sous l'inculpation de haute trahi- 
son. Il concéda un certain nombre de suppressions ou 
d'atténuations, la plupart de pure forme (2). L'adhésion 
finit par être non certes enthousiaste, mais unanime, 
grâce au départ d'Émery, qui, convoqué à la séance 
comme membre du conseil archiépiscopal, soutint avec 
chaleur contre Maury que Bossuet n'avait jamais pris 

(d) « ...Stricte videlicet imperata nobis fuerat die quintajanuarii 
haec epistola, opus ipsius Eminentissimi cardinalis, qui postquam 
prius Napoleonem et cultuum ministrum adierat, eam deinde 
nostro siàjecit examini, simulque ob urgentes (inquiebat) cir- 
cumstancias ad îllam quamprimum subscribendam strenue nos 
adhortabatur. » (Lettre du chapitre à Pie VII, 26 avril 1814 : 
Documents iiudits.) 

(2) Le procès-verbal leis appelle « quelques amendements », et 
la lettre de 1S14 à Pie VII « nonnuUas gravissimi momenti emen- 
dationes »; Poujoulat, qui a eu communication des papiers de 
Maury, donne l'exacte énumération do ces modifications. (Le car" 
dinal Maury, p. 325-326.) 



282 MAURY ET D'ASTROS 

l'initiative de faire confier l'administration aux évoques 
nommés, et se retira plutôt que de céder (1). 

Les chanoines n'avaient point épuisé le calice d'an^er- 
tume. Napoléon, mis vers la fin de la soirée en posses- 
sion du texte de l'adresse, se déclara satisfait, tout en 
remaniant la phrase du début de façon à rendre moins 
vive l'expression de l'intérêt que le chapitre déclarait 
avoir jusque-là porté à d'Astros (2). Mais le lendemain 
matin, qui était un dimanche, il décida d'entendre solen- 
nellement la lecture de l'adresse après sa messe (3). 
Convoqués à la hâte, les chanoines défilèrent sous les 
regards curieusement railleurs des courtisans. L'empe- 
reur les reçut dans son cabinet, devant Bigot de Préame- 
neu et Fesch, dont la présence exigée avait pour but 
d'infliger un démenti à ceux qui avec le pape opposaient 
son attitude à celle du nouvel archevêque nommé. Maury 
fit les présentations, après quoi Jalabert donna lecture 
de l'adresse (4). L'empereur prit ensuite et garda longue- 
ment la parole, remémorant les origines du conflit avec 



(1) Le biograplie d'Emery dit qu'il refusa de « signer » l'adresse 
{Vie de M. Émery, t. U, p. 292) : or, l'adresse ne fut signée que du 
secrétaire, le chanoine de Coriolis ; on eut peur sans doute d'ag- 
graver les scrupules en demandant des signatures individuelles. 

(2) L'auteur avait pourtant eu soin d'ajouter : « ... Mais en le 
plaignant du malheur qu'il a eu de perdre la confiance de son 
souverain, nous ne nous en sommes pas moins fait un devoir de 
révoquer aussitôt les pouvoirs spirituels dont nous l'avions 
investi... » 

(3) Napoléon à Bigot de Préameneu, 6 janvier 1811 : d'Hausson- 
viLLE, VEglise romaine et le Premier Empire, t. IV, p. 373. 

(4) C'est un point de fait controversé entre les historiens de 
savoir si les corrections délibérées en séance du chapitre figu- 
raient sur le texte remis à Jalabert par Maury et lu devant l'en 
pereur (Poujoulat, le Cardinal Maury, p. 317 et note; d'Haussos 
VILLE, op. cit., t. IV, p. 13-14 et note). 11 parait bien en tout ca 
que ces corrections furent insérées dans le texte publié. 



ADRESSE DU CHAPITRE DE NOTRE-DAME 283 

le Saint-Siège, soutenant que l'agression n^ëtait point 
venue de son côté, faisant des rapprochements avec ce 
qui s'était passé sous Louis XIY, et invectivant à son 
ordinaire les pontifes du moyen âge : c Le pape me 
prend pour un des rois fainéants ou imbéciles que 
subjugua Grégoire VIL.. » Il conclut en subordonnant la 
mise en liberté de Pie VII à sa promesse solennelle de 
respecter les articles de 1682 (1). 

Non seulement l'adresse reçut la plus large publicité, 
mais les évoques et les chapitres de tous les diocèses de 
l'Empire furent officieusement invités à donner leur adhé- 
sion motivée, et ces adhésions encombrèrent pendant 
plusieurs semaines les colonnes du Moniteur^ lui donnant 
l'apparence d'un recueil théologique. Par cette sorte de 
plébiscite ecclésiastique. Napoléon espérait annihiler dans 
le monde religieux l'effet des décisions du pape, que tous 
ces documents contredisaient et réfutaient sans jamais le 
nommer. Les adhésions les plus lentes à se produire^ 
celles aussi auxquelles le gouvernement attachait le plus 
de prix, étaient celles qui venaient des pays récemment 
annexés, étrangers aux théories gallicanes par toutes 
leurs traditions; pour les obtenir, l'empereur ne dédai- 
gnait point de prodiguer en personne les reproches et 
les menaces : < Il est honteux, » écrivait-il à Borghèse, 
« pour les chapitres et les archevêques de Turin et de 
Gènes et pour Tévéque et le chapitre d'Asti, que je 
n'entende pas parler de leur adhésion à l'adresse du 
chapitre de Paris. Faites-leur écrire dans ce sens (2). » 
De Liège, Lejeas^ doublement intéressé comme évèque 
nommé et comme ancien vicaire général de Paris^ man- 

(1) Un résumé quasi officiel de rallocution impériale a été con- 
servé dans les papiers de Bigot de Préameneu et publié par le feu 
comte d'Haussonville. {Op» cit., t. IV, p. 374-376). 

10 février 1811 ; Lettres iiUdites, éd. L cestre. 764. 



284 MAURY ET D'ASTROS 

dait au ministre des cultes : « L'adhésion a été signée 
seulement par cinq, ce qui sur sept fait bien la majorité ; 
et c'est beaucoup que je sois parvenu jusque-là avec ces 
têtes ultramontaines, qui en général, me donnent bien des 
peines et des chagrins. • Le lendemain il avouait que 
pour arriver à ce piètre résultat, il avait fallu faire déli- 
bérer les chanoines en présence du préfet (l)î 

Le défilé des adhésions au Moniteur eut ce résultat que 
la société parisienne, si mobile d'ordinaire dans ses 
préoccupations, parla et reparla longtemps de Tafifaire 
d'Astros. Dès le début, tout ce qui se piquait encore 
d'une ombre d'indépendance avait été sévère pour 
Maury : « Le public se déchaîne contre notre cardinal 
dans cette circonstance, » écrivait Émery le 6 janvier. 
Le charitable sulpicien ajoutait : « Je crois que le public 
a tort, mais ce tort était facile à prévoir (2). A un siècle 
de distance, il nous est difficile de ne pas prendre parti 
contre Maury avec le « public » de 1811 ; en livrant son 
grand-vicaire au policier qui allait Técrouer, en imposant 
aux répugnances des chanoines une adresse qui était son 
œuvre et qui tendait à justifier sa mainmise sur l'admi- 
nistration, le cardinal avait fait plus que mettre contre 
lui les apparences; il avait gravement manqué à la 
dignité, au respect de soi-même, trouvé moyen de scan- 
daliser une société qui était pourtant singulièrement 
blasée à cet égard. C'était un triste début d'épiscopat. 



(1) 12 et 13 janvier 1811 : F. 19, 1172. 

(2) A Bausset : Papiers Émery. 



DÉTENTIONS ET EXILS 285 



A Sainte-Hélène, après une lecture qui se rapportait 
incidemment à cette affaire^ Napoléon a dicté une note 
pour se justifier du grief de tyrannie arbitraire : « Le 
vicaire (sic) de Paris, d'Astros, était en correspondance 
avec le cardinal di Pietro; il avait reçu et colporté clan- 
destinement des J)ulles inconnues et non reçues en 
France; ce qui était contre les principes de l'Église 
gallicane et caractérisé comme délit par le Code 
pénal (i). » 

A supposer que l'imputation fût fondée, elle aurait dû 
faire l'objet d'une information judiciaire, comme l'avait 
prescrit le décret du 2 janvier 1811. Mais lorsque le 
grand-juge Régnier, prenant ce décret au sérieux, 
réclama des renseignements à son collègue de la police, 
le conseiller d'État Real se contenta d'écrire en marge 
de la lettre du trop crédule chef de la justice : « Il me 
semblait avoir entendu dire à Son Excellenee que peut- 
être l'affaire ne serait point portée devant les tribu- 
naux (2). > Quelques mois plus tard, après la dissolution 
du concile, Savary ébaucha un rapport tendant à 
établir la complicité de l'abbé avec les trois évêques 
arrêtés (3) : aucune suite judiciaire ne fut donnée à 
cette nouvelle imputation. 

D'Astros n'en demeura pas moins plus de trois années 
à Vincennes, soumis au dur régime des prisonniers 

(1) Correspondance, t. XXX, p. 560-561. 

(2) F. 7, 6532 (la lettre de Régnier est du 17 janvier 1811). 

(3) Ibidem (sans date ni signature, mais entièrement de la main 
de Savary). 



286 MAURY ET D'ASTROS 

d'État (1). Pendant les dix ou onze premiers mois, il 
fut au secret absolu; ensuite, il ne put communiquer 
qu'avec ses compagnons de captivité. Un de ses frères, 
qui était médecin, sollicitait en 1813 la faveur d'une 
entrevue; pour apitoyer Real, il faisait valoir qu'il 
n'avait point embrassé son frère depuis dix ans, et il 
concluait : « La sensibilité de votre cœur vous fera 
juger de l'étendue de ma reconnaissance. » Le conseiller 
d'État apostilla ainsi cette berquinade : « On ne donne 
point de permission pour voir les prisonniers placés à 
Vincennes (2). » 

Quand l'approche des alliés fit évacuer Vincennes, 
d'Astros, par une rencontre singulière, fut envoyé à 
Angers : aussi fut-ce le comte Portalis, devenu premier 
président dans cette résidence, qui lui annonça que la 
chute de Napoléon lui rendait la liberté; les deux cou- 
sins étaient plus pressés sans doute d'échanger des 
nouvelles et des congratulations que des explications. 
Si d'ailleurs d'Astros était dans une situation délicate à 
l'égard de Portails, il prit sa revanche avec le chapitre 
de Notre-Dame, qui mit à lui rendre sa place de vicaire 
capitulaire un empressement non exempt d'embarras. 
Aux Gent-Jours, pensant que Napoléon avait de plus 
urgentes préoccupations, il demeura tranquillement à 
Paris; mais une lettre relative aux négociations de 
Louis XVIII avec la cour de Rome ralluma la colère im- 
périale, et dès le 31 mars 1815, un billet signala à 
Fouché « le nommé d'Astros... C'est un ultramontain 
enragé. Placez ce fanatique dans une petite ville, du 
côté de la Bourgogne. Signifiez-lui de ne se mêler d'au- 
cune affaire ecclésiastique; qu'il se contente de dire sa 



(1) Gaussette, Vie du cardinal d'Astros, p. 235-256. 

(2) F. 7, 6532 (la lettre de demande est du i« avril 1813). 



DÉTENTIONS ET EXILS 287 

messe. Recommandez-le à la gendarmerie, pour que, s'il 
quittait la résidence que vous lui aurez assignée, il soit 
remis en prison (1). • 

La seconde Restauration ouvrit à d'Astros l'accès des 
hautes dignités ecclésiastiques. Successivement désigné 
pour révéché d'Orange, qui ne fut point rétabli, et pour 
celui de Saint-Flour, il fut avant son installation trans- 
féré à Rayonne. Sous Charles X, il refusa le ministère 
des affaires ecclésiastiques et l'archevêché de Resançon, 
mais accepta celui de Toulouse, dont il ne prit posses- 
sion qu'après la Révolution de Juillet. Gréé cardinal en 
1850, à la demande du neveu de Napoléon, il mourut 
en 1851. 

Le premier soin de Savary, après la perquisition 
opérée au domicile de d'Astros, avait été de faire inter- 
cepter à la poste la correspondance de l'abbé et celle des 
personnes supposées ses complices (2). On acquit ainsi 
la preuve que le cardinal di Pietro, muni d'une déléga- 
tion du pape (3), était fréquemment consulté sur des 
questions de conscience et de discipline, et qu'il avait 
transmis à son tour une partie de ses pouvoirs au 
P. Fontana et au prélat di Gregorio, demeurés à 
Paris (4). On saisit aussi plusieurs lettres, rédigées en 
langage convenu, qui avaient trait à la souscription 
organisée pour venir en aide aux cardinaux noirs (5). 

(i). Lettres inédites, éd. Lecestre, 1157. 

(2) Lettres confidentielles de Savary à Lavalette, 2-5 janvier 
4811 : F. 7, 6529. 

(3) Il ne saurait entrer dans notre plan de parler ici des 
mesures brutales qui furent prises contre le pape, sur l'ordre 
formel de Napoléon. (A Borghôse, 6 janvier 1811 : Lettres inédites, 
éd. Lecestre, 747.) 

(4) Savary à Napoléon, 4 janvier 1811 : AF. IV, 1048. 

(5) Geoffroy de Grandmaison, Napoléon et les Cardinaux noirs, 
passim. 



288 MAURY ET D'ASTROS 

Savary, dont Taveugle fidélité traitait tous les oppo- 
sants en criminels, était particulièrement fermé à l'intel- 
ligence des scrupules religieux : il n'y voyait qu'une 
forme hypocrite de l'hostilité politique ou qu'une preuve 
d'incurahle abrutissement, et dans un cas comme dans 
l'autre, une répression énergique lui paraissait s'im- 
poser (4). Il donna la chasse aux secrétaires ou cauda- 
taires des cardinaux noirs, qui depuis la disgrâce de 
leurs patrons étaient dispersés dans Paris, vivant des 
mêmes expédients auxquels avaient naguère recouru 
les émigrés, et soutenus aussi par la compassion des 
bonnes âmes (2) : comme tous n'avaient pas la régularité 
ni la tenue du clergé français, le ministre répéta, il 
imprima plus tard, par une insigne calomnie^ que la 
plupart avaient des mœurs infâmes. Mais sa principale 
préoccupation fut de découvrir, d'incarcérer et de faire 
parler quiconque avait été non seulement l'intermé- 
diaire, mais le confident de la correspondance secrète 
échangée entre Savone et Paris. 

Par un sentiment de basse jalousie, il s'ingénia à 



(1) Voici, entre bien d'autres, une preuve de sa façon de penser 
à cet égard. Quelques mois plus tard, Zingarelli, musicien réputé 
et maître de Bellini, donna sa démission de maître de la cha- 
pelle de Saint-Pierre de Rome, déclarant en termes d'une naïveté 
touchante qu'il croirait commettre un péché s'il battait la mesure 
au Te Deum destiné à célébrer le baptême du roi de Rome. Savary 
écrivit en marge de la traduction de sa lettre : « Faire mettre 
cet imbécile fanatique dans un cachot du château Saint-Ange, au 
pain et à l'eau. — Ce ne sont pas des êtres de raison, il faut les 
traiter comme des animaux. » Le maître des requêtes Angles, 
membre du conseil de la police, dut intervenir pour obtenir au 
pauvre musicien un régime moins rigoureux (mai-juillet 1811 : 
F. 7, 6536. — Cf. Madelin, la Rome de Napoléon, p. 424 et 452). 

(2) « Je les trouvai pour la plupart sous Thabit séculier, mtdtrt 
de latin, d'italien ou de musique ; les dévots se les étaient pa 
tagés comme autant de morceaux de la vraie croix. » (Rovig 
Mémoires, t. V, p. 97.) 



DÉTENTIONS ET EXILS 289 

compromettre dans cette besogne le nouveau préfet de 
police^ précisément parce que celui-ci avait marqué vou- 
loir faire de sa charge une magistrature, selon la tradi- 
tion de l'ancien régime, et rester à l'écart des machina- 
tions spécialement policières. Dans ses Mémoires^ écrits 
à un bon quart de siècle de distance^ Pasquier a raconté 
que sa courageuse intervention en faveur de Portails lui 
avait valu d'être désormais laissé en dehors des opéra- 
tions de haute police, et de celles notamment qui avaient 
trait aux questions religieuses (1). C'est une illusion 
rétrospective, au moins en ce qui touche les suites de 
rafîaire d'Astros : les documents établissent au contraire 
que Savary mit une maligne insistance à requérir le 
ministère du préfet, et que celui-ci, désireux sans doute 
de faire acte de loyalisme après une scène qui avait rendu 
son dévouement suspect, mit à obéir tout le zèle compa- 
tible avec son souci des convenances et de l'humanité. 

On s'en prit d'abord aux correspondants directs de 
d'Astros. Le cardinal di Pietro fut précipitamment 
ramené de Semur pour être incarcéré à Vincennes, ainsi 
que ses collègues Oppizoni et Gabrielli, coupables sur- 
tout d'avoir partagé son exil en Bourgogne. Fontana et 
di Gregorio furent également mis en état d'arrestation. 
La police avait saisi chez d'Astros quelques lettres pas- 
sablement frondeuses, mais très inoffensives en somme, 
de l'abbé de Tournefort, grand-vicaire de Metz : le 
malheureux fut incontinent destitué, jeté pour trois 
mois à la Force, puis relégué à Soissons, où il se mor- 
fondit plus d'un an dans l'inaction et le dénuement (2). 

(1) Pasquier, Mémoires, t. I, p. 448. 

(2) Laurent, évêque nommé de Metz, à Desmarest, i3 juin 1812 : 
F. 7, 6536. L'abbé de Tournefort fut nommé en 1813 curé de Com- 
piègne et en 1825 évêque de Limoges. ^ 

IV. 19 



290 MAURY ET D'ASTROS 

De même que d'Astros avait eu la faiblesse de nommer 
trois personnes, Mgor di Gregorio, pressé de questions, 
se laissa aller à livrer le nom (1) d'un abbé Perreau, 
attaché au clergé des Missions étrangères et ancien pré- 
cepteur du fils du prince de Chalais; c'était lui qui était 
allé chercher à Lyon, entre autres documents, le bref 
adressé à Maury, etqui l'avait apporté ou fait passera 
Paris. 11 fut arrêté dans les premiers jours de janvier; 
ses volumineux papiers (2), à côté de notes et disserta- 
tions théologiques sur des sujets brûlants, comme la 
validité du second mariage de l'empereur, contenaient 
des correspondances de direction, de charité ou de 
simple amitié, surtout avec des prêtres et des vieilles 
dames. Suspectes dès lors de conspirer contre le salut 
de l'Empire, les correspondantes de l'abbé Perreau 
furent en butte à des mesures d'inquisition ou de 
rigueur, dont il suffira de citer quelques exemples. 

L'abbé était notamment l'ami et avait été l'hôte, dans 
les environs de Roanne, de Mme de Raffin, cousine de 
Ghampagny, duc de Gadore et ministre des relations 
extérieures. Les bureaux de Savary ignoraient-ils cette 
parenté quand ils prescrivirent de rechercher la dame*, 
« comme ayant connaissance des manœuvres séditieuses 
des prêtres arrêtés » ? Mme de Raffin avait l'année pré- 
cédente marié sa fille à un parent éloigné, Raymond 
de Montaignac; au château de Saint- Vincent-de-Bois- 
set, ses gens expliquèrent qu'elle était allée à Paris 
pour attendre la naissance d'un petit-fils (lequel devait 
être l'amiral marquis de Montaignac, ministre de la 
marine et sénateur sous la troisième Répubhque); ils 
ajoutèrent qu'elle était descendue chez sa fille ou au 



(i) Savary à Napoléon, 4 janvier 1814 : AF. IV, 1048^ 
(2) F. 7, 6534 et 6535. 



DÉTENTIONS ET EXILS 2H 

ministère des relations extérieures (1). La police eut la 
discrétion de ne pas aller arrêter Mme de Raifin chez le 
duc de Gadore; mais elle n'eut pas la délicatesse de lui 
remettre ses papiers, saisis en Forez et envoyés à Paris; 
il ne s'y trouvait pourtant que de très innocentes et très 
intimes lettres de famille, relatives aux fiançailles de sa 
fille, à l'installation de la jeune femme à Paris, à ses pre- 
mières espérances de maternité (2). 

Mme de Quinsonas, née de Chaponay, destinataire 
d'une lettre saisie chez l'abbé Perreau, n'était parente 
d'aucun ministre : aussi fut-elle, le 4 janvier, arrêtée 
dans son logis du boulevard Montmartre et conduite à 
Pasquier, que le ministre chargea d'éclaircir l'imputation 
qui pesait sur elle. En raison de sa condition sociale et 
de son âge (3), Pasquier lui fit donner une chambre à la 
préfecture : mais il ne se crut pas dispensé de l'inter- 
roger lui-même à deux reprises. Soit que Mme de Quin- 
sonas eût une médiocre vocation pour le martyre, soit 
qu'en réalité elle partageât les tendances voltairiennes 
si répandues dans sa génération^ à la demande relative 
à ses rapports avec d'Astros, elle répliqua : « Je n'ai de 
relations avec aucun prêtre et je ne me mêle d'aucune 
affaire ecclésiastique ni politique. Vous avez pu même 
remarquer, en parcourant la correspondance de mes 
enfants, que nous ne sommes pas dévots et que nous ne 
les (sic) aimons pas (4). » Elle fut remise en liberté. 



(4) F. 7, 6535. 

(2) Cette liasse de lettres, que Mme de Baffin n'osa sans doute 
point réclamer en 1814, est toujours dans un carton des Archives 
nationales ; c'est là que j'ai pris le récit du mariage Champ agny- 
duMartroy {Parti sont Napoléon, t. III, p. 234-Î35); il s'y trouve 
bien d'autres détails intéressants sur l'installation matérielle et la 
vie sociale à cette époque. 

(3) Soixante-cinq ans. 

(4) 6 janvier : F. 7, 6535. 



292 MAURT ET D'ÂSTROS 

On se montra beaucoup plus rigoureux pour Mme de 
Paravicini, née de la Verde de Vallon, veuve d'un offi- 
cier suisse, chez qui Perreau avait fait un assez long 
séjour à Fontainebleau. En l'arrêtant le 13 janvier, dans 
son appartement de la rue de Sèvres, à Paris, on saisit 
une correspondance volontairement mystérieuse. Au 
fonctionnaire du ministère qui l'interrogea (1), elle 
affirma que ces lettres n'avaient trait qu'à des œuvres 
de charité. Sans disconvenir de ses relations d'intimité 
avec l'abbé Perreau, elle répondit vivement, quand on 
lui demanda si ce dernier l'avait entretenue des ques- 
tions religieuses récemment débattues : « Non, monsieur, 
il a toujours été d'avis que les femmes ne devaient pas 
se mêler des discussions religieuses, et devaient se 
borner à remplir leurs devoirs de chrétiennes (2). » 
Malgré ses cinquante-six ans et les infirmités qui la ren- 
daient presque impotente, malgré sa parenté avec Cau- 
laincourt, la police jugea indispensable de maintenir 
Mme de Paravicini en état de détention ; certains pas- 
sages des fameuses lettres demeuraient bien obscurs^ et 
l'on soupçonnait d'ailleurs qu'elle s'occupait de venir en 
aide aux cardinaux noirs. Elle fut internée à la maison 
des Dames du Refuge, pendant que, par surcroît de 
précautions, sa servante était écrouée aux Madelonnettes. 

Leç papiers du P. Fontana ne compromirent guère, et 
encore dans une faible mesure, que Mme de Montjoie, 
supérieure des Visitandines de la rue des Postes : le 
piquant était qu'au nombre des jeunes pensionnaires de 
sa maison figurait Mlle de Lavallette, dont le père, 
directeur général des postes, faisait intercepter les cor- 

(1) Le nom ni la signature de ce personnage ne figurent sur K 
procès-verbal. • 

(2) 14 janvier : F. 7, 6635. 



DÉTENTIONS ET EXILS 298 

respondances de Fontana sur la réquisition de Savary. 
Mandée au ministère, et interrogée par Desmarest, elle 
s'expliqua avec tant de naturel et de présence d'esprit, 
qu'on ne crut point devoir insister (1). 

Le cas de la Mère de Soyecourt parut autrement 
grave. En se vantant plus tard d'avoir donné à * cette 
respectable dame de Soyecourt » une chambre voisine 
du logis du préfet, et de l'avoir autorisée, malgré les 
appréhensions et les avertissements de Desmarest, à se 
promener dans le jardin sous la surveillance d'un ins- 
pecteur (2), Pasquier n'a assurément rien avancé que 
de fort exact, mais il est loin d'avoir tout dit sur cette 
curieuse et caractéristique affaire (3). 

La police savait à coup sûr, puisque les journaux eux- 
mêmes en faisaient mention (4), que Mme de Soyecourt, 
propriétaire de l'église et de l'ancien couvent des 
Carmes, menait avec ses compagnes une vraie vie con- 
ventuelle. Elle ne pouvait ignorer que l'année précé- 
dente, après le mariage de Napoléon, di Pietro, brus- 
quement congédié par son hôte pris de terreur (5), avait 
trouvé asile dans une dépendance du couvent jusqu'au 
définitif exil des cardinaux noirs. L'ancienne carmélite 
ne fut pourtant point soupçonnée tout d'abord, et quand 
on trouva dans les papiers du prélat di Grégorio le nom, 



(1) 10 janvier : F. 7, 6534. 

(2) Pasquier, Mémoires, t. I, p. 448-449. 

(3) Les pièces dont l'origine ne sera pas spécifiée sont emprun- 
tées au dossier de police de Mme de Soyecourt (F. 7, 6536). 

(4) Journal de V Empire, 11 octobre 1810. 

(5) Ceci est encore un trait de mœurs qui a son prix : « Son 
Eminence avait d'abord choisi pour demeure un des collèges de 
la capitale. Napoléon témoigna un jour tant de mauvais vouloir 
au prélat, que le principal effrayé avoua dès le lendemain au car- 
dinal qu'il craignait que sa présence ne compromit son établisse- 
ment, et le pria de vouloir bien se retirer. » (Vie de la R, 4f. Thé- 
r^e-àamUle de Soyecourt, p. 189.) 



V aCHT et D'ASTmOS 

<!itif ^.:iimM nn^ d^^as posomie de confiancf, de 
Jf«^i3iitf Gf)»^-/'C. T«X r«e âfi Vaasirard. nul ne semble 
r*T:ir 'ji»*ii'zn'*^ in. mirist^re. dVm TaTis fat donné à h 
pr^fm!t3nî le p«:-C'!i? -i^ V^taorer de cette dame. 

' SioÂ^'ir t» D>i*!, > •ferÎTait le lendemain Pasqnier 
"risiz emfît: :r:-rLi: !•», « j* û •i«Mme siir4e-dbamp des ordres 
•^ •^T-ftm^iic* i»* «riitix -pK^ toos m'arez transmis hier soir 
*îïr îi.-«? dtai*» Ct/n^'.'-i. Mais on n'a tronré à Fadresse 
ia'ii'pi-^e qA^LHie *iam^ OimilU ée Soytomri. Mes agents, 
?:*^ s*:ri.int p-is ^"11 t a ïd-Miiité entre cette dame et celle 
r^hfinh'îyt, m'en ont n^féré: mais ils ont pris la précau- 
titifC d-f r*>^er 1 ins U m^L^ >n . aina rien ne péridite. - . (i) • * 
Séance tecinîe. I>esiiiaT>r4 répliqna de la part de Savary 
pir V'-jrir^ l'arrêter Mme de Sjyecoort, de la faire inter- 
m^zer de «oite et de « saToîr ses rdaticms > . 

Le joor m^^me. à peine Mme de Sojeconrt amenée rue 
de Jérnsalem. Pas-^er l'interrogea «• permmne, par scru- 
prJe de zèle *>o d'humanité. Mais dès les premières 
fiasses, fl dot s'apeiveToir qn'fl arait affaire à forte 
partie. A tous égards. Mme de Sojeconrt était de ces 
gens qu'il ne faut p«:»int juger surrapparence. Jadis, à sa 
prise d'habit. ras>istance5 an premier rang de laqueDe 
brillaient le jeune duc de Chartres et Mademoiselle d'Or- 
léans, arait eu l'impression unanime, en la voyant si 
frôle, qu'elle ne résisterait pas six mois au régime du 
Carmel: soixante ans plus tard, en évoquant le souvenir 
de cette cérémonie, le vieux roi des Français fut stu- 
péfait d'apprendre qu^avec sa soeur Madame Adélaïde, il 
ne survivait d'autre témoin de la vêture de 1784 que 
l'héroïne elle-même, toujours valétudinaire et toujours 
carmélite (2). Après la Terreur, quand un bref de Pie VI 



(1) A Savary, 9 janvier (autographe de Pasquier). 

(2) Lbkotrs, Vieilles maisont. Vieux papiers, t. II| p. ^44-346. 



DÉTENTIONS ET EXILS .295 

l'eût rélevée du vœu de pauvreté et autorisée à reven- 
diquer la succession de son père guillotiné, les clercs 
des hommes de loi souriaient en voyant entrer cette 
femme de chétive mine et de mise plus que modeste; 
mais lorsqu'elle avait tiré ses papiers de son cabas et 
qu'elle commençait à s'expliquer, les meilleurs procé- 
duriers reconnaissaient qu'il fallait compter avec elle. 
Pasquier, qui s'apprêtait sans doute à la rassurer, 
éprouva une surprise du môme genre. « Dieu, » ont pu 
écrire sans trop d'exagération ses filles ^spirituelles, 
€ daigna toujours l'assister dans ses réponses (i). » En 
style moins hagiographique, disons qu'elle fut éton- 
nante de présence d'esprit, de finesse, de sincérité et de 
réserve à la fols, et que le plus embarrassé des deux 
interlocuteurs fut sans conteste l'ancien membre du Par- 
lement, le conseiller d'État préfet de police. Conime il 
lui demandait tout d'abord des détails sur sa commu- 
nauté, elle reprit, en femme rompue aux arguties de la 
langue juridique : « La maison à la tôte de laquelle je 
suis rie peut pas s^appeler une communauté, attendu 
qu'elle n'est pas autorisée par le gouvernement... » Elle 
fit d'ailleurs, de la meilleure grâce du monde, le tableau 
de la vie quasi-monastique qu'elle menait avec ses com- 
pagnes; elle convint sans difficulté qu'elle avait hospi- 
talisé di Pietro, et qu'elle connaissait personnellement 
tous les cardinaux noirs. Mais à la question de savoir si 
elle s'était occupée de la quête organisée en leur faveur : 
« Je peux affirmer, » répliqua-t-elle fièrement, « que je n'y 
ai point contribué; si je l'avais fait, j'aurais cru faire 
une belle œuvre et je ne craindrais pas de m'en glori- 
fier. > 

L'interrogatoire s'orienta ensuite vers le point yrai- 

(i) Viê4e la R. M. Thérèêe-Camille de Soyecourt, p. 192. 



296 MAURY ET D'ASTROS 

ment intéressant; il y eut au passage un petit débat 
théologique : 

— Pourquoi, en parlant du cardinal Maury, ne Favez- 
vous pas appelé archevêque de Paris? 

— Parce qu'il n'a pas ses bulles. 

— Vous croyez donc que les bulles sont nécessaires? 

— Oui, monsieur, je l'ai cru jusqu'à présent. Il m'a 
dit lui-même qu'il ne monterait pas sur le siège de Paris 
avant qu'il eût obtenu ses bulles. 

De là à la réponse que Pie VII avait adressée à Maury, 
et qui faisait le fond de toute l'affaire, la transition était 
aisée; mais Pasquier eut la malencontreuse idée de poser 
une question accessoire, qui lui valut une riposte pres- 
tement narquoise : 

— Croyez- vous que M. l'archevêque (Maury) ait eu 
lieu de se féliciter de cette réponse (le bref du pape)"^ 

— Vous me demandez une chose que je ne sais pas; 
s'il était venu me voir, il n'aurait pas manqué de me 
le dire exactement. 

Elle avoua sans détour qu'elle avait eu connaissance 
du bref adressé à Maury, mais quaiid il s'agit de livrer 
des noms, cette petite moniale, sujette à de graves pal- 
pitations de cœur^ montra plus de vaillance que d'As- 
tros et di Gregorio. Voici la conclusion de l'interroga- 
toire : 

— Dites-nous qui vous a fait voir cette réponse, et 
si cette réponse était imprimée. 

— Je ne peux ni ne dois vous nommer la per- 
sonne qui me l'a montrée; cette réponse était manus- 
crite. 

— Vous devez la vérité : nous vous invitons en con- 
séquence à ne pas refuser de répondre à la question 
précédente. 

— Je ne veux rien dire contre ma conscience : je ne 



DÉTENTIONS ET EXILS 297 

peux pas vous nommer la personne qui m'a montré là 
réponse du pape. 

— Persistez- vous dans votre refus? 

— Oui, monsieur. 

11 était déjà tard. Mécontent de n'avoir pas mieux 
réussi, mais rendant hommage à part soi à tant de 
vigueur d'esprit et de noblesse de caractère, Pasquier 
en référa le lendemain matin (10 janvier) à Savary : 
«... J'ai l'honneur d'adresser à Votre Excellence copie 
de son interrogatoire, et de La prier de vouloir bien me 
faire connaître ses intentions à l'égard de cette dame, 
que je crois en attendant devoir retenir à ma préfec- 
ture. » Il lui accorda le régime de faveur dont il a été 
question, et lui permit même tout d'abord de recevoir 
des visites; mais les équipages du faubourg Saint-Ger- 
main se succédèrent si nombreux rue de Jérusalem, que 
le ministre y vit une manifestation frondeuse, et donna 
l'ordre de mettre la détenue au secret (4). 

Courageuse quand il le fallait, Mme de Soyecourt ne 
mettait pas son point d'honneur à bouder les autorités. 
Élevée d'autre part dans la société aristocratique de la 
fin de l'ancien régime, le style « sensible » n'avait pas 
de secrets pour elle. Au bout de huit jours, elle écrivit 
à Savary: «... J'ai la confiance qu'en me rappelant à 
votre souvenir vous satisferez votre cœur en vous 
hâtant de me rendre justice. » (19 janvier). En guise de 
réponse, une note du ministère invita Pasquier (29 jan- 
vier) à procéder à un nouvel interrogatoire, qui porte- 
rait principalement sur les rapports de la détenue avec 



(1) Le biographe anonyme de Mme de Soyecourt me parait 
avoir vu les Qhoses trop en noir, quand il a attribué cette autori- 
sation provisoire à un calcul machiavélique, destiné à révéler le 
nom des personnes en relations avec la carmélite. [Vie de la 
B. M. Thérèse-Camille de Soyecourt, p. 191.) 



298 MAURY ET D*ASTRQS 

le cardinal di Pietro : t M. le conseiller d'État (c'esi de 
Pasquier qu'il s'agit) est invité à faire connaître les résul- 
tats de cet interrogatoire, et à tenir au secret Mme de 
Soyecourt, si elle refuse de donner sur tous ces points 
des explications satisfaisantes. > 

Du second interrogatoire, il n'est point demeuré trace. 
Seule, une note de police, anonyme et sans date, peut 
nous faire deviner l'impression qui s'en dégagea : « La 
dame Soyecourt a eu connaissance de la lettre du p.a^ 
à M. le cardinal Maury et des discussions qui ont agité 
le chapitre de Paris; mais rien ne prouve qu'elle ait pris 
une part active à ces intrigues. Cependant on doit 
observer que son église était celle que paraissaient choisir 
les prélats italiens et les prêtres qui n'étaient attachés à 
aucune des églises de Paris, et qu'elle-même ne paraît 
pas approuver les principes de l'Église gallicane (1). » 
La détention à la préfecture de police fut maintenue. 

Mme de Soyecourt, qui était femme d'expérience, 
savait qu'il fallait beaucoup solliciter pour obtenir 
quelque chose de la police impériale. Le 16 février, Pas- 
quier, en attestant le mauvais état de sa santé, transmet- 
tait au ministère une nouvelle supplique : elle y rendait 
hommage aux bons procédés du préfet, « un magistrat 
qui depuis sa nomination n'a pas fait verser une larme 
à l'innocence », et elle allait jusqu'à offrir, si on mettait 
cette condition à sa mise en liberté, de ne plus entre- 
tenir de rapports avec aucun prêtre étranger à la 
paroisse. Mais elle ajoutait, en connaissance de cause, 
que même sous la Terreur les demandes appuyées d'un 
certificat de médecin n'étaient pas rejetées, et ce rappro- 
chement eut le don d'échauffer la bile de Savary, qui 
griffonna en marge de la lettre de Pasquier : « A M, D< • 

(1) F. 7, 6534. 



DÉTENTIONS ET EXILS 2W 

marest. On peut mettre Mme de Saucourt (sic) mieux, 
mais on ne doit point souffrire (sic) de mauvais propos, 
et sa citation me déplaît fort. » Le 21 février, il fut offi- 
ciellement répondu à Pasquier : «... Je vous autorise à 
la faire placer dans une maison où elle puisse recevoir 
les secours que sa santé paraît exiger, mais il con- 
viendra de prendre les mesures convenables pour qu'elle 
y soit surveillée avec soin; vous devrez au surplus pré- 
venir cette dame qu'elle doit dans ses réclamations 
s'abstenir de citations et de comparaisons déplacées et 
inconvenantes. » Le 28 février, le préfet de police 
annonçait que sa pensionnaire avait été transférée « à la 
Maison du Refuge »^ dont la supérieure avait reçu 
rordre de ne la laisser sortir « sous aucun prétexte >. 

Dans l'affaire Soyecourt, Pasquier s'était en somme 
acquitté d'une mission délicate en homme de cœur, 
sinon en magistrat instructeur ou en dignitaire de police 
très perspicace. Jaloux de le compromettre davantage, 
et de tirer vengeance de ses dédains de vieux parlemen- 
taire, Savary médita de lui faire jouer ailleurs un rôle 
tout à fait odieux. 

A propos d'un prêtre suspect d'avoir colporté les 
documents pontificaux, et qui était assidu chez la belle- 
mère du premier président Séguier, Napoléon prescrivit 
de faire exercer une surveillance très discrète sur le 
salon même de Mme Séguier : « . . . Mme Séguier a lu le 
bref du pape. Il faut mettre beaucoup de circonspection 
dans cette surveillance, et ne vous servir de la note que je 
vous donne que pour avoir un œil dans cette maison. Cette 
affaire est de quelque importance, parce que la police doit 
faire là des découvertes qui pourront l'intéresser (1). » 

(1) 15 janvier 1811 : Lettrei inédites, éd. Lecestre, 751. 



300 MAURY ET D'ASTROS 

Il n'était point question du préfet de police dans cette 
invitation, déjà passablement scabreuse; ce fat Savary 
qui trouva plaisant de faire espionner le salon d'un Sé- 
guier par un ^Pasquier; démarquant la missive impériale, 
il signa cette lettre révoltante, rédigée par Desmarest, qui 
inscrivit en tête de la minute : Très confidentielle; pour 
vous seul : • Monsieur le Baron, Mme Séguier, femme du 
premier président de la cour impériale, est très dévote; 
on agite chez elle beaucoup de questions relatives aux 
affaires du clergé. En introduisant quelqu'un dans cette 
société, il y entendra beaucoup de propos qui mettront 
sur la voie de beaucoup de choses utiles à savoir. Je vous 
invite. Monsieur le Baron, à suivre ces indications avec 
toute l'attention et la circonspection qu'exige leur im- 
portance, et à me rendre compte confidentiellement des 
résultats. Vous ferez aussi surveiller la maison de la 
mère de Mme Séguier (1). » 

Pasquier fit sans doute comprendre de vive voix à 
Savary, ou plutôt à Napoléon, qu'on lui demandait un 
acte incompatible avec sa dignité personnelle et ses tra- 
ditions de famille. Toujours est-il que la lettre du mi- 
nistre demeura sans réponse écrite, et qu'il ne paraît 
pas avoir été donné suite au projet de surveillance rue 
Pavée-Saint-André-des-Arts (2). 

Il fut rapidement manifeste que le complot était im- 
possible à établir. JLes pratiques administratives du 
temps permettaient bien d'infliger une détention arbi- 
traire et indéfinie à d'Astros, à Perreau et à quelques 
prélats italiens, considérés comme des criminels d'État; 

(1) A Pasquier, 17 janvier 1811 (minute en partie de la main ( 
Desmarest) : F. 7, 6536. 

(2) Cette rue, où était l'hôtel du premier président, s'appel 
maintenant eji son honneup rue Séguier. 



r" 



DÉTENTIONS ET EXILS 301 

mais il devenait odieux de prolonger rinearcération de 
prêtres et de femmes dont tout le tort était d'avoir 
connu le bref de Pie VII ou parlé peu respectueusement 
de Maury. 

Ce fut ce dernier, dont les rancunes étaient persis- 
tantes, qui fit retarder les mesures de clémence, ou plu- 
tôt de justice. Plusieurs personnes recommandables 
intercédaient en faveur de l'abbé de la Calprade, cha- 
noine honoraire de Paris, arrêté parce que d'Astros 
avait déclaré lui avoir montré le bref; ses papiers 
n'avaient fourni aucune charge contre lui. Avant de 
l'élargir, Savary jugea convenable de prendre l'avis du 
cardinal (1). Ce dernier, au lieu du geste de généro- 
sité qui était tout indiqué de sa part, répliqua par une 
note non signée, mais autographe, qui paraît avoir 
causé quelque scandale même au ministère de la police, 
puisque Desmarest inscrivit en tête cette recommanda- 
tion : Classer, mais tenir très secrète. 

t Le cardinal Maury s'empresse d'adresser à M. le duc 
de Rovigo la réponse confidentielle qu'il a bien voulu lui 
demander. Les bons témoignages qui lui ont été rendus 
du zèle et de la piété de M. l'abbé Lacalprade paraissent 
justes; mais il n'est pas aussi certain qu'il soit étranger 
aux affaires et aux discussions dont il s'agit. La con- 
fiance particulière de l'homme qui l'a compromis et qui 
était sans cesse dans sa maison (2) le rend plus que sus* 
pect d'avoir partagé pour le moins ses opinions. Cette 
maison du Cloître est un rendez-vous où tout le monde 
n'est pas admis, et qu'il importe de dissoudre. Une grâce 
entière après un pareil éclat afl'aiblirait trop tôt la salu- 
taire impression que cet exemple de vigilance a faite sur 



, (1) «9 janvier 18H : F. 7, 6534. 
(â) D'Astros. 



1 



302 MAURY ET D'ASTROS 

tout le clergé. Le parti le plus sage serait de renvoyer 
cet homme dans son département pour y rester en sur- 
veillance et en état d'épreuve pendant trois ou quatre 
mois... L'autre confident intime du même agent (i) 
devrait subir le même sort. Ces messieurs attendaient 
une explosion dont ils auraient été les témoins avec beau- 
coup d'indifférence, peut-être même de satisfaction. Le 
cardinal Maury soumet ces observations à la haute 
sagesse de Son Excellence. L'air de Paris ne convient nul- 
lement aux ecclésiastiques qu'on soupçonne avec raison 
de n'être pas sincèrement dévoués à l'empereur (2). » 

Cette réponse si peu pastorale dictait la décision de 
Savary : le rapport qu'il présenta, et où il ne manquait 
pas de faire état de l'opinion du cardinal, concluait à 
maintenir la Calprade à Vincennes, et à l'éloigner de 
Paris quand sa captivité prendrait fin. On résolut en 
même temps d'ajourner la libération des autres prison- 
niers. Cependant 1' « éclat » que glorifiait Maury, tout 
en répandant la stupeur, avait excité l'intérêt et la 
curiosité : chacun brûlait de connaître ce bref pontifical, 
qui avait tant ému l'empereur et le cardinal. Quelqu'un 
se trouva d'assez hardi pour l'imprimer clandestinement, 
et les exemplaires ne tardèrent pas à en courir dans les 
milieux ecclésiastiques (3). C'était un motif de plus pour 
ne pas garder sous les verrous ceux qui étaient surtout 
coupables d'avoir lu des copies manuscrites. 

(1) Sans doute l'abbé Guairard. 

(2) 31 janvier 1811 ; F. 7, 6534 (publié par Geoffroy de Grand- 
maison, Napoléon et les Cardinaux noirs, p. 127-129). 

(3) « Informé qu'une bulle du pape (celle prohibée par Sa Ma- 
jesté) a été imprimée à Paris et qu'elle circule parmi les membres 
du clergé, j'ordonne à MM. les inspecteurs d'employer tous 
leurs soins à la découvrir, ainsi que ses imprimeur, vendeurs et 
colporteurs. » (Ordre de service de Pommereul, successeur de Por- 
talis à la direction générale de la librairie, 8 mars 1811 : Bibl. 
nat., mss., nouv. acquis, i'r., 1362.) 



DÉTENTIONS ET EXILS 303 

La naissance du roi de Rome, qui était une occasion 
indiquée de « grâces », servit de prétexte pour abréger 
une situation injustifiable. Dès le 22 mars, Savary pré- 
sentait un rapport sur huit détenus, parmi lesquels les 
abbés Guairard et de la Galprade, la Mère de Soyecourt, 
Mme de Paravicini, sa femme de chambre et la servante 
de d'Astres : « ... Les uns paraissent avoir ignoré les 
projets et les manœuvres de ces prêtres turbulents (1). 
— D*autres en ont eu probablement connaissance, mais 
rien n'établit qu'ils y aient pris une part active. La déten- 
tion quïls ont subie semble avoir sufUsamment expié 
leurs torts : elle sera sans doute pour eux une leçon salu- 
taire, et je pense que Votre Majesté peut aujourd'hui 
sans inconvénient user d'indulgence à leur égard (2). » 

La « clémence » impériale, qui s'exerça le 25 mars (3), 
manqua d'ampleur : les détenus furent mis non point en 
liberté pure et simple, mais, conformément à la recom- 
mandation de Maury, en surveillance, à une distance 
d'au moins quarante lieues de Paris. Tous n'eurent 
même pas le choix de leur résidence : si les abbés Guai- 
rard et de la Galprade (4) furent exilés dans leurs villes 
natales respectives, à Aix et à Sarlat, on fut moins tolérant 
pour Mme dé Paravicini et pour la Mère de Soyecourt. 

La première, dont les infirmités avaient été aggravées 
par la réclusion, n'en fut pas moins reléguée à Vienne, 
en Dauphiné (5) ; on ne lui permit de se flxer à Auxerre 



(1) D'Astros, Perreau et les Italiens. 

(2) F. 7, 6534. 

(3) Bulletin de police du 28 mars : AF. IV, 1514. 

(4) Napoléon, qui croyait sans doute la Galprade chanoine titu- 
laire, ajouta à la décision qui le concernait : « Lui faire donner 
sa démission de la place du chapitre. » (F. 7, 6534.) 

(5) Salaberry, le député de la Restauration, qui a fortement 
dramatisé les réelles tribulations de Mme de Paravicini, prétend 
que son passeport pour Vienne portait la qualification de femmt 



304 MAURY ET D'ASTROS 

qu'en juillet 1812. Au printemps de 1813, Lacuée de 
Cessac, devenu ministre, sollicita pour elle l'autorisation 
de reprendre son logis de Fontainebleau, où elle avait 
toutes ses habitudes : « Quoique alliée de ma femme. » 
ajoutait le prudent haut fonctionnaire, « elle ne lui accor- 
derait pas de rintérêt près de vous, si elle n'était bien 
certaine que cette dame n'a jamais eu des intentions 
coupables... (1) ». Savary objecta à son collègue la for- 
melle volonté de Tempereur (2), et Mme de Paravicini 
demeura à Auxerre. 

Quant à la carmélite, elle avait d'abord exprimé le 
désir de se rendre à Dijon, et le préfet de police n'avait 
pas soupçonné qu'il pût y avoir d'inconvénient à lui 
délivrer un passeport pour cette ville. L'ordre vint du 
ministère de retirer le passeport. Pasquier repartit non 
sans humeur : « ... Comme il pourrait encore se faire 
qu'elle choisît une ville où il ne conviendrait pas de la 
laisser aller, j'ai l'honneur de prier Votre Excellence de 
vouloir bien fixer la ville (ou les villes) dans laquelle 
cette dame pourra être placée en surveillance sans in- 
convénient (3). » Savary désigna la petite ville de Guise, 
en Picardie, d'où Mme de Soyecourt osa bien, sous un 
déguisement, venir faire un séjour à son couvent de la 
rue de Vaugirard (4). Le 17 décembre 1812, prenant en 
considération son état de santé, qui devait réellement 
demeurer très précaire jusqu'à l'âge de giuitre-vingt-douze 
ans, on l'autorisait à rentrer à Paris, sans l'affranchir 
de la surveillance de la police. 



perdue (Souvenirs politiques, t. I, p. 46); je n'ai trouvé aucune 
confirmation de cette monstruosité. 

(1) A Savary, 4 mars 1813 : F. 7, 6535. 

(2) 1« mars 1813 : Ibidem. 

(3) 5 avril 1811 : F. 7, 6536. 

(4) Vie de la R» M, Thérèse-Camille de Soyecourt, p. 204-206. 



1 




' 



CHAPITRE VI 



l'administration du cardinal maury 



(1811-1814) 



I. Maury en possession de l'autorité archiépiscopale. — II. Nomi- 
nations faites par Maury. — III. Le séminaire. — IV. -La vie 
religieuses et les prédications. — V. Baptême du roi de Rome. 
— VI. Concile de 1811. — VII. L'attitude des autorités civiles; 
mesures de rigueur. — VIII. Mise en état du palais archiépis- 
copal. 



I 



La résistance de d'Astros avait été brisée; les autres 
vicaires capitulaires, forcés de. subir une nouvelle inves- 
titure, n'étaient plus que les grands-vicaires du cardinal 
administrateur; les chanoines avaient dû solennellement 
protester de leur soumission. En fait, Maury exerçait 
tous les pouvoirs d'un archevêque de Paris, malgré le 
défaut de l'institution canonique, qu'il sollicita à nou- 
veau de Pie VII par une lettre du 12 octobre 1811, 
demeurée sans réponse (1). 

Par un trait de réserve qui dut coûter à son amour- 
propre autant qu'à sa docilité envers Napoléon, le car- 

(1) PoujouLAT, le Cardinal Maury, p. 361-362. 

IV. 20 



296 



MAURY ET D'ASTROS 



ment intéressant; il y eut au passage un petit débat 
théologique : 

— Pourquoi, en parlant du cardinal Maury, ne l'avez- 
vous pas appelé archevêque de Paris? 

— Parce qu'il n'a pas ses bulles. 

— Vous croyez donc que les bulles sont nécessaires? 

— Oui, monsieur^ je l'ai cru jusqu'à présent. Il m'a 
dit lui-même qu'il ne monterait pas sur le siège de Paris 
avant qu'il eût obtenu ses bulles. 

De là à la réponse que Pie VII avait adressée à Maury, 
et qui faisait le fond de toute l'affaire, la transition était 
aisée; mais Pasquier eut la malencontreuse idée de poser 
une question accessoire, qui lui valut une riposte pres- 
tement narquoise : 

— Croyez- vous que M. l'archevêque (Maury) ait eu 
lieu de se féliciter de cette réponse (le bref du pape)"^ 

— Vous me demandez une chose que je ne sais pas; 
s'il était venu me voir, il n'aurait pas manqué de me 
le dire exactement. 

Elle avoua sans détour qu'elle avait eu connaissance 
du bref adressé à Maury, mais quand il s'agit de livrer 
des noms, cette petite moniale, sujette à de graves pal- 
pitations de cœur^ montra plus de vaillance que d'As- 
tros et di Gregorio. Voici la conclusion de l'interroga- 
toire : 

— Dites-nous qui vbiis a fait voir cette réponse, et 
si cette réponse était imprimée. 

— Je ne peux ni ne dois vous nommer la per- 
sonne qui me l'a montrée; cette réponse était manus- 
crite. 

— Vous devez la vérité : nous vous invitons en con- 
séquence à ne pas refuser de répondre à la question 
précédente. 

— Je ne veux rien dire contre ma conscience : je ne 



\ 



DÉTENTIONS ET EXILS 297 

peux pas vous nommer la personne qui m'a montré la 
réponse du pape. 

— Persistez-vous dans votre refus? 

— Oui, monsieur. 

Il était déjà tard. Mécontent de n'avoir pas mieux 
réussi, mais rendant hommage à part soi à tant de 
vigueur d'esprit et de noblesse de caractère, Pasquier 
en référa le lendemain matin (iÔ janvier) à Savary : 
«... J'ai l'honneur d'adresser à Votre Excellence copie 
de son interrogatoire, et de La prier de vouloir bien me 
faire connaître ses intentions à l'égard de cette dame, 
que je crois en attendant devoir retenir à ma préfec- 
ture. » 11 lui accorda le régime de faveur dont il a été 
question, et lui permit même tout d'abord de recevoir 
des visites; mais les équipages du faubourg Saint-Ger- 
main se succédèrent si nombreux rue de Jérusalem, que 
le ministre y vit une manifestation frondeuse, et donna 
l'ordre de mettre la détenue au secret (1). 

Courageuse quand il le fallait, Mme de Soyecourt ne 
mettait pas son point d'honneur à bouder les autorités. 
Élevée d'autre part dans la société aristocratique de la 
fin de l'ancien régime, le style « sensible » n'avait pas 
de secrets pour elle. Au bout de huit jours, elle écrivit 
à Savary: «... J'ai la confiance qu'en me rappelant à 
votre souvenir vous satisferez votre cœur en vous 
hâtant de me rendre justice. » (19 janvier). En guise de 
réponse, une note du ministère invita Pasquier (29 jan- 
vier) à procéder à un nouvel interrogatoire, qui porte- 
rait principalement sur les rapports de la détenue avec 



(1) Le biographe anonyme de Mme de Soyecourt me parait 
avoir vu les Qhoses trop en noir, quand il a attribué cette autori- 
sation provisoire à un calcul machiavélique, destiné à révéler le 
nom des personnes en relations avec la carmélite. {Vie de la 
R. M. Thérèse-Camille de Soyecourt, p. 191.) 



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sr.^ f«irt Aoûve à ces intrigues. Cependant on doit 
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^*.vs af pr.^uTer ks principes de l'Église gaUicane (i). » 
Li i^ :en::?3 à la préfecture de police fut maintenue. 

Vnie de Soyecourt. qui était femme d*expérience, 
>.&TÀi: qu'il fallait beaucoup solliciter pour obtenir 
^::tl^:;e ch^se de la police impériale. Le i6 février, Pas- 
quÎTT. ec Attestant le mauvais état de sa santé, transmet- 
t.u: jku ministère une nouvelle supplique : elle y rendait 
h. maiAire aux K-ns procédés du préfet, « un magistrat 
qui depuis sa nomination n'a pas fait verser une larme 
À î'inn verve >, el elle allait jusqu'à offrir, si on mettait 
i*e::t* c.^niîù.^n à sa mise en liberté^ de ne plus entre- 
tenir de rapports avec aucun prêtre étranger à la 
|Mn>îsse M. lis elle ajoutait, en connaissance de cause, 
que nit^:ue sous la Terreur les demandes appiiyées d'un 
cer;;noat de médecin n'étaient pas rejetées, et ce rappro- 
chement eut le don d'échauffer la bile de Savaiy, qui 
^itTonna en marge de la lettre de Pasquier : < A M. D( • 



DÉTENTIONS ET EXILS S»9 

marest. On peut mettre Mme de Saucourt (sic) mieux, 
mais on ne doit point soufirire (sic) de mauvais propos, 
et sa citation me déplaît fort. » Le 21 février, il fut offi- 
ciellement répondu à Pasquier : «... Je vous autorise à 
la faire placer dans une maison où elle puisse recevoir 
les secours que sa santé paraît exiger, mais il con- 
viendra de prendre les mesures convenables pour qu'elle 
y soit surveillée avec soin; vous devrez au surplus pré- 
venir cette dame qu'elle doit dans ses réclamations 
s'abstenir de citations et de comparaisons déplacées et 
inconvenantes. » Le 28 février, le préfet de police 
annonçait que sa pensionnaire avait été transférée * à la 
Maison du Refuge »^ dont la supérieure avait reçu 
rordre de ne la laisser sortir « sous aucun prétexte ». 

Dans Taffaire Soyecourt, Pasquier s'était en somme 
acquitté d'une mission délicate en homme de cœur, 
sinon en magistrat instructeur ou en dignitaire de police 
très perspicace. Jaloux de le compromettre davantage, 
et de tirer vengeance de ses dédains de vieux parlemen- 
taire, Savary médita de lui faire jouer ailleurs un rôle 
tout à fait odieux. 

A propos d'un prêtre suspect d'avoir colporté les 
documents pontificaux, et qui était assidu chez la belle- 
mère du premier président Séguier, Napoléon prescrivit 
de faire exercer une surveillance très discrète sur le 
salon même de Mme Séguier : « . . . Mme Séguier a lu le 
bref du pape. Il faut mettre beaucoup de circonspection 
dans cette surveillance, et ne vous servir de la note que je 
vous donne que pour avoir un œil dans cette maison. Cette 
affaire est de quelque importance, parce que la police doit 
faire là des découvertes qui pourront l'intéresser (1). » 

(1) 15 janvier 1811 : Letiret inédites, éd. Lecestre, 751. 



Zùê MAURT ET D'ASTROS 

n n'était point question du préfet de police dans cette 
invitation, déjà passablement scabreuse; ce fut Savary 
qui trouTa plaisant de faire espionner le salon d'un Sé- 
guier par un .Pasquier ; démarquant la missive impériale, 
il sisna cette lettre révoltante, rédigée par Desmarest, qui 
inscrivit en tète de la minute : Très confidentielle; pour 
roMs sirui : c Monsieur le Baron, Mme Séguier, femme du 
premier président de la cour impériale, est très dévote; 
on agite chez elle beaucoup de questions relatives aux 
alTaires du clergé. En introduisant quelqu'un dans cette 
société, il y entendra beaucoup de propos qui mettront 
sur la voie de beaucoup de choses utiles à savoir. Je vous 
invite. Monsieur le Baron, à suivre ces indications avec 
toute l'attention et la circonspection qu'exige leur im- 
portance, et à me rendre compte confidentiellement des 
résultats. Vous ferez aussi surveiller la maison de la 
mère de Mme Séguier (i). • 

Pasquier fit sans doute comprendre de vive voix à 
Savary, ou plutôt à Napoléon, qu'on lui demandait un 
acte incompatible avec sa dignité personnelle et ses tra- 
ditions de famille. Toujours est-il que la lettre du mi- 
nistre demeura sans réponse écrite, et qu'il ne parait 
pas avoir été donné suite au projet de surveillance rue 
Pavée-Saint-André-des-Arts (2). 

Il fut rapidement manifeste que le complot était im- 
possible à établir. Les pratiques administratives du 
temps permettaient bien d'infliger une détention arbi- 
traire et indéfinie à d'Astros, à Perreau et à quelques 
prélats italiens, considérés comme des criminels d'État; 

(1) A Pasquier, 17 janvier 1811 (minute en partie de la main ! 
Desmarest) : F. 7, 6536. 

(2) Cette rue, où était l'hôtel du premier président, s'appe i 
maintenant en son honneur rue Séguier. 



r -' 



DÉTENTIONS ET EXILS 301 

mais il devenait odieux de prolonger l'incarcération de 
prêtres et de femmes dont tout le tort était d'avoir 
connu le bref de Pie Vil ou parlé peu respectueusement 
de Maury. 

Ce fut ce dernier, dont les rancunes étaient persis- 
tantes, qui fit retarder les mesures de clémence, ou plu*- 
tôt de justice. Plusieurs personnes recommandables 
intercédaient en faveur de l'abbé de la Calprade, cha- 
noine honoraire de Paris, arrêté parce que d'Astros 
avait déclaré lui avoir montré le bref; ses papiers 
n'avaient fourni aucune charge contre lui. Avant de 
l'élargir, Savary jugea convenable de prendre l'avis du 
cardinal (i). Ce dernier, au lieu du geste de généro- 
sité qui était tout indiqué de sa part, répliqua par une 
note non signée, mais autographe, qui paraît avoir 
causé quelque scandale même au ministère de la police, 
puisque Desmarest inscrivit en tête cette recommanda- 
tion : Classer, mais tenir très secrète. 

« Le cardinal Maury s'empresse d'adresser à M. le duc 
de Rovigo la réponse confidentielle qu'il a bien voulu lui 
demander. Les bons témoignages qui lui ont été rendus 
du zèle et de la piété de M. l'abbé Lacalprade paraissent 
justes; mais il n'est pas aussi certain qu'il soit étranger 
aux affaires et aux discussions dont il s'agit. La con- 
fiance particulière de l'homme qui l'a compromis et qui 
était sans cesse dans sa maison (2) le rend plus que sus- 
pect d'avoir partagé pour le moins ses opinions. Cette 
maison du Cloître est un rendez-vous où tout le monde 
n'est pas admis, et qu'il importe de dissoudre. Une grâce 
entière après un pareil éclat afi'aiblirait trop tôt la salu- 
taire impression que cet exemple de vigilance a faite sur 



(1) «9 janvier 1841 : F. 7, 6534. 

(2) D'Astros. 



3Ai MACIT BT D'ASTROS 

k^ k c2*r;^. Le parti le phis sage serait de renvoyer 
cet h:ciiae d^is soo département ponr y rester en sur- 
T-riHàîKie et en état d'épreuve pendant trois ou quatre 
k::>... L'autre confident intime du même agent (1) 
derraî: >Gr-ir le même sort. Ces messieurs attendaient 
un^ rx|:n .tsion dont ils auraient été les témoins avec beau- 
O-îîp J'iiîiiîîèrenoe. peut-être même de satisfaction. Le 
cardinal Maurx s«:*umet ces observations à la haute 

m 

5A£e><se de S^-n Exeelleace. L'air de Paris ne convient nul- 
l-rr^rriît aux ecciêsiastlques qu'on soupçonne avec raison 
de n'être pas sincèrement dévoués à l'empereur (2). » 

Cette réponse si peu pastorale dictait la décision de 
Savarv : le rapport qu^fl présenta, et où il ne manquait 
pas de faire état de l'opinion du cardinal, concluait à 
maintenir la Calprade à Vincennes, et à l'éloigner de 
Paris quand sa captivité prendrait fin. On résolut en 
même temps d'ajourner la libération des autres prison- 
niers. Cependant V t éclat » que glorifiait Maury, tout 
en répandant la stupeur, avait excité l'intérêt et la 
curiosité : chacun brûlait de connaître ce bref pontifical, 
qui avait tant ému Tempereur et le cardinal. Quelqu'un 
se trouva d'assez hardi pour Timprimer clandestinement, 
et les exemplaires ne tardèrent pas à en courir dans les 
milieux ecclésiastiques {3}. C'était un motif de plus pour 
ne pas garder sous les verrous ceux qui étaient surtout 
coupalJes d'avoir lu des copies manuscrites. 

{{) Saus doute Tattbe Guairard. 

(â>3i janvier 1811 : F. 7, 6534 (publié par Geoffroy de Grand- 
maison, XapoUoH A Us Cardinaux noirs, p. 187-129). 

(3^ « Informé ipi'une buUe du pape (ceUe prohibée par Sa Ma- 
jesté) a été imprimée à Paris et qu'eUe circule parmi les membres 
du clergé, j'ordouue à MM. les inspecteurs d'employer tous 
leurs soins à la découvrir, ainsi que ses imprimeur, vendeurs < 
colporteurs. » ^Ordre de service de Pommereul, successeur de Foi 
talis à la direction générale de la librairie, 8 mars 1811 : Bibl 
nat., mss., nouv. acquis, fr., 1362.) 



\ 



DÉTENTIONS ET EXILS 303 

La naissance du roi de Rome, qui était une occasion 
indiquée de « grâces », servit de prétexte pour abréger 
une situation injustifiable. Dès le 22 mars, Savary pré- 
sentait un rapport sur huit détenus, parmi lesquels les 
abbés Guairard et de la Galprade, la Mère de Soyecourt, 
Mme de Paravicini, sa femme de chambre et la servante 
de d'Astres : « ... Les uns paraissent avoir ignoré les 
projets et les manœuvres de ces prêtres turbulents (4). 
— D'autres en ont eu probablement connaissance, mais 
rien n'établit qu'ils y aient pris une part active. La déten- 
tion quïls ont subie semble avoir suffisamment expié 
leurs torts : elle sera sans doute pour eux une leçon salu- 
taire, et je pense que Votre Majesté peut aujourd'hui 
sans inconvénient user d'indulgence à leur égard (2). » 

La « clémence » impériale, qui s'exerça le 25 mars (3), 
manqua d'ampleur : les détenus furent mis non point en 
liberté pure et simple, mais, conformément à la recom- 
mandation de Maury, en surveillance, à une distance 
d'au moins quarante lieues de Paris. Tous n'eurent 
même pas le choix de leur résidence : si les abbés Guai- 
rard et de la Galprade (4) furent exilés dans leurs villes 
natales respectives, à Aix et à Sarlat, on fut moins tolérant 
pour Mme dé Paravicini et pour la Mère de Soyecourt. 

La première, dont les infirmités avaient été aggravées 
par la réclusion, n'en fut pas moins reléguée à Vienne, 
en Dauphiné (5) ; on ne lui permit de se fixer à Auxerre 



(1) D*Astros, Perreau et les Italiens. 

(2) F. 7, 6S34. 

(3) Bulletin de police du 28 mars : AF. IV, 1514. 

(4) Napoléon, qui croyait sans doute la Galprade chanoine titu- 
laire, ajouta à la décision qui le concernait : « Lui faire donner 
sa démission de la place du chapitre. » (F. 7, 6534.) 

(5) Salaberry, le député de la Restauration, qui a fortement 
dramatisé les réelles tribulations de Mme de Paravicini, prétend 
que son passeport pour Vienne portait la qualification de femme 



UA MACRT ET D*A8TR08 

qo'en jafllel 1812. Aa printMnps de 1813, Lacnée de 
Cessac, derenn ministre, sollicita pour elle raotorisation 
de reprendre son logis de Fontainebleau, où elle avait 
tontes ses habitudes : c Quoique alliée de ma femme. > 
ajoutait le prudent haut fonctionnaire^ « elle ne lui accor- 
derait pas de Tintérét près de tous, si elle n'était bien 
certaine que cette dame n*a jamais eu des intentions 
coupables... (1 ) ». Savary objecta à son collègue la for- 
melle volonté de l'empereur (2), et Mme de Paravicini 
demeura à Auxerre. 

Quant à la carmélite, elle avait d'abord exprimé le 
désir de se rendre à Dijon, et le préfet de police n'avait 
pas soupçonné qu^il pût y avoir d'inconvénient à lui 
délivrer un passeport pour cette viDe. L'ordre vint du 
ministère de retirer le passeport. Pasquier repartit non 
sans humeur : « ... Comme il pourrait encore se faire 
qu'elle choisît une ville où il ne conviendrait pas de la 
laisser aller, j'ai l'honneur de prier Votre Excellence de 
vouloir bien fixer la ville (ou les villes) dans laquelle 
cette dame pourra être placée en surveillance sans in- 
convénient (3). » Savary désigna la petite ville de Guise, 
en Picardie, d'où Mme de Soyecourt osa bien, sous un 
déguisement, venir faire un séjour à son couvent de la 
rue de Vaugirard (4). Le 17 décembre 1812, prenant en 
considération son état de santé, qui devait réellement 
demeurer très précaire jusqu'à l'âge de quatre-vingt-douze 
ans, on l'autorisait à rentrer à Paris, sans l'affranchir 
de la surveillance de la police. 



perdue (Souvenirs politiquet, t. I, p. 46); je n'ai trouvé aucune 
confirmation de cette monstruosité. 

(1) A Savary, 4 mars 4813 : F. 7, 6535. 

(2) 18 mars 1813 : Ibidem. 

(3) 5 avril 1811 ; F. 7. 6536. 

(4) Vie de la R. M, Thérèse-Camille de Soyecourt, p. 204-206. 



CHAPITRE VI 



l'administration du cardinal maury 



(1814-1814) 



I. Maury en possession de l'autorité archiépiscopale. — II. Nomi- 
nations faites par Maury. — III. Le séminaire. — iV. -La vie 
religieuses et les prédications. — V. Baptême du roi de Rome. 
— VI. Concile de 1811. -^ VII. L'attitude des autorités civiles; 
mesures de rigueur. — VIIÎ. Mise en état du palais archiépis- 
copal. 



I 



La résistance de d'Astros avait été brisée; les autres 
vicaires capitulaires, forcés de. subir une nouvelle inves- 
titure, n'étaient plus que les grands-vicaires du cardinal 
administrateur; les chanoines avaient dû solennellement 
protester de leur soumission. En fait^ Maury exerçait 
tcwis les pouvoirs d'un archevêque de Paris, malgré le 
défaut de l'institution canonique, qu'il sollicita à nou- 
veau de Pie VII par une lettre du 12 octobre 1811, 
demeurée sans réponse (1). 

Far un trait de réserve qui dut coûter à son amour- 
propre autant qu'à sa docilité envers Napoléon, le car- 

(1) PoujouLAT, le Cardinal Maury, p. 361-362. 

IV. 20 




306 ADMINISTRATION DE MAURY 

dinal s'abstint constamment de prendre le titre d'arche- 
vêque titulaire. Aux cérémonies solennelles de Notre- 
Dame, il siégeait dans la c chaire » ou stalle d'honneur 
située du côté de TÉvangile, laissant vacante la chaire 
archiépiscopale (1). En tête de ses mandements, la 
pompeuse énumération de ses qualités soulignait le 
caractère anormal et provisoire de son magistère : 
« Jean-Siffrein Maury, par la grâce de Dieu et du Saint- 
Siège Apostolique, cardinal-prêtre de la Sainte Église 
Romaine, du titre de la Très-Sainte Trinité au Mont- 
Pincius, archevêque-év^^que de Montefîascone et de Gor- 
neto, nommé archevêque de Paris, administrateur capi- 
tulaire de cette métropole pendant la vacance du siège, 
grand-croix de l'ordre impérial de la Réunion, comte de 
l'Empire, etc. (sic)... » Mais si Maury se résignait à cet 
aveu, il lui déplaisait fort que d'autres le soulignassent. 
Un aumônier de la Salpêtrière en sut quelque chose : 
comme il avait eu la malice ou la gaucherie de com- 
menter en chaire cet exorde d'un mandement, le car- 
dinal, usant spontanément du droit de correction disci- 
plinaire que le Premier Consul avait attribué d'office à 
Belloy lors de l'affaire Chameroy, l'envoya garder les 
arrêts au séminaire (2). 



(1) C(^ détail est nettement spécifié dans le compte rendu officiel 
de la c«Témonie du 1" décembre 1811 (Documents inédits). 

(2) «... Il nous est venu, pour la première fois depuis que je 
suis à Paris, un prêtre envoyé au séminaire par le supérieur 
ecclésiastique : c'est un abbé de Seillan, Provençal, chanoine 
honoraire de Paris, chef de l'administration spirituelle à la Sal- 
l)ôtrière. Son crime, c'est, en lisant le mandement de M. le 
cardinal, d'avoir fait remarquer le titre que prenait le cardinal 
et qui montrait qu'il exerçait les pouvoirs du chapitre. Ledit 
a.hbé prétend qu'il n'a fait cette remarque que pour plusieurs pe^ 
sonnes de son auditoire qui prétendaient et publiaient que le car- 
dinal était schismatique. Le préfet de police l'avait mandé : il »! 
dit -il, été fort bien traité du préfet, et fort mal par le cardinal. Je 



MAURY EN POSSESSION DE L'AUTORITÉ 307 

A tous autres égards^ Maury justifia, dépassa même 
Pattente de Napoléon, à qui il prodigua les marques de 
zèle et de fatigante adulation. N'osa-t-il pas proposer, à 
l'occasion du baptême du roi de Rome, d'installer en 
permanence à Notre-Dame un trône impérial, trône que 
le clergé serait toujours tenu de saluer^ même vide, en 
traversant le chœur! Pour justifier ce beau projet, il 
alléguait que les choses se passaient ainsi au Latran et 
à Sainte-Sophie, du temps du bas-empire romain et 
byzantin (i). Sur un bruit vague, d'après lequel un 
ancien capucin, prêtre-sacristain de Saint-Louis-d'Antin, 
aurait tenu des propos irrévérencieux sur le compte de 
Sa Majesté Impériale, Maury le dénonçait à Savary et 
l'interdisait a divinis, avec tant de légèreté que le 
ministre des cultes croyait devoir prendre la défense 
du malheureux (2). Dans un précis de la doctrine chré- 
tienne, destiné à être lu tous les dimanches au prône, 
et remarquable d'ailleurs par l'élégante concision des 
formules, le prélat n'avait garde d'omettre les devoirs 
envers l'empereur, ni « les liens qui nous attachent pour 
toujours à son auguste famille » (3), Proposant de 
rendre la Sorbonne à son ancienne destination, il suggé- 
rait à Napoléon d'y instituer pour tout l'Empire une sorte 
de séminaire supérieur, « que Votre Majesté regardera 
sans doute dans les circonstances actuelles comme le 
plus solide boulevard qu'EUe puisse opposer aux pré- 
jugés ultramontains » (4). 

Très orgueilleux au fond et très entiché du prestige 

suis fâché de cet événement, qui fournira matière aux clabau- 
deurs... » (Émery à Bausset, 19 mars 1811 : Papiers Émery.) 

(1) Frédéric Masson, Napoléon et son fils, p. 103. 

(2) Maury à Savary, 21 novembre 1811 ; Bigot de Préameneu à 
Savary, 2 avril 1812 : F. 7, 6534. 

(3) PoujODLAT, le Cardinal Maury, p. 375-376. 

(4) Note du 28 novembre 1813 : AF. IV, 1048. 



308 ADMINISTRATION DE MAURT 

de son rang^ comme il Pavait montré dans l'affaire ^e 
la réception académique, Maury faisait bon marché des 
scrupules de dignité dans ses rapports non seulement 
avec le maître, mais avec les dépositîdres de la confiance 
impériale. Contrairement au protocole^ contrairement 
aussi à l'usage des autres cardinaux^ il donnait du 
« Monseigneur » aux minisires, et les assurait de son 
t respectueux attachement » (1). 

Dans les cercles royalistes, dans les rares milieux où 
prédominaient les idées ultramontaines, cette ferveur 
gouvernementale achevait de discréditer Maury. Pie VII, 
si débonnaire d'accueil pour tout ce qui tenait au monde 
officiel, fit difficulté de le recevoir à Fontainebleau, et 
lui ferma la bouche quand il voulut entamer son apo- 
logie (2). Les perpétuelles quémanderies du cardinal 
produisaient dans l'entourage de Napoléon une impres- 
sion d'impatience (3). Ses traits de ladrerie faisaient la 
joie de la société parisienne : il installait provisoirement 
des locataires dans une maison expropriée pour agrandir 
le jardin de l'archevôehé, au risque de se faire citer par 
eux devant le juge de paix quand survenaient les démo- 
lisseurs (4); une personne qui répugnait à lui sous- 
louer une propriété de campagne disait : « Je connais 
son faible, je lui proposerai un prix si élevé, qu'il ne 
voudra jamais y consentir (5). » 

Avec cela, Maury avait des qualités de cœur qui lui 
conciliaient l'affection, non seulement des nombreux 

(1) Cf. une lettre à Bigot de Préameneu, du 3 juiUet 1813 : Do- 
eumentt inédits, 

(2) Jaufpret, Mémoires historiques, t. II, p. 493. 

(3) Cf. une note autographe de Duroc, 15 janvier 1811 : AF. IV, 
1048. 

(4) Bulletin de police du 18 avril 1812 : AF. IV, 1521. 

(5) Récit de l'abbé Gamier : Vie de M. Émery, t. II, p. 374. 



MAURY EN POSSESSION DE L'ÀUlPORITÉ 309 

membres de sa famille logés sous son toit, mais de son 
proche entourage ecclésiastique. En dépit de ses exi- 
gences, il était aimé de ses jeunes secrétaires, dont le 
dernier en date, l'abbé Menjaud, put apprendre à son 
école Fart d'être en faveur auprès d'un Napoléon (i). 
Loin de rougir de ses humbles origines, le cardinal fai- 
sait fête aux compatriotes de condition modeste qui se 
présentaient à l'archevêché; sa grande joie était de 
s'entretenir avec eux en langue provençale (2); en sou- 
venir de son adolescence, il accueillait avec une particu- 
lière bienveillance ceux d'entre eux qui se destinaient à 
l'état ecclésiastique, comme en fit l'expérience le sémi- 
nariste Dominique-Auguste Sibour^ futur archevêque de 
Paris (3). 

Dans le menu peuple de Paris, les solliciteurs mau- 
gréaient bien du peu de libéralité du prélat, mais la 
masse était ravie de la rondeur de ses manières, flattée 
de son extraction plébéienne. Beaucoup pensaient comme 
cet homme qui, certain jour de grande fête, montrait à 
son petit garçon le cardinal officiant en pompe à Notre- 
Dame : t Eh bien ! ce n'est pourtant, comme toi, que le 
fils d'un bigre de savetier... Mais il a travaillé à l'école... 
Voilà pourtant ce que tu deviendrais si tu voulais tra- 

« 

vailler comme lui... (4). » 



(1) D'après une tradition qui court les presbytères de Lorraine, 
et que conte à ravir un cardinal-académicien, Mgr Menjaud, 
évoque de Nancy en 1851, eut l'honneur, sinon le mérite, de 
mettre en circulation après le coup d'Etat la fameuse formule, 
sortir de la légalité pour rentrer dans le droit; il en fut récompensé 
par- rarchevêché de Bourges et la charge de premier aumônier. 

(2) En 1855, Poujoulat disait plus simplement et peut-être plus 
véridiquement « en patois du Gomtat ». {Le Cardinal Maury, 
p. 20). A reprendre aujourd'liui cette expression, on risquerait 
de déchaîner le bourdonnement de toutes les cigales du félibrige. 

(3) PoujoDLAT, Vie de Mgr Sibour, p. 13. 

(4) Armàult, Souvenirs d'un sexagénaire, t. I, p. 226. 



300 MAURY ET D'ASTROS 

.11 n'était point question du préfet de police dans cette 
invitation, déjà passablement scabreuse; ce fut Savary 
qui trouva plaisant de faire espionner le salon d'un Sé- 
guier par un "Pasquier ; démarquant la missive impériale, 
il signa cette lettre révoltante, rédigée par Desmarest, qui 
inscrivit en tête de la minute : Très confidentielle; pour 
vous seul : t Monsieur le Baron, Mme Séguier, femme du 
premier président de la cour impériale, est très dévote; 
on agite chez elle beaucoup de questions relatives aux 
affaires du clergé. En introduisant quelqu'un dans cette 
société, il y entendra beaucoup de propos qui mettront 
sur la voie de beaucoup de choses utiles à savoir. Je vous 
invite, Monsieur le Baron, à suivre ces indications avec 
toute l'attention et la circonspection qu'exige leur im- 
portance, et à me rendre compte confidentiellement des 
résultats. Vous ferez aussi surveiller la maison de la 
mère de Mme Séguier (1). » 

Pasquier fit sans doute comprendre de vive voix à 
Savary, ou plutôt à Napoléon, qu'on lui demandait un 
acte incompatible avec sa dignité personnelle et ses tra- 
ditions de famille. Toujours est-il que la lettre du mi- 
nistre demeura sans réponse écrite, et qu'il ne paraît 
pas avoir été donné suite au projet de surveillance rue 
Pavée-Saint- André-des- Arts (2). 

Il fut rapidement manifeste que le complot était im- 
possible à établir. JLes pratiques administratives du 
temps permettaient bien d'infliger une détention arbi- 
traire et indéfinie à d'Astros, à Perreau et à quelques 
prélats italiens, considérés comme des criminels d'Etat; 

(1) A Pasquier, 17 janvier 1811 (minute en partie de la main ( 
Desmarest) : F. 7, 6536. 

(2) Cette rue, où était l'hôtel du premier président, s'appel 
maintenant ep. son honneu?* rue Séguier, 



DÉTENTIONS ET EXILS 301 

mais il devenait odieux de prolonger Tincarcération de 
prêtres et de femmes dont tout le tort était d'avoir 
connu le bref de Pie VII ou parlé peu respectueusement 
de Maury. 

Ce fut ce dernier, dont les rancunes étaient persis- 
tantes, qui fit retarder les mesures de clémence, ou plu- 
tôt de justice. Plusieurs personnes recommandables 
intercédaient en faveur de Tabbé de la Calprade, cha- 
noine honoraire de Paris, arrêté parce que d'Astros 
avait déclaré lui avoir montré le bref; ses papiers 
n'avaient fourni aucune charge contre lui. Avant de 
l'élargir, Savary jugea convenable de prendre l'avis du 
cardinal (1). Ce dernier, au lieu du geste de généro- 
sité qui était tout indiqué de sa part, répliqua par une 
note non signée, mais autographe, qui paraît avoir 
causé quelque scandale même au ministère de la police, 
puisque Desmarest inscrivit en tête cette recommanda- 
tion : Classer, mais tenir très secrète. 

« Le cardinal Maury s'empresse d'adresser à M. le duc 
de Rovigo la réponse confidentielle qu'il a bien voulu lui 
demander. Les bons témoignages qui lui ont été rendus 
du zèle et de la piété de M. l'abbé Lacalprade paraissent 
justes; mais il n'est pas aussi certain qu'il soit étranger 
aux affaires et aux discussions dont il s'agit. La con- 
fiance particulière de l'homme qui l'a compromis et qui 
était sans cesse dans sa maison (2) le rend plus que sus- 
pect d'avoir partagé pour le moins ses opinions. Cette 
maison du Cloître est un rendez-vous où tout le monde 
n'est pas admis, et qu'il importe de dissoudre. Une grâce 
entière après un pareil éclat affaiblirait trop tôt la salu- 
taire impression que cet exemple de vigilance a faite sur 



, (4) «9 janvier 1811 : F. 7, 6534. 
(â) D'Astros. 



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302 MAURY ET D'ASTROS 

tout le clergé. Le parti le plus sage serait de renyoyer 
cet homme dans son département pour y rester en sur- 
veillance et en état d'épreuve pendant trois ou quatre 
mois... L'autre confident intime du même agent (1) 
devrait subir le même sort. Ces messieurs attendaient 
une explosion dont ils auraient été les témoins avec beau- 
coup d'indifférence, peut-être môme de satisfaction. Le 
cardinal Maury soumet ces observations à la haute 
sagesse de Son Excellence. L'air de Paris ne convient nul- 
lement aux ecclésiastiques qu'on soupçonne avec raison 
de n'être pas sincèrement dévoués à l'empereur (2). » 

Cette réponse si peu pastorale dictait la décision de 
Savary : le rapport qu'il présenta, et où il ne manquait 
pas de faire état de l'opinion du cardinal, concluait à 
maintenir la Calprade à Vincennes, et à l'éloigner de 
Paris quand sa captivité prendrait fin. On résolut en 
même temps d'ajourner la libération des autres prison- 
niers. Cependant 1' « éclat » que glorifiait Maury, tout 
en répandant la stupeur, avait excité l'intérêt et la 
curiosité : chacun brûlait de connaître ce bref pontifical, 
qui avait tant ému l'empereur et le cardinal. Quelqu'un 
se trouva d'assez hardi pour l'imprimer clandestinement, 
et les exemplaires ne tardèrent pas à en courir dans les 
milieux ecclésiastiques (3). C'était un motif de plus pour 
ne pas garder sous les verrous ceux qui étaient surtout 
coupables d'avoir lu des copies manuscrites. 

(1) Sans doute l'abbé Guairard. 

(2) 31 janvier 1811 : F. 7, 6534 (publié par Geoffroy de Grand- 
maison, Napoléon et les Cardinaux noirs, p. 127-129). 

(3) « Informé qu'une bulle du pape (celle prohibée par Sa Ma- 
jesté) a été imprimée à Paris et qu'elle circule parmi les membres 
du clergé, j'ordonne à MM. les inspecteurs d'employer tous 
leurs soins à la découvrir, ainsi que ses imprimeur, vendeurs et 
colporteurs. » (Ordre de service de Pommereul, successeur de Por- 
talis à la direction générale de la librairie, 8 mars 1811 : Bibl. 
nat., mss., nouy. acquis, fr., 1362.) 

\ 




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DETENTIONS ET EXILS 303 

La naissance du roi de Rome, qui était une occasion 
indiquée de « grâces », servit de prétexte pour abréger 
une situation injustifiable. Dès le 22 mars, Savary pré- 
sentait un rapport sur huit détenus, parmi lesquels les 
abbés Guairard et de la Galprade, la Mère de Soyecourt, 
Mme de Paravicini, sa femme de chambre et la servante 
de d'Astros : « ... Les uns paraissent avoir ignoré les 
projets et les manœuvres de ces prêtres turbulents (1). 
— D'autres en ont eu probablement connaissance, mais 
rien n'établit qu'ils y aient pris une part active. La déten- 
tion qu'ils ont subie semble avoir suffisamment expié 
leurs torts : elle sera sans doute pour eux une leçon salu- 
taire, et je pense que Votre Majesté peut aujourd'hui 
sans inconvénient user d'indulgence à leur égard (2). » 

La « clémence » impériale, qui s'exerça le 25 mars (3), 
manqua d'ampleur : les détenus furent mis non point en 
liberté pure et simple, mais, conformément à la recom- 
mandation de Maury, en surveillance, à une distance 
d'au moins quarante lieues de Paris. Tous n'eurent 
môme pas le choix de leur résidence : si les abbés Guai- 
rard et de la Galprade (4) furent exilés dans leurs villes 
natales respectives, à Aix et à Sarlat, on fut moins tolérant 
pour Mme dé Paravicini et pour la Mère de Soyecourt. 

La première, dont les infirmités avaient été aggravées 
par la réclusion, n'en fut pas moins reléguée à Vienne, 
en Dauphiné (5) ; on ne lui permit de se fixer à Auxerre 



(1) D'Astros, Perreau et les Italiens. 

(2) F. 7, 6534. 

(3) Bulletin de police du 28 mars : AF. IV, 1514. 

(4) Napoléon, qui croyait sans doute la Galprade chanoine titu- 
laire, ajouta à la décision qui le concernait : « Lui faire donner 
sa démission de la place du chapitre. » (F. 7, 6534.) 

(5) Salaberry, le député de la Restauration, qui a fortement 
dramatisé les réelles tribulations de Mme de Paravicini, prétend 
que son passeport pour Vienne portait la qualification de femme 



304 MÂURT ET D*A8TR08 

qu'en juillet 1812. Au printemps de 1813, Lacuée de 
Cessac, devenu ministre, sollicita pour elle l'autorisation 
de reprendre son logis de Fontainebleau, où elle avait 
toutes ses habitudes : < Quoique alliée de ma femme, > 
ajoutait le prudent haut fonctionnaire, « elle ne lui accor- 
derait pas de l'intérêt près de vous, si elle n'était bien 
certaine que cette dame n'a jamais eu des intentions 
coupables... (1) ». Savary objecta à son collègue la for- 
melle volonté de lempereur (2), et Mme de Paravicini 
demeura à Auxerre. 

Quant à la carmélite, elle avait d'abord exprimé le 
désir de se rendre à Dijon, et le préfet de police n'avait 
pas soupçonné qu'il pût y avoir d'inconvénient à lui 
délivrer un passeport pour cette ville. L'ordre vint du 
ministère de retirer le passeport. Pasquier repartit non 
sans humeur : t ... Comme il pourrait encore se faire 
qu'elle choisît une ville où il ne conviendrait pas de la 
laisser aller, j'ai l'honneur de prier Votre Excellence de 
vouloir bien fixer la ville (ou les villes) dans laquelle 
cette dame pourra être placée en surveillance sans in- 
convénient (3). » Savary désigna la petite ville de Guise, 
en Picardie, d'où Mme de Soyecourt osa bien, sous un 
déguisement, venir faire un séjour à son couvent de la 
rue de Vaugirard (4). Le 17 décembre 1812, prenant en 
considération son état de santé, qui devait réellement 
demeurer très précaire jusqu'à l'âge de quatre-vingt-douze 
ans, on l'autorisait à rentrer à Paris, sans l'affranchir 
de la surveillance de la police. 



perdue (Souvenirs politiques, t. I, p. 46); je n'ai trouvé aucune 
confirmation de cette monstruosité. 

(1) A Savary, 4 mars 1813 : F. 7, 6535. 

(2) 12 mars 1813 : Ibidem. 

(3) 5 avril 1811 ; F. 7, 6536. 

(4) Vie de la R, M» Thérèse-Camille de Soyecourt, p. 204-206. 



CHAPITRE VI 



l'administration du cardinal maury 



(1814-4814) 



I. Maury en possession de l'autorité archiépiscopale. — II. Nomi- 
nations faites par Maury. — III. Le séminaire. — IV. -La vie 
religieuses et les prédications. — V. Baptême du roi de Rome. 
— VI. Concile de 1811. — VII. L'attitude des autorités civiles; 
mesures de rigueur. — VIIÏ. Mise en état du palais archiépis- 
copal. 



La résistance de d'Astros avait été brisée; les autres 
vicaires capitulaires, forcés de. subir une nouvelle inves- 
titure, n'étaient plus que les grands-vicaires du cardinal 
administrateur; les chanoines avaient dû solennellement 
protester de leur soumission. En fait^ Maury exerçait 
tous les pouvoirs d'un archevêque de Paris, malgré le 
défaut de l'institution canonique, qu'il sollicita à nou- 
veau de Pie VII par une lettre du 12 octobre 18H, 
demeurée sans réponse (1). 

Par un trait de réserve qui dut coûter à son amour- 
propre autant qu'à sa docilité envers Napoléon, le car- 

(1) PoujouLAT, le Cardinal Maury, p. 361-362. 

IV. 20 



30S ADMINISTRATION DE H 

dinal s'abstint constamment de prendi 
Téque titulaire. Aux cérémonies sole 
Dame, il siégeait dans la < chaire > oi 
située du c6té de l'Évangile, laissant 
archiépiscopale (1). En tête de ses 
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caractère anormal et provisoire de 
• Jean-SilTrein Maury, par la grâce de 
Siège Apostolique, cardinal-prCtre dt 
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neto, nommé archevêque de Paris, ad 
tulaire de cette métropole pendant la 

grand-croix de l'ordre impérial de la I , 

l'Empire, etc. (sic)... • Mais si Maury se résignait à cet 
aveu, il lui déplaisait fort que d'autres le soulignassent. 
Un aumônier de la Salpêtrière en sut quelque chose : 
comme il avait eu la malice ou la gaucherie de com- 
menter en chaire cet exorde d'un mandement, le car- 
dinal, usant spontanément du droit de correction disci- 
plinaire que le Premier Consul avait attrihué d'office à 

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(3) PooocLâT- 4? Ciri. un A j-^ 
(f) ilote de il icw-îiiu^ î ^i:^ ^- 



306 ADMINISTRATION DE MAURY 

dinal s'abstint constamment de prendre le titre d'arche- 
vêque titulaire. Aux cérémonies solennelles de Notre- 
Dame, il siégeait dans la « chaire » ou stalle d'honneur 
située du côté de l'Évangile, laissant vacante la chaire 
archiépiscopale (1). En tête de ses mandements^ la 
pompeuse énumération de ses qualités soulignait le 
caractère anormal et provisoire de son magistère : 
« Jean-Siffrein Maury, par la grâce de Dieu et du Saint- 
Siège Apostolique, cardinal-prêtre de la Sainte Église 
Romaine, du titre de la Très-Sainte Trinité au Mont- 
Pincius, archevêque-évêque de Montefîascone et de Cor- 
neto, nommé archevêque de Paris, administrateur capi- 
tulaire de cette métropole pendant la vacance du siège, 
grand-croix de l'ordre impérial de la Réunion, comte de 
l'Empire, etc. (sic)... » Mais si Maury se résignait à cet 
aveu, il lui déplaisait fort que d'autres le soulignassent. 
Un aumônier de la Salpêtrière en sut quelque chose : 
comme il avait eu la malice ou la gaucherie de com- 
menter en chaire cet exorde d'un mandement, le car- 
dinal, usant spontanément du droit de correction disci- 
plinaire que le Premier Consul avait attribué d'office à 
Belloy lors de l'affaire Chameroy, l'envoya garder les 
arrêts au séminaire (2). 



(1) Ce détail est nettement spécifié dans le compte rendu officiel 
de la cérémonie du 1" décembre 1811 (Documents inédits). 

(2) «... Il nous est venu, pour la première fois depuis que je 
suis à Paris, un prêtre envoyé au séminaire par le supérieur 
ecclésiastique : c'est un abbé de Seillan, Provençal, chanoine 
honoraire de Paris, chef de l'administration spirituelle à la Sal- 
pêtrière. Son crime, c'est, en lisant le mandement de M. le 
cardinal, d'avoir fait remarquer le titre que prenait le cardinal 
et qui montrait qu'il exerçait les pouvoirs du chapitre. Ledit 
abbé prétend qu'il n'a fait cette remarque que pour plusieurs per 
sonnes de son auditoire qui prétendaient et publiaient que le car 
dinal était schismatique. Le préfet de police l'avait mandé : il a, 
dit-il, été fort bien traité du préfet, et fort mal par le cardinal. Jf 



\ 



MAURY EN POSSESSION DE L'AUTORITÉ 307 

À tous autres égards^ Maury justifia, dépassa même 
l'attente de Napoléon, à qui il prodigua les marques de 
zèle et de fatigante adulation. N'osa-t-il pas proposer, à 
l'occasion du baptême du roi de Rome, d'installer en 
permanence à Notre-Dame un trône impérial, trône que 
le clergé serait toujours tenu de saluer^ même vide, en 
traversant le chœur! Pour justifier ce beau projet, il 
alléguait que les choses se passaient ainsi au Latran et 
à Sainte-Sophie, du temps du bas-empire romain et 
byzantin (1). Sur un bruit vague, d'après lequel un 
ancien capucin, prêtre-sacristain de Saint- Louis-d'Antin, 
aurait tenu des propos irrévérencieux sur le compte de 
Sa Majesté Impériale, Maury le dénonçait à Savary et 
l'interdisait a divinis^ avec tant de légèreté que le 
ministre des cultes croyait devoir prendre la défense 
du malheureux (2). Dans un précis de la doctrine chré- 
tienne, destiné à être lu tous les dimanches au prône, 
et remarquable d'ailleurs par l'élégante concision des 
formules, le prélat n'avait garde d'omettre les devoirs 
envers l'empereur, ni t les liens qui nous attachent pour 
toujours à son auguste famille » (3), Proposant de 
rendre la Sorbonne à son ancienne destination, il suggé- 
rait à Napoléon d'y instituer pour tout l'Empire une sorte 
de séminaire supérieur, « que Votre Majesté regardera 
sans doute dans les circonstances actuelles comme le 
plus solide boulevard qu'EUe puisse opposer aux pré- 
jugés ultramontains » (4). 

Très orgueilleux au fond et très entiché du prestige 

suis fâché de cet événement, qui fournira matière aux clabau- 
deurs... » (Émery à Bausset, 19 mars 1811 : Papiers Émery.) 

(1) Frédéric Masson, Napoléon et son fils, p. 103. 

(2) Maury à Savary, 21 novembre 1811 ; Bigot de Préameneu à 
Savary, 2 avril 1812 : F. 7, 6534. 

(3) PoujODLAT, le Cardinal Maury, p. 375-376. 

(4) Note du 28 novembre 1813 : AF. IV, 1048. 



308 ADMINISTRATION DE MAURT 

de son rang^ comme il l'avait montré dans l'affaire de 
la réception académique, Maury faisait bon marché des 
scrupules de dignité dans ses rapports non seulement 
avec le maître, mais avec les dépositaires de la confiance 
impériale. Contrairement au protocole^ contrairement 
aussi à l'usage des autres cardinaux^ il donnait du 
« Monseigneur » aux minisires, et les assurait de son 
« respectueux attachement » (i). 

Dans les cercles royalistes, dans les rares milieux où 
prédominaient les idées ultramontaines, cette ferveur 
gouvernementale achevait de discréditer Maury. Pie Vil, 
si débonnaire d'accueil pour tout ce qui tenait au monde 
officiel, fit difficulté de le recevoir à Fontainebleau, et 
lui ferma la bouche quand il voulut entamer son apo- 
logie (2). Les perpétuelles quémanderies du cardinal 
produisaient dans l'entourage de Napoléon une impres- 
sion d'impatience (3). Ses traits de ladrerie faisaient la 
joie de la société parisienne : il installait provisoirement 
des locataires dans une maison expropriée pour agrandir 
le jardin de l'archevêché, au risque de se faire citer par 
eux devant le juge de paix quand survenaient les démo- 
lisseurs (4); une personne qui répugnait à lui sous- 
louer une propriété de campagne disait r « Je connais 
son faible, je lui proposerai un prix si élevé, qu'il ne 
voudra jamais y consentir (5). » 

Avec cela, Maury avait des qualités de cœur qui lui 
conciliaient rafl*ection, non seulement des nombreux 

(1) Cf. une lettre à Bigot de Préameneu, du 3 juiUet 4813 : Do- 
cuments inédits, 

(2) Jauppret, Mémoires historiques, t. II, p. 493. 

(3) Cf. une note autographe de Duroc, 15 janvier 1811 : AF. IV, 
1048. 

(4) Bulletin de police du 18 avril 1812 : AF. IV, 1521. 

(5) Récit de l'abbé Garnier : Vie de M. Émery, t. II, p. 874. 



\ 



MàURY en possession de L'AUTORITÉ 309 

membres de sa famille logés sous son toit, mais de son 
proche entourage ecclésiastique. En dépit de ses exi- 
gences, il était aimé de ses jeunes secrétaires, dont le 
dernier en date, l'abbé Menjaud, put apprendre à son 
école Tart d'être en faveur auprès d'un Napoléon (1). 
Loin de rougir de ses humbles origines, le cardinal fai- 
sait fête aux compatriotes de condition modeste qui se 
présentaient à l'archevêché; sa grande joie était de 
s'entretenir avec eux en langue provençale (2); en sou- 
venir de son adolescence, il accueillait avec une particu- 
lière bienveillance ceux d'entre eux qui se destinaient à 
l'état ecclésiastique, comme en fit l'expérience le sémi- 
nariste Dominique- Auguste Sibour^ futur archevêque de 
Paris (3). 

Dans le menu peuple de Paris, les solliciteurs mau- 
gréaient bien du peu de libéralité du prélat, mais la 
masse était ravie de la rondeur de ses manières, flattée 
de son extraction plébéienne. Beaucoup pensaient comme 
cet homme qui, certain jour de grande fête, montrait à 
son petit garçon le cardinal officiant en pompe à Notre- 
Dame : « Eh bieni ce n'est pourtant, comme toi, que le 
fils d'un bigre de savetier... Mais il a travaillé à l'école... 
Voilà pourtant ce que tu deviendrais si tu voulais tra- 
vailler comme lui... (4). » 



(i) D'après une tradition qui court les presbytères de Lorraino, 
et que conte à ravir un cardinal-académicien, Mgr Menjaud, 
évoque de Nancy en 1851, eut Thonneur, sinon le mérite, do 
mettre en circulation après le coup d'Etat la fameuse i'ormulo, 
sortir de la légalité pour rentrer dans le droit; il en fut rôcoinpcuiHn 
par rarchevêché de Bourges et la charge de premier aumônier. 

(â) £n 1855, Poujoulat disait plus simplement et pout-èlio phiN 
véridiquement « en patois du Gomtat ». (Le Cardinal Maui'n, 
p. 20). A reprendre aujourd'liui cette oxprcHsion, on rlimueralt 
de déchaîner le bourdonnement de toutes les cigaloH du l'ôllliriKo. 

(3) PouJOOLAT, Vie de Mgr Sibour, p. 13. 

(4) Arnault, Souvenirt d^un uxagénairê, t. I, p. IKId. 



3i0 ÀDMiNiSTftÀtlôN DE MÀURV 

Pour se concilier la partie la plus vénérable de son 
clergé, Maury eut l'adresse de combler d'honnêtetés son 
prédécesseur d'avant la Révolution, son collègue de la 
Constituante, Leclerc de Juigné. Très étranger à toute 
considération d'amour-propre, très sincèrement rallié 
au régime napoléonien, et d'ailleurs nourri dans les doc- 
trines gallicanes, le prélat octogénaire, malgré ses crois- 
santes infirmités, fit acte de présence au dîner d'apparat 
que donna le cardinal le jour de son installation à 
l'archevêché (1); comme c'était la seule charité que son 
actuel dénuement lui permît d'exercer, il ne refusa point 
de transmettre quelques recommandations à « Monsieur 
le cardinal (2) » (car il ne lui donnait pas le titre d'arche- 
vêque). Lorsque, quelques semaines plus tard (49 mars 
1811), Juigné termina sa carrière, Maury, par recon- 
naissance et par politique, s'employa à multiplier les 
honneurs funèbres; c'est à ses sollicitations que Napo- 
léon concéda une sépulture dans la cathédrale (3). La 
messe d'enterrement fut dite à Saint-Thomas-d'Aquin, 
mais le 3 avril, le cardinal célébra en personne à Notre- 
Dame un service solennel, à l'issue duquel le vicaire 
général Jalabert prononça une oraison funèbre très élo- 
gieuse. Dix mois plus tard, dans son mandement de 
carême de 1812, le cardinal fit longuement mention de 
la mort de Juigné; il le loua mênje en bons termes, au 
risque de s'attirer à soi-même des épigrammes, de son 
détachement des biens matériels : « On se souviendra 
toujours, avec la plus respectueuse admiration, d'avoir 
vu dans cette capitale un ancien archevêque de Paris, 
l'un des pairs les plus opulents de l'ancienne monarchie, 

(1) Journal de VEmpire, 25 janvier 4811. 

(2) Lambert, Vie de M. de Juigné, p. 178. 

(3) Maury à Napoléon, 19 mars 1811 \ Maury à Bigot de PK 
meneu, 20 mars : AF. IV, 1048, 



MAURT EN POSSESSION DE L'AUTORITÉ 311 

trouver dans ses seules vertus le supplément de la con- 
sidération attachée à ses dignités. > 

Les mandements de Maury (1), très adulateurs quand 
il s'agissait de célébrer un événement politique, notaient 
dépourvus ni d'onction ni de chaleur lorsque l'auteur 
visait simplement à édifier ses ouailles; de bons juges 
en ont gardé un favorable souvenir (2). Un peu trop 
brillant peut-être, le style en était oratoire, « noble •• 
conforme en un mot à l'idéal que dès l'aube du Con- 
cordat le Premier Consul s'était fait de la prose d'un 
archevêque de Paris. Maury, dont la vanité littéraire 
était un des péchés mignons, faisait hommage de ses 
épîtres pastorales à tous ses collègues de l'épiscopat; 
tel d'entre eux, qui se piquait de garder sur un siège 
concordataire l'austérité constitutionneUe, ripostait par 
des louanges platement écœurantes, et non content d'at- 
tribuer au cardinal une sorte de patriarcat, d'hégémonie 
sur l'Église gallicane (3)^ lui souhaitait la tiare à mots 
couverts. 

Dans l'exercice de Tautorité disciplinaire, le cardinal 
se montra zélé, presque rigoriste; nous avons déjà 
signalé sa fâcheuse tendance à recourir sans cesse au 
bras séculier. Par égard pour les réclamations des 
curés, par défiance aussi de milieux où il se savait dis- 
cuté,, il interdit expressément, en avril 1811, la prédica- 

(1) Poijjoulat en a donné l'analyse, avec des extraits. (Le Cardinal 
Maury, p. 363-380.) 

(2) Pasquier, Mémoires, t. I, p. 415. 

(3) « Vous voulez bien. Monseigneur, envoyer vos mandements 
à tous les évoques de France, vous en avez le droit, peut-être 
l^obligation; une des vues du Seigneur, en vous élevant, me paraît 
avoir été de nous offrir à tous un digne et éclatant modèle, et de 
nous dire, comme autrefois à Moïse : Inspice et fac secundum 
exemplar. » (Le Coz à Maury, 21 juin 1813 ; Correspondance, t. Il, 
p. 355^356). 



a02 MAURY ET D'ASTROS 

tout le clergé. Le parti le plus sage serait de renvoyer 
cet homme dans son département pour y rester en sur- 
veillance et en état d'épreuve pendant trois ou quatre 
mois... L'autre confident intime du même agent (1) 
devrait subir le même sort. Ces messieurs attendaient 
une explosion dont ils auraient été les témoins avec beau- 
coup d'indifférence, peut-être même de satisfaction. Le 
cardinal Maury soumet ces observations à la haute 
sagesse de Son Excellence. L'air de Paris ne convient nul- 
lement aux ecclésiastiques qu'on soupçonne avec raison 
de n'être pas sincèrement dévoués à l'empereur (2). » 

Cette réponse si peu pastorale dictait la décision de 
Savary : le rapport qu'il présenta, et où il ne manquait 
pas de faire état de l'opinion du cardinal, concluait à 
maintenir la Galprade à Yincennes, et à l'éloigner de 
Paris quand sa captivité prendrait fin. On résolut en 
même temps d'ajourner la libération des autres prison- 
niers. Cependant 1' « éclat » que glorifiait Maury, tout 
en répandant la stupeur, avait excité l'intérêt et la 
curiosité : chacun brûlait de connaître ce bref pontifical, 
qui avait tant ému l'empereur et le cardinal. Quelqu'un 
se trouva d'assez hardi pour l'imprimer clandestinement, 
et les exemplaires ne tardèrent pas à en courir dans les 
milieux ecclésiastiques (3). C'était un motif de plus pour 
ne pas garder sous les verrous ceux qui étaient surtout 
coupables d'avoir lu des copies manuscrites. 

(1) Sans doute l'abbé Guairard. 

(2) 31 janvier 1811 : F. 7, 6534 (publié par Geoffroy de Grand- 
maison, Napoléon et les Cardinaux noirs, p. 127-129). 

(3) « Informé qu'une bulle du pape (celle prohibée par Sa Ma- 
jesté) a été imprimée à Paris et qu'elle circule parmi les membres 
du clergé, j'ordonne à MM. les inspecteurs d'employer tous 
leurs soins k la découvrir, ainsi que ses imprimeur, vendeurs et 
colporteurs. » (Ordre de service de Pommereul, successeur de Por- 
tails à la direction générale de la librairie, 8 mars 1811 : Bibl. 
nat., mss., nouv. acquis, fr., 1362.) 

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DETENTIONS ET EXILS 303 

La naissance du roi de Rome, qui était une occasion 
indiquée de « grâces », servit de prétexte pour abréger 
une situation injustifiable. Dès le 22 mars, Savary pré- 
sentait un rapport sur huit détenus, parmi lesquels les 
abbés Guairard et de la Galprade, la Mère de Soyecourt, 
Mme de Paravicini, sa femme de chambre et la servante 
de d'Astres : « ... Les uns paraissent avoir ignoré les 
projets et les manœuvres de ces prêtres turbulents (1). 
— D'autres en ont eu probablement connaissance, mais 
rien n'établit qu'ils y aient pris une part active. La déten- 
tion quïls ont subie semble avoir suffisamment expié 
leurs torts : elle sera sans doute pour eux une leçon salu- 
taire, et je pense que Votre Majesté peut aujourd'hui 
sans inconvénient user d'indulgence à leur égard (2). » 

La f clémence » impériale, qui s'exerça le 25 mars (3), 
manqua d'ampleur : les détenus furent mis non point en 
liberté pure et simple, mais, conformément à la recom- 
mandation de Maury, en surveillance, à une distance 
d'au moins quarante lieues de Paris. Tous n'eurent 
même pas le choix de leur résidence : si les abbés Guai- 
rard et de la Galprade (4) furent exilés dans leurs villes 
natales respectives, à Aix et à Sarlat, on fut moins tolérant 
pour Mme dé Paravicini et pour la Mère de Soyecourt. 

La première, dont les infirmités avaient été aggravées 
par la réclusion, n'en fut pas moins reléguée à Vienne, 
en Dauphiné (5); on ne lui permit de se fixer à Auxerre 



(1) D'Astros, Perreau et les Italiens. 

(2) F. 7, 6534. 

(3) Bulletin de police du 28 mars : AF. IV, 1514. 

(4) Napoléon, qui croyait sans doute la Galprade chanoine titu- 
laire, ajouta à la décision qui le concernait : « Lui faire donner 
sa démission de la place du chapitre. » (F. 7, 6534.) 

(5) Salaberry, le député de la Restauration, qui a fortement 
dramatisé les réelles tribulations de Mme de Paravicini, prétend 
que son passeport pour Vienne portait la qualification de femme 



/ 



304 MAURY ET DASTROS 

qu'en juillet 1812. Au printemps de 1813, Lacuée de 
Cessac, devenu ministre, sollicita pour elle l'autorisation 
de reprendre son logis de Fontainebleau, où elle avait 
toutes ses habitudes : « Quoique allie'e de ma femme. > 
ajoutait le prudent haut fonctionnaire, « elle ne lui accor- 
derait pas de Tintérêt près de vous, si elle n'était bien 
certaine que cette dame n'a jamais eu des intentions 
coupables... (1) ». Savary objecta à son collègue la for- 
melle volonté de Tempereur (2), et Mme de Paravicini 
demeura à Auxerre. 

Quant à la carmélite, elle avait d'abord exprimé le 
désir de se rendre à Dijon, et le préfet de police n'avait 
pas soupçonné qu'il pût y avoir d'inconvénient à lui 
délivrer un passeport pour cette ville. L'ordre vint du 
ministère de retirer le passeport. Pasquier repartit non 
sans humeur : « ... Comme il pourrait encore se faire 
qu'elle choisît une ville où il ne conviendrait pas de la 
laisser aller, j'ai l'honneur de prier Votre Excellence de 
vouloir bien fixer la ville (ou les villes) dans laquelle 
cette dame pourra être placée en surveillance sans in- 
convénient (3). » Savary désigna la petite ville de Guise, 
en Picardie, d'où Mme de Soyecourt osa bien, sous un 
déguisement, venir faire un séjour à son couvent de la 
rue de Vaugirard (4). Le 17 décembre 1812, prenant en 
considération son état de santé, qui devait réellement 
demeurer très précaire jusqu'à l'âge de quatre-vingt-douze 
ans, on l'autorisait à rentrer à Paris, sans l'atTranchir 
de la surveillance de la police. 



perdue (Souvenirs politiques, t. I, p. 46); je n'ai trouvé aucune 
confirmation de cette monstruosité. 

(1) A Savary, 4 mars 1813 : F. 7, 6535. 

(2) 12 mars 1813 : Ibidem. 

(3) 5 avril 1811 : F. 7, 6536. 

(4) Vie de la R, if. Thérèse-Camille de Soyecourt, p. 204-206. 



\ 
\ 



CHAPITRE VI 



l'administration du cardinal maury 



(1814-4844) 



I. Maury en possession de l'autorité archiépiscopale. — II. Nomi- 
nations faites par Maury. — III. Le séminaire. — IV. La vie 
religieuses et les prédications. — V. Baptême du roi de Rome. 
— VI. Concile de 1811. — VII. L'attitude des autorités civiles; 
mesures de rigueur. — VIIÎ. Mise en état du palais archiépis- 
copal. 



La résistance de d'Astros avait été brisée; les autres 
vicaires capitulaires, forcés de. subir une nouvelle inves- 
titure, n'étaient plus que les grands-vicaires du cardinal 
administrateur; les chanoines avaient dû solennellement 
protester de leur soumission. En fait^ Maury exerçait 
tous les pouvoirs d'un archevêque de Paris, malgré le 
défaut de l'institution canonique, qu'il sollicita à nou- 
veau de Pie VII par une lettre du 42 octobre 1844, 
demeurée sans réponse (4). 

Par un trait de réserve qui dut coûter à son amour- 
propre autant qu'à sa docilité envers Napoléon, le car- 

(1) PoujouLAT, le Cardinal Maury, p. 361-362. 

IV. 20 



/ 



/ 



306 ADMINISTRATION DE MAURT 

dinal s'abstînt constamment de prendre le titre d'arche- 
vêque titulaire. Aux cérémonies solennelles de Notre- 
Dame, il siégeait dans la < chaire > ou stalle d'honneur 
située du côté de l'Évangile, laissant vacante la chaire 
archiépiscopale (4). En tête de ses mandements^ la 
pompeuse énumération de ses qualités soulignait le 
caractère anormal et provisoire de son magistère : 
« Jean-Siffrein Maury, par la grâce de Dieu et du Saint- 
Siège Apostolique, cardinal-prêtre de la Sainte Église 
Romaine, du titre de la Très-Sainte Trinité au Mont- 
Pincius, archevêque-évéque de Montefiascone et de Cor- 
neto, nommé archevêque de Paris, administrateur capi- 
tulaire de cette métropole pendant la vacance du siège, 
grand-croix de l'ordre impérial de la Réunion, comte de 

m 

l'Empire, etc. (sic)... » Mais si Maury se résignait à cet 
aveu, il lui déplaisait fort que d'auti^es le soulignassent. 
Un aumônier de la Salpêtrière en sut quelque chose : 
comme il avait eu la malice ou la gaucherie de com- 
menter en chaire cet exorde d'un mandement, le car- 
dinal, usant spontanément du droit de correction disci- 
plinaire que le Premier Consul avait attribué d'office à 
Belloy lors de l'affaire Chameroy, l'envoya garder les 
arrêts au séminaire (2). 



(1) Ce détail est nettement spécifié dans le compte rendu officiel 
de la cérémonie du 1" décembre 1811 (Documents inédits). 

(2) «... Il nous est venu, pour la première fois depuis que je 
suis à Paris, un prêtre envoyé au séminaire par le supérieur 
ecclésiastique : c'est un abbé de Seillan, Provençal, chanoine 
honoraire de Paris, clièf de l'administration spirituelle à la Sal- 
jiétrière. Son crime, c'est, en lisant le mandement de M. le 
cardinal, d'avoir fait remarquer le titre que prenait le cardinal 
et qui montrait qu'il exerçait les pouvoirs du chapitre. Ledit 
aj)bé prétond qu'il n'a fait cette remarque que pour plusieurs per- 
sonnes de son auditoire qui prétendaient et publiaient que le car- 
dinal était schismatique. Le préfet de police l'avait mandé : il a. 
dit-il, été fort bien traité du préfet, et fort mal par le cardinal. Je 



\ 



MAURY EN POSSESSION DE L'AUTORITÉ 307 

A tous autres égards^ Maury justifia, dépassa même 
Tattente de Napoléon, à qui il prodigua les marques de 
zèle et de fatigante adulation. N'osa-t-il pas proposer, à 
l'occasion du baptême du roi de Rome, d'installer en 
permanence à Notre-Dame un trône impérial, trône que 
le clergé serait toujours tenu de saluer^ même vide, en 
traversant le chœur! Pour justifier ce beau projet, il 
alléguait que les choses se passaient ainsi au Latran et 
à Sainte-Sophie, du temps du bas-empire romain et 
byzantin (1). Sur un bruit vague, d'après lequel un 
ancien capucin, prêtre-sacristain de Saint-Louis-d'Antin, 
aurait tenu des propos irrévérencieux sur le compte de 
Sa Majesté Impériale, Maury le dénonçait à Savary et 
l'interdisait a divinis^ avec tant de légèreté que le 
ministre des cultes croyait devoir prendre la défense 
du malheureux (2). Dans un précis de la doctrine chré- 
tienne, destiné à être lu tous les dimanches au prône, 
et remarquable d'ailleurs par l'élégante concision des 
formules, le prélat n'avait garde d'omettre les devoirs 
envers l'empereur, ni « les liens qui nous attachent pour 
toujours à son auguste famille » (3), Proposant de 
rendre la Sorbonne à son ancienne destination, il suggé- 
rait à Napoléon d'y instituer pour tout l'Empire une sorte 
de séminaire supérieur, « que Votre Majesté regardera 
sans doute dans les circonstances actuelles comme le 
plus solide boulevard qu'EUe puisse opposer aux pré- 
jugés ultramontains » (4). 

Très orgueilleux au fond et très entiché du prestige 

suis fâché de cet événement, qui fournira matière aux clabau- 
deurs... » (Émery à Bausset, 19 mars 1811 : Papiers Émery.) 

(1) Frédéric Masson, Napoléon et son fils, p. 103. 

(2) Maury à Savary, 21 novembre 1811 ; Bigot de Préameneu à 
Savary, 2 avril 1812 : F. 7, 6534. 

(3) PoujouLAT, le Cardinal Maury, p. 375-376. 

(4) Note du 28 novembre 1813 : AF. IV, 1048. 



308 ADMINISTRATION DE MAURY 

de son rang^ comme il l'avait montré dans l'affaire 4e 
la réception académique, Maury faisait bon marché des 
scrupules de dignité dans ses rapports non seulement 
avec le maître, mais avec les dépositaires de la confiance 
impériale. Contrairement au protocole^ contrairement 
aussi à Fusage des autres cardinaux, il donnait du 
« Monseigneur » aux minisires, et les assurait de son 
t respectueux attachement » (1). 

Dans les cercles royalistes, dans les rares milieux où 
prédominaient les idées ultramontaines, cette ferveur 
gouvernementale achevait de discréditer Maury. Pie VII, 
si débonnaire d'accueil pour tout ce qui tenait au monde 
officiel, fit difficulté de le recevoir à Fontainebleau, et 
lui ferma la bouche quand il voulut entamer son apo- 
logie (2). Les perpétuelles quémanderies du cardinal 
produisaient dans Tentourage de Napoléon une impres- 
sion d'impatience (3). Ses traits de ladrerie faisaient la 
joie de la société parisienne : il installait provisoirement 
des locataires dans une maison expropriée pour agrandir 
le jardin de l'archevêché, au risque de se faire citer par 
eux devant le juge de paix quand survenaient les démo- 
lisseurs (4); une personne qui répugnait à lui sous- 
louer une propriété de campagne disait r « Je connais 
son faible, je lui proposerai un prix si élevé, qu'il ne 
voudra jamais y consentir (5). » 

Avec cela, Maury avait des qualités de cœur qui lui 
conciliaient l'afl^ection, non seulement des nombreux 

(1) Cf. une lettre à Bigot de Préameneu, du 3 juiUet 4813 : Do- 
cuments inédits, 

(2) Jauffret, Mémoires historiques, t. II, p. 493. 

(3) Cf. une note autographe de Duroc, 15 janvier 1811 : AF. IV, 
1048. 

(4) Bulletin de police du 18 avril 1812 : AF. IV, 1521. 

(5) Récit de Tabbé Garnier : Vie de M. Émery, t. II, p. 374. 



MàURY en possession de L'AUTORITÉ 369 

membres de sa famille logés sous son toit, mais de son 
proche entourage ecclésiastique. En dépit de ses exi- 
gences, il était aimé de ses jeunes secrétaires, dont le 
dernier en date, l'abbé Menjaud, put apprendre à son 
école Tart d'être en faveur auprès d'un Napoléon (4). 
Loin de rougir de ses humbles origines, le cardinal fai- 
sait fête aux compatriotes de condition modeste qui se 
présentaient à l'archevêché; sa grande joie était de 
s'entretenir avec eux en langue provençale (2); en sou- 
venir de son adolescence, il accueillait avec une particu- 
lière bienveillance ceux d'entre eux qui se destinaient à 
l'état ecclésiastique, comme en fit l'expérience le sémi- 
nariste Dominique- Auguste Sibour^ futur archevêque de 
Paris (3). 

Dans le menu peuple de Paris, les solliciteurs mau- 
gréaient bien du peu de libéralité du prélat, mais la 
masse était ravie de la rondeur de ses manières, flattée 
de son extraction plébéienne. Beaucoup pensaient comme 
cet homme qui, certain jour de grande fête, montrait à 
son petit garçon le cardinal officiant en pompe à Notre- 
Dame : « Eh bien I ce n'est pourtant, comme toi, que le 
fils d'un bigre de savetier... Mais il a travaillé à l'école... 
Voilà pourtant ce que tu deviendrais si tu voulais tra- 
vailler comme lui... (4). » 



(i) D'après une tradition qui court les presbytères de Lorraine, 
et que conte à ravir un cardinal-académicien, Mgr Menjaud, 
évoque de Nancy en 1851, eut l'honneur, sinon le mérite, de 
mettre en circulation après le coup d'Etat la fameuse formule, 
sortir de la légalité pour rentrer dans le droit ; il en fut récompensé 
par Tarchevêché de Bourges et la charge de premier aumônier. 

(2) £n 1855, Povgoulat disait plus simplement et peut-être plus 
véridiquement « en patois du Comtat ». {Le Cardinal Maury, 
p. 20). A reprendre aujourd'liui cette expression, on risquerait 
de déchaîner le bourdonnement de toutes les cigales du félibrige. 

(3) PouJOULAT, Vie de Mgr Sibour, p. 13. 

(4) Armaijlt, Souvenirs d*un sexagénaire, t. I, p. 226. 



296 MAURY ET Û'ASTROS 

ment intéressant; il y eut au passage un petit débat 
théologique : 

— Pourquoi, en parlant du cardinal Maury, ne Tavez- 
vous pas appelé archevêque de Paris? 

— Parce qu'il n'a pas ses bulles. 

— Vous croyez donc que les bulles sont nécessaires? 

— Oui, monsieur, je l'ai cru jusqu'à présent. Il m'a 
dit lui-même qu'il ne monterait pas sur le siège de Paris 
avant qu'il eût obtenu ses bulles. 

De là à la réponse que Pie VII avait adressée à Maury, 
et qui faisait le fond de toute TafTaire, la transition était 
aisée; mais Pasquier eut la malencontreuse idée de poser 
une question accessoire, qui lui valut une riposte pres- 
tement narquoise : 

— Croyez-vous que M. l'archevêque (Maury) ait eu 
lieu de se féliciter de cette réponse (le bref du pape)'^ 

— Vous me demandez une chose que je ne sais pas; 
s'il était venu me voir, il n'aurait pas manqué de me 
le dire exactement. 

Elle avoua sans détour qu'elle avait eu connaissance 
du bref adressé à Maury, mais quand il s'agit de livrer 
des noms, cette petite moniale, sujette à de graves pal- 
pitations de cœur^ montra plus de vaillance que d'As- 
tros et di Gregorio. Voici la conclusion de l'interroga- 
toire : 

— Dites-nous qui vous a fait voir cette réponse, et 
si cette réponse était imprimée. 

— Je ne peux ni ne dois vous nommer la per- 
sonne qui me l'a montrée; cette réponse était manus- 
crite. 

— Vous devez la vérité : nous vous invitons en con- 
séquence à ne pas refuser de répondre à la question 
précédente. 

— Je ne veux rien dire contre ma conscience : je ne 



\ 



DÉTENTIONS ET EXILS 89: 

peux pas vous nommer la personne qui m'a montre li 
réponse du pape. 

— Persistez -vous dans votre refus? 

— Oui, monsieur. 

11 était déjà tard. Mécontent de n' 
réussi, mais rendant hommage à pa 
vigueur d'esprit et de noblesse de ca 
en référa le lendemain matin (10 jai 
■ ... J'ai l'honneur d'adresser à Votre 
de son interrogatoire, et de La prier dt 
faire connaître ses intentions à l'égar 
que je crois en attendant devoir rete 
ture, » 11 lui accorda le régime de fai 
question, et lui permit même tout d'à 
des visites; mais les équipages du fau 
main se succédèrent si nombreux rue à 
le ministre y vit une manifestation fro 
l'ordre de mettre la détenue au secret ( 

Courageuse quand il le fallait, Mme 
mettait pas son point d'honneur à bon 
Élevée d'autre part dans la société ari 
un de l'ancien régime^ le style • sens 
de secrets pour elle. Au bout de huit 
à Savary : ■ ... J'ai la confiance qu'er 
votre souvenir vous satisferez votr 
hâtant de me rendre justice. • (19 jan' 
réponse, une note du ministère invita 
vier) à procéder à un nouvel interrog 
Fait principalement sur les rapports d 



(I) Le biograplie anonyme de Mine de i 
avoir vu les choses trop en noir, quand il a i 
sation provisoire k un calcul machiavi^Iique, 
nom des personnes en relations avec la ci 
P. M. Thirén-CamUte de Soyccaurt, p. IBl.) 



«98 MAURY ET D*ASTROS 

le cardinal di Pietro : « M. le conseiller d'État (c'est de 
Pasquier qu'il s'agit) est invité à faire connaître les résul- 
tats de cet interrogatoire, et à tenir au secret Mme de 
Soyecourt, si elle refuse de donner sur tous ces points 
des explications satisfaisantes. > 

Du second interrogatoire, il n'est point demeuré trace. 
Seule, une note de police, anonyme et sans date, peut 
nous faire deviner l'impression qui s'en dégagea : c La 
dame Soyecourt a eu connaissance de la lettre du pape 
à M. le cardinal Maury et des discussions qui ont agite' 
le chapitre de Paris; mais rien ne prouve qu'elle ait pris 
une part active à ces intrigues. Cependant on doit 
observer que son église était celle que paraissaient choisir 
les prélats italiens et les prêtres qui n'étaient attaches à 
aucune des églises de Paris, et qu'elle-même ne paraît 
pas approuver les principes de l'Église gallicane (i). » 
La détention à la préfecture de police fut maintenue. 

Mme de Soyecourt, qui était femme d'expérience, 
savait qu'il fallait beaucoup solliciter pour obtenir 
quelque chose de la police impériale. Le 16 février, Pas- 
quier, en attestant le mauvais état de sa santé, transmet- 
tait au ministère une nouvelle supplique : elle y rendait 
hommage aux bons procédés du préfet, « un magistrat 
qui depuis sa nomination n'a pas fait verser une larme 
à l'innocence », et elle allait jusqu'à offrir, si on mettait 
cette condition à sa mise en liberté, de ne plus entre- 
tenir de rapports avec aucun prêtre étranger à la 
paroisse. Mais elle ajoutait, en connaissance de cause, 
que même sous la Terreur les demandes appiiyées d^un 
certificat de médecin n'étaient pas rejetées, et ce rappro- 
chement eut le don d'échauffer la bile de Savary, qui 
griffonna en marge de la lettre de Pasquier : « A M. Des- 

(1) F. 7. 6534. 



DÉTENTIONS ET EXILS SM 

marest. On peut mettre Mme de Saucourt (iic) mieux, 
mais on ne doit point souffrire (tic) de mauvus propos, 
et sa citation me dëplait fort. > Le 21 février, il fut ofii- 



ciellement répondu à Pasqu' 
la faire placer dans 



Je vous autorise à 
ison où elle puisse recevoir 



les secours que sa santé parait exiger, mais il c 
viendra de prendre les mesures convenables pour qu'elle 
y soit surveillée avec soin; vous devrez au surplus pré- 
venir cette dame qu'elle doit dans ses réclamations 
s'abstenir de citations et de comparaisons déplacées et 
inconvenantes. • Le 28 février, le préfet de police 
annonçait que sa pensionnaire avait été transférée « à la 
Maison du Refuge •, dont la supérieure avait reçu 
Tordre de ne la laisser sortir ■ sous aucun prétexte • . 

Dans l'affaire Soyecourt, Pasquier s'était en somme 
acquitté d'une mission délicate en homme de cœur, 
sinon en magistrat instructeur ou en dignitaire de police 
très perspicace. Jaloux de le compromettre davantage, 
et de tirer vengeance de ses dédains de vieux paH"™""- 
taire, Savary médita de lui faire jouer ailleurs 
tout à fait odieux. 

A propos d'un prêtre suspect d'avoir colpc 
documents pontificaux, et qui était assidu chez 1 
mère du premier président Séguier, Napoléon pr 
de faire exercer une surveillance très discrète 
salon même de Mme Séguier : • ... Mme Séguier 
bref du pape. Il faut mettre beaucoup de circons 
dans cette surveillance, et ne vous servir de la not 
vous donne que pour avoir unœil dans cette maiso 
affaire est de quelque importance, parce que ta pol 
faire là des découvertes qui pourront l'intéresse 

(1) IS janvier 1811 : Lettrei iniditet, éd.. Lecestre, T&l. 



1 



i 



300 MAURY ET D'ASTROS 

.11 n'était point question du préfet de police dans cette 
invitation, déjà passablement scabreuse; ce fut Savary 
qui trouva plaisant de faire espionner !e salon d'un Sé- 
guierpar un |Pasquier; démarquant la missive impériale, 
il signa cette lettre révoltante, rédigée par DeBmarest, qui 
inscrivit en tête de la minute : Très confidentielle; pour 
vous seul : • Monsieur le Baron, Mme Séguier, fenune du 
premier président de la cour impériale, est très dévote; 
on agite chez elle beaucoup de questions relatives aux 
affaires du clergé. En introduisant quelqu'un dans cette 
société, il y entendra beaucoup de propos qui mettront 
sur la voie de beaucoup de choses utiles à savoir. Je vous 
invite. Monsieur le Baron, à suivre ces indications avec 
toute l'attention et la circonspection qu'exige leur im- 
portance, et à me rendre compte confidentiellement des 
résultats. Vous ferez aussi surveiller la maison de la 
mère de Mme Séguier {!). » 

Pasquier lit sans doute comprendre de vive voix â 
Savary, ou plutôt à Napoléon, qu'on lui demandait un 
acte incompatible avec sa dignité personnelle et ses tra- 
ditions de famille. Toujours est-il que la lettre du mi- 
nistre demeura sans réponse écrite, et qu'il ne parait 
pas avoir été donné suite au projet de surveillance rue 
Pavée- Saint-André -des -Arts (2). 

11 fut rapidement manifeste que le complot était im- 
possible à établir. Les pratiques administratives du 
temps permettaient bien d'infliger une détention arbi- 
traire et indéfinie à d'Astros, à Perreau et à quelques 
prélats italiens, considérés comme des criminels d'Etat; 

(il A Pasquiur, 17 jajivier 1S11 (minute en partie de la ma,in de 
■'•-lieBmarest) : F. 7, 6536. 

T^Ce'** "^6' of" é'*it l'hùtel du premier président, s'appelle 
maiiiKTOftt ea Bon lioimeur rue Séguier. 



DÉTENTIONS ET EXILS 304 

mais il devenait odieux de prolonger Tincarcération de 
prêtres et de femmes dont tout le tort était d'avoir 
connu le bref de Pie VII ou parlé peu respectueusement 
de Maury. 

Ce fut ce dernier, dont les rancunes étaient persis- 
tantes, qui fit retarder les mesures de clémence, ou plu- 
tôt de justice. Plusieurs personnes recommandables 
intercédaient en faveur de l'abbé de la Calprade, cha- 
noine honoraire de Paris, arrêté parce que d'Astros 
avait déclaré lui avoir montré le bref; ses papiers 
n'avaient fourni aucune charge contre lui. Avant de 
l'élargir, Savary jugea convenable de prendre l'avis du 
cardinal (1). Ce dernier, au lieu du geste de généro- 
sité qui était tout indiqué de sa part, répliqua par une 
note non signée, mais autographe, qui paraît avoir 
causé quelque scandale même au ministère de la police, 
puisque Desmarest inscrivit en tête cette recommanda- 
tion : Classer, mais tenir très secrète, 

« Le cardinal Maury s'empresse d'adresser à M. le duc 
de Rovigo la réponse confidentielle qu'il a bien voulu lui 
demander. Les bons témoignages qui lui ont été rendus 
du zèle et de la piété de M. l'abbé Lacalprade paraissent 
justes; mais il n'est pas aussi certain qu'il soit étranger 
aux affaires et aux discussions dont il s'agit. La con- 
fiance particulière de l'homme qui l'a compromis et qui 
était sans cesse dans sa maison (2) le rend plus que sus- 
pect d'avoir partagé pour le moins ses opinions. Cette 
maison du Cloître est un rendez-vous où tout le monde 
n'est pas admis, et qu'il importe de dissoudre. Une grâce 
entière après un pareil éclat aff'aiblirait trop tôt la salu- 
taire impression que cet exemple de vigilance a faite sur 



. (1) 29 janvier 1811 : F. 7, 6534. 
(2) D'Astros. 



/ 

/ 



1 



302 MAURY ET D'ASTROS 



tout le clergé. Le parti le plus sage serait de renvoyer 
cet homme dans son département pour y rester en sur- 
veillance et en état d'épreuve pendant trois ou quatre 
mois... L'autre confident intime du même agent (4) 
devrait subir le môme sort. Ces messieurs attendaient 
une explosion dont ils auraient été les témoins avec beau- 
coup d'indifférence, peut-être même de satisfaction. Le 
cardinal Maury soumet ces observations à la haute 
sagesse de Son Excellence. L'air de Paris ne convient nul- 
lement aux ecclésiastiques qu'on soupçonne avec raison 
de n'être pas sincèrement dévoués à l'empereur (2). » 

Cette réponse si peu pastorale dictait la décision de 
Savary : le rapport qu'il présenta, et où il ne manquait 
pas de faire état de l'opinion du cardinal, concluait à 
maintenir la Galprade à Vincennes, et à l'éloigner de 
Paris quand sa captivité prendrait fin. On résolut en 
même temps d'ajourner la libération des autres prison- 
niers. Cependant V « éclat » que glorifiait Maury, tout 
en répandant la stupeur, avait excité l'intérêt et la 
curiosité : chacun brûlait de connaître ce bref pontifical, 
qui avait tant ému l'empereur et le cardinal. Quelqu'un 
se trouva d'assez hardi pour l'imprimer clandestinement, 
et les exemplaires ne tardèrent pas à en courir dans les 
milieux ecclésiastiques (3). C'était un motif de plus pour 
ne pas garder sous les verrous ceux qui étaient surtout 
coupables d'avoir lu des copies manuscrites. 

(1) Sans doute l'abbé Guairard. 

(2) 31 janvier 1811 : F. 7, 6534 (publié par Geoffroy de Grand- 
maison, Napoléon et les Cardinaux noirs, p. 127-129). 

(3) « Informé qu'une bulle du pape (celle prohibée par Sa Ma- 
jesté) a été imprimée à Paris et qu'elle circule parmi les membres 
du clergé, j'ordonne à MM. les inspecteurs d'employer tous 
leurs soins è, la découvrir, ainsi que ses imprimeur, vendeurs et 
colporîCHçs^ (Ordre de service de Pommereul, successeur de Por- 
tails à la dîîiction générale de la librairie, 8 mars 1811 : Bibl, 
nat., mss., novSy- acquis, fr., 1362.) 



r^ 



DÉTENTIONS ET EXILS 303 

La naissance du roi de Rome, qui était une occasion 
indiquée de « grâces », servit de prétexte pour abréger 
une situation injustifiable. Dès le 22 mars, Savary pré- 
sentait un rapport sur huit détenus, parmi lesquels les 
abbés Guairard et de la Galprade, la Mère de Soyecourt, 
Mme de Paravicini, sa femme de chambre et la servante 
de d'Astros : « ... Les uns paraissent avoir ignoré les 
projets et les manœuvres de ces prêtres turbulents (1). 
— D'autres en ont eu probablement connaissance, mais 
rien n'établit qu'ils y aient pris une part active. La déten- 
tion quïls ont subie semble avoir suffisamment expié 
leurs torts : elle sera sans doute pour eux une leçon salu- 
taire, et je pense que Votre Majesté peut aujourd'hui 
sans inconvénient user d'indulgence à leur égard (2). » 

La « clémence » impériale, qui s'exerça le 25 mars (3), 
manqua d'ampleur : les détenus furent mis non point en 
liberté pure et simple, mais, conformément à la recom- 
mandation de Maury, en surveillance, à une distance 
d'au moins quarante lieues de Paris. Tous n'eurent 
même pas le choix de leur résidence : si les abbés Guai- 
rard et de la Galprade (4) furent exilés dans leurs villes 
natales respectives, à Aix et à Sarlat, on fut moins tolérant 
pour Mme dé Paravicini et pour la Mère de Soyecourt. 

La première, dont les infirmités avaient été aggravées 
par la réclusion, n'en fut pas moins reléguée à Vienne, 
en Dauphiné (5); on ne lui permit de se fixer à Auxerre 



(1) D'Astros, Perreau et les Italiens. 

(2) F. 7, 6534. 

(3) Bulletin de police du 28 mars : AF. IV, 1514. 

(4) Napoléon, qui croyait sans doute la Galprade chanoine titu- 
laire, ajouta à la décision qui le concernait : « Lui faire donner 
sa démission de la place du chapitre. » (F. 7, 6534.) 

(5) Salaberry, le député de la Restauration, qui a fortement 
dramatisé les réelles tribulations de Mme de Paravicini, prétend 
que son passeport pour Vienne portait la qualification de femme 



1 



304 MAURY ET D'ASTROS 

qu'en juillet 1812. Au printemps de 1813, Lacuée de 
Cessac, devenu ministre, sollicita pour elle rautorisation 
de reprendre son logis de Fontainebleau, où elle avait 
toutes ses habitudes : < Quoique alliée de ma femme, > 
ajoutait le prudent haut fonctionnaire, t elle ne lui accor- 
derait pas de rintérét près de vous, si elle n'était bien 
certaine que cette dame n*a jamais eu des intentions 
coupables... (1) ». Savary objecta à son collègue la for- 
melle volonté de l'empereur (2), et Mme de Paravicini 
demeura à Auxerre. 

Quant à la carmélite, elle avait d'abord exprimé le 
désir de se rendre à Dijon, et le préfet de police n'avait 
pas soupçonné qu'il pût y avoir d'inconvénient à lui 
délivrer un passeport pour cette ville. L'ordre vint du 
ministère de retirer le passeport. Pasquier repartit non 
sans humeur : « ... Comme il pourrait encore se faire 
qu'elle choisît une ville où il ne conviendrait pas de la 
laisser aller, j'ai l'honneur de prier Votre Excellence de 
vouloir bien fixer la ville (ou les villes) dans laquelle 
cette dame pourra être placée en surveillance sans in- 
convénient (3). » Savary désigna la petite ville de Guise, 
en Picardie, d'où Mme de Soyecourt osa bien, sous un 
déguisement, venir faire un séjour à son couvent de la 
rue de Vaugirard (4). Le 17 décembre 1812, prenant en 
considération son état de santé, qui devait réellement 
demeurer très précaire jusqu'à l'âge de quatre-vingt-douze 
ans, on l'autorisait à rentrer à Paris, sans l'affranchir 
de la surveillance de la police. 



perdue (Souvenirs politique$, t. I, p. 46); je n'ai trouvé aucune 
confirmation de cette monstruosité. 

(1) A Savary, 4 mars 4813 : F. 7, 6535. 

(2) IS mars 1813 : Ibidem, 

(3) 5 avril 1811 : F. 7, 6536. 

(4) Vie de la R. M, Thérèse-Camille de Soyecourt, p. 204-206. 




CHAPITRE VI 



) 



L ADMINISTRATION DU CARDINAL MAURY 

(1811-4814) 



I. Maury en possession de l'autorité archiépiscopale. — II. Nomi- 
nations faites par Maury. — III. Le séminaire. — IV. La vie 
religieuses et les prédications. — V. Baptême du roi de Rome. 
— VI. Concile de 1811. — VII. L'attitude des autorités civiles; 
mesures de rigueur. — VIII. Mise en état du palais archi»^pis- 
copal. 



I 



La résistance de d'Astros avait été brisée; les autres 
vicaires capitulaires, forcés de subir une nouvelle inves- 
titure, n'étaient plus que les grands-vicaires du cardinal 
administrateur; les chanoines avaient dû solennellement 
protester de leur soumission. En fait^, Maury exerçait 
tous les pouvoirs d'un archevêque de Paris, malgré le 
défaut de l'institution canonique, qu'il sollicita à nou- 
veau de Pie VII par une lettre du 12 octobre 1811, 
demeurée sans réponse (1). 

Par un trait de réserve qui dut coûter à son amour- 
)ropre autant qu'à sa docilité envers Napoléon, le car- 

(1) PoujouLAT, le Cardinal Maury, p. 361-362. 

IV. 20 



^ 



806 ADMINISTRATION DE MAURT 



dinal s'abstint constamment de prendre le titre d'arche- 
vêque titulaire. Aux cérémonies solennelles de Notre- 
Dame, il siégeait dans la c chaire > ou stalle d'honneur 
située du côté de l'Évangile, laissant vacante la chaire 
archiépiscopale (1). En tête de ses mandements, la 
pompeuse ënumération de ses qualités soulignait le 
caractère anormal et provisoire de son magistère : 
« Jean-Siffrein Maury, par la grâce de Dieu et du Saint- 
Siège Apostolique, cardinal-prêtre de la Sainte Église 
Romaine, du titre de la Très-Sainte Trinité au Mont- 
Pincius, archevêque-évêque de Montefiascone et de Cor- 
neto, nommé archevêque de Paris, administrateur capi- 
tulaire de cette métropole pendant la vacance du siège, 
grand-croix de l'ordre impérial de la Réunion, comte de 
l'Empire, etc. (sic)... » Mais si Maury se résignait à cet 
aveu, il lui déplaisait fort que d'autres le soulignassent. 
Un aumônier de la Salpêtrière en sut quelque chose : 
comme il avait eu la malice ou la gaucherie de com- 
menter en chaire cet exorde d'un mandement, le car- 
dinal, usant spontanément du droit de correction disci- 
plinaire que le Premier Consul avait attribué d'office à 
Belloy lors de l'affaire Chameroy, l'envoya garder les 
arrêts au séminaire (2). 



(1) Ce détail est nettement spécifié dans le compte rendu officiel 
de la cérémonie du 1" décembre 1811 (Documents inédits). 

(2) «... Il nous est venu, pour la première fois depuis que je 
suis à Paris, un prêtre envoyé au séminaire par le supérieur 
ecclésiastique : c'est un abbé de Seillan, Provençal, chanoine 
honoraire de Paris, chef de l'administration spirituelle à la Sal- 
pêtrière. Son crime, c'est, en lisant le mandement de M. le 
cardinal, d'avoir fait remarquer le titre que prenait le cardinal 
et qui montrait qu'il exerçait les pouvoirs du chapitre. Ledit 
a.bbé prétend qu'il n'a fait cette remarque que pour plusieurs per- 
sonnes de son auditoire qui prétendaient et publiaient que le car- 
dinal était schismatique. Le préfet de police l'avait mandé : il a, 
dit-il, été fort bien traité du préfet, et fort mal par le cardinal. Je 



J 



MAURY EN POSSESSION DE L'AUTORITÉ 307 

 tous autres égards^ Maury justifia, dépassa même 
Tattente de Napoléon, à qui il prodigua les marques de 
zèle et de fatigante adulation. N'osa-t-il pas proposer, à 
l'occasion du baptême du roi de Rome, d'installer en 
permanence à Notre-Dame un trône impérial, trône que 
le clergé serait toujours tenu de saluer^ même vide, en 
traversant le chœur! Pour justifier ce beau projet, il 
alléguait que les choses se passaient ainsi au Latran et 
à Sainte-Sophie, du temps du bas-empire romain et 
byzantin (1). Sur un bruit vague^ d'après lequel un 
ancien capucin, prétre-sacristain de Saint-Louis-d'Antin, 
aurait tenu des propos irrévérencieux sur le compte de 
Sa Majesté Impériale, Maury le dénonçait à Savary et 
l'interdisait a divinis, avec tant de légèreté que le 
ministre des cultes croyait devoir prendre la défense 
du malheureux (2). Dans un précis de la doctrine chré- 
tienne, destiné à être lu tous les dimanches au prône, 
et remarquable d'ailleurs par l'élégante concision des 
formules, le prélat n'avait garde d'omettre les devoirs 
envers l'empereur, ni « les liens qui nous attachent pour 
toujours à son auguste famille » (3), Proposant de 
rendre la Sorbonne à son ancienne destination, il suggé- 
rait à Napoléon d'y instituer pour tout l'Empire une sorte 
de séminaire supérieur, « que Votre Majesté regardera 
sans doute dans les circonstances actuelles comme le 
plus solide boulevard qu'EUe puisse opposer aux pré- 
jugés ultramontains » (4). 

Très orgueilleux au fond et très entiché du prestige 

suis fâché de cet événement, qui fournira matière aux clabau- 
deurs... » (Émery à Bausset, 19 mars 1811 : Papiers Émery.) 
(i) Frédéric Masson, Napoléon et son fils, p. 103. 

(2) Maury à Savary, 21 novembre 1811; Bigot de Préameneu à 
Savary, 2 avril 1812 : F. 7, 6534. 

(3) PoujouLAT, le Cardinal Maury, p. 375-376. 

(4) Note du 28 novembre 1813 : AF. IV, 1048. 



308 ADMINISTRATION DE MAURT 

de son rang^ comme il l'avait montré dans l'affaire de 
la réception académique, Maury faisait bon marché des 
scrupules de dignité dans ses rapports non seulement 
avec le maître, mais avec les dépositaires de la confiance 
impériale. Contrairement au protocole^ contrairement 
aussi à l'usage des autres cardinaux^ il donnait du 
« Monseigneur » aux ministres, et les assurait de son 
« respectueux attachement • (4). 

Dans les cercles royalistes, dans les rares milieux où 
prédominaient les idées ultramontaines, cette ferveur 
gouvernementale achevait de discréditer Maury. Pie VII, 
si débonnaire d'accueil pour tout ce qui tenait au monde 
officiel, fit difficulté de le recevoir à Fontainebleau, et 
lui ferma la bouche quand il voulut entamer son apo- 
logie (2). Les perpétuelles quémanderies du cardinal 
produisaient dans l'entourage de Napoléon une impres- 
sion d'impatience (3). Ses traits de ladrerie faisaient la 
joie de la société parisienne : il installait provisoirement 
des locataires dans une maison expropriée pour agrandir 
le jardin de l'archevêché, au risque de se faire citer par 
eux devant le juge de paix quand survenaient les démo- 
lisseurs (4); une personne qui répugnait à lui sous- 
louer une propriété de campagne disait : « Je connais 
son faible, je lui proposerai un prix si élevé, qu'il ne 
voudra jamais y consentir (5). » 

Avec cela, Maury avait des qualités de cœur qui lui 
conciliaient l'affection, non seulement des nombreux 

(1) Cf. une lettre à Bigot de Préameneu, du 3 juillet 4813 : Do- 
eumenti inédits, 

(2) Jauffret, Mémoires historiques, t. II, p. 493. 

(3) Cf. ime note autographe de Duroc, 15 janvier 1811 : AF. IV, 
1048. 

(4) BuUetin de police du 18 avril 1812 : AF. IV, 1521. 

(5) Récit de l'abbé Garnier : Vie de M, Émery, t. II, p. 374. 



MAURY EN POSSESSION DE L'AUf ORITË 3Û9 

membres de sa famille logés sous son toit, mais de son 
proche entourage ecclésiastique. En dépit de ses exi- 
gences, il était aimé de ses jeunes secrétaires, dont le 
dernier en date, l'abbé Menjaud, put apprendre à son 
école l'art d'être en faveur auprès d'un Napoléon (4). 
Loin de rougir de ses humbles origines, le cardinal fai- 
sait fête aux compatriotes de condition modeste qui se 
présentaient à l'archevêché; sa grande joie était de 
s'entretenir avec eux en langue provençale (2); en sou- 
venir de son adolescence, il accueillait avec une particu- 
lière bienveillance ceux d'entre eux qui se destinaient à 
l'état ecclésiastique, comme en fit l'expérience le sémi- 
nariste Dominique-Auguste Sibour^ futur archevêque de 
Paris (3). 

Dans le menu peuple de Paris, les solliciteurs mau- 
gréaient bien du peu de libéralité du prélat, mais la 
masse était ravie de la rondeur de ses manières, flattée 
de son extraction plébéienne. Beaucoup pensaient comme 
cet homme qui, certain jour de grande fête, montrait à 
son petit garçon le cardinal officiant en pompe à Notre- 
Dame : « Eh bien! ce n'est pourtant, comme toi, que le 
fils d'un bigre de savetier... Mais il a travaillé à l'école... 
Voilà pourtant ce que tu deviendrais si tu voulais tra- 
vailler conmie lui... (4). » 



(4) D'après une tradition qui court les presbytères de Lorraine, 
et que conte à ravir un cardinal-académicien, Mgr Menjaud, 
évoque de Nancy en 1851, eut l'honneur, sinon le mérite, de 
mettre en circulation après le coup d'Etat la fameuse formule, 
sortir de la légalité pour rentrer dans le droit ; il en fut récompensé 
par l'archevêché de Boiu'ges et la charge de premier aumônier. 

(2) En 1855, Poujoulat disait plus simplement et peut-être plus 
véridiquement « en patois du Gomtat ». (Le Cardinal Maury, 
p. 20). A reprendre aujourd'hui cette expression, on risquerait 
de déchaîner le bourdonnement de toutes les cigales du félibrige. 

(3) Poujoulat, Vie de Mgr Sibour, p. 13. 

(4) Armault, Souvenin d'un sexagénaire, t. I, p. 226. 



1 



334 ADMINISTRATION DE MAURY 

admis à présenter Teau bénite à l'entrée de l'église: 
tout se passa par les soins et sous la direction du car- 
dinal grand-aumônier (1). C'est Fesch qui officia^ Fesch 
aussi qui désigna les ecclésiastiques appelés à participer 
à la cérémonie, et par suite à recevoir d'importantes gra- 
tifications impériales (2); il y comprit l'état-major de la 
grande-aumônerie, Rauzan, Quelen, Gaston de Sambucy, 
Feutrier. Comme Maury protestait que dans ces condi- 
tions sa dignité lui interdirait d'assister au baptême : 
« Eb bien, » riposta durement l'empereur, « n'y venez 
pas; nous pouvons bien nous passer de vous (3). » Le 
cardinal n'en fit pas moins acte de présence. 

L'assistance, exclusivement composée de courtisans et 
de personnages officiels, ne manifesta quelque émotion 
que quand Napoléon prit son fils dans ses bras pour le 
lui présenter. Quant à la population parisienne, qui avait 
compté avec une anxiété sincère les coups de canon du 
20 mars, et qui, le jour de Pâques, avait envahi les églises 
pour chanter à plein gosier le Domine salvum, foc impe- 
ratorem (4), elle était le 9 juin retombée dans FindiiTé- 
rence, et n'accorda qu'un regard distrait au passage du 
cortège. 

Quelques jours auparavant, le 4 juin, le chapitre de 
Notre-Dame avait décidé de commémorer ce grand événe- 
ment par la fondation d'un service annuel, qui serait 
célébré durant toute la vie du roi de Rome. La motion, 
dont le premier auteur nous demeure inconnu, était 
conçue en termes emphatiquement serviles; on est étonné 
notamment d'y trouver l'expression d' « Être suprême », 
bien démodée depuis Robespierre et bien déplacée dans 

(1) Frédéric Masson, Napoléon et son fils, p. 103-104. 

(2) Maze-Sencier, les Fournisseurs de Napoléon, p. 352. 

(3) Vie de M, Emery, t. II, p. 290-291. 

(4) Rapport du préfet de police. 15 avril 1811 : F. 7, 3835. 



CONCILE NATIONAL 335 

un document ecclésiastique (1). Quant au service lui- 
même^ les destinées en furent aussi courtes qu'ora- 
geuses : en 1812, le ministre des cultes, mécontent que 
cette cérémonie purement capitulaire, où les fonction- 
naires n'étaient point invités, eût été annoncée dans les 
journaux, adressa à ce sujet une « forte » réprimande à 
Maury (2); en 1814, sans attendre le retour d'un anni- 
versaire désormais gênant, le chapitre prit le 13 avril 
une délibération non motivée, qui révoquait purement et 
simplement la fondation de 1811 (3). 



VI (4) 

La circulaire impériale de convocation aux évoques de 
l'empire français et du royaume d'Italie indiquait le 
9 juin comme date d'ouverture du concile national (5) : 
Napoléon tenait en effet, non seulement à rapprocher 
cette solennité du baptême de son fils, mais à faire exac- 
tement coïncider les deux cérémonies; le baptême étant 
de longue date fixé à l'après-midi, il désirait que le con- 
cile s'ouvrit à Notre-Dame dans la matinée du même 
jour. Ce fut très tard qu'il se rendit aux objections 



(1) « Le chapitre,... voulant laisser à. la postérité un témoignage 
de sa religieuse gratitude envers l'Etre suprême, de son dévoue- 
ment très respectueux envers Leurs Majestés Impériales et Royales, 
de son zèle ardent pour tout ce qui peut concourir au bonheur 
de Sa Majesté le roi de Aome... » (Documents inédits.) 

(2) Bulletin de police du 12 juin 1812 : AF. IV, 1522. 

(3) DocuTnents inédits. 

(4) On ne se propose point d'entrer ici dans le détail des déli- 
bérations du concile national, mais seulement, comme pour les 
autres événements intéressant l'histoire générale, d'en signaler 
les épisodes ou les contre-coups « parisiens ». 

(5) 25 avrU 1811 : Correspondance, 17656. 



336 XdMINISTRATION DE MAURY 

(l'ordre matériel présentées par son oncle Fesch (1), et 
qu'il remit au 17 juin la réunion du concile. 

Bien que la cérémonie d'ouverture n'eût pas un carac- 
tère officiel, et que les fonctionnaires présents n'eussent 
point revêtu leur costume^ l'affluence fut considérable 
aux portes de la cathédrale dès sept heures du matin : 
après que les personnes munies de billets furent entrées 
et placées, on permit l'accès de l'église à c toutes celles 
bien mises > , comme écrivait un policier (2), et le vaste 
vaisseau ne tarda point à être comble. Sans former la 
majorité, les ecclésiastiques étaient très nombreux dans 
l'assistance : c'étaient surtout des vicaires parisiens, 
plus ardents que leurs curés^ se croyant moins tenus à 
la réserve (3). Sans prendre garde aux observateurs qui 
se glissaient alors dans toutes les réunions, ces prêtres 
échangeaient leurs impressions, où il entrait moins 
de curiosité que d'attente émue et même quelque peu 
angoissée : ils racontaient que dans certains diocèses, le 
clergé avait conjuré l'évêque avant son départ de tout 
faire pour éviter le schisme; que beaucoup d'évêques 
avaient rédigé leur testament, pour être prêts à tout 
événement (4). 

A huit heures, les quatre-vingt-quinze prélats^ réunis 
à l'archevêché, firent leur entrée processionnelle, revêtus 
de la chape et coifTés de la mitre. Le cardinal Fesch avait 
revendiqué comme un privilège de son siège primatial et 
de son rang princier la dignité de président, que ses col- 



(1) Fesch à Napoléon, 28 mai 1811 : AF. IV, 1048. 

(d) Bulletin de police des 16-17 juin 1811 : AF. IV. 1516. 

(3) « ... Les curés de Paris sont en général très bien. On ne 
peut pas en dire autant de leurs prêtres, qui ont moins d'intérêt 
à la tranquillité et plus d'espérances au désordre... » (Note du 
ministère des cultes, sans date [fin mai 1811] : AF. IV, 1047.) 

(4) Note de Desmarest (autographe mais non signée), 20 juin 
1811 : F. 7, 6567. 



CONCILE NATIONAL 337 

lègues étaient tout disposés à lui conférer par élection : 
il célébra la messe du Saint-Esprit, après laquelle Tévéque 
de Troyes, Boulogne, prit la parole. Emporté par l'émo- 
tion^ ce prélat ne tint pas compte des suppressions que 
Fesch lui avait demandées après examen de son manus- 
crit; à l'inévitable éloge de Bossuet, il fit succéder une 
ardente profession d'attachement à l'unité de l'Église et 
de soumission au Saint-Siège (1). Le discours, prononcé 
selon l'usage en pareil cas non pas de la chaire, mais 
d'un des deux ambons du chœur (2), ne fut entendu que 
des évêques et des premiers rangs de l'assistance : mais 
les passages brûlants, répétés de bouche en bouche, pro- 
duisirent un effet d'autant plus durable. Il en fut de 
même des incidents auxquels donna lieu la prestation du 
serment. 

On trouva sans doute en haut lieu que la population 
parisienne prenait trop d'intérêt au concile. Après avoir, 
par ordre ou par permission du gouvernement^ longue- 
ment énuméré les pompes de la séance d'ouverture, la 
presse devint subitement et complètement muette sur ce 
sujet. Les journaux ne reparlèrent du concile que deux 
mois plus tard, pour reproduire les lettres patentes du 
21 août^ autorisant les « Pères i à sceller les actes de 
leur assemblée d'un sceau particulier, < de gueules 
semé d'abeille d'argent; à la croix tréflée, cantonnée 
aux premier, deuxième et troisième d'une aigle éployée; 
le tout d'or, et au quatrième de la couronne de fer, 

(1) D'Haussonvills, V Eglise romaine et le Premier Empire, t. IV, 
p. 206-208. 

(2) Rapport du préfet de police, 17 juin 1811 : F. 7, 3835. Lors 
de la dernière réunion des évêques de France à Notre-Dame, le 
7 septembre 1906, c'est également de l'ambon qu'a parlé Mgr de 
Gabrières, évêque de Montpellier, sans être beaucoup mieux 
entendu que l'évêque de Troyes en 1811. 

IV. 2i 



338 ADMINISTRATION DE MAURY 

aussi d'or... » Le compte rendu d'une messe pontificale 
et une description héraldique, voilà tout ce que les 
Français furent officiellement admis à savoir des tra- 
vaux et des discussions du concile. Napoléon recom- 
mandait expressément à son ministre des cultes toutes 
les précautions susceptibles de maintenir le secret autour 
des délibérations : «... Ayez soin de ne rien laisser 
imprimer que je ne l'aie vu... Veillez à ce qu'il n'y ait 
dans l'assemblée aucun folliculaire ni étranger; il faut 
qu'il n'y ait que les évêques; quant aux prêtres qu'on 
propose d'y admettre, j'autoriserai, si cela est absolu- 
ment nécessaire, l'entrée d'une douzaine de prêtres dont 
vous me remettrez avant la liste, avec des renseigne- 
ments sur chacun d'eux; il faut que ce soit de bons 
prêtres, et non des réacteurs... Il est nécessaire que 
vous veniez souvent à mon lever me rendre compte de 
ce qui se sera passé (1). » 

Malgré tout, les Parisiens connurent l'essentiel des 
séances tenues dans une des salles de l'archevêché : ils 
surent l'émotion des évêques en voyant les deux 
ministres des cultes de l'empire français et du royaume 
d'Italie siéger à côté du cardinal-président, en enten- 
dant Bigot de Préameneu débiter un discours agressif 
contre le pape prisonnier, discours composé ou remanié 
par Napoléon (2). Mais ce qui fit le plus d'eflfet sur 
l'opinion, ce fut la proposition de l'évêque de Cham- 
béry. Dessoles, d'aller en corps demander à Napoléon 
la mise en liberté de Pie VII, et l'enthousiaste adhésion 
de la majorité des prélats, qui ne consentiront à sur- 
seoir que pour des motifs réglementaires. Les témoins 
de là Révolution évoquaient, les uns Uvec un effroi 



(1) 20 juin 1811 : Correipondance, 17827. 

(2) Ibidem, 17822. 



r 



CONCILE NATIONAL 339 

£iffecté, les autres avec une joie mal dissimulée, le sou- 
venir du serment du Jeu de Paume et des grandes jour- 
nées de 1789; les membres du Corps législatif, qui 
venait précisément d'ouvrir sa session et de docilement 
reproduire dans son adresse les théories théologiques 
chères à l'empereur (1), prirent tout particulièrement 
ombrage de cette assemblée qui avait des velléités d'in- 
dépendance (2). 

On colportait un mot naïvement significatif échappé 
au cardinal Fesch pendant une délibération : c Messei- 
gneurs, afin que le concile ait Tair d'être libre... » Bigot 
de Préameneu mettait ce racontar sous les yeux de 
Napoléon, car il le jugeait caractéristique des disposi* 
tions des évéques, partagés entre la peur de déplaire au 
maître et la répugnance à se déconsidérer : t ... En 
général, il y a dans le concile une force d'inertie, une 
crainte de l'empereur, une plus grande crainte de l'opi- 
nion, qu'aucun de ces messieurs n'a cherché à dominer 
ni à ramener et qu'ils ne veulent point, disent-ils, s'ex- 
poser à braver... (3). » Cette spirituelle analyse psycho- 
logique était incomplète, car le ministre aurait dû faire 
une place aux scrupules de conscience qui dominaient 
les résolutions de beaucoup de prélats; un informateur 
anonyme de Desmarest^ un ecclésiastique assurément, à 
en juger par certaines formes de style, voyait plus juste 

(1) « ... La religion. Sire, ne prétend à aucun empire sur la 
terre : fille du ciel, elle rejette tous les droits étrangers à sa su- 
blime origine, et satisfaite de donner à l'obéissance un caractère 
plus auguste, elle ne veut être indépendante que de nos vices et 
de nos faiblesses. * (Adresse présentée à Napoléon par Montes- 
quiou le 30 juin 1811.) 

(2) Thiers, Hittoire du Consulat et de VEmpire, t. XIII, p. 156. 
L'assertion de Thiers, fondée sans doute sur des témoignages 
ontemporains, est indirectement confirmée par un passage de la 
ote. inédite de Desmarest que j'ai mentionnée un peu plus haut.) 

(3) Note intitulée : Esprit du concile, 24 juin 1811 : AF. IV, ^047. 



840 ADMINISTRATION DE MAURY 

OU était plu» sincère quand il écrivait : < ... La nomina- 
tion de la commission pour juger l'adresse à l'empereur 
et répondre à son ministre prouve les alarmes des cons- 
ciences inquiètes. — On a pris les plus scrupuleux, 
Tournai, Gand, Bordeaux, Limoges, Trêves (1), Troyes, 
Commachio, etc. — Les hommes dévoués comme 
Malines (2) n'ont eu que 25 voix... (3). » 

« L'énergie et la résistance du concile, » a écrit Napo- 
léon à Sainte-Hélène, « furent agréables à l'empereur; 
l'esprit d'opposition pouvait seul donner de la considé- 
ration à des assemblées si contraires à l'esprit du 
siècle (4). » Destinées à flatter l'opinion libérale, en qui 
le captif mettait son suprême espoir, ces assertions 
étaient en absolue contradiction avec ce qu'avait réelle- 
ment pensé et voulu l'autocrate de 4811. Le rapport de 
révêque de Tournai le jeta dans une profonde irritation; 
il s'en prit au ministre des cultes, comme en témoigne 
cette lettre d'excuses : « . . . J'ai été ce matin extrêmement 
sensible aux reproches de Votre Majesté, mais je La prie 
de considérer combien la commission s'est toujours 
obstinée au plus profond secret, et combien il y avait 
peu d'apparence qu'elle fît un rapport aussi peu juste et 
convenable (5). » Savary était beaucoup plus près de la 



(1) C'était une erreur complète de compter au nombre des « scru- 
puleux » Mannay, ami intime de Talleyrand et partisan déter- 
miné du gouvernement; son attitude au concile allait précisé- 
ment lui valoir le titre de conseiller d'Etat. 

(2) De Pradt. 

(3) Sans date : F. 7, 65ê7. 

(4) Correspondance, t. XXX, p. 550. Il osait ajouter que s'il 
avait dissous le concile, c'était pour « lui donner, en le frappa"* 
par l'autorité, l'intérêt que l'imbécillité et le cagotisme d'un b< 
nombre d'évêques français lui ôteraient ». 

(5) Bigot de Préameneu à Napoléon, 10 juillet 1811 : AF. F 
i047. 




CONCILE NATIONAL 341 

vérité que son maître, quand après avoir décrit à sa 
manière les tendances subversives des évêques^ il ajou- 
tait, en son style de gendarme littéraire : « L'empereur 
ne pouvait, sans un grand danger, ne pas y mettre 
ordre. C'est seulement alors qu'il m'ordonna de tourner 
les regards de mon administration vers le concile, qu'il 
m'avait expressément recommandé de laisser à lui- 
même (^). » 

On sait comment se manifesta cette intervention de la 
police. Le 10 juillet au soir, un décret impérial déclara 
le concile dissous; le 12, à trois heures du matin, les 
évêques de Tournai, de Gand et de Troyes, ces deux 
derniers aumôniers de l'empereur, peut-être dénoncés 
par une indiscrétion involontaire de Fesch (2), furent 
arrêtés dans leur lit et écroués à Vincennes. 

L'effet fut déplorable, même sur les personnages les 
plus attachés à la politique impériale : « Que signifie, » 
a écrit plus tard l'un d'entre eux, « d'assembler un con- 
cile pour emprisonner ceux qui ne sont pas de votre 
avis! Interroger les hommes, c'est reconnaître en eux 
jusqu'au droit d'errer (3). * Pour essayer de donner le 
change à l'opinion, on fit mine d'imputer aux trois 
évêques des relations avec les ennemis de l'État, et de 
ressusciter les poursuites contre d'Astros, pour les y 
impliquer (4). Ce subterfuge, bientôt abandonné, ne 
trompa personne : le gouvernement ne frappait en eux 



(1) RoviGO, Mémoires, t. V, p. 457. Un peu plus haut, Tancien 
ministre de la police racontait sa tristesse en constatant « com- 
bien les sièges épiscopaux étaient occupés par des hommes mé- 
diocres, sans lumières et sans études. » 

(2) C'est ce que raconte de Pradt, sur la foi de Savary (les 
Quatre Concordats, t. II, p. 499 et note) : les deux autorités soAt 
suspectes. 

(3) De Pradt, les Quatre Concordats, t. Il, p. 500. 

(4) Pasquier, Mémoires, t. I, p. 48d« note. 



iiÈ ÀDMlt¥l6THÀTtON DE MAURT 

que les meneurs de l'opposition conciliaire, et ne cher* 
chait qu'à avoir leur démission, qui fut obtenue ou 
extorquée après quatre mois de détention rigoureuse (i). 
Ils se montrèrent dans l'épreuve moins héroïques que ne 
l'ont prétendu certaines légendes familiales ou diocé- 
saines (2), mais rien ne saurait excuser les plaisanteries 
d'un de Pradt, disant que « jamais on ne vit martyrs plus 
embarrassés de leurs palmes^ ni plus désintéressés; car ils 
en auraient fait part à qui aurait voulu s'en charger (3) ». 
La vérité est que cette claustration prolongée, sans 
livres, sans papier ni encre, sans échange de pensées 
avec âme qui vive, était de nature à briser les tempé- 
raments les plus énergiques. Maurice de Broglie, évêque 
de Gand, n'avait d'autre tort que de prendre Savary 
pour confident quand il écrivait : « . . . Quatre mois de 
secret ont été quatre siècles d'une torture auprès de 
laquelle la mort tant désirée m'eût semblé un lit de 
roses : on ne peut rien comparer à cet horrible bannis- 
sement, à cette interdiction de la société et du culte 
public de la religion (4). » Ces détails furent mal connus 
sur le moment: mais la société parisienne jugea sévère- 
ment l'indifférence des autres évoques pour le sort de 
leurs confrères. Mmes de Lameth et de Murât, tante et 
sœur de Maurice de Broglie, tentèrent vainement d'ob- 
tenir l'intervention de Fesch et de Duvoisin; comme 
elles faisaient observer à l'évéque de Nantes que sous 
l'ancien régime, un corps constitué se serait cru obligé 
d'honneur à solliciter la mise en liberté de ses membres 

(1) Cf. le long et curieux rapport de Janzé, gendre de Bigot de 
Préameneu et secrétaire général du ministère des cultes, chargé 
d'aller à Vincennes faire signer les démissions (22 novembre 1811 
AF. IV, 1047). 

(2) La Domination française en Belgique, t. II, p. 240-250. 

(3) Let Quatre Concordati, t. II, p. 500. 

(4) A Savary, 13 novembre 1811 : F. 7, 6567. 



CONCILE NATIONAL 343 

incarcérés, le prélat repartit piteusement : < Oui, cela 
est vrai, mais ce qui se faisait autrefois ne se fait 
plus (i). . 

L'arrestation de Tévéque de Troyes entraîna celle 
d^une dame à laquelle il avait confié un certain nombre 
de lettres^ < dont une, relative au concile, était d'un 
mauvais esprit > : après une semaine de détention arbi- 
traire aux Madelonnettes^ on lui infligea le châtiment 
assez spirituel d'une mise en surveillance... chez son 
mari, manufacturier à Ëlbeuf (2). Vers la même époque, 
Gapelle, le très actif et inquisiteur préfet de Genève, 
dénonça un professeur de la Faculté de théologie de 
Paris, l'abbé Burnier-Fontanel, coupable d'avoir écrit 
à un curé du département du Léman... que le concile 
était dissous et que la majorité d'entre les évêques 
s'étaient montrés favorables au pape; Pasquier fut invité 
à mander ce théologien trop bien renseigné et à lui prê- 
cher la circonspection (3). 

L'interruption ab irato des délibérations des séances 
du concile n'apportait point de solution aiix graves ques- 
tions qui avaient motivé la convocation de l'assemblée. 
Napoléon fut un des premiers à s'en apercevoir, et dans 
son embarras, il toléra peut-être que de Pradt, toujours 
inconsolable de n'être point archevêque de Paris, lui 
reprochât d'avoir livré le clergé de France tour à tour 
« à l'exemple de l'opposition journalière de M. le car- 
dinal Pesch^ à la débilité séculaire de M. le cardinal de 
Belloy, au dévergondage du cardinal Maury (4) ». Il 

(i) Récit de Mme de Murât : d'Hau8sonville, VEglise romaine 
•t le Premier Empire, t. IV, p. 493. . 

(2) Bulletin de police du 20 juillet 1811 : AF. IV, 1516. 

(3>Capelle'à Savary, 1* juillet 1811; note ministérielle à Pas- 
quier, 8 août : F. 7, 6567. 

(4) Les Quatre Concordats, t. II, p. 498.. 



n 



BU ADMINISTHATION DE MAURY 

prêta surtout l'oreille aux propos de ce même Maury : le 
cardinal, qui s'était flatté de retrouver au concile ses 
succès oratoires de la Constituante^ avait été très mor- 
tifié de l'accueil à peine déférent qu'avaient reçu ses 
harangues; une fois, on l'avait si violemment interrompu 
qu'il s'était rassis tout déconcerté, sans achever sa dé- 
monstration. Aussi, prenant aisément son parti de là 
dissolution du concile, il s'en allait répétant à tous les 
échos une de ces métaphores triviales qu'il affectionnait : 
« Notre vin n'a pas été trouvé bon en cercle, vous verrez 
qu'il sera meilleur en bouteilles. » Après avoir ri du 
propos, on s'avisa qu'il contenait un utile conseil. Les 
évéques furent officieusement détournés de quitter 
Paris, puis individuellement convoqués chez le ministre 
des cultes, qui les chapitra de son mieux et leur pré- 
senta une formule à signer. Dans ces intimidants tête- 
à-téte, l'insinuante et courtoise dialectique de Bigot de 
Préameneu trouva bien peu de résistances irréductibles. 
Quand on se fut assuré d'un nombre respectable d'adhé- 
sions, les signataires furent réunis en une assemblée 
préliminaire, pour demander la réouverture des séances 
du concile, qui fut autorisée par décret in^périal. Le 
5 août) sans discussion, sans vote secret^ l'assemblée 
mutilée adopta un décret qui, en cas de refus ou d'abs- 
tention du pape, donnait après siix mois au métropo- 
litain ou au doyen des évoques de la province le droit 
de conférer l'institution canonique aux évéques nom- 
més; il y eut 80 suffrages favorables contre 13 hos- 
tiles (1). 

Ce pitoyable résultat une fois obtenu, sans se réunir 
de nouveau officiellement, la plupart des évoques 
demeurèrent à Paris, pour attendre le retour d'une 

(4) Welschingbr, le Pape et VEmpereur, p. 281. 



CONCILE NATIONAL 345 

j 

dëputation envoyée à Savone. Le 20 septembre, Pie VII, 
circonvenu, dénué de renseignements complets, sincè- 
rement désireux d'ailleurs de mettre fin au veuvage de 
tant d'églises, signa un bref qui acceptait en fait les 
résolutions du 5 août. Napoléon, mécontent de certaines 
expressions de cette pièce, décidé à l'utiliser sans l'ac- 
cepter officiellement (1), jugea que la présence des 
évoques devenait gênante à Paris. De Gorcum, près de 
Rotterdam (il venait d'improviser un voyage en Hollande), 
il manda impérieusement à Bigot de Préameneu de les 
renvoyer au plus tôt dans leurs diocèses, même les aumô- 
niers de la chapelle impériale, même les évéques nonmiés 
qui espéraient enfin recevoir leurs bulles (2). Le pauvre 
Lejeas, toujours optimiste et toujours déçu, répondait à 
l'invitation du ministre : « ... Demain mardi, je pars 
sans faute à neuf heures du matin pour Liège. Il aurait 
été bien beau d'y retourner sacré, au moins avec les 
bulles; la cérémonie du sacre serait moins coûteuse à 
Paris et plus facile pour nous (3). » Les bulles de Lejeas, 
ou plutôt le bref qui en tenait lieu, finit par arriver, mais 
Napoléon le fit retenir à Paris comme attentatoire aux 
libertés gaUicanes; ce fut seulement le 4 juillet 1814 que 
l'abbé de Montesquiou, ministre de Louis XVIII, l'adiessa 
au destinataire (4) ; mais alors les difficultés vinrent du 
Saint-Siège et du gouvernement des Pays-Bas, de sorte 
que Lejeas ne coiffa jamais la mitre. 



(1) Cf. 8a lettre à Bigot de Préameneu, 26 octobre 1811 : LettreiS 
inédites, éd. Lecestre, 890. 

(2) 6 et 26 .octobre : Con^espondance, 18163 et 18205. 

(3) 21 octobre 1811 : F. 19, 1172. 

(4) Ibidem. 



346 ADMINISTRATION DE MAURY 



VII 



L'incarcération des trois évéques indociles fit impres- 
sion sur les esprits, à cause du rang élevé des prison- 
niers et de la coïncidence avec les débats du concile : 
mais le traitement qu'ils subirent était le même en 
somme qui, à partir de 1808 ou 1809, fut appliqué à 
un nombre croissant de prêtres suspects ou rebelles. 
Ceux-ci étaient surtout originaires de Belgique ou 
d'Italie, et c'étaient les forteresses de Ham ou de Fenes- 
trelle qui en hébergeaient la majeure partie. Paris pour- 
tant fournit aussi son contingent de prêtres arbitraire- 
ment détenus; après l'affaire de d'Astros et de ses 
prétendus complices, ce fut une mésaventure caracté- 
ristique que celle de l'abbé Hubault de Malmaison, du 
clergé de Saint-Merry (1). 

Le 3 août 1811, à la. suite de quelque dénonciation 
dont le texte ne nous est point parvenu. Napoléon 
écrivait à Savary : « Faites arrêter un nommé Malmai- 
son, vicaire à Paris. — Cet homme porte plusieurs noms; 
il s'appelle aussi Hugot (2); il est vicaire à Saint-Merry à 
Paris. Il doit être à Paris ou à Bolbec, dans le pays de 
Caux. Il est le chef d'une association clandestine où il 
paraît qu'il y a beaucoup de filles. On fait prononcer 
des vœux; on impose des pratiques de religion; on fait 
déposer des fonds. Il faut donc de l'adresse pour déjouer 

(1) Les pièces dont je ne spécifie point la provenance sor 
empruntées au dossier personnel de l'abbé (F. 7^ 6568). 

(2) Hugot est une évidente déformation de Hubault; M. Lecestr. 
a lu et imprimé Lugo, qui se comprend moins. 



MESURES DE RIGUEUR 847 

cette obscure (1) cabale, saisir le chef avec (2) ses 
papiers, et savoir ce que veulent ces gens-là (3). » 

Arrête le 4 à son domicile parisien, et interrogé le 5, 
probablement par Desmarest^ l'abbé s'expliqua de la 
façon la plus simple et la plus plausible sur la façon 
dont il s'aquittait de son ministère de direction spiri- 
tuelle. Le 6^ le ministère de la police rédigeait un « pre- 
mier compte rendu à Sa Majesté », conçu en termes 
favorables : « . . . Ses papiers ne présentent qu'une seule 
circonstance de quelque intérêt^ et qui ait rapport à la 
prévention élevée contre lui. C'est une liste de cinq 
femmes reçues par lui de la confrérie du scapulaire... 
M. le curé de Saint-Merry rend les témoignages les plus 
favorables à l'abbé Malmaison, à son caractère religieux, 
mais sans fanatisme ; homme très laborieux, chargé des 
catéchismes; étant à son confessionnal à cinq heures du 
matin jusqu'à son dîner, et y revenant de suite jusqu'à 
neuf heures... Le seul point où il aurait un peu de pas- 
sion serait contre les jansénistes... » 

Ce rapport semblait devoir être le prélude d'une 
prompte mise en liberté; mais le 30 août, Malmaison 
datait de la Force une réclamation : « Voilà un mois, du 
moins bientôt, que je suis en prison et au secret... » Son 
curé, qui dès le 19 août avait écrit à Desmarest, se 
décida vers la mi-septembre (le 14) à s'adresser direc- 
tement à Napoléon. Ce curé était Fabrègues, ancien 
vicaire épiscopal à Nîmes du temps de la constitution 
civile, sincèrement rétracté; sa lettre à l'empereur était 
en somme une démarche généreuse, mais avec le vif 
désir de procurer la liberté à un collaborateur apprécié, 

(4) « Petite * (éd. Lecestre). 

(2) « Avoir » (éd. Lecestre: il y a quelques autres variantes 
ans importance). 

(3) Lettres inéditei, éd. Lecestre, 850. 



348 ADMINISTRATION DE MAUHY 

on y discernait la non moins vive préoccupation d'écarter 
de lui-même tout soupçon. C'est ainsi que pour établir 
d'emblée la pureté de ses propres sentiments, il joignait 
à sa missive un discours patriotique prononcé par lui 
onze ans auparavant, au lendemain de Marengo. < C'est 
le plus soumis de vos sujets, » protestait-il, « le plus 
fidèle à votre gouvernement, le plus attaché à votre 
personne sacrée^ qui prend la respectueuse liberté de 
vous supplier de rendre à ses fonctions aussi utiles 
qu'édifiantes M. Malmaison^ mon coopérateur, qui, 
quoique simple prêtre habitué, est l'édification de ma 
paroisse par ses vertus, une espèce de providence par sa 
charité, et que je crois entièrement innocent. Comme 
aucune opinion ultramontaine n'a jamais souillé mon 
esprit,... Un prêtre qui penserait mal ne travaillerait pas 
longtemps avec moi... » 

Cependant^ on avait demandé des renseignements en 
Normandie. Le 5 octobre i841, Savoye-Rollin, préfet de 
la Seine-Inférieure, répondit à Savary que l'abbé de 
Malmaison était venu à plusieurs reprises à Bolbec 
comme représentant ou fondé de pouvoirs d'un abbé des 
Mares, jadis éloigné de cette ville et du diocèse de Rouen 
à la demande du cardinal Cambacérès; Malmaison visi- 
tait les familles amies de des Mares, et en obtenait de 
l'argent « pour secourir des ecclésiastiques de Paris ». 
Le préfet ajoutait que ses voyages à Bolbec avaient 
cessé depuis deux ans^ ce qui prouve bien qu'il ne 
s'agissait point de venir en aide aux cardinaux noirs. 

Néanmoins, il n'en fallut pas davantage pour pro- 
longer indéfiniment sa détention, sans d'ailleurs qu'il 
fût interrogé sur ce nouveau grief. A Bigot de Préa- 
meneuy exposant, le 29 mai 1812^ qu'il était assailli des 
sollicitations du curé de Saint-Merry, Savary répondît 
(6 juin) que Napoléon avait différé sa décision. Le 



'■ 



HESDBES DE RIGUEUR 

19 janvier 18i3, le m&lheureux fut transféré à Sai 
Pélagie, ce qui était un adoucissement, mais ce qui n 
trait aussi que la mise en liberté n'était point in 
nente. Le ministre des cultes revint à la charge le 1! 
vrier 1813 ; • ... Dix-huit mois de prison parais: 
d'ailleurs suffire pour modérer son zèle... > Sai 
invoqua cette fois (2 mars 1813) la convenance d'atter 
le rapport des deux conseillers d'État chargés, 
termes du décret du 3 mars 1810, de faire annuellen 
la visite des prisonniers. Le ministre de la police n'( 
môme plus d'accord avec ses agents sur les chai 
imputées au pauvre abbé : tandis que Savary le d^ 
rait « prévenu d'être le chef d'une association non a 
risée • , une note des bureaux le traitait de • préveni 
correspondance avec les ennemis du gouvernemen 
grief aussi imaginaire que dangereux. Le 29 avril 1 
enfin, sur un certificat médical qui attestait de sériei 
douleurs rhumatismales, Savary autorisa non pa 
libération, mais le transfert dans une maison de sa 
11 semble bien que l'abbé Hubault de Malmaison 
recouvra l'indépendance et ne fut rendu à ses foncti 
qu'après la chute de l'Empire; il occupa plus tari 
cure de Saint- Louis-en-l'Ile, et sa mémoire est en( 
en vénération chez les doyens des habitants de 
Saint-Louis (1). 

En matière d'associations religieuses ou de congr* 
lions, le gouvernement, en effet, était pendant c 
période particulièrement défiant et rigoureux. Ma 
lui-môme, qui pourtant avait fait ses preuves de d 
lité, était accusé par Bigot de Préameneu de faibles: 

(1) Sur ce dernier point, des renseignements personnels ii 
perinis de contrôler et de confirmer les assertions contenues i 
'6 livre de M. l'abbé Collignon. 



350 ADMINISTRATION DE MAURT 

l'égard de celles d'entre les Sœurs de Charité qui con- 
tinuaient à reconnaître en secret l'autorité de leur 
ancien supérieur, le lazariste Hanon, exilé à Amiens 
par mesure administrative (4). Pour mieux consacrer 
la dispersion des religieux du Mont-Valérien, qu'il trai- 
tait à tort de < trappistes » , Napoléon tint à transformer 
leur résidence en asile d'orphelines (2), et résolut d'y 
établir une des maisons d'éducation de la Légion-d'Hon* 
neur (3). 

Aussi bien qu'aux personnes, l'inquisition s'étendait 
aux estampes suspectes d'ultramontanisme. On faisait 
les honneurs du bulletin de police, destiné à passer 
sous les yeux de l'empereur, à une gravure qui, par 
une de ces allégories déjà et toujours trop en vogue 
dans l'imagerie religieuse, représentait les trois vertus 
théologales à bord d'un esquif battu par la tempête : 
Pie VII tenait le gouvernail et dirigeait l'embarcation 
vers le port que lui montrait du doigt la t religion i, 
perchée sur un rocher (4). Le général Pommereul, 
directeur général de l'imprimerie et de la librairie, 
se vantait comme d'un haut fait d'avoir fait saisir la 
planche et les épreuves d'une estampe représentant le 
pape en prières dans une chambre devant un cruciflx, 



(1) Bigot de Préameneu à Napoléon, 14 février 1811 : AF. IV, 
1047. 

(2) « J'avais, destiné la maison du Mont-Valérien pour en faire 
une maison d'orplielines; on a allégué de vaines raisons pour ne 
pas lui donner cette destination. » (A Montalivet, 6 août 1811 : 
Corresp ondance, 1 7997 . ) 

(3) Il visita les travaux avec Marie-Louise en 1813, fut mécon- 
tent de la mesquinerie des bâtiments, et dit à Fontaine : « Allez 
vite trouver le ministre de l'intérieur, et concertez-vous avec lui 
pour qu'on ne fasse rien ici qui soit ridicule et déshonorant. » 
(Bausset, Mémoires, t. IV, p. 252-253.) 

(4) Bulletin de police du 26 janvier 1811 : AF. IV. 1513. 



MESURES DE RIGUEUR 851 

avec une légende latine : • Ce sont, » expliquait-il, « les 
circonstances qui rendent le sujet de l'estampe scabreux, 
et surtout les mots de l'inscription (clauso super se ostio, 
la porte fermée sur lui) dont l'équivoque laisse entrevoir 
l'idée de la captivité, qui m'ont déterminé à faire saisir, 
d'autant qu'on se proposait d'en faire des dessus de 
tabatières, qui avec cette figure devenaient ainsi des 
signes de reconnaissance... (1). » 

La surveillance n'était pas moins tracassière ni moins 
défiante sur les livres mêmes de religion. Quand le cen- 
seur était un diplomate de carrière et un ancien chargé 
d'affaires à Rome^ comme Artaud, il y mettait encore 
des formes; ainsi, en annonçant qu'il avait exigé force 
suppressions dans un recueil d'instructions à l'usage du 
clergé, il ne laissait pas que ie conclure : « J'ai délivré 
un procès-verbal d'approbation absolue. La main du 
gouvernement, quand elle croit devoir trancher dans 
ces matières délicates^ doit agir secrètement et ne laisser 
aucune trace de sa volonté et de la direction qu'elle 
donne à la pensée publique (2). » — De tels ménage- 
ments étaient inconnus au directeur général Pomme- 
reul, militaire de profession, voltairien de doctrine, qui 
tenait à prendre le contre-pied des pratiques de son 
prédécesseur Portalis, et à désobliger le clergé et le 
monde religieux en exécutant rigoureusement ce qu'il 
considérait comme une consigne. A un libraire qui 
venait d'éditer des Règles chrétiennes, il ordonnait de 
supprimer en tête la mention de l'autorisation épisco- 
pale, « attendu que ces sortes de permissions ne doivent 
avoir pour objet que les livres de liturgie et non les 
livres de morale, dont la surveillance exclusive appàr- 

(1) A Savary, fit mai 1811 : P. 7, 6530. 

(2) Rapport du 1*^ juillet 1812 : Bibl. nat., nouv. acquis, fr., 

âooi. 



1 



353 ADMINISTRATION DE MAURT 

tient à Tautorité civile (i). » Par contre, Pommereul 
intimait à Timprimeur Marne défense de vendre un 
paroissien tant qu'on n'aurait pas modifié le calendrier 
du début, c parce qu'il contient l'indication en petites 
capitales de plusieurs fêtes supprimées par le Concordat; 
et qu'il ne rappelle pas, au nombre des fêtes mobiles, 
l'anniversaire du couronnement de Sa Majesté, fixé au 
premier dimanche du mois de décembre (2). > 

Avec cela, la religion et ses ministres étaient plus que 
jamais officiellement honorés, mais comme une institu- 
tion d'État et comme des fonctionnaires. Le grand- 
maître de l'Université impériale^ Fontanes^ daignait 
prendre la parole à l'ouverture des cours de la Faculté 
de théologie : après avoir rappelé, sur le ton de la com- 
misération^ les débats qui avaient jadis divisé les doc- 
teurs, il énonçait avec assurance la thèse de l'infailli- 
bilité^ telle qu'on la concevait alors dans beaucoup de 
cercles politiques, judiciaires^ et même ecclésiastiques : 
« ... Le danger de ces disputes est bien loin de nous. La 
théologie, appuyée sur les principes de l'Église gallicane 
et sur le génie de Bossuet, ne peut plus s'égarer (3). » 
— La décoration de chevalier de l'ordre de la Réunion, 
décoration peu prodiguée et par cela même assez 
enviée (4), fut attribuée au printemps de 1813 au vicaire 
général Jalabert, aux archiprêtres de Notre-Danae et de 
Sainte-Geneviève, à l'official Boylesve et à quatre curés, 
choisis parmi les plus méritants et les plus en vue : 
Marduel, de Saint-Roch; Bossu^ de Saint-Eustache; Du- 



(1) Ordre à l'inspecteur Gaudefroy, 15 mai 1811 : Bibl. nat,, 
nouv. acquis, fr., 1362. 

(2) Ordre au môme, 29 novembre 1811 : Ibidem. 

(3) 17 avril 1811 : Journaux. 

(4) BoNNBViLLB PB Marsangt, la Légion d'honneur, p. 90, noi 



TRAVAUX AU PALAIS ARCHIÉPISCOPAL 353 

bois, de Sainte-Marguerite, et Jerphanion, de la Made- 
leine. — D'autre part, dans les églises comme ailleurs, 
on remettait en évidence les souvenirs de l'ancienne 
monarchie, qui n'étaient plus jugés offusquants pour la 
t quatrième dynastie »; c'est ainsi qu'on replaçait^ au 
fond du chœur de Notre-Dame-des-Victoires, la toile où 
Vanloo avait représenté Louis XIII offrant à la Vierge le 
plan de ce sanctuaire (1). 



VIII 



Conformément aux ordres de Napoléon, Maury s'était 
installé à l'archevêché le 22 janvier 1841, et avait ce 
jour-là même « pendu la crémaillère t, en donnant un 
grand dîner ofQcie) (2). Il s'en fallait de beaucoup pour- 
tant que les réparations entreprises à la demande de 
Fesch fussent terminées, et que le vieux palais des arche- 
vêques de Paris offrît une habitation confortable : sans 
parler du mobilier, pour lequel l'empereur venait d'al- 
louer des crédits spéciaux (3), bien des choses restaient 
à achever ou à créer. Ce fut, sans exagération, un des 
grands soucis de l'administration de Maury : il engagea 
à ce sujet une vaste correspondance autographe, où se 
peignent au vif certains de ses ridicules. 

Ses qualités mêmes l'entraînaient parfois à d'indiscrètes 
sollicitations. Très homme de famille, il s'était jadis fait 



(1) Journal de V Empire, 21 novembre 1811. • 

(2) Ibidem, 25 janvier 1811. 

(3) Maury tenta vainement de profiter du baptême du roi de 
Rome pour gbtenir un supplément de décoration. (Frédéric Masson, 
Napoléon et ion fil^, p. 10^-103.) 

IV. 23 



354 ADMINMSTRATION DE MAURY 

honneur en présentant dans un des plus élégants salons 
de Paris son vieux savetier de père, venu à Timproviste 
de Valréas ; depuis son retour, il s'était chargé de l'édu- 
cation et de rétablissement des filles d^n de ses frères, 
guillotiné pendant la Terreur. Il entendit installer dans 
les dépendances de l'archevêché non seulement son 
frère l'abbé, mais ses nièces mariées, avec leur famille 
et leur train de maison^ alléguant que les archevêques 
de l'ancien régime logeaient dans des bâtiments de la 
première cour, démolis depuis lors, outre de nombreux 
grands-vicaires, « trois ou quatre branches de leur 
famille (i) ». 11 oubliait que la Révolution était inter- 
venue depuis lors, et qu'une de ses raisons d'être avait 
été la suppression des abus^ particulièrement en matière 
ecclésiastique. Quoi qu'il en soit, il paraît bien que les 
deux nièces, mariées à deux auditeurs au Conseil d'État, 
habitèrent effectivement l'archevêché. 

On se rappelle que Fesch, dominé par ses goûts pour 
le faste, avait exigé de vastes communs, pour l'édifica- 
tion desquels il avait fallu acheter et abattre plusieurs 
maisons; ces travaux se poursuivaient avec une lenteur 
qui exaspérait Maury, mais qui lui donnait l'occasion 
de se complaire dans le naïf étalage de son luxe : « ... Je 
me plains de ne pas pouvoir mettre à couvert la moitié 
de mes voitures, d'entreposer d'un côté mes chevaux et 
de l'autre mes domestiques d'écurie (2). » 

De même qu'il avait fallu à Fesch des écuries et des 
remises, Maury réclama un jardin, dont s'étaient passés 
les archevêques grands seigneurs des dix-septième et 
dix-huitième siècles; c'était pour lui une question 
d'hygiène : «... Ne sachant où me promener pendant 



(1) A Bigot de Préameneu, 8 avril 1811 : F. 19, 820« 

(2) Au même, 21 septembre 1811 : F, 19, 319* 



■-■>>^>r^% 



TRAVAUX AU PALAÏS ARCHIÉPISCOPAL 355 

tin quart d'heure, je suis absolument privé de toute 
espèce d'exercice, sans lequel je ne puis conserver ma 
sahté... Toute promenade me devient impossible, pour 
ne pas attrouper le peuple autour de moi, et je ne fais 
aucune espèce d'exercice. Ma santé s'en ressent par une 
diminution toujours croissante d'appétit et de som- 
meil... (1). » Le jardin une fois dessiné et planté, le car- 
dinal batailla pendant des mois pour obtenir un bassin 
d'arrosage, qu'on lui chicanait malgré la proximité de 
la Seine, et dont l'absence le contraignait de recourir à 
des moyens héroïques : t ... Environné d'eaux de tous 
les côtés, je n'en ai pas une seule goutte dans le jardin, 
et je sacrifie le réservoir destiné à la baignoire et à la 
garde-robe de mon appartement pour faire arroser à 
grands frais et d'une manière insuffisante les nouvelles 
plantations (2). » 

Une affaire tragi-comique fut celle des glaces (3). Fesch 
avait peut-être payé de ses deniers celles qu'il avait 
commandées : ce qui est certain, c'est qu'il les avait 
fait enlever quand il s'était définitivement désisté de 
toute prétention au siège de Paris. Le 19 mars 1841, 
avec une désinvolture affectée, Maury avisa Bigot de 
Préàmeneu qu'à la suite d'une conversation avec lui et 
avec le préfet de la Seine, il s'était cru autorisé à faire 
poser des glaces, et que le mémoire du miroitier se 
montait à la bagatelle de 27,000 francs. Le ministre se 
récria : «... Je n'ai jamais été dans le cas de dire cela... 
Je n'ai reçu aucuns nouveaux ordres qui me permettent 
de dépasser les 450,000 francs pour réparations de l'ar- 
chevêché. 9 Le cardinal redoubla les instances (7 mai et 
11 juillet 1811), sur un ton qui devenait beaucoup plus 

(1) A Bigot de Préamenau, 3 mai et 21 septembre 1811 : F. 19, 319. 

(2) Au même, 10 avril 1813 : F. 19, 318, 

(3) £Ue remplit tout un petit dossier, dans le carton F. 19, 318* 



•i: 



350 ADMINISTRATION DE MAURY 

humble : • ... Je vous Bupplie de ne plus m'exposer par 
un plus long délai à être assigné moi-même comme 
débiteur de ces glaces. La menace m'en a été faite avec 
beaucoup de politesse et de fermeté. » Sans se laisser 
troubler par cette perspective, Bigot de Préameneu ren- 
voya le prélat à Frochot, représentant du département, 
et conclut en termes assez secs (13 août 1811) : c Ce 
serait inutilement, monsieur le cardinal, que vous solli- 
citeriez de nouveau auprès de mon ministère le prix des 
glaces fournies par le s. Lamy » . Sur les fonds départe- 
mentaux ou sur les deniers personnels de Maury, le 
miroitier reçut un à-compte de près de 7,000 francs, qui 
le fit patienter pendant quelques mois; mais le 23 avril 
1812, Montalivet, que le cardinal avait su gagner à sa 
cause^ écrivait à son collègue des cultes que ce com- 
merçant menaçait, non plus de faire un procès^ mais de 
reprendre les glaces fournies par lui. On finit sans douté 
par le désintéresser. 

Ceci n'est qu'un épisode, pris entre bien d'autres. Dès 
l'automne de 1811, Bigot de Préameneu, mécontent et 
inquiet de l'importance des dépenses engagées, répri- 
mandait l'architecte Poyet, qui répliquait : «... S. Ém. M. le 
cardinal Maury commandait lui-même, ou faisait com- 
mander par M. son neveu ou M. son frère les ouvrages 
dont il s'agit, et c'était directement aux ouvriers que ces 
messieurs donnaient des ordres, non pas à moi, puisque 
j'avais reçu de Votre Excellence celui de ne plus rien 
faire, les fonds étant épuisés... (1). » Frochot cependant 
prenait la défense du cardinal, en faisant valoir qu'il 
avait reçu de l'empereur l'ordre de s'installer d'urgence 
au palais archiépiscopal, et que pour pouvoir simpl 

■ » - 

(1) Novembre 1811 : F. 19, 31Ô. 



TRAVAUX AU PALAIS ARCHIÉPISCOPAL 357 

ment placer son mobilier il avait dû faire achever un 
certain nombre de travaux (1). Le ministre des cultes, 
qui savait son maître inflexible en matière de comptabi- 
lité, s'en tenait rigoureusement aux chiffres : par excep- 
tion, Napoléon avait consenti à affecter 400,000 francs à 
la restauration de l'archevêché, puis à allouer un sup- 
plément de 50,000 francs; ce double crédit était épuisé : 
«... Désormais toutes dépenses concernant cet édifice 
restent comme auparavant à la charge du départe- 
ment (2). » Sans se laisser rebuter, ni sans comprendre 
combien sa considération souffrait de ces perpétuelles 
quémanderies, Maury dès le printemps suivant sollici- 
tait des travaux assez importants : «... Il est pour moi 
du plus grand intérêt que les fonds destinés à cette 
dépense soient assignés par l'empereur avant son 
départ (3). Une année de jouissance est pour moi d'une 
haute importance à mon âge (4). > 

Poyet, l'architecte, qui s'était peut-être prêté sans 
trop de résistance aux coûteuses fantaisies de Fesch et 
de Maury, en devint indirectement victime : sur les 
crédits ainsi épuisés, il ne resta plus de quoi régler ses 
honoraires. Dès le 5 janvier 4841, avec mille circonlo- 
cutions, il demandait un à-compte à Bigot de Préame- 
neu, en prétextant le désir de faire un placement excep- 
tionnellement avantageux, conseillé par son notaire : 
«... J'avoue, Monseigneur, que j'ai été arrêté par la 
crainte de n'être pas accueilli favorablement par Votre 
Excellence; mais Madame la comtesse (5), à qui j'ai pris 
la liberté d'en parler, ayant eu bonté de me conseiller 



(!) A Bigot de Préameneu, 7 novembre 1811 : F. 19, 318. 

(2) A Frochot, 29 novembre 1811 : Ibidem. 

(3) Pom' la campagne de Russie. 

(4) A Bigot de Préameneu, 28 avril 1812 : F. 19, 318. 

(5) Mme Bigot de Préameneu. 



356 ADMINISTRATION DE MAURY 

de VOUS en écrire, j'ai Thonneur de vous supplier 
80U8 ses auspices de vouloir bien faire droit à ma 
demande... (i). > Cette diplomatie se heurta moins à 
une mauvaise volonté caractérisée qu'au manque de 
ressources : trois ans plus tard5. la campagne de France 
déjà conunencée, le malheureux n'avait encore rien 
touché de ce qui lui était dû, et faisait le candide aveu 
de sa détresse : < ... Je suis réellement très embarrassé 
de me trouver absolument sans fonds, mon notaire ne 
pouvant d'ailleurs me faire de prêt (2). > 

Si Napoléon consentit malgré tout dans une large 
mesure à embellir et à agrandir le palais archiépiscopal 
de Paris, ce fut moins pour complaire à Maury que pour 
ménager une demeure princière au pape, dans le cas où 
celui-ci, réalisant le rêve impérial, viendrait à habiter 
Paris. 

< Tout avait été préparé pour que ce palais fût 
meublé avec plus de magnificence que les Tuileries 
mêmes;, tout devait y être or, argent ou tapisseries des 
Gobelins, retraçant des événements tirés de l'Histoire 
sainte... En 1813^ sans les événements de Russie, le pape 
eût été évéque de Rome et de Paris, logé à l'archevêché; 
le Sacré-Collège, la Daterie, la Pénitencerie, les Missions, 
les Archives, eussent été placés autour de Notre-Dame 
et dans l'île Saint-Louis; Rome eût été transportée dans 
l'ancienne Lutèce... (3). » En ajoutant qu'il regrettait de 
ne pouvoir aussi transporter à Paris l'église Saint-Pierre^ 
et qu'il avait toujours été « choqué de la mesquinerie de 
Notre-Dame > , le prisonnier de Sainte-Hélène trahissait 
la hantise du gigantesque qui déformait alors ses sou- 

(1) F. 19, 318. 

(2) A Bigot de Préameneu, 19 janvier 1814 : îhi^m. 

(3) Correspondance de Napoléon, t. XXX, p. 556-557« 




TRAVAUX AU PALAIS ARCHIEPISCOPAL 359 

venirs: L'archevêché, très convenablement restaure', ne 
reçut jamais la luxueuse décoration décrite ici, et qui 
n'avait été prévue que pour le palais du roi de Rome; 
jamais non plus il ne fut question de l'installation du 
pape à Paris comme d'un événement imminent. 

Ce qui est vrai, c'est qu'un décret du 8 novembre 
1810, rendu en exécution du sénatus-consulte du 
17 février, attribua l'archevêché comme résidence au 
pape, lors des séjours éventuels qu'il ferait dans la capi- 
tale; un article du décret ajoutait : « L'archevêque de 
Paris ne pourra demeurer dans ce palais que pendant le 
temps qu'il ne sera point occupé par le pape. » Maury 
parut d'abord fort peu s'inquiéter de cette perspective : 
puis soudain, lors du transfert du pape à Fontainebleau 
(juin 1812), il se mit précipitamment en quête d'un 
domicile pour le jour où il lui faudrait quitter Tarcbe- 
vêché, et Jeta son dévolu sur l'hôtel de Nivernais, rue 
de Tournon (aujourd'hui ia caserne de la garde républi- 
caine) (1). Sur ses instances, le ministre des cultes, 
envoya une proposition conforme au quartier général 
de Wilna, d'où revint un laconique ordre d'ajourne- 
ment (2); l'idée pourtant, encore agitée à plusieurs 
reprises dans la correspondance de Maury, ne fut défi- 
nitivement abandonnée qu'en 1813. 

(1) Plusieurs pièces relatives à ce projet sont dans le carton 
P. 19, 319. — Cf. Jauffbet, Mémoires histtkriques, t. II, p. 492-493. 

(2) Feuille de travail du 15 juillet 1812 : ÀF. IV, 981. 



CHAPITRE VII 

PROTESTANTS, JUIFS BT PHANGS-HACOMS 
I. Protestants. — II. Juifs. — III. Francs-Maçons. 



ï 



La loi du 18 germinal an X mettait les deux confes- 
sions protestantes qui comptaient en France des fidèles 
sur un pied de complète égalité avec l'Église catholique. 
Dans les débats législatifs, tous les orateurs avaient 
insisté sur cette innovation, les uns, comme Portalis, 
pour mieux combattre les préventions si répandues 
contre le Concordat, d'autres, comme le tribun calviniste 
Jaucourt, pour exalter ce caractère officiel réconnu à un 
culte qui avait été longtemps proscrit ou réduit à une 
dédaigneuse tolérance. 

Le Concordat ruinait les espérances de ceux qui avaient 
rêvé, avec Mme de Staël, de faire du protestantisme la 
religion d'État de la France moderne. On se flatta tout 
au moins que parmi les personnes brouillées de longue 
date avec la pratique du catholicisme, il y en aurait 
beaucoup qui, se croyant tenues par convenance ou par 
docilité politique à faire acte de religion, adhéreraient 



PROTESTANTS >S1 

aû protestantisine (1). Cette idée prit assez de coneistance 
lors de la promulgation da Concordat pour que le 
ministre de Prusse, LuccbeBini, crAt devoir la trans- 
mettre â son souverain (2). De son côté, après avoir 
annoncé tout d'abord que le nombre des néophytes était 
« très médiocre • (3), le préfet de police prétendait on 
mois plus tard que mal^é la scrupuleuse réserve du 
pasteur Marron, qui s'abstenait de tout acte de prosély- 
tisme, le nombre des fidèles ne cessait d'augmenter aux 
offices du temple Saint-Thoma»du-Loavre (4). 

Dans cette période des débuts, le coite réformé propre- 
ment dit, c'est-à-dire évangélique ou calviniste, parut 
seul compter & Paris des adhérents assez nombreux pour 
recevoir une organisation ofScieUe, par l'établissement 
d'une église consistoriale. CeUe organisation s'efTectua 
d'ailleurs sans hAte : ce fut seulement le ISjanvier 1803 
que Marron (5), maintenu en qualité de pasteur de 
l'église consistoriale de Parie, prêta entre les mains du 
préfet de police le serment prescrit par l'art. 26 des 
Organiques des cultes protestante (6). t'a peu plus tard, 
le consistoire fut élu selon le mode de suffrage très cen- 
sitaire qu'instituait l'art. 24 (7) ; il comprenait surtout 
des personnages officiels ou des notabilités parisiennes, 
e le sénateur Sers, le conseiller d'État Felet (de la 



(1) Rapport du préfet de poIice,I3);en[iiiialajiX{13avriI 180!) ; 
AnLABD, ParU low U Contalat, t. 11, p. t3î. 

(ï) 9 avril ISOS : Bodlat de la MBCntHit, Diitutaenliinr la négo- 
cMion dti Cmuordat, t. V, p. 43Î, 

.(3) Rapport du ï Horëal (32 arril) : Ail*rd, Parit ivut le Cun- 
luial. t. 111, p. S. 

(4) Rapport du 8 prairial (18 mai) : Ibidem, t. Il), p. 78. 

(5) Sur ce personnage, cf. Parii $ota Napoléon, U I, p. 33S'336. 
(S) Journaux. 

:{i) Etaient seuls électeurs les vingt-cinq rbeh de famille pro- 
teftants les plu^ imposé» au r^le des contri butions directes. 



362 PROTESTANTS 

Lozère), les tribuns Jaucotirt et Boissy' d'Anglas^ le 
législateur Rabaut le jeune, le Gonseill^r général Bider^ 
mann, les banquiers Delessert père et Mallet aîné; Au 
début de mai 1803, le consistoire obtint une audience du 
Premier Consul : après une harangue du pasteur Marron, 
Bonaparte répondit gracieusement « qu'il n'ignorait pas 
que la morale prèchée dans leur temple était pure^ et 
aussi favorable au bon ordre qu'aux bonnes mœurs (i). * 
Cette audience de présentation fit précédeqt, et Portalis 
reconnut au consistoire de Paris le droit d'être reçu par 
le chef de l'État dans les circonstances solennelles (2), 

A Paris . comme ailleurs, les réformés, privés de 
temples depuis la révocation de l'Édit de Nantes, dési*. 
raient ardemment qu'on leur attribuât quelques-unes des 
églises désaffectées. Il s'était écoulé depuis la suppres- 
sion des congrégations assez de temps, il s'était surtout 
passé assez d'événements pour que cette attribution 
pût avoir lieu sans blesser au vif les consciences catho- 
liques. Un arrêté consulaire du 2 frimaire an XI mit à la 
disposition des réformés, outre l'église Saint-Thomas- 
du-Louvre (3), dont ils avaient déjà la jouissance^ celles 
de l'abbaye de Penthemont, rue de Grenelle, et de la 
Visitation Sainte-Marie, rue Saint-Antoine* Dans ce der- 
nier local, par suite de la ténacité d'un ancien curé cons- 
titutionnel, le culte protestant ne fut inauguré que le 
dimanche 4" mai 1803 (4). 



(1) Journal des Débati, 20 floréal an XI. 

(2) Portalis à Bonaparte, 24 prairial an XI (48 juin 1803) : AF. 
IV. 1044. 

(8) L'ancienne église Saint-Thomas-du-Louvre, écroulée «n 1739^ 
avait été remplacée par une église dénonunée Saint-Louis, mais 
le nom d'autrefois prévalait dans la pratique. 

(4) Rapport du préfet de police, 11 floréal an XI (l*' mai 1803) : 
F. 7, 3831. 



Les craTuix -ma^c^ atnir r— i-r .»■ l^n»— f *ia 
Tnilni» ^cùusnc Ji uanLiin- a. u- !"T^pi£t; Âkuc- 
ThoottSHk-LdTciT^ 2 fin ih -jimir tut.r-i uimur çl :ii. 
«Hnpeiisatiiat. i« Tv&iraa^ ;— :"i(r»uKi- ii _>;iuïss»ao* 
d'nD MDttt iifiij:'^ siuiî :a ir-^ia TO5':if katrs sur r 
choix, «t i îiE peiCi:ii. w 7-.ti»î ms îLi-.-.ï*. i-- 
Manis (!■- lis ^assciaijr *« rût.-:T.rf2- sias è-x.? 
d'un chéMt^a^Lt hf ^arùs l-lsbl iiu^":r{-. a j> 
obtinraiL à U pcrV «nîtae ri L.:irr~- Il frir .^ t î .v^V 
%lise d*- rOnLztz». rwe ^A:i-.-E:c■ f« ; j. ï:;f.\-'^r*0.- 
catfaoKqDe -pi y »T-in -m^ -^-i-w <« lH>i r"»» j.;; ;-»r^.cs 
en qQ-oDc enïîrr&?^ -•'---''■* \i , « IVi^^ s»tcm: 
depuis b Rnc-ÏTiâi^i lax i.;;^i:r.'i:;.'Eii-j\)ir^i:sî"',*;<* 
C'est le 31 nuis 181 1 -^1» it fs/.^ p:\-4e:>Unî > fui .vl-,^ 
bré pour U praniêrv Î-As : p^r anv- tl>:tîvM:^ »i:t'itlK>H. hc 
ministre qni oEBdut tii dan^ îOr. di>ivur> diu.iu^^ttralittn 
l'eloge de l'ancienne congriê^ation de 1 Oratom' et n\»«u- 
mément de ses membres les plus illu^ln's, te):^ que M.sle- 
branche et MassillOD |3). 

Sans spécifier aucun chiffre, iart. 7 des itri-sHi.iues 
statuait : • Il sera pourvu au traitement d 
des églises consisloriales. > lii arrive ooi 
15 germinal an XII proportionna ce trtiil 
population des communes, et établit trois el 
auparavant, un règlement spécial était inlo 
Paris, qui se trouva ainsi constituer une 

(1) Jmmal de l'Empire, 15 septemLiu 1800- 

(2) Gbknte, te Cvtte catholique à Parti, p. Ï8*. 

(3) Rapport du préfet de police, 1" ftviU IBH : l' 
traditions de courtoisie «e sont pBi'piUuiiiiii ; Il , 
(uuiées, les Bucceaseurs de ce paittour «" ixmt \irM 
!eure grâce du monde au» reclieiclias ipiii diVlinll I' 
de France reconsUtué, pour retrouver lu" riiiln» du 
rieur général, le P. de Condren. 



364 PROTESTANTS 

part. Le consistoire avait sollicité un traitement de 
4,000 francs pour chacun des trois pasteurs de Paris, en 
alléguant assez judicieusement < que le culte protestant, 
qui ne consiste que dans la prédication, exige que l'exer- 
cice n'en soit confié, surtout dans la capitale et dans 
quelques autres villes principales, qu'à des hommes de 
lettres qui puissent se consacrer entièrement à l'instruc- 
tion religieuse et au talent de la parole (1) ». Néan- 
moins, sur la proposition de Portails, l'arrêté du 3 mes- 
sidor an XI fixa le traitement global des trois pasteurs 
de Paris à la médiocre somme de 9,000 francs, en lais- 
sant au consistoire le soin d'opérer la répartition (2). 

A l'occasion d'un article de journal qui, sous couleur 
de prendre la défense des Irlandais opprimés par la 
perfide Albion, avait attaqué le principe même de l'an- 
glicanisme. Portails écrivait à l'empereur : « J'eusse 
désiré qu'on eût laissé le culte protestant à l'écart, et 
qu'on eût évité tout ce qui peut inspirer quelque inquié- 
tude aux protestants français, qui sont très suscep- 
tibles... (3). » Comme il arrive en effet aux minorités 
longtemps persécutées, les protestants, même affranchis, 
même pourvus d'un statut officiel, conservaient une 
ombrageuse susceptibilité, que le moindre incident 
suffisait à mettre en éveil (4). Le sacre, et surtout la 

(1) Portails à, Bonaparte, â messidor an XI (21 juin 1803) : AF. 
IV, 1044. A la fin de 1801, lors de Tenquéte officieuse faite par 
Portails, les calvinistes avaient réclamé pour les pasteurs de 
Paris des traitements de 6,000 ou même 8,000 francs. (Boclay de 
LA Meurthe, DoeumenU sur la négoàation du Concordat, t. IV, 
p. 390-391, note.) 

(2) Cet arrêté, non inséré au Bulletin des lois, a été publié dans 
divers recueils. — Cf. Dalloz, Code des lois politiques et (idminis 
tratives, t. II, 3« livraison, p. 302, note. 

• (3) 17 juin 1807 : AF. IV, 1046. 
(4) A Tautomne de 1804, en marge d'un bulletin de police qui 



PROTESTANTS 368 

venue de Pie VII à Paris, les jetèrent dans les transes : 
plusieurs d'entre eux, pourvus de fonctions officielles^ 
tinrent chez un membre du Corps législatif des conci- 
liabules pour e'changer leurs inquiétudes sur le rétablis- 
sement d'une religion d*État et la suppression de la 
liberté de conscience (1); le bruit courait, assez con- 
forme aux idées du dix-huitième siècle en matière de 
politique religieuse, que l'empereur se proposait de 
décréter d'office la fusion des diverses conununions 
chrétiennes (2). Par politique néanmoins ou par une de 
ces inspirations conciliantes qui lui étaient familières, 
le pasteur Marron organisa au temple Saint-Thomas- 
du-Louvre, un jour de semaine, un service solennel en 
rhonneur du couronnement : il eut soin de louer dans 
son discours les vertus apostoliques de Pie VII, et for- 
mula des vœux lui aussi en faveur d'une réunion future, 
fondée sur le libre assentiment de tous les croyants (3). 
Les protestants célébrèrent d'ailleurs ponctuellement 
la fête catholique du 15 août, devenue la fête patronale 
de l'empereur. Les discours prononcés par leurs pas- 
teurs en cette circonstance égalaient en servilité ceux 
des prédicateurs de Notre-Dame, à côté desquels ils moi- 
sissent fraternellement dans un même carton des 
Archives Nationales (4) : en 4810, Rabaut-Pommier 
entreprit d'établir, par une démonstration en règle, 

signalait la tendance des évêques à favoriser le retour aux 
anciennes pratiques et le rétablissement des confréries, Fouché 
ajoutait de sa main : « Il est certain que les protestants com- 
mencent à concevoir quelques inquiétudes. Ils se plaignent que 
le Concordat n*est pas observé. Us craignent le retour des je 
suites. » (9 vendémiaire an Xni(l" octobre 1804) : AF. IV, 1491.) 

(1) Rapport du préfet de police, 12 frimaire an XIII (3 décembre 
^.804) : F. 7, 3833. 

(2) Rapport du même, 15 frimaire (6 décembre) : Ibidem, 

(3) Journal des Débats, 10 nivôse an XIII. 

(4) F. 1 c. III, Seine, 25 (au moins pour 1806). 



3«6 PROTESTANTS 

<iue Tavènement de Napoléon avait été annoncé par les 
prophètes (i). 

Les luthériens de Paris n'avaient jamais formé de 
communauté distincte : de temps immémorial, les 
familles d'origine alsacienne ou allemande qui se ratta- 
chaient à la confession d'Augsbourg suivaient les offices 
dans la chapelle de la légation de Suède. En 180â, il 
parut superflu de rien innover à cet égard, quoique 
l'annexion à la France des départements rhénans et les 
multiples * déracinements » provoqués par la Révolu- 
tion eussent incontestablement grossi la population 
luthérienne de la capitale. 

Quatre ans plus tard, soit sur une réclamation des 
intéressés, soit sur une initiative directe de Napoléon, 
Portails signalait officiellement « l'inconvenance qu'il y 
avait à ce que des sujets de Votre Majesté fussent exercer 
leur culte dans des chapelles étrangères (2). » Il évaluait 
le nombre des luthériens de Paris à quatre ou cinq cents 
familles, fixées surtout dans le Marais et le faubourg 
Saint-Antoine, sans compter un contingent mobile d' « ou- 
vriers^ garçons ou compagnons » . Conformément à ses 
conclusions, un décret du 15 août i806 érigea à Paris 
un « oratoire ou maison de prières », rattaché à l'une 
des églises consistoriales de Strasbourg et desservi par 
un pasteur; mais tandis que Portails proposait, par 
assimilation avec les ministres calvinistes, de donner 
3,000 francs de traitement à ce pasteur, le décret le 
réduisit à 1,500. « Nos fidèles sujets de cette conunu- 
nion, » statuait l'art. 2 du décret, « exerceront leur 
culte dans le temple de cet oratoire, exclusivement à 
toute chapelle étrangère. » 

(1) Grégoire, Histoire des sectes, t. II, p. 109. 

(2) Rapport du 13 août 1806 : AF. IV, plaq. 1433. 



PROTESTANTS 

11 faut croire qu'il n'y avait point péril en la demei 
car le principe une fois posé, on mit fort peu d'empi 
sèment à venir h. l'application. Ce fut seulement au h 
de près de deux ans que le préfet de la Seine fut ai 
risé à acquérir « l'église des Carmes Billettes et les b 
ments contigus > pour les aifècter au culte de la con 
sion d'Augsbourg (1). Ce monastère, situé au Mar 
dans une rue qui avait pris le nom des religieux 
avait été édifié au moyen âge sur l'emplacement d' 
maison d'un juif qui avait voulu profaner une ho 
consacrée. — Sur ces entrefaites, Bigot de Préamer 
devenu ministre des cultes, exposa à Napoléon que 
pTédécesseur s'était mépris sur l'importance du gro 
luthérien de Paris : au lieu de 1,600 & 2,500 fld 
que comptait Portails, il y en avait en réalité envi 
10,000. Dès lors, il convenait de créer pour la capi 
et la région environnante non plus un simple orato 
mais une église consistoriale, desservie par deux ] 
leurs, qui recevraient chacun 3,000 francs de trs 
inent, comme les ministres du culte réformé (3), 
décret conforme fut rendu le H aoûtlSOS : comme, 
difîérence des calvinistes, les luthériens possédaient 
hiérarchie, consacrée par la loi de l'an X, la nouv 
église consistoriale de Paris fut placée sous la déf 
dance du consistoire général de Strasbourg. Il fa 
encore attendre au printemps de 1809 pour la nomi 
tion des deux pasteurs, Boissard et Gtepp, design* 
l'unanimité par le consistoire (4), et au mois de novem 
pour l'inauguration du temple des Billettes. L'évt 



(1) Décret du S juillet ISOS : AF. IV, plaq. 8310. 

2) Depuis una quinzaina d'années, la rue des Billettes a 

jorbée dans la rua des Archives. 

'3) Rapport du 3 août 180S : AF. IV, plaq. !3S7. 

'*) Décret du 13 avril 1809 : AF. [V, plaq. 2759. 



368 PROTESTANTS 

ment parut assez important pour être mentionné dans 
l'Exposé de la situation de TEmpîire, lu par Montalivet 
à l'ouverture de la session du Corps Législatif; la com- 
munauté parisienne des fidèles de la confession d'Augs- 
bourg y était désignée sous le nom de c luthériens du 
faubourg Saint-Antoine » (i). Pendant plusieurs années, 
ceux-ci célébrèrent solennellement l'anniversaire du jour 
où la munificence impériale les avait mis en possession 
d'un temple (2). 

Il se perpétua à Paris, sous la domination napoléon- 
nienne, des réunions clandestines de quelques sectes qui 
se rattachaient plus ou moins au christianisme. Les 
convuhionnaires se réclamaient à tort ou à raison des 
doctrines jansénistes (3). A l'extrémité opposée, les 
quiétisteSf dont la propagande devait se développer sur- 
tout pendant la Restauration, faisaient circuler des 
cahiers manuscrits où était contesté le dogme, de l'éteiv 
nité des peines (4). Un groupement plus bizarre encore 
était celui des chrétiens de saint Jean l'Êvangéliste^ qui 
tenaient au Pré Saint-Gervais ou à Ménilmontant, sous 
la présidence d'un cordonnier, des conventicules où ils 
prétendaient que l'apôtre Jean leur apparaissait; ils ne 
se recrutaient guère que dans le menu peuple; pour- 
tant, le mathématicien Mauduit était au nombre de leurs 
adeptes (5). On signalait aussi au faubourg Saint-Mar- 
ceau^ en 1805, des réunions clandestines où les trans- 
ports extatiques se mêlaient à des scènes de débauche; 
le chef, ijn prêtre concubinaire, promettait aux plus 



(1) 12 décembre 1809. 

(2) Cf. le bulletin de police du 26 novembre 1811 : AF. IV, 151f 

(3) Grbooirb, Histoire de* tecUi, t. II, p. 193. 

(4) Ibidem, t. II, p. 183. 
(6) Ibidem, t. II, p. 88-89. 



JUIF8 369 

fervents d'entre ses fldèles le don d'impeccabilité (1). 
L'existence de ces sectes, très clairsemées et très igno- 
rées de la foule, atteste le cours ininterrompu, au début 
du dix-neuvième siècle, des excentricités ou des dépra- 
vations du sentiment religieux : mais les conditions 
générales leur étaient alors trop manifestement con- 
traires pour qu'elles pussent prendre un développement 
appréciable. Ce n'est qu'à titre de curiosité que l'bistoire 
doit les mentionner (2). 



II 



En présentant au Corps Législatif le projet qui devait 
devenir la loi du 18 germinal an X, Portalis expliquait, 
avec son ingénieuse et abondante éloquence, pourquoi 
le gouvernement s'était abstenu de réglementer l'exercice 
de la religion juive : « Elle doit participer, comme les 
autres, à la liberté décrétée par nos lois. Mais les Juifs 
forment bien moins une religion qu'un peuple; ils exis- 
tent dans toutes les nations sans se confondre avec elles. 
Le gouvernement a cru devoir respecter l'éternité de ce 
peuple, qui est parvenu jusqu'à nous à travers les révo- 
lutions et les débris des siècles, et qui, pour tout ce qui 

(1) Rapport du préfet de police, 5 pluviôse an XIII (25 janvier 
1805) : F. 7, 3833. 

(2) Si je n'ai pas parlé de la Petite Église, si nombreuse et si 
vivace dans certaines régions, c'est qu'à Paris, par suite de l'atti- 
tude très nette de l'archevêque démissionnaire Juigné, elle n'exista 
réellement pas, et que l'opposition au Concordat fut toute poli- 
tique; si par exemple au commencement de 1805 la police saisis- 
sait chez un. abbé de Laneuville des brochures et des écrits anti- 
concordataires, c'était avec des exemplaires d'une oraison funèbre 
du duc d'Enghien. (Rapports du préfet de police, nivôse-pluviôse 
an XIII : F. 7. 3833). 

IV. ii 



870 JUIFS 

concerne son sacerdoce et son culte, regarde comme un 
de ses plus grands privilèges de n'avoir d'autres règle- 
ments que ceux sous lesquels il a toujours vécu, parce 
qn*il regarde comme un de ses plus grands privilèges 
de n'avoit que Dieu même pour législateur (4). » 

A cMé d'un hommage pompeux, ces belles phrases 
contenaient une menace, car si les Juifs étaient consi- 
dérés comme un peuple distinct, on pouvait en tirer argu- 
ment pour leur contester l'égalité civile et politique qui 
leur avait été octroyée par la Révolution. De là des 
appréhensions, qui, à Paris du moins, furent accrues par 
une maladresse des bureaux de Frochot; dans l'été de 
4802, un Israélite au nom très exotique, mais fixé depuis 
longtemps dans la capitale, écrivait tout effaré au Pre- 
mier Consul : « ... Le préfet du département de la Seine 
adressa mytitérieusement à deux de mes confrères une 
longue série de questions sur leur état civil et religieux, 
et il demande, entre autres, à connaître toutes les lois ren- 
dues contre nous sous l'ancien régime. Je lui ai écrit pour 
lui demander le motif de sa curiosité, qui inquiète beau- 
coup non seulement les Juifs, mais encore les autres non- 
catholiques qui craignent quelque changement dans la 
Constitution (2)... » Des explications du préfet, il résulta 
que cette enquête à l'apparence inquisitoriale n'était 
destinée qu'à permettre d'établir la description statis- 
tique du département (3). 

Quoique leur -culte nef ût ni réglementé ni subventionné 
par l'État, les Juifs parisiens étaient très exacts à solen- 



(1) Discours du 5 avril 1802 : Boulay de la Mburthe, Docu- 
ments sur la négociation du Concordat, t. V, p. 387-388. 

(2) Zalkind Hourwitz à Bonaparte, 30 thermidor an X (18 août 
1802) : F. IcIII, Seine, 29. 

(3) Frochot au ministre de l'intérieur, 12 fructidor (30 août) : 
Ibidem^ 



JttlFS 371 

niser, danB leur synagogue de la rue Sainte-Avoye, au 
Marais, les grands événements politiques : c'est ainsi 
qu'ils organisèrent des fêtes d'actions de grâces, avec 
chants hébreux et discours français, pour commémorer 
un peu tardivement la proclamation de l'Empire (1) elle 
couronnement (2). 

La question de la capacité civile et commerciale des 
Juifs ne tarda point à se poser, à propos des dettes usu- 
raires qui accablaient les populations rurales du pays 
rhénan, de l'Alsace et d'une partie de ia Lorraine (3). 
Après une vive et brillante polémique de presse, où les 
Juifs furent surtout attaqués par Bonald et défendus 
par Grégoire, le conseil d'État fut saisi. Malgré l'opposi- 
tion quasi-unanime des légistes de cette assemblée, qui 
répugnaient à déroger aux principes de Tégalilé, Napo- 
léon fit rédiger, sur, la proposition de l'auditeur Mole, le 
décret du 30 mai 1806, suspendant pour un an, dans 
certains départements de l'est, l'exigibilité des dettes 
contractées par les cultivateurs non-négociants, « lorsque 
les titres contre ces cultivateurs auront été consentis 
par eus en faveur des Juifs. • 

Pour grave que fût cette décision, elle ne touchait pas 
directement les israélites parisiens. Mais un article du 
même décret convoquait à Paris pour le 15 juillet (cette 
date fut ensuite abandonnée pour le 29) • une assemblée 
d'individus professant la religion juive et habitant le 

(1) Rapport du priitet de police, S IherniMor an XII (îi juillet 
18M) : F. T, 3S3i. 

(î) Cette seconde cérémonie eut lieu le 30 janvier 1805 : Jour- 

(3) En dehors de l'intéressant rt'cit de Pasquieh {Mêmoiret, 
t. I, p. S70-SS9), on peut con!>ult«r une très complète monographie 
de M. Vh. Saonac, le$ Juifi et Napoléon, puhliée de 1900 tk 1903 
dans la Revue d'hittoirr moderne et contempoToine, 



\ 



,.,! 



Zlt JUIFS 

territoire français •. Les délégués, désignés par les pré- 
fets, ne tardèrent point à arriver, émus et intrigués : 
c Les Juifs convoqués à Paris, » écrivait-on au ministère 
de la police, « paraissent ignorer l'objet de cette convo- 
cation. Leur opinion commune est qu'il s'agit de chan- 
gements importants dans leur culte (1). » En réalité^ 
l'assemblée, présidée par le Bordelais Furtado, fut saisie 
par les commissaires impériaux, Mole, Portails fils et 
Pasquier, d'une série d'interrogations, tendant à établir 
si la loi de Moïse était compatible avec les principes 
essentiels des mœurs et des institutions de l'Empire. 
Tout en se déclarant personnellement portés vers l'affir- 
mative, les délégués, commerçants ou banquiers pour 
la plupart, ne déguisèrent point leur incompétence : pour 
trancher d'aussi graves questions doctrinales et discipli- 
naires, il faudrait l'intervention du Grand Sanhédrin^ où 
l'élément rabbinique prédominerait. 

Rapportée à Napoléon, cette idée lui agréa, et il 
ordonna la réunion du Sanhédrin, qui avec les délégués 
déjà réunis à Paris comprendrait des représentants de 
toutes les synagogues de l'Empire (2). Après une céré- 
monie religieuse à la synagogue de la rue Sainte-Avoye, 
les séances s'ouvrirent le 10 février 1807 à la salle Saint- 
Jean, contiguë à l'Hôtel-de-Ville, et se poursuivirent 
jusqu'au 9 avril, au milieu d'une très vive curiosité; 
bien qu'en principe le Sanhédrin siégeât à huis clos, bon 
nombre de badauds parvinrent sous un prétexte quel- 
conque à violer la consigne (3). 

Malgré les dispositions très satisfaisantes dont avaient 
fait preuve les membres du Sanhédrin, au sujet notam- 
ment du service militaire, du code Napoléon, de la ré- 

(1) Bulletin de police du 25 juillet 1806 : AF. IV, 1497» 

(2) Note du 3 septembre 1806 : Correspondance, 10725» 

(3) MÈNE VAL, .jtfémoire«^ t. II, p. 145-146. 






JDIPS 

ptobation' de l'usure et de la polygamie, le prem 
deux dëcrets organiqueB du 17 mars 1808 restr 
la complète égalité civile acquise aux Juifs de 
Ilévolution. A l'exception de ceux de la Gironde 
Laudes, considérés comme complètement assimi 
ne jouissaient désormais que d'une capacité comn: 
limitée ; de plus, ceux qui tiraient un mauvais i 
à la conscription devaient le service militaire pen 
et seuls entre tous les citoyens français, il lev 
interdit de se faire remplacer, même par des cort 
naires. 

L'émoi fut très vif dans le groupe des israéliti 
siens. L'année précédente déjà, sur le seul bruit 
préparait au conseil d'Etat un décret tendanl 
rendre solidaires des délits et méfaits de leure 
gionnaires du reste de l'Empire, ils avaient p 
mobiliser leur fortune et de s'expatrier, comm 
pères l'avaient fait à tant de reprises dans le pa 
Le danger se précisait cette fois : ils demandèreni 
diatement à bénéficier de la dérogation accorc 
juifs bordelais. 

Napoléon, alors à Itayonne, reçut tout un dos 
cette affaire (2). Le ministre de l'intérieur, Gretet 
valoir dans un rapport détaillé (6 avril 1808) 
Israélites de Paris ne donnaient lien à aucune pi; 
la part des personnes avec lesquelles ils étaient 
tiens d'affaires; plusieurs d'entre eux jouissaier 
véritable considération; plus de 150 suivaient 
plein gré la carrière militaire. Une lettre du p 
police au ministre (2 avril) attestait qu'il y avait è 
peine quatre juifs faisant l'usure, et encore san 

(1) Bulletin de police des Ï1-Ï2 juin 1807 ; AP. IV, «0 
(3) AF. IV, plaq. 3iaS. 



S74 JUI1PS 

sur gages; à cet égard, l'amélioration était considérable 
depuis 1790. Une note de rarchichancelier abondait dans 
le même sens : f ... Il est certain que le très grand nombre 
des juifs qui résident dans la capitale s'y conduisent fort 
bien. Plusieurs d'entre eux tiennent des maisons de 
banque ou de commerce fort considérables. D'autres ont 
des enfants dans les armées de Sa Majesté, et dans les 
écoles spéciales. Presque tous ont manifesté de bonne 
heure des opinions conformes aux vues de Sa Majesté; 
ils sortent en grande partie des juifs appelés autrefois 
Portugais, et ceux qui viennent de juifs allemands ou avi- 
gnonnaisont perdu l'esprit de rapine qui semblait carac- 
tériser leurs aïeux... » Comme Cambacérès concluait 
qu'un décret spécial semblait inutile, l'empereur, le 
26 avril, se contenta d'écrire le mot oui, avec un pa- 
raphe, en tète du rapport de Cretet, et cette décision 
impériale suffit à épargner aux juifs parisiens les inca- 
pacités ou les sujétions qu'ils redoutaient. 

Un second décret, pareillement daté du 17 mars 1808, 
codifiait et commentait le projet de règlement du culte 
Israélite voté le 10 décembre 1806 par l'assemblée des 
délégués. Contrairement à l'avis de sa section de l'inté- 
rieur, le conseil d'Etat avait refusé de mettre le traite- 
ment des rabbins à la charge de l'État (1); mais le culte 
Israélite était officiellement reconnu, avec des synagogues 
particulières, des synagogues consistoriales, un consis- 
toire central pour tout l'Empire et le royaume d'Italie. 
Un décret ultérieur (11 décembre 1808) fixa le nombre 
des synagogues consistoriales à treize, dont une à Paris; 
un autre décret (19 octobre) établit la formule du ser- 



(1) Cet état de choses ne devait être modifié que par la loi di 
8 février 1831. 



\ 



iI>rc?d^B conîÎT-t'/irr-, 
reoi>nimandMiCT:i de 

Iquer de trof pr« U 
îcopaui 1 . 
»m[>o=^r de troU r^b- 
nn'^s pour U premier" 
lation du miniître des 
sjemblët générale dr? 
d>fcr^tdu (7 niail><0*i, 
t'JDS David Sîntzh^im. 
le Sanhédrin; Sesrr, 
le Mantou*; ; les deux 
t haf.itant* de Pari-;. 

u luûiiis, accu-rillir-Tit 
la reconnaissance uffi- 
alisation de leur cuite, 
essivement dans une 
■is, en juillet 1809 : 
il a réservé après tant 
i de rantfer l'humuie à 
tûus les sujets de votre 

Dan-i cette conceptiuu 
iibiié le culte Israélite, 
nous ne sommes plus 
.aitre. • 

ppliquèrent à célébrer 
ands événements poli- 
'i.Hes, le concours de la 

vint donner désormais 



18^3, puis en 1814. 



876 FRANCS-MAÇONS 

un caractère officiel ; c'est ainsi qu'à la cérémonie qui 
suivit la naissance du roi de Rome, on remarqua fort 
la présence d'un piquet de douze grenadiers en armes (1). 
Le premier grand-rabbin de France fut David Sintz- 
heim. Quand il mourut à l'automne de 1812^ le pasteur 
calviniste Marron crut devoir, en signe de tolérance et 
de fraternelle sympathie, non seulement assister aux 
obsèques, mais prendre la parole au cimetière. 



III 



A Sainte-Hélène, où pour faire diversion à l'accablante 
monotonie des journées on évoquait les plus variés sou- 
venirs d'un prestigieux passé, un médecin irlandais que 
Napoléon avait pris en affection s'avisa de lui demander 
s'il n'avait pas encouragé les francs-maçons : t Un 
peu, » riposta le prisonnier, t parce qu'ils combattaient 
le pape (2). » 

Ceci n'était vrai que pour les dernières années de 
l'Empire, et surtout dans les anciens États pontificaux. 
Le général Radet, ce gendarme qui avait enlevé Pie VII 
du Quirinal, était dans une certaine mesure l'interprète 
de la politique impériale, quand, en qualité de véné- 
rable de la Loge Marie-Lautse, il présidait le 23 juin 1810 
une tenue solennelle dans le palais désaffecté de la Pro- 
pagande, et quand, après avoir tiré de cette coïncidence 
matérielle de faciles antithèses, il s'écriait : « ... Je pro- 
clame dans cette fête l'empereur comme protecteur de 
la Maçonnerie, et j'ajoute ce nouveau titre de gloire à 

(1) Rapport du préfet de police, 25 mars 1811 : F. 7, 3835. 

(2) Relation d'O'Môara, reproduite dans la Correspondance de 
Napoléon, t. XXXII, p. 394. 



FRANCS-MAÇONS 

-tous ceux que lui ont déjà décerués tous 1< 
dont il fait le bonheur (l)-.- > Mais c'étaî 
ôrcoDStances de temps et de lieu bien 
nelles. — Tout en se tenant plus près de 1e 
poète Arnault exagérait en sens inverse qua 
qu'à ceux qui le mettaient en garde coati 
maçonnerie, le Premier Consul aurait 
répondu : < Ce sont des enfants qui s'amus* 
les faire et surveillez-les (2). » — La note « 
semble avoir été donnée par Portails, rappel 
rapport confidentiel qu'on avait multiplié pou 
nerie les attaches officielles, afin d'esquiv 
irréalisable de la supprimer : « ... Il serait 
en France, de détruire les réunions d'hor 
femmes connues sous le nom général de loj 
niques : en les traitant comme des réunionE 
on ne réussirait qu'à les rendre dangereuse: 
moyen de les empêcher de dégénérer en 
illicites et funestes a été de leur accorder un. 
tacite, en les laissant présider par les prec 
taires de l'État. Votre Majesté, dont le génl 
tout, a donné par là à ces établissements um 
invincible, qui était seule capable de préveii 
dangers et tous les abus (3). > 

Désorganisée par la Terreur et par le sup] 
dernier grand-mattre, Philippe-Égalité, la 
française avait été sauvée d'une totale dis[ 
les discrets et patients efforts d'un de sei 
dépourvu d'ailleurs de notoriété profane, I 

(1) La RévotiUiott françaiie (revue), 190G, t. I, p. 4 
M, Bourgin). — Cf. Madelin, ta Rome dt Napolfoii, 

(2) Souoenir» rf'un texaghiaire, t. I, p. 150. 

(3) A Napoléon, Î7 janvier 1807 : AF. IV, 1048, 



878 PRÂNGS-MAÇONS 

Montaleau. Il avait depuis 1795 reconstitué le Grand- 
Orient et rouvert la correspondance avec les Loges de 
province, refusant d'accepter la dignité vacante de 
grand-mattre et se contentant du titre de- grand-véné- 
rable. En 1802^ en comptait 114 Loges françaises^ et en 
1804 plus de 300 (1). 

Au début du Consulat^ Dubois, franc-maçon influent 
lui-même^ faisait ou laissait pourtant dénoncer les Loges 
par ses bureaux comme des centres d'agitation tantôt 
royaliste et tantôt jacobine (2). Ce grief inattendu se 
reproduisit à plusieurs reprises après Rétablissement du 
Consulat à vie (3), mais la préfecture de police ne met- 
tait plus en cause qu'une partie des Loges. Il faut dire 
que le grand développement que prit alors la maçon- 
nerie fut dû pour beaucoup à l'implantation d'une sorte 
de schisme, le rite écossais, réorganisé ou importé par 
de Grasse^Tilly. C'étaient les Loges de ce rite que Dubois 
incriminait non sans perfidie : c Les maçons tranquilles 
et qui ne s'occupent véritablement que de la maçonnerie 
cherchent dans ce momentrci à réorganiser le Grand- 
Orient, et à faire tomber petit à petit les Loges suspectes 
et surtout celles qui observent le rite écossais, parce 
que leur correspondance s'étend chez l'étranger et que 
d'ailleurs elles ne sont pas toujours très tranquilles (4). » 

La réorganisation du Grand-Orient se fit en efl'et vers 
la fin de 1803, de manière à ôter toute inquiétude à 
l'autorité, puisque Joseph Bonaparte fut proclamé grand- 
maître, avec Cambacérès pour adjoint, et que le conseil 

(1) Faute de mieux, j'emprunte ces détails à un article anonyme 
de la Grande Encyclopédie, article qui paraît l'œuvre d'un homme 
compétent en la matière. 

(2) Paris sotts Napoléon, t. I, p. 337. 

(3) Cf. les rapports des 7 frimaire, 25 nivôse et 30 nivôse an XI : 
AuLARD, Paris sous le Consulat, t. III, p. 433, 573-574 et 586. 

(4) Rapport du 19 thermidor an XI (7 août 1803) : F. 7, 3831. 



PMAITCS-HlÇOirg m 

fat en majeure partie composé de effRérsax et de grand» 
fonctiomiaireE. L'attîtade générale devînt dès Inrs net- 
tement gooTemementale : • La plupart des Loj;e<. • eori- 
vail-on en 1804, «oDt c^l'^bré leur Tolède laSaint-.lean,el 
Ton y a exprimé ni général beaucoup dattaohemeni au 
gouvernement. Les deux mots de semestre sont : K/ctvi- 
ftoK m coHtmtemetd il>. • Sans doute, lorsqu'il fut ques- 
tion pour Joseph de ceindre la couronne de roi d'Italie, 
la Loge de rhdtei d'Ali^re. réunie en un banquet, n'jela 
le toast habituel au grand-maître, sous prétexte que les 
statuts interdisaient d'avoir pour grand-maître un prince 
régnant i2). Mais cette manifestation demeura isolifi, el 
le Grand-Orient prit l'babitudej tout comme les religions 
reconnaes, de commémorer les victoires impt'riales pnr 
des réunions extraordinaires, avec chant» de circons- 
tance (3). 

Pour soutenir une périlleuse rivalité et pour n'iiMaurer 
pareillement la bienveillance du gouvernement, li<rt 
Loges du rite écossais eurent l'idée de prendre pour 
grand-mattre un autre frère de l'Empereur, Louis, et 
d'annoncer l'accession de nombreux personnage»! ofll- 
ciels, qui allaient donner à leur ordre • un nouveau 
lustre et un nouvel éclat (4) •. Peut-être par la volonté 
de Napoléon, qui entendait faire régner l'onlro ol l'u 
dans la franc-maçonnerie comme partout uillour'M, 
négociations s'engagèrent à l'automne de IHIW en 



(i) Rapport du préfet âe poliw, Ï9 nn'fslHni' du XII (IH Ji 
480t) : F. 7. 383i. 

(!) Bulletin de police du fl pluviôse Hti XIII (;::il JniivIui' Il 
AP. IV. ll»â (le bulletin du 16 pluvid»r-S U\vri,'T intiai'lo <'i> 
eelgnement. mais on a l'impression d'un diimcntl ilii riii'imi), 

(3) Cf. le rapport du prÉfet de police du 7 nlvrtmi ^n XIV ( 
3SU} et le buUetiD da police du 13 j&nvler tHUt (AP. IV, Ut 

(i) R^tport du préfet de pollco, S bruiuftlre ftn Xllt (31 od 
1M4) : P. 7, 3«SS. 



870 JUIFS 

concerne son sacerdoce et son culte, regarde comme un 
de ses plus grands privilèges de n'avoir d'autres règle- 
ments que ceux sous lesquels il a toujours vécu, parce 
qu^il regarde comme un de ses plus grands privilèges 
de n'avoir que Dieu même pour législateur (1). » 

A c6té d'un hommage pompeux, ces belles phrases 
contenaient une menace, car si les Juifs étaient consi- 
dérés comme un peuple distinct, on pouvait en tirer argu- 
ment pour leur contester Tégalité civile et politique qui 
leur avait été octroyée par la Révolution. De là des 
appréhensions, qui, à Paris du moins, furent accrues par 
une maladresse des bureaux de Frochot; dans Tété de 
1802, un Israélite au nom très exotique, mais fixé depuis 
longtemps dans la capitale, écrivait tout effaré au Pre- 
mier Consul : « ... Le préfet du département de la Seine 
adressa myjitérieusement à deux de mes confrères une 
longue série de questions sur leur état civil et religieux, 
et il demande, entre autres, à connaître toutes les lois ren- 
dues contre nous sous l'ancien régime. Je lui ai écrit pour 
lui demander le motif de sa curiosité, qui inquiète beau- 
coup non seulement les Juifs, mais encore les autres non- 
catholiques qui craignent quelque changement dans la 
Constitution (2)... • Des explications du préfet, il résulta 
que cette enquête à l'apparence inquisitoriale n'était 
destinée qu'à permettre d'établir la description statis- 
tique du département (3). 

Quoique leur <;ulte nef ût ni réglementé ni subventionné 
par l'État, les Juifs parisiens étaient très exacts à solen- 



(1) Discours du 5 avril 1802 : Boitl4y de là Meurtre, Docu- 
ments sur la négociation du Concordat, t. V, p. 387-388. 

(2) Zalkind Hourwitz à Bonaparte, 30 thermidor an X (18 août 
1802) : F. lelll, Seine, 29. 

(3) Frochot au ministre de l'intérieur, 12 fructidor (30 août) : 
lbidem4 



niser, dans leur synagogue de la rue Sainte-Avoye, au 
Marais, les grands événements politiques : c'est t 
qu'ils organisèrent des fêtes d'actions de grâces, ; 
chants hëbreux et discours français, pour commém 
un peu tardivement la proclamation de l'Empire (1) 
couronnement (S). 

La question de la capacité civile et commerciale 
Juifs ne tarda point à se poser, à propos des dettes 
raires qui accablaient les populations rurales du ] 
rbénan, de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine 
Après une vive et brillante polémique de presse, oi 
Juifs furent surtout attaqués par Bonald et défei 
par Grégoire, le conseil d'État fut saisi. Malgré l'op] 
tion quasi-unanime des légistes de cette assembléej 
répugnaient à déroger aux principes de l'égalité, N 
léoD fit rédiger, sur.la proposition de l'auditeur Mol 
décret du 30 mai 1806, suspendant pour un an, i 
certains départements de l'est, l'exigibilité des di 
contractées par les cultivateurs non-négociants, • Ion 
les titres contre ces cultivateurs auront été cons» 
par eux en faveur des Juifs, i 

Pour grave que fût cette décision, elle ne touchail 
directement les Israélites parisiens. Mais un articl* 
même décret convoquait à Paris pour le 15 juillet (i 
date fut ensuite abandonnée pour le 29) • une assem 
d'individus professant la religion juive et habitai 

(1) R&pport du préfet de police, 5 thermidor an XII (S4 j 
iao4) : P. T, 3B32. 
(S) Cette seconde cÈrémonie eut lieu le 30 janvier 180S ; 

(3) En dehors de l'intéressant n'Cit de Pasouibh (Jfem. 
t. I, p. 270-SS9), on peut consulter une très complâte monogr: 
de M. Ph. Saqnac, (ti Juift et NapoUon, publiée de tBDO è. 
dans la Stvtu d'hiitoire mod«me H conttntporaine. 



S72 JUIFS 

territoire français >. Les délégués, désignés par les pré- 
fets, ne tardèrent point à arriver, émus et intrigués : 
c Les Juifs convoqués à Paris, » écrivait-on au ministère 
de la police, « paraissent ignorer l'objet de cette convo- 
cation. Leur opinion commune est qu'il s'agit de chan- 
gements importants dans leur culte (1). > En réalité^ 
l'assemblée, présidée par le Bordelais Furtado, fut saisie 
par les commissaires impériaux, Mole, Portails fils et 
Pasquier, d'une série d'interrogations, tendant à établir 
si la loi de Moïse était compatible avec les principes 
essentiels des mœurs et des institutions de l'Empire. 
Tout en se déclarant personnellement portés vers l'affir- 
mative, les délégués, commerçants ou banquiers pour 
la plupart, ne déguisèrent point leur incompétence : pour 
trancber d'aussi graves questions doctrinales et discipli- 
naires, il faudrait l'intervention du Grand Sanhédrin^ où 
l'élément rabbinique prédominerait. 

Rapportée à Napoléon, cette idée lui agréa, et il 
ordonna la réunion du Sanhédrin, qui avec les délégués 
déjà réunis à Paris comprendrait des représentants de 
toutes les synagogues de l'Empire (2). Après une céré- 
monie religieuse à la synagogue de la rue Sainte-Avoye, 
les séances s'ouvrirent le 10 février 1807 à la saUe Saint- 
Jean, contiguë à l'Hôtel-de- Ville, et se poursuivirent 
jusqu'au 9 avril, au milieu d'une très vive curiosité; 
bien qu'en principe le Sanhédrin siégeât à huis clos, bon 
nombre de badauds parvinrent sous un prétexte quel- 
conque à violer la consigne (3) . 

Malgré les dispositions très satisfaisantes dont avaient 
fait preuve les membres du Sanhédrin, au sujet notam- 
ment du service militaire, du code Napoléon, de la ré- 

(1) BuUetin de police du 25 juillet 1806 : AF. lY, 1497. 

(2) Note du 3 septembre 1806 : Correspondance, 10725* 

(3) UÉ^EWAL^Mmoires, t. II, p. 145-146. 



ph)batkMiP de Fosne K de la pdrgamie, le premier des 
deux décreCs onuâgfÊfes dm. 17 mars 1808 restreignait 
la complète ê^afité ârile acquise aux Juifs depuis la 
RéTolutioii. A Tcufçtion de eeux de la Gironde et do» 
Landes, eonâdérés connue complètement assimilt^s, iU 
De jooissaîeiit désormais que d^une capacité comniorolalo 
limitée : de i^os, ceux qm tiraient un mauvais nunu^ro 
à la conscrqitioii devaient le service militaire personnel, 
et seuls oitre tous les citoyens français, il leur tHnli 
interdit de se faire remplacer, même par dos ooreligioii'* 
naîres. 

L'émoi fut très vif dans le groupe des israt^litort pari- 
siens. L'année précédente déjà, sur le soûl bruit (|uMI ho 
préparait au conseU d'Etat un décret tondant A Iom 
rendre solidaires des délits et méfaits do lourn ooroll 
gionnaires du reste de l'Empire, ils avaient parh^ ilt« 
mobiliser leur fortune et de s'expatrier, rominn lour»* 
pères l'avaient fait à tant de reprises dans lo pHHKt^ ((). 
Le danger se précisait cette fois : ils deinand(>ront liniiu^ 
diatement à bénéficier de la dérogation ao(U)riiiU^ aux 
juifs bordelais. 

Napoléon, alors à Bayonne, reçut tout un (IommIim' hwv 
cetteaflfaire(2). Le ministre de Tintériour, (Irolol, fnUali 
valoir dans un rapport détaillé (6 avril iHOH; tpni Ion 
israélites de Paris ne donnaient lion à ancMino plnlnlo do 
la part des personnes avec lesquelles ils élulonl on Mi\' 
tions d'aflfaires; plusieurs d'entre eux jouiKMaliuil d'unt» 
véritable considération; plus de 150 suivaionl th^ lour 
plein gré la carrière militaire. Une lettro du piM^ol do 
police au ministre (2 avril) attestait qu'il y avait »\ ParlH A 
peine qtuitre juifs faisant l'usure, et encore sanrt pr^tt^' 



(1) Bulletin de police des 21-22 juin 1807 : AF. IV, 1500. 

(2) AF. IV, plaq. 2202. 



)■ 



386 FRANCS-MÀÇONS 

officiers d'honneur du Grand-Orient : ainsi Maret, mar- 
guillier de la Madeleine, était < grand- conservateur de 
la Grande-Loge d'administration > ; le sénateur flamand 
Herwyn, marguillier de Saint-Sulpice, figurait dans le 
Calendrier maçonnique avec la qualification saugrenue de 

< grand-hospitalier de la Grande-Loge symbolique. > 

Après la promulgation du Concordat, les théophilan- 
thropes, réduits à une poignée de convaincus, s'obsti- 
nèrent pendant quelque temps à protester contre le 
refus opposé à leur demande d'ouvrir un temple; au 
dire des agents de Dubois, les femmes étaient les plus 
exaltées (1). Ils tinrent ensuite près de Saint-Sulpice, 

< cul-de-sac Férou », des réunions privées, sinon clan- 
destines, qui étaient assez fréquentées; la Société de 
morale et de bienfaisance^ comme ils s'intitulaient à pré- 
sent, proscrivait la politique par un article de son règle- 
ment, mais elle n'en était pas moins suspecte d'être une 
réunion de jacobins irréconciliables (2). La thëophilan- 
trophie disparut comme groupe distinct vers l'époque 
où l'Empire fut fondé : il est à pens^ que beaucoup 
d'adeptes passèrent dans les Loges maçonniques, à la 
suite du principal fondateur. Chemin, qui avait proba- 
blement été maçon avant la Révolution, qui fut sûre- 
ment sous la Restauration membre du Grand-Orient et 
Vénérable d'une Loge parisienne (3) . 

Une secte plus bizarre, au caractère moins nettement 
antichrétien, était celle des Templiers, qui avaient la pré- 
tention de ressusciter l'ordre supprimé par Philippe le 

(1) Rapport du préfet de police, 25 messidor an XI (14 juillet 
4803) : F. 7, 3831. 

(2) Rapport du même, 8 nivôse an XII (30 décembre 1803) : 

F. 7, 3832. 

(3) Mathiez, la Théophilanthropie et le culte décadaire, p. 82 

et 699. 



FRANCS-UAÇONS 

Bel et Clément V (1). Faut-il croire qu'avec l'av 
du gouvernement et la tolérance du clergé par 
firent célébrer en 1808 (2), dans l'église S 
Saint-Louis, un service solennel pour l'an 
du supplice en 1314 du grand-maître Jacqu 
service où le catafalque était décoré des in 
grand-maltre et où une oraison funèbre fut ] 
en chaire par le primai en exercice, un cei 
Clouet qui avait été vicaire constitutionnel 
Dame et faisait partie-du clergé • jansénisant i 
Séverin (3)? Quand ce prêtre mourut (en J8 
remplacé dans la charge de primat du Te 
Guillaume Mauviel, l'ancien évâque constitui 
Saint-Domingue, qui prit comme Templier le 
gestivement pompeux de < Frère Guillaumt 
tilles >. 



(1) Cf. Frédéric Masbon. Jadii, t. H, p. 85-88. 

(î) Il est à notar que la tragédie de Raynouard, jot 
avait donné aux Templiers du moyen âge un regair 
rite et provoqui^ des controTerse» sur la légitimité d 
damnation. 

(3) GariGOiRB, Bùtoirt dei lectei, t. Il, p. tOS-iOi 
donne i. l'abbii Clouet la qualification erronée d' • anci 
de Notre-Dame ., que j'ai rectifiée d'après des rem 
fournis par M. le chanoine Rsani.) 



APPENDICl 



émbbt kt la gollatior a uauri 
d'adhihistrateub capit 
(pages !5g-S6D.) 

Lorsque les sulpiciens s'occupèrent d< 
mente sur la vie d'Émery, un jésuite fi 
P Le Blanc, adressa en 1842 à l'abbé Fail 
lettre, dont voici les passages essentiels : 

< ... J'étais à Paris quand Booapart 
H. d'Astres, alors Ticaire géoéral de Pt 
cette aventure que Irèt peu de jours avai 
me chercha aussitôt pour m' engager à mi 
tentent k Semur, chez Mme de la Rivière 
me trompe pas de nom) (1), pour demaiii 
Pietro «lilé ce que le chapitre devait fairt 
donner l'adminû (ration k Maury. Je partis 
Semur. Mais deux jours après mon dépari 
lumeot être de retour), Bonaparte nomn 
vola vite k Paria, assembla le chapitre et '. 
ranee que s'il survenait des difficultés, c 
chapitre, mais à lui Maury que le gouver 
derait compte; qu'il ne voulait pas répi 
chapitre, mais seulement des siens persoi 



(1) Ce nom est en effet très eiact. {GEoim 
tf»foU<m et Ut eardinavx noiVt, p. 75.) 
(S) De aa part. d'Astros (note du P. Le Blai 



390 APPENDICE 

quence il fallait que le chapitre le nommât administraieurn 
de sorte que tout fût décidé par lui. 

c Tandis qu'on ayertissait les chanoines de se réunir^ 
M. d'Astros, pressé par le temps et ne pouvant encore rien 
savoir de S. Em. di Pietro, courut consulter M. Émery sur 
ce qu'il fallait faire. M. Émerj répondit qu'en des temps 
aussi rudes, où on attaquait le dogme, on devait céder à 
Bonaparte pour cette administration, qui n'était que de disci- 
pline. M. d'Astros le dit aux chanoines et à bien d'autres, et 
le chapitre sans aucune difficulté nomma Maurj administra- 
teur. Dès qu'il fut dit dans Paris que les sulpiciens, préten- 
dait^on. étaient de cet avis, tous les prêtres moralement y 
acquiescèrent, et il n'y eut à peu près personne qui pensât 
même à examiner l'affaire. D'ailleurs on est toujours porté 
à adopter une décision, vraie ou fausse, qui délivre de bien 
des embarras qu'aurait donnés la résistance. 

< Deux jours après cette échauffourée, je revins de Semur 
à Paris et je me hâtai d'annoncer à M. d'Astros que S. Ém. di 
Pietro jugeait que le chapitre ne pouvait, sans péché très grave, 
donner l'administration à Maury. M. d'Astros me dit : < Je 
t l'ai pourtant fait, mais pour ne pas le faire j'aurais dû 
« croire (ce sont ses termes) que le soleil n'éclairait que pour 
t moi dans Paris. > G'est-â-dire que les prêtres de Paris 
regardaient comme certain qu'on le pouvait et le devait, et 
cela d'après la décision qu'on attribuait aux sulpiciens. 

c Je fus, bientôt après cette entrevue, à mon ordinaire 
chez M. d'Astros, etc. (sic). M. Montaigne (1) me dit positivement 
que les sulpiciens n'étaient pas du tout de l'avis de M. Emery, 
mais qu'au milieu de tant de gi'os brouillages (sic) ils n'avaient 
pas voulu faire une espèce de schisme avec lui, qu'ils s'étaient 
tus et avaient laissé dire et croire que les sulpiciens approu- 
vaient cette cession d'autorité. Ce n'est pas ici le lieu d'exa- 
miner si les sulpiciens ont eu raison de se taire, ce serait 
changer à la question présente. . . 

c .., Trois ou quatre semaines environ après mon retour 
de Semur, un de mes amis prêtre s'y rendit pour les suites et 
les effets de cette affaire. S. Ém. di Pietro lui remit en 
main copie du bref de Sa Sainteté contre Maury; je l'ai 

(1) C'était un membre influent de la compagnie de Saint- 
Sulpice. 



APPENDICE 391 

reçoe de suite de cet ami et je Tai divulguée auiiail qu« 
j*ai pu. 

c Je yeux espérer que M. Ëmery a eu dans sou avis des 
intentions tant angéliques que vous voudrez, quoique je ne 
puisse pas voir sur quel motif il les a formées et appujt'éi^s. 
Mais le fait est qu'il a été seul cause première et efficace de 
l'intrusion de Maury... On peut bien ajouter que cette intni* 
sion a été en quelque sorte cause de celles qu'on a opérées 
en d'autres diocèses, où" Ton jurait, pour les faire, in verba 
magistrorum de Paris... On ne peut donc louer M. Émery de 
sa conduite dans cette affaire, où il s'est trompé si grossière* 
ment. Je n'ai pas ou! dire qu'il ait fini par y voir clair... (1). > 

Tout en témoignant d'une évidente animosité contre la 
mémoire d'Émerj, cette lettre est d'une précision qui ne 
laisse pas d'être impressionnante. Il n'est point exact sans 
doute que Maurj ait harangué les chanoines avant d'avoir 
reçu les pouvoirs : mais le langage qu'on lui prête a pu très 
vraisemblablement être tenu dans des conversations particu- 
lières. Ce qui est plus grave, c'est que le chapitre est ici 
représenté comme ajant voté les pouvoirs à l'unanimité, sur 
le conseil de d'Astros, tandis que celui-ci, comme l'a établi 
son biographe, a toujours raconté qu'il y avait eu une mino- 
rité opposante, dont lui-même faisait partie. 

D'Astros, devenu archevêque de Toulouse, vivait encore 
en 1842 : les sulpiciens pensèrent que le parti le plus simple 
et le plus sûr était de lui soumettre les imputations formu- 
lées contre leur ancien supérieur. L'abbé Vieusse, directeur 
au séminaire de Toulouse, écrivait à l'abbé Faillon, le 
1" août i842 : 

« ... Quant au fait particulier de la consultation de 
M. Émery relative au cardinal Maury, Mgr l'archevêque 
m'assure que jamais il n'a consulté M. Émery sur ce point; 
qu'il a constamment ignoré ce que pensaient les sulpi- 
ciens sur le sentiment de leur supérieur; que du reste il 
n'a jamais su quelle était l'opinion de M. Émerv, qui cepen- 
dant passait dans l'opinion publique pour n'être pas sévère 
sur cette matière. Il m'a ajouté que le cardinal di Pietro 
était alùr$ à Paris, et qu'il avait répondu, non point, comme 
le porte votre narration, qu'on ne pouvait élire sans péché 

(1) Papieri Émery. 



! 



392 APPENDICE 

très grate, mais que l'élection ou collation des pouvoirs serait 
nulle... (1). > 

Cette réponse contient, elle aussi, une sérieuse inexactitude, 
excusable à trente-deux ans de distance : en octobre 4810, 
il y avait quatre mois que di Pietro, comme tous les autres 
cardinaux noirs, avait été exilé de Paris et relégué dans une 
petite sous-préfecture. Ce qui est probable, c'est que, le refus 
définitif de Fesch étant depuis longtemps prévu, d'Astros 
avait posé de vive voix à di Pietro, avant le 10 juin 1810, le 
cas de conscience qui le préoccupait, abstraction faite de la 
personnalité de Maury. Cette défaillance de mémoire sur un 
point de détail ne me paraît pas de nature à infirmer le 
démenti très net donné par d'Astros aux allégations du 
P. Le Blanc. 11 convient de remarquer qu'en 1842 le prélat 
septuagénaire était en possession de toutes ses facultés, que 
postérieurement il prit une part active à la campagne en 
faveur de la liberté d'enseignement, et soutint une polémique 
contre dom Guéranger. Le lecteur jugera : j'ai tenu à mettre 
sous ses yeux les pièces mêmes qui m'avaient été communi- 
quées par la confiante loyauté des modernes disciples de 
l'abbé Emery. 

(1) Papiers Emery, 



TABLE DES MATIÈRES 



CHAPITRE PREMIEB 



I. J.-B. ^ Bellay: mb taneien. sc-n atliludr <4 !9«s i 
mentf, I. — IL L*f iEllu*Tir*-ï rtj'uU-es pmliiaiiBAnl^fL 
nier, Puicemonl. Émery, Jui^^c, 18. — Ul. Les ïioiri': 
r«u et le ctiajiit-^ de S^^îre-Daine, K. — IV, Or>:M> 
paroU^i»le; les cur^^ et der^ervanls. 38. — T, Persiinn.'l 
BîasUque Eubalt^me, 49. — Yl. Bi^ruteiu^rit du cleiyo; 
mjiuîre, M. — VIL Ëdiâc«$ p^miuwui, 64. — VIII. A< 
tration temporelle deï paroisseE, 71. 

CHAPITRE II 



1. Hostilité perBistonte de certains fonctionnaires, 78. — 
sures de protection et d'encouragement, Sî. —III. Mc*xu 
dant à rûre de la r«lîg;ion un instrument poliliiiue, 
IV. Mesures de rf-^lemenlation et de discipline, 104, — ^ 
grégations religieuses et miaEions, 116. 

CHAPITRE III 



I. Lee convictions et les pratiques religieuRee, ISS. — II. i 

dication; les conférences Frayssinous, lit. — III. D4bllt 
Congrégation, 161. — IV. Prévenions antireligk'UHOR, 
V. Séjour de Pie VII à Paris, 171. 



394 TABLE DES MATIÈRES 

CHAPITRE IV 

VACANCE on SlAOE ARCHIÉPISCOPAL. — NOMINATION DU CARDINAL FESCH 

(1808.1810) 

I. Mort du cardinal de Belloy; les vicaires capitulaires, 183. — 
II. Nomination du cardinal Fesch; son caractère; pourquoi il 
ne prend pas possession, 186. — III. La restauration du palads 
archiépiscopal, 199. — IV. L'administration des vicaires capi- 
tulaires, 204. — V. L'opposition religieuse et les premières me- 
sures de rigueur, 210. — VI. Le séminaire; disgrâce de Tabbé 
iimery, 231. 

CHAPITRE V 

LA NOMINATION DU CARDINAL MAURT ET l'aPPAIRE D'ASTROS 

(1810-1811) 

I. Nomination de Maury : son passé et sa réputation, 241. — 

II. Maury prend possession; premières difficultés, 255. — 

III. Arrestation de l'abbé d'Astros, 268. — IV. L'adresse du cha- 
pitre de Notre-Dame, 277. — V. Les suites de raffaire d'Astros: 
détentions et exils, 285. 

CHAPITRE VI 

l'administration du cardinal MAURT 

(1811-1814) 

1. Maury en possession de l'autorité archiépiscopale, 305. — II. No- 
minations faites par Maury, 312. — III. Le séminaire, 321. — 

IV. La vie religieuse et les prédications, 330. — V. Baptême du 
roi de Rome, 333. — VI. Concile de 1811, 335.— VII. L'attitude 
des autorités civiles ; mesures de rigueur, 346. — VIII. Mise en 
état du palais archiépiscopal, 353. 

CHAPITRE VII 

protestants, juips et prancs-maçons 

I. Protestants, 360. — II. Juifs, 369. — Francs-maçons, 376. 

APPENDICE 

Emery et la collation à Maury des pouvoirs d'administration capi- 
tulaire, 389. 



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AUG 9 - 1940